C. LE TRAITEMENT DE LA PANDÉMIE H1N1 : NÉCESSITÉ DE PLUS DE TRANSPARENCE

La mobilisation des services de santé des Etats membres en vue de faire face à la grippe pandémique H1N1 a été caractérisée, aux yeux de la commission des questions sociales et de la santé, par une importante distorsion entre la réalité de la maladie et les moyens mis en oeuvre. Instaurant implicitement un climat de peur, les autorités sanitaires se sont également illustrées par un gaspillage important de fonds publics.

Le rapport de la commission insiste sur le manque de transparence observé dans la prise de décision concernant la gestion de la pandémie. Une telle lacune n'est pas sans susciter d'interrogation quant au poids de l'industrie pharmaceutique dans la gouvernance sanitaire. Le risque d'une perte de crédibilité des autorités sanitaires nationales et internationales n'est, à cet égard, pas à dédaigner. La commission relève également l'absence de réactivité de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), incapable, à ses yeux, de réviser ou réévaluer sa position quant à la pandémie dont la gravité était manifestement surestimée. Les conclusions de la commission sont d'autant plus sévères qu'elle s'est trouvée confrontée, lors de ses travaux, à la réticence de l'OMS à lui transmettre un certain nombre d'informations concernant les membres de son comité d'urgence.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) a, à cet égard, insisté sur le nécessaire devoir de transparence des autorités sanitaires :

« L'excellent rapport de M. Paul Flynn met en évidence un problème complexe, sur lequel il est important que notre Assemblée se prononce.

Nous avons eu un débat important hier dans cet hémicycle sur la démocratie. Le débat d'aujourd'hui relatif à la gestion de la pandémie H1N1 est en quelque sorte la continuité de cette question. Car nous nous trouvons face à un problème bien particulier de nos démocraties modernes : comment rendre compte de la prise de décision politique lorsque cette décision nécessite en amont que des experts se soient prononcés ?

L'OMS, en s'appuyant sur les travaux des experts, a a priori répondu aux attentes des citoyens à l'égard de la science pour qu'elle permette d'éclairer la décision publique. Comme le rappelait justement Henri Bergson dans L'évolution créatrice : « Savoir, c'est [...] prévoir pour agir. »

Le rôle des experts, des savants, est donc bien, dans des domaines techniques comme le domaine médical, nécessaire pour que les hommes politiques puissent prendre la bonne décision : ici, prévenir une pandémie.

Cependant, ce que nous avons besoin aujourd'hui, c'est de savoir comment les experts ont pu se tromper à ce point. La non-mise à disposition des chiffres des victimes de la pandémie ne permet pas de tirer des conclusions fiables et de faire une comparaison entre l'épidémie de grippe H1N1 et l'épidémie de grippe saisonnière.

L'absence de transparence dans le fonctionnement de l'OMS a pour corollaire de nourrir tous les fantasmes quant à un lobbying supposé des laboratoires pharmaceutiques dans le déclenchement de l'alerte mondiale relative à la pandémie.

En dehors de la question légitime qui nous incite à demander des comptes, voire à demander des auditions publiques et une commission d'enquête sur ce sujet - puisque c'est à nous, parlementaires, de contrôler l'action des gouvernements - il me semble plus important de poser la question de la nécessaire transparence lorsqu'est en jeu l'avis d'experts pour éclairer la décision publique.

On pourrait arguer que le principe de précaution engageait à agir comme le préconisait Jean Rostand dans Les inquiétudes d'un biologiste : « Attendre d'en savoir assez pour agir en toute lumière, c'est se condamner à l'inaction ».

Plutôt que de condamner l'action de l'OMS, si la prévention avait été insuffisante, on aurait alors pu accuser les gouvernements de ne pas avoir su être assez prévoyants.

Peut-on condamner le gouvernement français d'avoir commandé trop de vaccins parce qu'il a appliqué le principe de précaution du fait des alertes données par l'OMS ?

Peut-on condamner le gouvernement français d'avoir fait confiance à un panel d'experts ? Je ne le pense pas. La commission d'enquête qui livrera ses conclusions à l'Assemblée nationale le 13 juillet pourra apporter des réponses.

Cependant, je le répète, il est vraiment nécessaire de s'interroger sur l'interaction entre le rôle des experts dans une démocratie moderne et complexe et celui des hommes et femmes politiques.

La question qui mérite d'être posée est bien celle que soulèvent Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthes dans Agir dans un environnement incertain. Essai sur la démocratie technique : « Dans quelles circonstances, sous quelles conditions, selon quelles modalités et avec quelle efficacité, des collaborations entre profanes et spécialistes sont-elles envisageables ? »

Les erreurs commises doivent précisément nous engager à la réflexion et cette crise doit nous permettre de tirer les enseignements nécessaires. »

La résolution adoptée invite en conséquence les autorités sanitaires internationales, européennes et nationales à réviser leurs modes de gouvernance, en vue de renforcer la transparence de celle-ci. Les experts consultés doivent parallèlement publier une déclaration d'intérêt, en vue d'éviter tout risque de conflit. Un partage de l'information et une coordination des définitions des maladies doivent, à l'avenir, être mis en oeuvre entre les différents organismes sanitaires internationaux en vue de prévenir toute dérive. Le texte réaffirme parallèlement la nécessité, pour les pouvoirs publics, de s'impliquer davantage en matière de bonne gouvernance dans le secteur de la santé, en usant notamment des moyens de contrôle démocratique à leur disposition.

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