Audition de M. Alexandre SUDARSKIS, directeur général,
de Mme Véronique AMEYE, directrice des Affaires publiques,
et de M. Cyrille MARQUETTE, pharmacien responsable,
de Novartis Vaccines and Diagnostics
(mercredi 6 avril 2010)

M. François Autain , président - Nous accueillons les représentants du laboratoire Novartis Vaccins et diagnostics : M. Alexandre Sudarskis, directeur général, Mme Véronique Ameye, directrice des affaires publiques, et M. Cyrille Marquette, pharmacien responsable.

Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Alexandre Sudarskis, Mme Véronique Ameye et M. Cyrille Marquette prêtent serment.

M. François Autain , président - Je vous remercie et je vous propose de commencer votre audition par un bref exposé liminaire. Vous répondrez ensuite aux questions que vous poseront le rapporteur, M. Alain Milon, et les commissaires ici présents.

M. Alexandre Sudarskis - Monsieur le président, messieurs les sénateurs, depuis la déclaration de l'état de pandémie, et plus particulièrement le passage, le 11 juin 2009, à la phase 6 du plan pandémique, nous avons assisté à une mobilisation sans précédent, à une collaboration de multiples acteurs, notamment l'OMS, les différents gouvernements touchés par le virus, les autorités sanitaires et règlementaires, les professionnels de santé et le secteur privé, afin d'assurer une réponse adéquate et rapide à une menace globale de santé publique.

Au titre d'entreprise responsable, et afin d'être en mesure de répondre aux risques épidémiologiques depuis 2006, la division Vaccins et diagnostics du laboratoire Novartis a investi globalement plus de 2 milliards de dollars en modernisation de son outil de production (augmentation de ses capacités et développement de ses nouvelles technologies, telles que la culture sur cellules).

C'est par l'engagement total de ses équipes, renforcées par plusieurs centaines de collaborateurs venus d'autres divisions du groupe, que nous avons pu être en mesure de livrer de l'ordre d'une centaine de millions de doses de vaccins H1N1. C'est par le respect de ses engagements contractuels passés en 2005, dans le cadre d'un marché public, que Novartis aura livré à la France 9 millions de doses de vaccins Focetria produit sur oeuf et adjuvanté au MF-59.

Pour vous faire un bref rappel de la chronologie, Novartis, ou plutôt la société Chiron à l'époque, a répondu à un appel d'offres de marché public en février 2005, qui portait à l'époque sur un vaccin prépandémique, de type « aviaire ». A la suite de cet appel, un acte d'engagement a été signé en avril 2005. C'est en mai 2007 que Novartis obtiendra un avis favorable de l'Agence européenne des médicaments (EMA) pour un vaccin adjuvanté contre le virus H5N1.

En mai 2009, ont démarré les discussions avec la Direction générale de la santé (DGS) sur le planning de l'affermissement des tranches conditionnelles prévu dans le cadre de ce marché public. En juin 2009, nous avons démarré les premiers lots de production dits « pilotes ». En juillet et août, nous avons procédé aux travaux d'adaptation de nos productions en fonction des souches transmises par l'OMS et nous avons démarré les essais cliniques dès la fin du mois d'août.

Fin septembre, nous avons obtenu l'avis favorable de l'EMA et procédé aux premières livraisons de vaccins Focetria dès le début novembre. Nous avons fait tout notre possible, nuits et week-ends inclus pour nos équipes industrielles, afin de répondre aux demandes pressantes des autorités sanitaires et de produire, contrôler et livrer aussi rapidement que possible les vaccins.

Nous n'avons, en aucune manière, cherché à influencer la position de l'OMS, notamment sa décision de passer à la phase 6 du plan pandémique. Nous n'avons exercé aucune pression sur la Haute Autorité de santé (HAS), l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ou la DGS et nous avons veillé simplement à répondre au mieux à leurs demandes.

Un plan d'action efficace requiert que les autorités sanitaires, les fabricants, les partenaires du monde de la santé et de la communication travaillent en étroite collaboration. Nous pouvons être fiers de notre rôle durant toutes ces années et nous vous remercions de l'opportunité que cette audition nous apporte d'exposer notre contribution et de pouvoir tirer tous les enseignements de cette pandémie.

M. François Autain , président - La parole est à M. Alain Milon, rapporteur.

M. Alain Milon , rapporteur - La première question concerne les investissements que le groupe Novartis a pu faire. Votre groupe Novartis a répondu à un marché lancé sous forme d'appel d'offres par le gouvernement français en février 2005. En janvier dernier, vous avez indiqué devant la commission des affaires sociales du Sénat que ce marché portait sur une tranche ferme de 600 000 traitements vaccinaux contre la grippe H5N1 et sur une tranche conditionnelle de 12 millions de traitements vaccinaux contre la même grippe ou tout autre virus grippal pandémique.

Pouvez-vous rappeler le contexte de négociation de ces « contrats dormants » en 2005 ? Avec quels autres Etats avez-vous signé des contrats de préachat ? Pour quelle quantité de vaccins ? Pouvez-vous préciser les prestations réalisées en application de ce marché antérieurement aux avenants signés pour la fourniture de vaccins H1N1 ?

M. François Autain , président - Il me semble que vous aviez indiqué que vous aviez livré des vaccins H5N1 ? Pas seulement commandés.

M. Alexandre Sudarskis - Je le confirme. Les conditions de passation du contrat de 2005 se sont faites dans le cadre normal d'une procédure d'appel d'offres, à laquelle je crois savoir que deux laboratoires, dont le nôtre, ont répondu à l'époque. Ce contrat nous donnait obligation de réaliser une tranche ferme et contenait également un certain nombre de tranches optionnelles.

Ce contrat portait sur le H5N1 et sur le virus pandémique qui serait identifié au moment de la pandémie éventuelle. C'était donc bien un contrat prépandémique. Celui-ci nous obligeait à développer un vaccin contre le virus de la grippe aviaire H5N1, ce que nous avons réalisé. Il permettait aux autorités, dans le cadre de l'affermissement de la première tranche, de commander l'équivalent de 600 000 traitements. Sur le H5N1, deux doses avaient été identifiées comme étant nécessaires pour atteindre le niveau d'immunité requis par les critères du Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP). Les 600 000 traitements H5N1 ont été livrés sous forme de seringues préremplies monodoses entre fin juillet et début août 2009.

M. François Autain , président - On n'en avait pas énormément besoin.

M. Alexandre Sudarskis - Il y a encore aujourd'hui du H5N1 circulant, notamment en Asie.

M. François Autain , président - Pas d'homme à homme.

M. Alexandre Sudarskis - Il y a eu un cas en Indonésie d'homme à homme, mais pour l'instant effectivement cela reste minime.

M. François Autain , président - Il ne faut pas dramatiser.

M. Alexandre Sudarskis - Je ne dramatise aucunement. Nous avons rempli nos obligations contractuelles. Tel est l'aspect réalisation de ce contrat pour la tranche H5N1.

M. Alain Milon , rapporteur - Lors de son audition par la commission d'enquête, le directeur général de la santé a relevé que « l'industrie pharmaceutique n'était tout simplement pas prête à répondre à une demande importante de vaccins ». Évoquant plus particulièrement votre entreprise, il a indiqué que le nombre de doses préréservées était « assez théorique, Novartis pouvant ne pas disposer de capacités de production suffisantes » . A quel type de difficultés s'est heurté le groupe Novartis ?

M. Alexandre Sudarskis - Le groupe Novartis a une capacité définie dans le cadre de sa production de grippe dite saisonnière. La difficulté à laquelle nous devions faire face au moment des négociations pour l'affermissement des tranches résidait dans le fait que nous n'avions pas entre les mains, à ce moment-là, la souche de l'OMS. Il s'est avéré d'ailleurs que la première souche fournie ne répondait pas au rendement habituel, tout au moins au rendement espéré. Les premiers tests pilotes ont démontré qu'il y avait un rendement de l'ordre de 30 %.

C'était déjà un paramètre que nous ne contrôlions pas. A partir de là, plus que sur les questions de capacité, les demandes qui nous étaient faites portaient surtout sur les délais de livraison. Il fallait répondre à deux types de demandes : nos engagements contractuels passés dans le cadre de contrats de pré-achat et les demandes d'autres Etats qui n'avaient pas conclu ce type de contrats.

C'est en ce sens que notre capacité était limitée. Nous avons tenu à être très transparents avec les autorités. Dès les mois de mai et juin, nous avons indiqué que nos volumes seraient de l'ordre de 10 à 15 millions de doses pour des livraisons s'échelonnant jusqu'à la fin du mois de décembre.

M. Alain Milon , rapporteur - Je passe maintenant à la négociation des contrats. Quand Novartis a-t-il été contacté par le gouvernement français en vue de « transformer » ces précontrats en commandes de vaccins contre la grippe A (H1N1) ? Qui étaient vos interlocuteurs du côté de l'Etat ? Quel a été le calendrier de ces négociations ?

Quelle était, au moment où se sont engagées les négociations, la capacité totale de production de vaccins dont vous pensiez disposer ? Vous en avez un peu parlé. Nous avons des chiffres un peu différents. Il semble que Novartis ait dû réduire son offre de 24 à 16 millions de doses. Quand cette décision est-elle intervenue ?

M. Alexandre Sudarskis - Les toutes premières discussions portant sur l'affermissement des tranches conditionnelles ont démarré dans le courant du mois de mai, avec la DGS, directement avec les services de M. Didier Houssin. Ces discussions ont porté essentiellement sur le calendrier de mise à disposition des vaccins et sur leur conditionnement : vaccin multidoses ou vaccin monodose. Très rapidement, le contrat a été transféré à l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) par un avenant en date du 29 juillet 2009.

Dès cette date, les négociations se sont faites directement avec les services de M. Thierry Coudert. Elles ont continué à porter sur les aspects logistiques essentiellement, puisque les termes du contrat étaient déjà acquis depuis fort longtemps. Pour ce qui est de la quantité, les 24 millions de doses qui étaient initialement dans le contrat de 2005 portaient sur du H5N1.

Les circonstances étant bien différentes durant les mois de juillet et août, et la connaissance du faible rendement des souches a fait que nous avons immédiatement informé les autorités que nous serions plutôt dans une fourchette entre 15 et 20 millions de doses que dans l'option à 24 millions de doses.

M. Alain Milon , rapporteur - Comment a été déterminé le prix unitaire d'une dose de vaccin proposé par votre laboratoire à l'Etat en 2005 et 2009 ? Ce prix a-t-il été différent de celui proposé à d'autres Etats européens et, si oui, pourquoi ? Y a-t-il eu des négociations sur le prix avec les autorités françaises ?

M. Alexandre Sudarskis - Le prix a été établi dans le cadre de cet appel d'offres. Les services demandés dans cet appel d'offres couvraient la fourniture pure et simple d'un produit, mais également le développement d'une souche H5N1, la possibilité de développer une souche différente dans le cas où la souche pandémique serait une variante de la souche prépandémique. C'était un contrat global qui portait sur un ensemble de fourniture de services.

Par ailleurs, 60 % des doses de vaccin Focetria ont été livrées sous forme de seringues pré-remplies unidoses. Ceci peut expliquer des différences de prix avec d'autres fournisseurs, mais encore une fois, il n'y a pas eu vraiment de négociation avec les autorités. Il y a eu réponse à un appel d'offres passé en 2005 et un engagement pris à ce moment-là, sur la base d'une offre considérée comme étant raisonnable.

Les prix pratiqués par rapport aux prix de la grille sur les marchés européens indiquent que nos prix restent dans des fourchettes équivalentes à ce qui se pratique en dehors du marché français, pour les vaccins antigrippaux.

M. Alain Milon , rapporteur - C'est 9,34 euros pour les unidoses, pas pour les multidoses. Les autres coûtent 7 euros et 6,25 euros, mais c'est pour les multidoses.

M. Alexandre Sudarskis - C'est exact, mais il est difficile de comparer une négociation qui a eu lieu en 2009 sur un produit bien défini tel que le H1N1, et une offre faite en 2005 sur un ensemble de services et comportant des obligations supplémentaires par rapport à la simple offre de produits finis. Les négociations ont porté sur des délais de livraison et des volumes différents. Il est difficile de commenter les prix des autres laboratoires.

M. Alain Milon , rapporteur - Je ne vous le demande pas non plus.

Nous avons reçu des interlocuteurs qui ont fait état du rapport de force favorable aux laboratoires au moment de la négociation des contrats. Avez-vous la même perception du contexte de ces négociations ?

Ils ont également souligné que la France avait été contrainte de passer des commandes fermes pour la totalité de ses besoins, car les laboratoires avaient indiqué que les commandes optionnelles ne pourraient, si elles étaient confirmées, être livrées qu'en 2010. Novartis s'est-il opposé à l'inclusion d'une clause de révision dans le contrat passé avec la France ? D'autres Etats ont-ils obtenu de passer des commandes « révisables » ?

M. Alexandre Sudarskis - Pour être tout à fait transparent, je pense que le rapport de force était plutôt favorable aux autorités sanitaires qu'aux laboratoires. Du fait que nous ayons ce précontrat, Novartis n'a pas eu de négociation avec les autorités sanitaires. Les discussions ont eu lieu sur l'aspect logistique et sur des délais de livraison. Il n'y avait pas à renégocier des termes particuliers.

En ce sens, je ne considère pas qu'il y ait eu rapport de force et volonté de part et d'autre de mettre une des parties en difficulté ou d'imposer une vision particulière. Il s'agissait de répondre au mieux à ce qui était perçu comme étant un danger imminent. Pour ce qui est des commandes, il est exact, au moment de l'affermissement, que nous avons demandé à ce que ces commandes soient fermes, ce qui me semble logique. Si les autorités souhaitaient que nous démarrions la production, il fallait nous assurer que cela déboucherait sur des livraisons rapides.

M. François Autain , président - Vous le confirmez. Si vous aviez accepté des clauses optionnelles, vous n'auriez pu effectuer des livraisons pour 2010 ?

M. Alexandre Sudarskis - Nous nous étions engagés sur un calendrier de commandes fermes. Nous n'aurions pas pu livrer les doses optionnelles avant 2010. C'est la raison pour laquelle nous avons clairement indiqué que nous ne pourrions pas livrer plus de 16 millions de doses.

Pour ce qui est de l'annulation, le contrat lui-même donnait la possibilité à l'État de résilier, ce que les autorités ont fait dans les premières semaines du mois de janvier. Il n'y avait pas besoin d'avoir une clause supplémentaire. Elle était incluse dans le cadre des clauses du marché public.

M. François Autain , président - Cette résiliation est intervenue relativement tardivement. La raison invoquée a été le passage à une seule injection mais on avait connaissance de cette unique injection depuis déjà plusieurs mois. Je ne m'explique pas ce délai de réflexion de la part des autorités. Je voulais savoir si vous n'estimez pas, de votre côté que cette résiliation, fondée sur ces éléments, aurait pu et aurait dû intervenir plus tôt ?

M. Alexandre Sudarskis - Pour ce qui est du passage de deux doses à une dose, je rappellerai d'abord qu'à ce jour, les recommandations de l'AFSSAPS...

M. Cyrille Marquette - Et du Haut Conseil de la santé publique qui précise, dans son avis du 29 janvier 2010, que deux doses sont nécessaires pour les enfants âgés de 24 à 35 mois et les personnes âgées de plus de 60 ans.

M. Alexandre Sudarskis - L'annulation nous a été notifiée au mois de janvier. Certes, elle était tardive pour nous, parce que les productions avaient déjà été engagées. Je ne vais pas me prononcer sur le fait qu'elles aient été tardives de façon plus générale.

M. François Autain , président - Vous êtes sûr de ce que vous indiquez. Prescrit-on encore deux doses pour les plus de 60 ans ?

M. Cyrille Marquette - Je reprends l'avis du Haut Conseil de la santé publique de janvier 2010. Il est clairement indiqué que la vaccination nécessite deux doses dans certains cas pour certaines populations.

M. François Autain , président - Pour le vôtre, pour Focetria.

M. Alain Milon , rapporteur - Votre laboratoire a-t-il souhaité dans les contrats l'inclusion d'une clause d'exonération totale de sa responsabilité de fabricant, y compris d'une éventuelle responsabilité du fait de produits défectueux ? Cette demande traduisait-elle une incertitude sur la qualité de votre processus de production de vaccins ?

M. Alexandre Sudarskis - Si on reprend le contrat initial, si on étudie la clause qui nous a été proposée dans le cadre de l'amendement du mois de juillet, il n'y a quasiment aucune différence entre ces clauses de responsabilité. Là encore, nous n'avons pas eu de négociation, et nous n'avons pas eu à imposer une volonté particulière aux autorités. Nous avons répondu favorablement à la clause initiale et à la nouvelle demande faite au mois de juillet. Nous n'avons absolument pas imposé de clause particulière en matière de responsabilité. Je peux vous lire la clause initiale et la clause finale si vous le souhaitez.

M. François Autain , président - Oui.

M. Alain Milon , rapporteur - Oui.

M. Alexandre Sudarskis - Voici le premier paragraphe de la clause initiale : « Pour chacun des vaccins, le titulaire s'engage à demander l'autorisation de mise sur le marché et à accomplir toute démarche de droit en vue de l'obtenir. Lorsque le fabricant a obtenu l'autorisation de mise sur le marché du vaccin, sa responsabilité est la même que pour tout autre producteur de vaccin bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché, y compris les obligations de pharmacovigilance. »

Je vous lis la clause qui nous a été imposée : « Pour chacun des vaccins, le titulaire s'engage à demander l'autorisation de mise sur le marché et à accomplir toute démarche de droit en vue de l'obtenir. Une fois l'autorisation sur le marché obtenue, le titulaire s'acquittera de toutes les obligations du titulaire d'une telle autorisation telle que prévue dans le code de la santé publique, y compris les obligations de pharmacovigilance. » C'est la même chose.

Deuxième paragraphe : « L'administration déclare que l'utilisation des vaccins du titulaire, objet du présent marché (2005) ne se fera qu'en cas d'une situation épidémiologique le nécessitant. Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par la seule administration et seront placées sous la seule responsabilité de l'Etat. (2005) En conséquence, l'administration s'engage à garantir le titulaire contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourrait être élevée à l'encontre de ce dernier dans le cadre de ces opérations de vaccination, sauf en cas de faute établie du titulaire » (2005).

Je vous lis la clause qui nous a été imposée :

« L'administration déclare que l'utilisation des vaccins, objet du présent marché (2005) ne se fera qu'en cas d'une situation épidémiologique le nécessitant. Dans ces conditions, les opérations de vaccination de la population seront décidées par la seule administration et seront placées sous la seule responsabilité de l'Etat. Dans ce cadre, le titulaire est en principe responsable du fait des produits défectueux. »

M. François Autain , président - C'est la même chose. Vous êtes le seul laboratoire à avoir le contrat primaire et l'affermissement.

M. Alexandre Sudarskis - Encore une fois, il n'y a pas eu de négociation, ni de rapport de force. C'était déjà négocié en 2005 dans des clauses qui ont satisfait les autorités.

M. François Autain , président - Ce n'était pas une clause « scélérate ». On nous a présenté cela comme une clause « scélérate ».

M. Alain Milon , rapporteur - Pas pour Novartis.

M. François Autain , président - Si cette clause est bonne pour Novartis, elle n'est pas scélérate pour les autres.

M. Alain Milon , rapporteur - Il semble que toutes les commandes de vaccins H1N1 aient été passées dans le cadre de contrats avec les autorités sanitaires ou leurs représentants. Était-il exclu, et pour quelle raison, que tout ou partie de l'approvisionnement en vaccins emprunte les circuits habituels de commercialisation et de distribution des produits de santé ? En gros, les médecins généralistes, les officines, etc.

M. Alexandre Sudarskis - Non, ils n'étaient pas exclus.

M. Alain Milon , rapporteur - Ne vous l'a-t-on pas imposé au départ ? Je ne comprends plus. La vaccination a été faite dans des centres de vaccination. Le vaccin n'a jamais été distribué en officines. A partir de janvier, moment où l'épidémie n'était plus en cause, on a autorisé les médecins à commencer à vacciner. La question se pose pour vous, peut-être pas dans le cadre des multidoses, mais dans le cadre des 6 millions de monodoses que vous avez données. Quel était le circuit de distribution ?

M. Alexandre Sudarskis - Nous n'avions pas à nous prononcer sur le mode de distribution des vaccins. Le choix n'a pas été laissé au laboratoire. Notre obligation consistait à livrer les sites gérés par l'EPRUS.

M. Alain Milon , rapporteur - Donc, la même obligation pour tout le monde.

M. François Autain , président - Pour quelles raisons vous a-t-on demandé des monodoses, ce qui n'est pas le cas pour les autres laboratoires ? Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui peut expliquer cela ? Est-ce vous qui l'avez demandé ou vous l'a-t-on demandé ?

M. Alexandre Sudarskis - C'est peut-être une possibilité qui avait été offerte même dans le contrat initial. Dans le cadre des négociations, il y a eu des demandes des autorités sur nos capacités de fournitures de monodoses. Nous avons essayé d'y répondre, dans le cadre du calendrier prévisionnel de livraison. En ce sens, je crois me souvenir qu'un des soucis des autorités était de pouvoir répondre notamment à des demandes pour des Français de l'étranger. C'était la possibilité de fournir des monodoses dans des situations particulières à des populations spécifiques.

M. François Autain , président - Vous avez répondu à une demande des autorités sanitaires.

M. Alain Milon , rapporteur - Pouvez-vous faire le point de vos négociations avec le ministère de la santé sur le montant de l'indemnisation due au titre de la résiliation partielle des commandes ? Quand cette résiliation a-t-elle été signifiée ? Quel a été, au dernier décompte, le nombre de vaccins livrés par le laboratoire Novartis à la France ? Dans quelles conditions s'est déroulée la renégociation de vos contrats avec d'autres pays ?

Quand on vous dit montant de l'indemnisation, cela veut dire : combien réclamez-vous ? Combien vous propose-t-on, sachant que, si vous ne souhaitez pas que la réponse soit inscrite, nous l'écouterons, mais nous ne l'inscrirons pas. Vos autres collègues ont répondu oui.

M. Alexandre Sudarskis - L'affaire est close. Le taux a été communiqué dans la presse. Mme Roselyne Bachelot, lors de son audition, l'a indiqué. Le taux d'indemnisation est de l'ordre de 16 % du montant des doses annulées.

M. François Autain , président - Concernant l'efficacité de la vaccination, nombreux sont ceux qui disent que c'est le moyen le plus efficace pour enrayer une épidémie, et à plus forte raison une pandémie. Compte tenu des délais qui s'écoulent entre le moment où on identifie la souche et le moment où commence la circulation active du virus et qu'il faut, selon le HCSP, un délai relativement court entre le début de la circulation du virus et celui où on commence à vacciner, les conditions sont rarement réunies pour que cette vaccination ait l'effet « barrière » escompté.

Face à une pandémie, la vaccination constitue-t-elle la mesure la plus efficace qu'on puisse utiliser pour la ralentir ? Dans le cas présent, on peut dire que pour que la vaccination ait été efficace, qu'elle ait pu produire cet effet « barrière », il aurait fallu qu'elle commence au mois de septembre ou d'octobre. Elle a commencé, pour la population le 12 novembre. Pour les professionnels de santé, certes, le 15 octobre.

Je me demande si c'est véritablement cette mesure idéale et efficace qu'on veut nous présenter, compte tenu des conditions dans lesquelles on se trouve. Nous avons eu la chance que l'épidémie commence dans les pays comme le Mexique, et passe par la sphère australe pour venir ensuite chez nous. Cela nous a donné un délai supplémentaire.

Imaginez que cela commence chez nous. Nous sommes pris de court. Nous n'avons pas le temps de fabriquer un vaccin. Je crois que tout le monde doit se poser la question concernant ce problème. C'est peut-être une question qu'il vaudrait mieux poser à des experts. Vous êtes en relation constante avec les experts. Peut-être êtes-vous expert vous-même. C'est une question à laquelle vous êtes certainement capable de m'apporter une réponse.

M. Alexandre Sudarskis - Je ne suis pas un expert en pandémie. C'est la première que je vis professionnellement.

M. François Autain , président - Ne le regrettez pas.

M. Alexandre Sudarskis - J'espère que c'est la dernière pandémie.

M. François Autain , président - Les experts sont un peu frustrés. C'est une fausse pandémie, ce n'est pas une vraie.

M. Alexandre Sudarskis - La vaccination est-elle la meilleure réponse et le meilleur outil pour combattre la pandémie ? Il est très difficile de répondre à cette question. La vaccination doit-elle faire partie d'un ensemble de mesures à mettre en place ? Je pense que la vaccination a...

M. François Autain , président - J'ai dit comme effet « barrière ». La protection individuelle est autre chose.

M. Alexandre Sudarskis - Egalement comme effet « barrière ». Etant donné qu'on n'a pas connaissance de l'arrivée du pic épidémique, ni de l'existence de vagues successives, l'arme de la vaccination est un outil à prendre en compte dans une politique de santé publique. Après, il y a des choix à faire en fonction des circonstances, de l'environnement, de l'épidémiologie. C'est aux experts et aux politiques de faire leur choix. Notre métier est de mettre un produit de qualité à disposition des autorités et des populations.

M. François Autain , président - Avant d'en terminer, je voudrais poser une question que j'ai pratiquement posée à tous vos collègues. Vous savez que vous devrez, avant fin juin de cette année, publier la liste des associations que vous subventionnez, c'est-à-dire la transmettre à la HAS qui la publiera.

Actuellement, on ne connaît pas les experts qui travaillent pour vous, qui vous conseillent. Les contrats que vous passez avec eux sont transmis au Conseil national de l'Ordre, mais nous n'avons pas la possibilité d'y accéder ni de les connaître. Ces contrats ne sont pas communiqués par le Conseil de l'Ordre. C'est même d'une très grande complexité, puisque seuls les conseils départementaux les détiennent. Pour en avoir une synthèse nationale, il faudrait faire le tour de tous les conseils de l'Ordre départementaux, ce qui constitue évidemment un travail auquel la commission ne peut pas se livrer.

Seriez-vous par principe opposé, à l'image de ce qui a été adopté pour les associations, qu'une disposition prévoie l'obligation de publier la liste des experts auxquels vous demandez le concours ? Sans porter atteinte à certaines informations : le montant des rémunérations, par exemple.

Il faut y réfléchir, car cela peut avoir des conséquences non seulement sur l'expert lui-même, mais aussi sur la concurrence avec les autres laboratoires. Il est important malgré tout, pour les citoyens, de connaître les liens d'intérêts que peuvent avoir certains experts avec les laboratoires, surtout quand ils s'expriment. Pour qu'un citoyen puisse porter un jugement impartial sur la qualité de l'intervention qui est faite par l'expert au sujet d'un médicament produit par le laboratoire qui le rémunère, il est important de le savoir. Cela va dans le sens de la transparence, mais aussi de l'impartialité des avis qui peuvent être émis par tel ou tel laboratoire sur tel ou tel médicament. Cette disposition qui rendrait cette publication obligatoire de la part des laboratoires vous semble-t-elle envisageable ou à exclure ?

M. Alexandre Sudarskis - Je vais faire une réponse rapide : oui. Je rappelle que Novartis a ses propres règles internes de transparence, de citoyenneté d'entreprise, de responsabilité et d'éthique. A ce titre, nous publions la liste de nos essais cliniques - je parle du groupe - et la liste de tous les experts qui ont collaboré dans le cadre de ces essais cliniques. Votre souhait de demande de transparence sur les rapports que peut avoir Novartis avec les experts est une demande tout à fait recevable. Nous n'avons aucune opposition à ce que ces rapports soient publiés. La France est déjà très en avance en matière...

M. François Autain , président - Après les Etats-Unis, je crois.

M. Alexandre Sudarskis - Je pense que c'est équivalent. Sur les rapports cliniques oui, mais pour tout ce qui concerne les relations, les liens d'intérêts...

M. François Autain , président - Ce qui diffère des conflits d'intérêts.

M. Alexandre Sudarskis - Concernant les liens d'intérêts que peut avoir l'entreprise avec les professions médicales, je pense qu'on est bien contrôlé. Tout ce qui peut améliorer la transparence, la confiance entre l'industrie, le corps médical, les patients et les medias est une approche à laquelle nous sommes tout à fait favorables. Nous avons assisté à un manque de communication, qui a permis à des informations aberrantes de circuler sur les réseaux.

M. François Autain , président - Madame, messieurs, il me reste à vous remercier de vous être prêtés aux questions nombreuses que nous vous avons posées.

M. Alexandre Sudarskis - C'est une préparation pour le prochain round de l'autre côté.

M. François Autain , président - Vous voulez parler de l'Assemblée nationale.

Il semble que ce soit l'organisation de la campagne qui les intéresse, beaucoup plus que les liens, les experts, les laboratoires, la gestion.

M. Alexandre Sudarskis - La grande « manipulation ».

M. François Autain , président - Je vois que vous avez lu attentivement ce projet de résolution. Nous progressons sur le chemin qui nous conduit à la vérité. La vérité n'est pas forcément celle que nous croyons qu'elle est. Elle peut nous surprendre. Grâce à cette commission, nous progressons et nous ne devons pas rejeter des hypothèses sans en avoir, au préalable, examiné les tenants et les aboutissants. Merci.

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