Audition de MM. Christian LAJOUX, président,
Philippe LAMOUREUX, directeur général,
Mme Aline BESSIS, directeur en charge des affaires publiques,
et M. Fabrice MEILLIER, responsable des affaires réglementaires, du LEEM
(mercredi 5 mai 2010)

M. François Autain, président - Nous accueillons les représentants des entreprises du médicament, le LEEM : MM. Christian Lajoux, président, Philippe Lamoureux, directeur général, Mme Aline Bessis, directeur en charge des affaires publiques et M. Fabrice Meillier, responsable des affaires réglementaires.

Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, MM. Christian Lajoux, Philippe Lamoureux, Mme Aline Bessis et M. Fabrice Meillier prêtent serment.

M. François Autain, président - Je vous propose de commencer votre audition par un bref exposé liminaire ; je vous poserai ensuite les questions que le rapporteur aurait dû vous poser, en y ajoutant bien entendu les miennes.

Vous avez la parole.

M. Christian Lajoux - Pour la première fois dans l'histoire, le monde s'est préparé à une pandémie de grippe.

Les pandémies font partie de l'histoire naturelle de la grippe. Elles se sont produites régulièrement par le passé. Les virus grippaux sont nombreux et mutent constamment. Ils peuvent même se combiner entre eux pour générer de nouveaux virus contre lesquels la plupart d'entre nous auront peu ou pas d'immunité, ce qui peut être à l'origine de maladies graves.

Depuis les premiers alertes sur une possible pandémie causée par le virus de la grippe aviaire H5N1 en 2004, le monde s'est préparé à une pandémie.

Cette préparation s'est intensifiée et accélérée dès la détection, au Mexique, en avril dernier, du virus grippal.

Si la gravité de la maladie s'est avérée comparable à celle des virus saisonniers qui affectent plusieurs millions de personnes tous les ans et sont responsables de plusieurs milliers de décès annuellement en France, il n'était pas alors possible de prévoir que le virus muterait ou ne se combinerait avec un autre virus grippal qui le rendrait encore plus dangereux.

En tout état de cause, la vaccination reste et restera le meilleur outil de prévention face aux virus circulants et face à ces mutations potentielles.

Les entreprises du médicament ont soutenu les autorités et les professionnels de santé dans la lutte contre la pandémie A (H1N1)v.

Sur les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et des experts nationaux et internationaux, les pouvoirs publics ont décidé d'organiser des programmes de vaccination à large échelle afin de protéger leurs populations. Les entreprises du médicament, contribuant depuis des années à la préparation pandémique et au développement du vaccin nécessaire, se sont efforcées de répondre présent.

Dès l'identification du virus H1N1 en avril 2009 et la mise à disposition de sa souche par l'OMS, elles ont tout mis en oeuvre pour produire les vaccins en moins de six mois.

Les entreprises du médicament n'ont pas attendu l'apparition du virus en avril 2009 pour se préparer à faire face à cette pandémie. Elles se sont investies depuis plusieurs années dans une stratégie d'anticipation afin de pouvoir, le moment venu, mettre à la disposition des populations et des gouvernements des moyens de diagnostic, de prévention et de lutte contre un nouveau virus émergent.

Elles ont optimisé leur niveau de recherche et développement dans l'objectif de prévenir ou de combattre ces nouveaux risques sans connaître en amont la solvabilité des marchés existants et, par conséquent, sans être certaines d'un éventuel retour sur investissement à plus ou moins long terme.

Elles ont ainsi fait face à des enjeux et des investissements importants en termes de recherche et de développement, ont adapté, renforcé et développé leurs outils de production et leur système d'approvisionnement et de distribution. Elles ont augmenté leurs stocks et leurs capacités de stockage, notamment d'antiviraux mais aussi d'antibiotiques.

Parallèlement, nous avons investi dans des moyens de prévention afin de maintenir leur activité économique tout en assurant la sécurité et la protection de nos salariés.

Au même titre que de nombreux secteurs d'activité, nous avons investi dans l'achat massif de moyens de protections individuelles - masques, gants, solutions désinfectantes, etc. - et afin de pouvoir mettre à la disposition de nos salariés des méthodes alternatives de travail - notamment le télétravail - et de plans de continuité de leurs activités de façon à permettre la conduite de nos activités, y compris dans l'hypothèse d'une épidémie importante.

Il nous faut préciser que le vaccin n'est pas le seul domaine dans lequel les entreprises du médicament doivent jouer leur rôle d'acteur de santé et assurer la continuité de notre activité.

Dans la préparation et dans la lutte contre une crise sanitaire, nous avons été globalement confrontés à trois problématiques : assurer la production du vaccin, la production et le stockage des médicaments antiviraux, largement anticipés, notamment pour ce qui concerne les capacités de production que Sanofi Pasteur et GSK ont augmenté depuis plusieurs années.

Il ne faut pas oublier non plus que les entreprises du médicament doivent assurer la continuité dans l'approvisionnement en médicament pour le traitement de pathologies aiguës ou chroniques des patients. Notre rôle consistait à répondre présent face aux risques du virus H1N1 mais il fallait également, dans l'hypothèse d'une pandémie, continuer à fournir les médicaments contre l'hypertension, le diabète, l'épilepsie, etc.

La production de nos médicaments est souvent une production internationale qui dépend de fournisseurs de matières premières, de fabricants et de sous-traitants localisés aux quatre coins du monde. Par ailleurs, c'est un système de distribution efficace pendant la crise qui permettra de faire en sorte que les médicaments soient disponibles en pharmacie ou à l'hôpital.

Les entreprises ont particulièrement veillé à se coordonner avec l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament : les grossistes répartiteurs, les transporteurs et les pharmaciens d'officine.

Grâce au travail d'anticipation et de suivi, l'industrie pharmaceutique figure aujourd'hui parmi les secteurs économiques et stratégiques les mieux préparés à une crise majeure. Nous avons été en mesure de mettre à la disposition de la population des vaccins contre la grippe H1N1 en moins de six mois et de produire en quantité très importante les médicaments antiviraux tout en restant capables de maintenir l'approvisionnement de l'ensemble des médicaments indispensables.

Pour répondre présent aux demandes qui étaient formulées, le LEEM, qui est le collectif des entreprises du médicament qui agit sur le champ collectif et non sur le champ individuel, s'est préparé en amont à une telle pandémie. Dès 2005, au moment des craintes concernant la grippe aviaire, les entreprises du médicament et le LEEM se sont préparés, en relation avec les pouvoirs publics, à faire face à une pandémie grippale et à mettre en place des plans de continuité des activités.

En relation avec le délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et la cellule de crise de la Direction générale de la santé (DGS), le LEEM émet des recommandations dès 2005 et des orientations régulièrement actualisées à destination de ses adhérents, et prend des mesures avec les autres acteurs de la chaîne du médicament et des dispositifs médicaux.

Les principales mesures prises par notre organisation concernent la production et la distribution.

Concernant la production, il s'agit de :

- la publication en 2006 d'un guide pratique pour aider ses entreprises adhérentes à construire leur plan de continuité. Ce document a été complété le 8 septembre 2009 par des recommandations précisant les indicateurs devant permettre d'adapter les activités des entreprises selon le niveau de la pandémie en France ;

- l'identification en 2008 en partenariat avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), des médicaments dont l'approvisionnement doit être maintenu en cas de pandémie ;

- la sensibilisation et l'aide aux entreprises pour l'organisation d'exercices. Le LEEM a participé aux exercices nationaux - Pandémie 07 en janvier 2008 et Pandémie 09 en janvier 2009 ;

- en septembre 2009 enfin, à la demande des autorités nationales, un état des stocks et des capacités de production des médicaments antipyrétiques et des antibiotiques a été établi.

En ce qui concerne la distribution, le LEEM s'est coordonné avec tous les acteurs de la chaîne du médicament - chambres syndicales des grossistes répartiteurs et des dépositaires, Ordre national des pharmaciens, syndicats de pharmaciens d'officine.

Voilà la façon dont nous avons agi avec notre organisation professionnelle, collectif des entreprises elles-mêmes, sans nous immiscer dans la gestion ni dans les stratégies individuelles de chacune des entreprises, avec le souci de l'intérêt général et de préparer au mieux nos adhérents au risque et aux nécessités face à cette pandémie telle qu'elle nous a été présentée, de façon à répondre aux attentes des autorités de santé.

M. François Autain, président - Je pense que vous avez répondu au-delà de leurs attentes puisque, si ce que je lis dans le Quotidien du Médecin est exact, on a produit un milliard de doses et 200 millions seulement ont été utilisées. Je parle sous réserve de l'exactitude de ces chiffres dont je ne connais pas la source. Sur ce plan, vous avez donc réussi !

La DGS a développé une argumentation tendant à combattre l'hypothèse formulée dans le projet de résolution et consistant à dire qu'un certain nombre d'indices tendaient à prouver que l'OMS, les autorités sanitaires des Etats et certains Etats avaient été manipulés, notamment par l'industrie pharmaceutique afin de commander un nombre maximum de vaccins.

Sur ce plan, l'objectif a été atteint. Vous avez sans doute lu ce plaidoyer dans le compte rendu qui en a été fait dans le Bulletin du Sénat. Etes-vous d'accord avec cette affirmation de M. Didier Houssin, selon laquelle - je cite - « l'industrie pharmaceutique n'était tout simplement pas prête à répondre à une demande importante de vaccins » ?

M. Christian Lajoux - La manipulation de l'industrie du médicament est une affirmation que je conteste formellement, même si je n'ai pas de responsabilités internationales. J'évolue dans un grand groupe international et je rencontre des industriels qui dépendent de leur direction internationale. Nous avons dû, malgré la préparation liée au risque de pandémie 2005, nous organiser face aux risques qui se manifestaient fin 2009-début 2010.

Je souscris donc à la position de la DGS et je l'illustre avec quelques exemples. Dès l'instant où les autorités du pays ont demandé aux industriels du médicament de fabriquer les vaccins, s'est posée la question du délai de livraison ; les industriels ont chaque fois rappelé qu'il était impossible de développer ces vaccins en deçà d'une période de cinq à six mois.

Les premiers vaccins sont d'ailleurs arrivés tardivement par rapport aux manifestations de l'épidémie, ce qui montrait bien que les industriels n'avaient ni organisé ni infléchi les décisions qui avaient été prises. Au niveau international en tout cas, nous n'avons jamais été en mesure de faire autre chose que de nous préparer à des attentes qui nous apparaissaient complètement légitimes et à nous mobiliser face à celles-ci.

M. François Autain, président - Vous souscrivez donc à cette déclaration de M. Didier Houssin selon qui l'industrie pharmaceutique n'était pas prête à répondre à une demande importante de vaccins ?

M. Christian Lajoux - L'industrie n'était pas prête à répondre à une demande importante de vaccins ; elle s'est organisée pour y répondre.

Un certain nombre de nos entreprises se sont organisées pour travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept dans les sites de production avec, pour certaines firmes, la double nécessité de se préparer pour délivrer les vaccins contre l'épidémie en question et de continuer à livrer l'hémisphère Sud avec les vaccins saisonniers que l'on a fabriqués dans les mêmes sites.

Plusieurs industriels ont donc dû réorganiser totalement leur production afin de livrer les vaccins pour l'hémisphère Sud et préparer la livraison de vaccins contre l'épidémie H1N1.

M. François Autain, président - N'étiez-vous pas prêts parce que vous n'avez pas eu le temps de vous préparer ou parce que les commandes étaient trop importantes ?

M. Christian Lajoux - Non, pas du tout, le vrai problème est que nous n'avons disposé de la souche du vaccin qu'à partir de la fin du mois de juin.

M. François Autain, président - On peut cependant interpréter la déclaration de M. Didier Houssin comme le fait que vous n'étiez pas prêt parce que vous n'aviez pas les moyens de faire face à la demande, même lorsque vous aviez connaissance de la souche...

M. Christian Lajoux - Il existe des éléments qu'on ne peut modifier : une fois que l'on a connaissance de la souche, il faut cinq à six mois pour élaborer un vaccin. Les industriels ont toujours dit - et cela va dans le sens des déclarations de M. Didier Houssin - qu'il fallait leur laisser le temps de se préparer, de développer, d'expérimenter, d'obtenir les autorisations des agences de sécurité sanitaire européennes et nationales, de façon à assurer la sécurité des patients.

M. François Autain, président - Sous cette réserve, vous étiez prêt à répondre à une demande importante de vaccins. La preuve, c'est que vous y avez répondu.

M. Christian Lajoux - Nous n'y avons pas répondu dans les délais requis par les premières manifestations de l'épidémie, les premiers vaccins étant arrivés mi-novembre.

M. François Autain, président - Il y a eu une vaccination limitée en octobre pour les professionnels de santé...

M. Christian Lajoux - Cela démontre bien que l'on avait besoin de cinq à six mois !

M. François Autain, président - C'est tout à fait normal. Le virus est arrivé un peu trop tôt !

M. Christian Lajoux - Par rapport à quoi ?

M. François Autain, président - Par rapport à votre capacité de production de vaccins et à l'arrivée du virus dans notre pays.

M. Christian Lajoux - Je ne suis pas qualifié pour le dire ; nous aurions préféré qu'il n'arrive pas du tout car nous sommes citoyens en même temps qu'industriels. Quand nous avons eu connaissance des effets de ce virus en Amérique latine et au Mexique, notre première réaction a été une réaction d'inquiétude en tant que citoyen.

Notre seconde réaction, en tant qu'industriel du médicament, a été de se poser la question de savoir comment se préparer aux attentes manifestées par les autorités tout en continuant à faire notre métier d'industriel de santé et à fournir l'ensemble des médicaments dont la population a besoin.

Nos étions à la fois dans l'attente d'un virus et nous ne savions pas quel serait le dosage efficace de l'antigène, ni le nombre d'injections nécessaires.

M. François Autain, président - Ce qui a augmenté votre capacité de production quand on est passé de deux à une injection !

M. Christian Lajoux - L'élément le plus important est qu'en juin, nous ne savions pas quelle serait l'intensité de l'épidémie elle-même.

M. François Autain, président - L'Institut de veille sanitaire (InVS) le savait ! Lors de l'audition de Mme Françoise Weber, il nous a été dit qu'en juin, on savait que l'épidémie H1N1 n'était pas plus grave qu'une grippe saisonnière.

M. Christian Lajoux - Je ne suis habilité ni à commenter ce propos, ni à exprimer un avis sur ce sujet.

Les autorités de notre pays nous ont demandé de nous préparer à une pandémie que nous n'avions pas connue au cours des dernières années.

M. François Autain, président - Je me réfère à la déclaration de Mme Françoise Weber et je pense ne pas me tromper en disant qu'au mois de juin, on savait que la gravité du virus n'était pas supérieure à celle d'une grippe saisonnière.

Il suffit de consulter le document qu'elle nous a remis. C'est ce qui est indiqué. C'est un fait. On peut dire que le virus peut muter, que tout peut s'aggraver...

M. Christian Lajoux - Mon collègue me dit que l'on savait pour la virulence mais non pour la gravité et la contagiosité.

M. François Autain, président - Je ne peux faire ce subtil distingo entre « virulence » et « gravité » ! Je me contente de faire une comparaison avec la grippe saisonnière. Cela parle à tout le monde !

M. Christian Lajoux - Les industriels que je représente dans leur champ de légitimité, de réflexion et d'action s'en sont tenus aux demandes qui étaient formulées. La demande était très précisément de fabriquer des vaccins de qualité et en toute sécurité, pour répondre le plus vite possible à un risque d'épidémie qui nous menaçait.

M. François Autain, président - Vous disiez être inquiets en juin. J'en ai simplement profité pour vous citer ce que nous a indiqué Mme Françoise Weber, à savoir qu'il n'y avait pas de raisons, à cette époque - me semble-t-il - de s'inquiéter outre mesure.

M. Philippe Lamoureux - Il ne faut pas perdre de vue le fait que la grippe saisonnière représente trois à cinq mille décès par an. C'est un taux de mortalité non négligeable qui touche une partie de population assez restreinte.

En second lieu, il existe des éléments de virulence mais aussi de contagiosité aussi importants du point de vue vaccinal.

M. François Autain, président - Le professeur Marc Gentilini considère que la contagiosité d'une grippe peu grave est plutôt un bienfait : cela permet de protéger un grand nombre de gens de façon efficace dans un temps réduit.

Que vous inspire le fait d'avoir fabriqué autant de vaccins et d'en avoir finalement aussi peu utilisé ? Je ne parle pas seulement de la France...

M. Christian Lajoux - Six millions de citoyens ont été vaccinés. Il reste effectivement aujourd'hui un stock de vaccins non utilisés. Certes, ces stocks peuvent devenir inutiles mais doit-on pour autant regretter de ne pas les avoir utilisés, la pandémie ayant été moins importante que prévu ?

M. François Autain, président - Au Royaume-Uni a été créé le UK Vaccine Industry Group , fédération qui regroupe les principaux laboratoires qui investissent dans la recherche et la fabrication de vaccins. La mise en place d'une structure similaire en France serait-elle souhaitable, selon vous ?

M. Christian Lajoux - Nous n'avons pas le UK Vaccine Industry Group mais un comité vaccin au sein du LEEM. Le LEEM est l'organisation unique de la profession qui rassemble l'ensemble des industriels du médicament. Nous avons un groupe de travail « vaccins » présidé par une des responsables d'une des sociétés qui commercialise des vaccins sur le territoire français.

Il faudrait comparer dans le détail les missions de la société anglaise que vous évoquez avec celles de notre groupe de travail. Nous n'avons pas d'idée définitive. Nous sommes à l'écoute de ce qui se passe dans ces commissions d'enquête. Nous avons la préoccupation de tirer les enseignements, après que les autorités de notre pays les ont tirées également, de la situation que l'on a vécue.

Tout ce qui contribuera à résoudre les déficiences qui ont pu exister fera l'objet de la part des industriels du médicament d'une démarche qui consistera à corriger les points qui ne fonctionnent pas convenablement.

Cela passe-t-il par ce groupe ou non ? J'avoue que je ne me suis pas posé la question mais nous sommes dans des structures évolutives ; il faudrait que j'étudie dans le détail la mission du groupe.

M. François Autain, président - Nous revenons d'une mission au Royaume-Uni et cette structure nous avait semblé intéressante. Vous me dites qu'il en existe une en France...

M. Christian Lajoux - C'est un groupe de travail : ce n'est pas la même chose.

M. François Autain, président - S'agissant de la négociation des contrats, les différentes personnalités que nous avons auditionnées ont fait état du rapport de force favorable aux laboratoires au moment de la négociation des contrats de commandes de vaccins. Avez-vous eu des échos de ces négociations et, par la suite, des conditions d'indemnisation des laboratoires suite à la résiliation d'une partie des contrats ?

M. Christian Lajoux - Non, heureusement. Ce serait contraire à la mission et à la responsabilité de notre organisation professionnelle. J'ai eu des échos par la presse.

M. François Autain, président - Ce serait en effet de l'ingérence.

Peut-on dire que les Etats ont été dans la capacité de mettre en concurrence les laboratoires pharmaceutiques pour l'achat de ces vaccins ?

M. Didier Houssin m'a appris que trente-cinq firmes fabriquaient des vaccins. Je ne les croyais pas aussi nombreuses. Il doit donc y avoir matière à concurrence et la concurrence doit aider les décideurs.

M. Christian Lajoux - Les Etats ont-ils la possibilité de mettre les entreprises en concurrence ? Je ne sais pas répondre.

M. François Autain, président - Comment expliquer le parallélisme de certaines des clauses des contrats passés avec les différents laboratoires, notamment les clauses de responsabilité ?

M. Christian Lajoux - Il ne peut y avoir d'entente entre les firmes pharmaceutiques. Une des missions de notre organisation professionnelle est de veiller à ce que ces principes soient respectés.

M. François Autain, président - Vous répondez là à ma question précédente !

M. Christian Lajoux - En tant que président du LEEM, je ne connais pas dans le détail les clauses contractuelles. Je les connais un peu plus en tant qu'acteur de Sanofi Aventis, où je ne suis pas directement lié à l'activité « vaccins ».

M. François Autain, président - Comment expliquer le parallélisme de certaines des clauses des contrats passés avec les différents laboratoires, notamment les clauses de responsabilité ?

Y avait-il un contrat type ou chaque laboratoire a-t-il négocié avec chaque Etat, en fonction de ses intérêts ou des exigences de l'Etat ?

M. Christian Lajoux - Je ne suis pas la personne habilitée à répondre, n'en connaissant pas le détail. J'ai néanmoins lu la presse et j'ai cru comprendre que l'on dissociait la responsabilité pharmaceutique qui continuait à incomber aux industriels du médicament et la responsabilité de la campagne elle-même qui revenait plus aux autorités du pays.

M. François Autain, président - C'est évident !

Est-il exact, comme l'a indiqué la ministre de la santé devant la commission des affaires sociales du Sénat, que les pressions des laboratoires en faveur de commandes rapides ont fait obstacle à la mise en place d'une stratégie commune européenne ?

M. Christian Lajoux - Je ne peux répondre non plus.

M. François Autain, président - Je n'ai décidément pas de chance !

M. Christian Lajoux - Je représente un collectif d'entreprises parmi lesquelles figurent les entreprises du vaccin. En tant que collectif, nous avons mené un certain nombre d'actions de sensibilisation, de fléchage et de coordination mais, en tant que représentant de l'organisation professionnelle, je n'avais pas à être impliqué dans les conditions des négociations, ni dans les clauses contractuelles, ni dans les rencontres qui ont pu avoir lieu entre les industriels du médicament et les autorités de notre pays.

J'ai participé à une réunion pour l'entreprise pour laquelle je travaille.

M. François Autain, président - Pourriez-vous nous exposer les différences entre les procédures américaine et européenne d'autorisation des vaccins pandémiques et leurs conséquences en termes de délais de mise à disposition des vaccins ? Ces deux procédures offrent-elles les mêmes garanties ?

M. Christian Lajoux - Je propose que le docteur Fabrice Meillier nous réponde sur ce point technique...

M. Fabrice Meillier - L'Europe et les Etats-Unis ont choisi deux modalités complètement différentes. L'Europe a préféré anticiper et faire des dossiers type sur la base du H5N1, puis donner les autorisations sur la base des essais cliniques réalisés avec le H1N1. Les adaptations ont été faites à partir de là. Cela prend plus de temps mais garantit certainement aux yeux de l'autorité sanitaire des résultats plus sûrs pour l'AMM (autorisation de mise sur le marché). Le choix de la Food and Drug Administration (FDA) a été de considérer le virus A (H1N1)v comme une variante du virus saisonnier. Ce sont des choix administratifs et stratégiques.

M. François Autain, président - Qu'en est-il sur le plan de la sécurité ?

M. Fabrice Meillier - Ce sont des principes de procédures. Le contenu des dossiers, des études cliniques et la qualité étaient les mêmes.

M. François Autain, président - Cela n'a pas de conséquence sur la sécurité.

M. Fabrice Meillier - Aucune.

M. François Autain, président - La principale conséquence est que le vaccin - pour parler de Sanofi - le Fluzon, qui est, au nom près, la réplique du Panenza, a été mis sur le marché aux Etats-Unis le 16 septembre et en France deux mois après. Il y a là quelque chose d'inacceptable surtout de la part d'un laboratoire qui se prévaut de sa nationalité française !

M. Christian Lajoux - Ne nous trompons pas de responsabilités.

Les entreprises du médicament, dans notre pays, se comportent en bons citoyens et respectent les règles administratives.

Lors de la mobilisation qui prévalait à ce moment là et face à la nécessité d'organisation de nos entreprises et de nos développements, il ne nous appartenait pas de contester les décisions administratives.

M. François Autain, président - Non, mais si ces procédures étaient modifiées en imaginant que l'on copie - les procédures américaines - on gagnerait du temps !

M. Christian Lajoux - Oui.

M. François Autain, président - Pour expliquer ce retard, on nous a dit que la capacité de production de Sanofi Pasteur aux Etats-Unis est plus développée qu'en France.

M. Christian Lajoux - Non, le retard est uniquement lié à la procédure d'enregistrement des vaccins. Le système de variation existe d'ailleurs en France dans certains dossiers pharmaceutiques mais les autorités administratives et sanitaires n'ont pas, à ce moment, fait le choix de cette procédure.

M. Fabrice Meillier - La procédure de modification avec une souche différente est celle utilisée tous les ans pour la grippe saisonnière ; c'est un dossier type pour lequel on ne fait que compléter le dossier précédent avec de nouvelles études par rapport aux souches.

M. François Autain, président - Je pense que l'on aurait gagné du temps. Je me place dans la perspective des prochaines pandémies qui seront peut-être plus graves que celle-ci. On a donc intérêt à faire en sorte que le vaccin intervienne le plus rapidement possible. Cette fois-ci, c'était catastrophique : les enfants ont commencé à être vaccinés le 25 novembre, alors que le pic était passé.

Il y a sans doute là des améliorations à apporter. C'est pourquoi je vous pose cette question.

M. Christian Lajoux - C'est ce que je soulignais en disant que nous aurons des enseignements à tirer de la façon dont on a géré cette situation. J'insiste sur l'attention qui a été portée pendant toute cette période par l'industrie du médicament et les autorités de santé sur le souci de sécurité et de qualité des vaccins développés. Il n'était pas question de sacrifier la sécurité et la santé du patient.

M. François Autain, président - C'est tout à l'honneur de votre profession !

M. Christian Lajoux - Et de l'Etat !

M. François Autain, président - Le contrat de prévente qui liait la France et le laboratoire Sanofi portait sur la fourniture de traitements vaccinaux et non de doses vaccinales. Pourquoi cette terminologie, qui devait permettre d'ajuster les quantités commandées au schéma vaccinal retenu, n'a-t-elle pas été reprise dans l'avenant de 2010 ?

M. Christian Lajoux - Vous auriez dû poser la question à M. Jacques Berger !

Je me doutais qu'il y aurait des questions concernant Sanofi Pasteur et je me suis donc entretenu avec M. Jacques Berger de ces points mais je ne peux répondre à celle-ci.

M. François Autain, président - On prendra contact avec lui.

Dans votre livre « Le médicament, enjeu du XXI e siècle » , vous écrivez : « La vaccination est une protection individuelle mais surtout collective. Le vaccin est la seule solution médicale de prévention contre les virus » .

Ce principe est-il applicable aux pandémies grippales, compte tenu notamment des délais de fabrication et de mise sur le marché des vaccins ?

M. Christian Lajoux - L'objectif de la vaccination est celui que je rappelle ; viennent ensuite l'organisation de la vaccination et la mise au point du vaccin. Nous sommes là confrontés à la temporalité et à la matérialité : la vaccination est la solution médicale préventive mais il s'agit de mettre ensuite en oeuvre les moyens qui permettent de bénéficier de cette vaccination.

M. François Autain, président - Au fur à mesure que l'on avance dans nos auditions, on craint qu'à chaque fois, le vaccin arrive trop tard. On a eu cette chance cette année que le virus commence par l'hémisphère Sud, ce qui nous a donné un délai supplémentaire pour préparer le vaccin mais, malgré cela, ce vaccin est arrivé trop tard pour des raisons diverses, le principal responsable étant le virus, qui va trop vite...

M. Christian Lajoux - Il ne prévient pas !

M. François Autain, président - Quand un virus n'est pas virulent, ce n'est pas grave. Il valait peut-être mieux pour certaines personnes attraper cette grippe - d'autant qu'elle était souvent asymptomatique - que de subir une vaccination. Cela protégeait en tout cas autant sinon plus et plus durablement.

Pour un virus plus grave, la question ne se pose plus en ces termes. L'intérêt est de pouvoir vacciner avant que le virus arrive, surtout si l'on veut bénéficier d'un effet barrière. Si j'en crois le HCSP, il faut pour ce faire que celle-ci n'intervienne pas plus de trente jours avant la circulation active du virus. Or, cette fois-ci on a largement dépassé cette période : le virus a commencé à circuler en août-septembre et on a commencé à vacciner en novembre.

Il n'y avait donc plus d'effet barrière et certains experts prétendent même que l'effet de protection individuelle n'a joué qu'à la marge. Cette vaccination est donc arrivée trop tardivement pour pouvoir avoir un effet quelconque sur cette pandémie.

Nous craignons donc, lors d'une prochaine pandémie plus grave, que le vaccin arrive trop tard. C'est pourquoi on a tendance à penser que les mesures physiques - hygiène, etc. - sont les premières mesures que l'on peut prendre tout de suite et qui sont très importantes. Vous affirmez que le vaccin est la seule solution médicale de prévention contre le virus...

M. Christian Lajoux - Mais je n'exclus pas les autres, monsieur le président. Je constate, comme vous, que nous devons tirer les leçons de la période que nous avons vécue.

Les industriels du médicament s'efforcent, dans leurs centres de recherche, de mettre au point des systèmes d'élaboration et de fabrication de vaccins qui nous permettent de gagner du temps. Il existe déjà des cultures cellulaires qui permettent de gagner un certain temps. Dans d'autres cas, comme pour la rougeole, on a trouvé des solutions.

Je ne suis pas le plus qualifié pour le dire mais rien ne nous empêche de penser qu'il y ait des mutations ; or, nous sommes aujourd'hui face à un système qui assure cette prévention. Il appartient donc à la science, aux chercheurs qui travaillent dans nos unités de recherche, en coopération avec les chercheurs académiques, de trouver les solutions qui permettent de gagner du temps face à la nécessité de fabrication de vaccins de façon massive.

Je pense que les industriels du médicament, les chercheurs publics et privés, le monde politique, les autorités administratives et les citoyens sont confrontés à la nécessité de trouver des réponses.

Je disais que, depuis 2005, nous avions préparé un certain nombre de choses - même si nous sommes arrivés quelque peu en retard - qui ont permis de mieux nous organiser par rapport au risque pandémique de l'époque. Les plans de continuité de 2005 n'avaient pas fait l'objet de réflexion approfondie, comme cela a été le cas cette fois-ci.

Si la moitié des salariés de nos entreprises s'étaient retrouvés incapables de sortir de chez eux, les industriels du médicament - et d'autres secteurs - avaient préparé un certain nombre de plans de continuité de façon à assurer la production, la livraison et la diffusion du médicament. Oui, il faut que nous en tirions des enseignements !

M. Philippe Lamoureux - Bien évidemment, les gestes barrière et les comportements de prévention sont des outils extrêmement efficaces mais le délai d'implantation de ces comportements, de réintroduction des gestes d'hygiène publique dans la population générale risque de prendre l'échelle d'une génération. On peut souhaiter le port du masque : son installation risque d'être plus longue que l'introduction de vaccins.

M. François Autain, président - Je ne sais si une génération suffira ! Je crois que le Royaume-Uni a abandonné toute perspective en ce domaine.

M. Philippe Lamoureux - Cela fonctionne en Asie du Sud-Est mais en Europe occidentale, c'est très difficile.

M. François Autain, président - Le directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique a indiqué devant la commission - je cite : « les connaissances scientifiques actuelles sont insuffisantes pour préconiser une vaccination de masse. De même, aucune étude n'a prouvé l'efficacité de la vaccination des personnes âgées contre la grippe saisonnière ». Des études scientifiques sur l'efficacité de la vaccination contre la grippe sont-elles aujourd'hui envisagées ?

M. Christian Lajoux - Je l'espère ! Vous faisiez là référence à une personnalité du monde de la santé ; en tout cas, les industriels réfléchissent à ces perspectives.

M. François Autain, président - Ce qui m'inquiète, c'est qu'une personnalité aussi respectée que le directeur dit qu'aucune étude n'a prouvé l'efficacité de la vaccination des personnes âgées contre la grippe saisonnière. Je crois même avoir entendu M. Gentilini exprimer des réserves encore plus fermes contre l'efficacité de cette vaccination saisonnière. Le mieux serait de faire des essais randomisés pour dire si c'est efficace ou non. Cela permettrait de mettre un terme à ces allégations qui ne sont peut-être pas fondées.

M. Christian Lajoux - Je m'interdis de revenir sur ces propos mais répondre aux questions qui n'ont pas de réponse me semble être une évidence.

M. François Autain, président - L'an dernier, les représentants du Royaume-Uni à l'OMS avaient suggéré que la recherche s'oriente vers la mise au point de vaccins antigrippaux à large spectre et à efficacité durable. Que pensez-vous de cette suggestion ? On peut difficilement y être opposé.

M. Christian Lajoux - En effet !

M. Fabrice Meillier - Un vaccin à large spectre et reproductible est souhaitable mais ceci est contrecarré par le fait que le virus grippal mute régulièrement. On ne peut donc avoir de vaccin au-delà d'une mutation quasi annuelle. C'est techniquement très difficile.

M. François Autain, président - D'autres personnalités nous ont dit que c'était une voie mais que l'on n'était pas sûr d'arriver au bout.

M. Philippe Lamoureux - S'agissant de la question précédente, vous avez cité un avis d'expert sur l'efficacité de la vaccination chez les plus de 65 ans ; un avis d'expert est un avis expert. Il est intéressant de regarder la littérature sur le sujet ; cela pourrait éclairer la commission - mais je ne suis ni médecin, ni épidémiologiste.

M. François Autain, président - Je ne faisais qu'une citation.

De nouvelles étapes sont encore à franchir pour mieux assurer le respect de l'indépendance des experts. Un « Sunshine Act » à la française est-il envisageable ? Serait-il notamment possible d'envisager que les laboratoires fassent état des conventions qu'ils passent avec des experts et des liens d'intérêts qu'ils nouent avec eux ? J'ai vu dans votre interview dans L'Express que vous n'étiez pas forcément d'accord.

M. Christian Lajoux - Je pense qu'un « Sunshine Act » est envisageable. Est-ce souhaitable ? Les industriels répondent oui. Est-ce aujourd'hui réalisable dans l'état des droits individuels ? Il semble qu'il y ait quelques écueils.

Beaucoup d'industriels internationaux vivent avec le « Sunshine Act » et nous sommes favorables à la plus grande transparence. Un système règlementaire et législatif existe. Il est impératif qu'il soit respecté. Il ne faut pas considérer qu'il existe aujourd'hui un vide total par rapport à la gestion d'un potentiel conflit d'intérêts entre un industriel et une personne qui se mettrait en situation d'évaluer le produit de tel ou tel industriel.

C'est un sujet extrêmement important et les industriels du médicament entendent, face aux critiques formulées sur ces sujets, réfléchir collectivement, collaborer et coopérer avec les autorités de santé et tout organisme qui le souhaite pour accroître l'indépendance des firmes pharmaceutiques. Nous avons mené un certain nombre de consultations au sein du LEEM : il ne faut pas que ce que nous proposons rencontre les limites de la sphère individuelle de chacune des parties.

La législation impose aujourd'hui au médecin expert de faire la déclaration de ces liens avec une firme et à nos organes d'évaluation - Haute Autorité de santé (HAS) ou Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS) - d'en faire la publicité. Les industriels du médicament, quant à eux, ont obligation avec le monde ordinal pour un certain nombre de coopérations que nous assurons avec les médecins - participation à des congrès ou autres. Nous devons toujours soumettre ces actions à l'accord du Conseil de l'Ordre, ce que nous faisons.

M. François Autain, président - Nous serions plutôt favorables à ce que ces contrats que les experts passent avec des industries pharmaceutiques soient rendus publics, ce qui rejoint le « Sunshine Act ». J'ai remarqué que votre réponse était plus nuancée que celle que vous faisiez dans votre interview, où vous estimiez qu'il donnerait trop d'informations à la concurrence.

Nous avons posé la question aux entreprises que l'on a auditionnées ; trois sur quatre nous ont dit être favorables à une telle disposition.

M. Christian Lajoux - J'y suis favorable !

M. François Autain, président - Une dernière question : on a réalisé en 2006 un rapport intitulé : « Restaurer la confiance », passé inaperçu mais auquel on continue quand même à se référer. A l'époque, on a auditionné le LEEM ; son vice-président délégué - à l'époque M. Bernard Lemoine - nous avait indiqué que l'indépendance totale d'un expert était le gage de son incompétence.

J'ai lu que son successeur, M. Philippe Lamoureux, avait dit à peu près la même chose - il fallait bien se renouveler - en affirmant qu'un expert sans conflit d'intérêts était sans intérêt.

Je voulais savoir ce qui vous inspire une telle méfiance vis-à-vis d'experts qui ne travaillent pas avec l'industrie. 25 % de ceux qui travaillent avec l'AFSSAPS n'ont pas de liens d'intérêts avec l'industrie, soit 600 sur 1 700 ou 1 800 personnes.

M. Christian Lajoux - Je vais revenir sur les propos du collaborateur du LEEM, que j'assume.

Il faut faire la différence entre une formule sortie d'un contexte et la durabilité d'une réflexion de fond. M. Philippe Lamoureux a donné des explications sur la question que vous posez.

Il existe peu d'experts dans le domaine des vaccins. Nous pensons qu'aujourd'hui, malgré les 25 % que vous évoquez, il est nécessaire que la coopération perdure entre le monde scientifique et l'industrie du médicament. Il est évident que cette coopération continuera à toucher une partie importante de personnes qui seront amenées à être experts.

C'est pourquoi je trouve nécessaire de continuer à travailler avec les autorités, le Parlement, et notamment le Sénat, sur les moyens qui assureront le maximum de transparence sur ce point.

M. Philippe Lamoureux - La phrase est en effet sortie de son contexte.

Nous sommes dans un pays dans lequel le vivier d'experts est par construction limité. Dans un certain nombre de situations, l'instance d'évaluation est amenée à faire appel aux gens qui connaissent la molécule et le médicament qu'ils vont être chargés d'évaluer. L'existence de conflits d'intérêts potentiels est inévitable au système d'évaluation. Comme le disait M. Christian Lajoux, malgré les critiques sur la transparence des liens qui peuvent exister ou les potentiels conflits d'intérêts, une expertise totalement découplée entre secteur public et privé, dans le contexte français, semble totalement inopérante.

Les agences sanitaires recherchent pour évaluer un produit un expert qui a précisément travaillé au développement de ce produit mais il n'est pas acceptable que l'agence ne soit pas informée de l'existence de ces conflits d'intérêts et que ceux-ci ne soient pas publics.

M. François Autain, président - Tous les experts qui avaient un lien d'intérêts avec les fabricants de vaccins en matière de grippe H1N1 se sont trompés !

M. Christian Lajoux - Un lien de coopération !

M. François Autain, président - Oui, peu importe ! Les seuls à avoir vu juste sont ceux qui n'avaient pas de liens d'intérêts ou qui étaient « incompétents » pour reprendre le terme de votre prédécesseur ! Il est grave que les incompétents voient juste et que les compétents se trompent ! Il y a là quelque chose auquel il faudrait essayer de remédier. Je ne sais comment mais il existe un véritable problème.

M. Philippe Lamoureux - Je crois qu'il va falloir arrêter de réécrire l'histoire des problèmes de santé publique a posteriori , au vu des connaissances que l'on a quelques mois après !

Il est très difficile d'entendre critiquer l'ensemble des épidémiologistes ou ceux qui ont travaillé sur ces sujets. Je ne partage pas l'analyse qui consiste à dire que ce sont les incompétents qui ont eu raison.

M. François Autain, président - Cela ne m'étonne pas mais je ne parle pas a posteriori : je fais référence à des prises de position et à des déclarations qui ont été faites extemporanément.

Il s'agit de personnalités qui se sont exprimées dès le mois d'août, pour certaines dès le mois de juillet, alors que l'ensemble de la communauté scientifique disait le contraire.

C'est une remarque que je faisais au passage : ce n'est pas forcément parce qu'on a des liens de coopération que l'on est forcément un bon expert !

M. Christian Lajoux - Les déclarations que vous avez évoquées sont effectivement sorties de leur contexte ; elles sont maladroites et n'expriment pas la réflexion dans leur globalité.

M. François Autain, président - Elles n'expriment pas ce que l'ensemble du LEEM pense des experts qui n'ont pas de liens.

M. Christian Lajoux - Le LEEM pense que les experts qui n'ont pas de liens sont des gens extrêmement respectables et qui ont fait le choix de ne pas avoir de liens, mais les experts qui ont des liens de coopération avec les industriels du médicament sont également des gens respectables et - je le souhaite et le pense - tout aussi compétents que ceux qui n'en ont pas !

M. François Autain, président - On ne va passer d'un excès à l'autre !

M. Christian Lajoux - Vous connaissez le monde médiatique. L'homme est l'homme et, parfois, il ne se refuse pas à employer une formule qui peut le poursuivre des années durant. C'est pourquoi je prends la responsabilité de dire que la formule était pour le moins maladroite.

M. François Autain, président - Merci infiniment d'avoir répondu avec patience aux nombreuses questions que le rapporteur aurait dû vous poser et que j'ai posées à sa place.

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