2. Étendre le champ d'application de la loi à tous les sondages politiques
a) Le champ d'actuel de la loi tel qu'interprété par la commission des sondages

Comme il vient d'être indiqué, deux critères doivent être réunis pour déclencher l'application de la loi et du régime particulier qu'elle impose aux sondages :

- les résultats du sondage doivent être publics ;

- le sondage doit présenter un rapport direct ou indirect avec un scrutin, quel qu'il soit ; l'obligation d'un lien avec une échéance électorale, fût-il indirect, s'explique aisément : l'objectif est d'éviter que les sondages ne viennent influencer ou perturber la libre détermination du corps électoral .

La commission des sondages a interprété assez largement le caractère « indirect » du rapport avec un scrutin. Elle estime que les sondages soumis à la loi du 19 juillet 1977 sont les sondages « liés au débat électoral », notion qui s'apprécie différemment selon que l'on se situe à un moment plus ou moins proche d'une échéance électorale.

A l'approche d'un scrutin, un sondage portant sur l'opinion du public sur une question d'ordre politique , sur la popularité des personnalités politiques, sur l'opinion à l'égard du Gouvernement ou encore sur une réforme envisagée ou en cours, sera souvent considéré comme présentant un rapport au moins « indirect » avec le scrutin à venir, et sera donc soumis à la loi de 1977.

Il en va autrement lorsque le même sondage intervient à un moment éloigné d'une échéance électorale : il n'entre pas, en règle générale, dans le champ de la loi.

Une exception notable à ce principe concerne les sondages publiés au moment des primaires, c'est-à-dire à l'occasion des procédures internes d'investiture des formations politiques.

Rappelons qu'il est désormais fréquent que, pour accéder à la compétition électorale, les candidats des principales formations doivent avoir été désignés par ces dernières.

Or, certains sondages, publiés par la presse , sont utilisés par des personnalités pour faire valoir, à l'intérieur même de leur formation politique, le bien-fondé de leur candidature10 ( * ), y compris lorsqu'il porte sur une population plus large que celle qui formera le corps électoral. Ainsi est-ce le cas dans la pratique, désormais fréquente, où l'on interroge un échantillon d'électeurs d'un camp pour connaître quel serait à leurs yeux le meilleur candidat à de futures élections . Ces sondages interviennent avant que les partis politiques n'aient achevé leur procédure interne de désignation. Ils portent généralement sur une population plus étendue - les sympathisants - que celle à qui il revient de désigner le candidat - les adhérents à la formation politique concernée. L'influence de l'opinion trouve ainsi prise sur les partis, surtout dans l'hypothèse ou un candidat, qui n'était pas obligatoirement le favori des adhérents, se trouve projeté par l'ensemble des sympathisants de son camp très en avance sur ses concurrents et trouve ainsi un argument de poids pour la campagne interne à sa formation politique.

Bien que le premier tour de l'élection soit parfois très éloigné - en général un an, voire deux - la commission des sondages considère que les sondages ainsi réalisés relèvent du champ de loi de 1977 et se déclare ainsi compétente pour examiner leur objectivité et leur sincérité. Ils participent, en effet, à la définition d'une nouvelle offre politique et peuvent apparaître comme entretenant un lien indirect avec la future élection.

b) Les préconisations de vos rapporteurs

Vos rapporteurs estiment nécessaire d'étendre le champ d'application de la loi précitée de 1977, et donc de la commission des sondages, à tous les sondages politiques, qu'ils portent ou non sur une élection.

Devront en particulier relever de la loi les sondages portant sur des réformes, nationales ou locales, envisagées ou engagées.

A titre d'exemple, les sondages sont régulièrement invoqués au cours des débats parlementaires et méritent, à ce titre, d'être soumis au régime de la loi de 1977 afin de préserver la sincérité de ces échanges.

Quelques illustrations peuvent ici être données :

- le gouvernement a invoqué, à l'appui de son projet de réforme des collectivités territoriales, un sondage de l'institut IPSOS, rendu public à la fin du mois de juin 2009 , selon lequel 83 % des sondés considéraient que l'organisation administrative de la France était trop complexe, 75 % jugeaient confuse la répartition des responsabilités entre les différents niveaux d'administration et 73 % estimaient nécessaire la réforme. M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a ainsi indiqué que, dans ce contexte, il était indispensable de donner un nouveau souffle à la décentralisation 11 ( * ) ;

- notre collègue M. Bernard Fournier, défendant la proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d'électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé, déposée par notre collègue M. Ladislas Poniatowski, a mis en avant un sondage selon lequel les foyers français étaient majoritairement favorables à l'ouverture à la concurrence 12 ( * ) ;

- notre collègue M. Christian Demuynck a cité divers sondages soulignant l'adhésion des jeunes au volontariat associatif, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative au service civique, présentée par notre collègue M. Yvon Colin et les membres du groupe du RDSE 13 ( * ) ;

- notre collègue Bernard Cazeau s'est appuyé sur certains sondages pour montrer que la population française se détournait du vaccin contre la grippe A/H1N1 14 ( * ) .

Ces quelques exemples soulignent que les sondages sont régulièrement invoqués au cours des débats parlementaires et que la sincérité de ces derniers impose qu'ils relèvent de la loi de 1977.


* 10 La question posée est généralement la suivante : « quel est selon vous le meilleur candidat pour représenter (nom du parti) aux prochaines élections (nom de l'élection) ? »

* 11 Audition par la commission des lois, le 28 octobre 2009, de MM. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales et Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, sur la réforme des collectivités territoriales. Le compte-rendu de cette audition est disponible sur Internet :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20091026/lois.html#toc3 .

* 12 Séance du 25 mars 2010 : http://www.senat.fr/seances/s201003/s20100325/s20100325005.html

* 13 Séance du 27 octobre 2009 : http://www.senat.fr/seances/s200910/s20091027/s20091027012.html

* 14 Séance du 12 novembre 2009 : http://www.senat.fr/seances/s200911/s20091112/s20091112018.html

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