II. DES TRANSFERTS DONT LES VÉRITABLES ENJEUX SONT A VENIR

Le « pari réussi » reste cependant à installer dans la durée. La mise en oeuvre de ces transferts de personnels a, en effet, révélé les véritables enjeux pour les collectivités :

- structurels d'abord, avec un impact non seulement sur les services de ressources humaines, mais aussi sur l'ensemble des administrations locales ;

- financiers surtout, car le constat initial d'un écart entre les dépenses et les recettes transférées est allé en s'accentuant alors même que les transferts induisaient leur propre dynamique d'augmentation.

A. RÉUSSIR SUR LE LONG TERME LA GESTION STRUCTURELLE DES PERSONNELS

Si les personnels découvrent maintenant certains inconvénients à leur nouvelle situation statutaire, les collectivités se trouvent confrontées pour leur part à des défis de gestion d'une ampleur inédite.

1. Assurer une gestion dynamique des carrières des personnels

Lorsqu'ils sont interrogés sur les critiques à apporter à leurs transferts, les agents intégrés à la FPT évoquent principalement la mobilité et le déroulement de carrière.

a) Les contraintes liées aux cadres d'emploi spécifiques

Plutôt que d'intégrer les agents TOS de catégorie C à des cadres d'emplois d'agents techniques déjà existants, le Gouvernement a choisi de créer trois nouveaux cadres d'emplois au sein de la filière technique, afin qu'ils continuent à bénéficier de leurs avantages acquis, tels que les vacances scolaires et de garantir le rattachement de ces agents à la fameuse « communauté éducative ».

L'intégration des agents a ainsi nécessité l'adoption de six décrets, soumis pour avis à la Commission commune de suivi des transferts de personnel et au CSFPT, puis publiés en décembre 2005. Ce dernier a émis un avis négatif estimant que ces cadres d'emplois spécifiques étaient une erreur qui était susceptible d'handicaper la carrière de ces agents. Comme M. Derosier l'a rappelé, « l'objectif de cette opposition du Conseil supérieur était non pas de manifester de la défiance vis-à-vis des agents, mais de considérer qu'on était à contrecourant des principes du statut de la fonction publique territoriale et que cela aurait comme conséquence de créer un handicap dans l'évolution de carrière de ces agents. »

Le choix de créer un cadre d'emplois spécifiques pour les personnels TOS fait actuellement l'objet d'une double critique :

(1) Le plafonnement des carrières

Si l'avancement est plus rapide dans la fonction publique territoriale, le plafond est vite atteint. Les agents progressent plus vite dans leur cadre d'emplois mais la promotion reste bloquée. Certaines collectivités ont entamé une réflexion sur l'ouverture vers la catégorie B, mais sont restreintes par leurs capacités financières.

Cette question se pose notamment pour les cuisiniers des EPLE. Certains chefs cuisiniers, à la tête de services de restauration importants, évoluent vers des fonctions de gestion et mériteraient amplement d'accéder à la catégorie B. Le problème est particulièrement prégnant pour ce métier, pour lequel les collectivités rencontrent de réelles difficultés à recruter.

L'enquête du CNFPT susmentionnée relève également une évolution notable du rôle des syndicats qui assurait parfois, de fait, une certaine forme de « cogestion ». Ces derniers estiment que les critères appliqués désormais par les collectivités sont plus « opaques » par rapport au barème utilisé à l'Éducation nationale, qui avec sa logique mathématique, était censée garantir une certaine équité de traitement.

(2) Les limites à la mobilité

La mobilité entre établissements est rendue plus difficile . Auparavant, les mutations étant académiques, les agents pouvaient facilement passer d'un lycée à un collège. Aujourd'hui, les mutations, au sein d'un même bassin d'emploi, entre un lycée géré par la région et un collège géré par le département, sont moins faciles et systématiques.

En outre, la mobilité ne s'effectue plus selon les mêmes règles .

La mobilité des agents de l'Éducation nationale obéit au principe de la mutation, c'est-à-dire que les agents peuvent formuler des voeux une fois par an, inter et intra-académie, selon un calendrier fixe et un barème prédéterminé. Ce barème attribue des points en fonction des situations des agents, qui permettent de classer les demandes et d'organiser les possibilités de mutation.

Dans la fonction publique territoriale, il appartient à l'agent d'identifier les postes vacants, d'y postuler et de se présenter à un entretien devant un jury de sélection. Les critères de sélection des collectivités reposent sur des profils de compétence et non sur le barème établi par l'Education Nationale. Ils tendent à privilégier l'expérience, le parcours et la motivation de l'agent dans les candidatures. Les gestionnaires et chefs d'établissement sont largement associés aux jurys, et la décision est prise conjointement avec la DRH. Le transfert oblige donc à un véritable changement culturel pour les personnels.

Dans ce contexte, le maintien de cadres d'emplois spécifiques est en débat. Beaucoup de représentants syndicaux ont fini par demander leur suppression et l'intégration des agents des EPLE dans les autres cadres d'emplois de la fonction publique territoriale. L'idée serait également de faciliter le passage entre lycées et collèges, même si vos rapporteurs ne sous-estiment pas le fait que les situations et les besoins sont très disparates selon que l'on travaille en zone urbaine ou rurale.

b) De nouvelles attentes de la part des personnels

Au fil du temps, les collectivités territoriales sont déjà ou vont être rapidement confrontées à de nouvelles attentes, voire exigences, de la part de ces personnels longtemps délaissés, mais difficiles à satisfaire compte tenu du contexte financier contraint.

L'égalité complète de traitement conduit, par exemple, à une demande d'alignement complet des systèmes de primes .

Le débat sur l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) est actuellement ouvert. Le décret n°2002-61 du 14 janvier 2002 a instauré une indemnité d'administration et de technicité (IAT), qui peut être attribuée aux fonctionnaires de catégorie C, ainsi qu'aux fonctionnaires de catégorie B rémunérés sur la base d'un indice brut inférieur ou égal à 380. Suivant les dispositions réglementaires, le montant moyen de l'IAT est calculé en appliquant un coefficient multiplicateur, compris entre 1 et 8, à un montant de référence annuel. Si les agents territoriaux de catégorie C bénéficient d'un coefficient de 5 à 6, il avoisine seulement 2 en moyenne pour les TOS.

Deux autres exemples illustrent les sollicitations nouvelles dont les collectivités sont l'objet.

(1) La formation

En matière de formation, les collectivités ont dû fournir un effort considérable à destination des agents des établissements d'enseignement car elles ont constaté d'importants déficits, et particulièrement concernant les formations réglementaires.

Une approche spécifique a été généralement retenue pour les TOS. Les collectivités ont d'abord défini des priorités collectives. L'objectif est désormais que tous les agents aient été formés au moins une fois, et des formations sont désormais dispensées pour tout nouveau recrutement.

Afin de rendre ces formations accessibles, elles sont de plus en plus délocalisées sur site et dispensées le plus possible en proximité des agents.

Au delà des formations obligatoires, les demandes se sont élargies et les personnels sont devenus très demandeurs de formations diverses : préparation aux concours, management d'équipe, informatique, hygiène et sécurité...

(2) Le reclassement

La problématique du reclassement touche entre 20 et 30 % des personnels TOS. Plusieurs solutions ont été adoptées par les collectivités pour organiser les remplacements :

- les collectivités cherchent à mutualiser les remplacements sur leur territoire en constituant des équipes mobiles de remplaçants, disponibles immédiatement, particulièrement pour les cuisiniers.

- à partir de la base des contractuels, les collectivités constituent un vivier de candidatures, parfois mutualisé entre plusieurs collectivités. Les établissements peuvent y solliciter les candidatures les plus adaptées (adéquation au poste, proximité) en cas de besoin.

Mais leur périmètre limité d'intervention restreint de fait les possibilités de trouver les postes adaptés.

Les collectivités rencontrent d'importantes difficultés à trouver des postes qui correspondent au profil des agents. Du fait de la structure de leurs effectifs, les régions et départements sont des collectivités qui offrent peu de possibilités de reconversion pour des agents ayant peu ou pas de qualification. Cette difficulté est renforcée par une certaine résistance des agents à la mobilité hors établissements scolaires.

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