PREMIÈRE PARTIE LA FRANCE DOIT SE PRÉPARER À DES SCÉNARIOS DE CRISES MAJEURES

L'Etat doit se préparer à faire face aux situations dans lesquelles seraient menacés la vie de la population ou le fonctionnement régulier des institutions.

Bien que, à la différence des Etats-Unis avec le 11 septembre 2001, la France n'ait pas été confrontée sur son territoire, dans la période récente, à une crise de grande ampleur, cette chance pourrait se muer en faiblesse si les pouvoirs publics ne s'assuraient pas d'une préparation collective à de tels événements.

Partant de ce constat, le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, publié il y a deux ans, a analysé les nouveaux risques qui pèsent sur le territoire national et sur la population. Il a envisagé ainsi plusieurs scénarios de crises potentielles, dont l'ampleur pourrait mettre en péril la continuité des services de l'Etat, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation, autrement dit des scénarios de crises majeures.

Ces événements tels qu'évoqués ci-dessous sont multiples, et peuvent nécessiter l'intervention de nos forces armées, des forces de police ou de secours : un conflit de dimension internationale imposant une projection massive de nos forces armées, des attaques terroristes majeures, une catastrophe naturelle, industrielle ou technologique de grande ampleur, une pandémie.

Ces différents types de crises ne sont pas en soi des menaces nouvelles, mais, du fait de la mondialisation, ont muté et pris une toute autre ampleur. De même, une crise majeure pourrait être le fruit d'une combinaison de ces événements comme par exemple des attaques terroristes en relation avec une crise internationale.

I. LES RISQUES MILITAIRES : LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS FRANÇAIS DANS LE MONDE

Comme le souligne le Livre blanc « Des opérations strictement militaires sur le territoire national sont exclues à l'horizon prévisible, en dehors de l'appui à des opérations de gestion de crise consécutives par exemple, à des attaques terroristes, ou à une catastrophe naturelle ou technologique . C'est donc à distance du territoire national que les forces armées continueront à mener des opérations en défense de nos intérêts de sécurité et en soutien de l'action politique et diplomatique de la nation. » 1 ( * )

L'engagement de la France dans un conflit régional majeur constitue de ce point de vue l'hypothèse maximale envisagée pour nos forces armées.

Cette situation pourrait survenir dans le cas où la sécurité de l'Europe et de l'Alliance atlantique serait gravement menacée par un conflit pouvant impliquer une puissance nucléaire.

Ce type d'opération s'inscrirait obligatoirement dans un cadre légal : légitime défense invoquée par un Etat, ou vote d'une résolution des Nations Unies. Elle serait, selon toute vraisemblance, menée au sein d'une coalition rassemblée autour d'une organisation internationale (OTAN, UE) voire une nation-cadre (Etats-Unis...).

Dans les scénarios envisagés, les opérations militaires seraient conduites face à un ou des Etats appartenant au même ensemble régional. Les adversaires seraient d'une part des armées régulières modernes et lourdement équipées, épaulées par des milices souvent peu ou mal contrôlées, mais également des adversaires irréguliers non-étatiques poursuivant leurs buts propres.

Cet engagement pourrait s'accompagner sur le territoire national d'attaques terroristes, d'agressions informatiques majeures, voire d'une menace balistique, et engendrer, par effet de conséquence ou après des actions de déstabilisation, une forte dégradation de la sécurité intérieure, entraînant une insécurité croissante, des troubles majeurs et in fine une dégradation de l'ordre public.

Enfin à l'étranger, nos ressortissants et nos intérêts stratégiques pourraient également être menacés.

L'objectif de l'intervention dans ce type de scénario, serait d'imposer le silence des armes en limitant les effets de la crise, en particulier si une puissance nucléaire était impliquée. L'intervention pourrait débuter par une entrée de vive force sur le théâtre d'opération, précédée ou non d'une campagne intensive de plusieurs semaines combinant attaques aériennes, frappes dans la profondeur et opérations spéciales et d'information, destinées à acquérir la supériorité.

La phase de vive force proprement dite pourrait durer plusieurs mois et serait menée en parallèle d'actions de sécurisation des voies d'approvisionnement et des flux logistiques militaires et civils. Une période de stabilisation et de normalisation, prise en compte dans la planification initiale, pourrait mobiliser les forces armées pendant plusieurs années.

La participation militaire de la France serait d'un niveau lui permettant de peser sur le processus de direction stratégique avec ses alliés, en particulier par le commandement d'une composante ou d'un secteur et en participant à l'entrée en premier sur le théâtre et aux actions majeures ou spécifiques.

Aussi le contrat opérationnel des armées prévoit la possibilité d'un engagement majeur, aux côtés des alliés, d'une force terrestre de 30 000 hommes, de 70 avions de combat et d'importants moyens maritimes (groupe aéronaval et élément amphibie en particulier) avec, parallèlement, une capacité d'intervention d'urgence nationale de 5 000 hommes.

Sur le territoire national et ses approches maritimes et aériennes, le renforcement de la posture de sûreté serait maximum en cas d'atteintes directes au territoire national dans le cadre d'attaques terroristes majeures, par exemple. La mise en oeuvre du contrat opérationnel de protection de 10 000 hommes serait vraisemblablement décidée. Les différentes hypothèses d'engagement des forces incluent toutes la mise en oeuvre de ce « contrat protection ».

Dans les hypothèses les plus dimensionnantes, dites scénario H3 2 ( * ) qui cumulent la simultanéité d'un engagement majeur en opération extérieure (30 000 hommes et 70 avions de combat) avec un déploiement de dix mille hommes sur le territoire national, les forces armées seront nécessairement amenées à recourir aux réservistes pour permettre une rotation des effectifs comme l'a souligné le général d'armée Elrick IRASTORZA 3 ( * ) , chef d'état-major de l'armée de terre, devant la mission.

Enfin, dans certains pays de l'ensemble régional touché par la crise, les ressortissants français pourraient être menacés. La France devrait alors pouvoir assurer leur protection et éventuellement, en dernier recours, leur extraction. Les forces armées françaises seraient donc appelées à le faire, comme elles l'ont déjà fait depuis 1990 dans 26 opérations d'évacuation, maritime ou aérienne, qu'il s'agisse d'opérations nationales ou multinationales.


* 1 Extrait du Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (p.129)

* 2 Hypothèse H3 : engagement majeur aux côtés des alliés (30 000 hommes et 70 avions de combat), protection sur le territoire national (10 000 hommes) et capacité d'intervention d'urgence nationale (5 000 hommes).

* 3 Cf Audition du général d'armée Elrick IRASTORZA, Chef d'état-major de l'armée de terre le 25 mai 2010, annexe 1 page 304

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