III. CONCLUSION

Merci à tous. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État à l'économie numérique, à qui il revient de conclure ces deux tables rondes.

Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Merci à tous ceux qui ont donné un peu de leur temps sur un sujet à propos duquel nous avons besoin des parlementaires. Il existe une place pour l'initiative parlementaire sur cette question. Je considère qu'elle est nécessaire et attendue.

C'est le bon moment pour s'en saisir. Il y a en effet aujourd'hui sur la table deux documents qui permettent, je pense, de trouver un bon point de départ, le rapport du secrétariat d'État, qui a été réalisé suite à une initiative parlementaire et les fameux dix commandements de l'ARCEP. Les deux sont assez convergents et on n'aura donc pas à se demander dans lequel aller chercher de bonnes options.

Par ailleurs, le sujet est mûr et il me semble que la présence de ce panel varié et équilibré, comme l'émergence du sujet dans les médias ces derniers temps, et la façon dont il a traversé l'océan, en font un objet dont on peut se saisir, ce qui n'aurait pas été le cas il y a encore deux ans.

J'ai toutefois été surprise par l'intitulé de la première table ronde consacrée à la neutralité des contenus. Je milite pour une vision large de la neutralité du Net et même de l'Internet. De ce point de vue, le titre est bien choisi et je trouve qu'il faut parler de la question des contenus car la neutralité du Net inclut pour moi la question du référencement et des terminaux d'accès mais un observateur malavisé aurait pu se dire que l'on veut ainsi contrôler les contenus. Comment savoir si un contenu est neutre ou non ? Un contenu n'a pas vocation à être neutre : c'est la manière dont on le transporte qui doit être neutre !

Au-delà de sujets sémantiques, je trouve que cette vision globale qui regroupe tous les types d'acteurs augure bien de la suite. On attend donc, dans l'année qui vient, la tenue des assemblées parlementaires...

Aujourd'hui Internet fonctionne selon le modèle « best effort », ce qui ne répond pas tout à fait aux enjeux et à l'ampleur des défis dont il est porteur. Ceci est propre au monde du numérique. Les choses se sont constituées par couche et très vite. Il existe un décalage entre la façon dont le système est organisé, les institutions qui le gèrent et les intérêts dont il est porteur.

Je n'en reviens pas que l'ICANN (l' Internet corporation for assigned names and numbers ) soit une association de droit californien ! Ce n'est pas raisonnable pour l'institution qui doit gérer les noms de domaines ! Cela leur pose d'ailleurs problème car il existe des responsabilités qu'ils préfèreraient partager, même au niveau international, afin d'élargir la gouvernance.

C'est un peu la même chose en matière de neutralité du Net : on n'a pas vraiment les outils pour faire face à l'ampleur des défis auxquels on est confronté.

Pourquoi cela a-t-il changé si vite ces dernières années ? Tout d'abord, les équipementiers des réseaux ont accompli des progrès techniques qui leur permettent de mener aujourd'hui des actions de management et de gestion des flux dont les techniques, pour certaines, sont assez récentes.

Par ailleurs, les réseaux commencent à être victimes de leur succès mais on ne serait pas sur le point d'investir de telles sommes si l'on ne sentait pas que l'on arrive assez rapidement au point de croisement entre la largeur de la bande passante et la demande fortement exponentielle qui en est faite.

Depuis quinze ans, on a vu émerger et grandir les nouveaux acteurs du monde de l'Internet. Il aurait été plus facile de parler de neutralité du Net, il y a quelques années mais on n'était pas mûr pour le faire ; aujourd'hui, plus nombreux sont ceux avec qui il faut en parler. Ce sera plus riche, plus intéressant et permettra peut-être de trouver quelque chose de plus équilibré mais il est certain que la discussion ne peut seulement avoir lieu entre fournisseurs d'accès. Les fournisseurs de services sur Internet doivent pouvoir y participer. Je milite en ce sens, même si cela a été très débattu au moment où l'on a réalisé notre travail.

Enfin, les terminaux d'accès sont de plus en plus sophistiqués mais de moins en moins interopérables, ce qui pose un problème en matière de neutralité. J'insiste pour que cette question soit prise en compte dans le débat sur la neutralité.

En fait, la neutralité peut être assurée au coeur du réseau et remise en cause aux extrémités. Il faut que l'on puisse en parler - même si tout le monde n'en a pas envie, ce que je comprends.

Le Gouvernement et l'ARCEP partagent le même constat sur le sujet. L'accueil extrêmement chaleureux réservé aux propositions de l'ARCEP a fait un écho intéressant à l'accueil critique qui a été porté pendant l'été aux propositions du Gouvernement. C'est assez drôle car il s'agit parfois des mêmes : on a vu des acteurs du monde de l'Internet adopter des postures assez radicalement différentes, ce qui prouve que, chez certains commentateurs, on ne traite pas le contenu de la même façon en fonction de son émetteur. On pourra un jour organiser une table ronde sur la neutralité des blogueurs !

Selon moi, le « paquet télécom » répond à un certain nombre de défis de manière prudente et technique mais utile. De cette manière, il pose des bases nécessaires pour pouvoir poursuivre le travail sur la neutralité du Net - transparence des offres, renforcement des prérogatives des autorités nationales de régulation, etc. Cela étant, je considère qu'il n'épuise pas le sujet et qu'il y a de la place pour autre chose.

Ces éléments sont vitaux. On doit les transposer et on va le faire. On en a besoin. Le « paquet télécom » est pour l'essentiel de qualité et cela doit être fait rapidement pour laisser la place à une action plus politique. Je pense que c'est une chance pour que le politique, une fois ces questions techniques résolues, puisse prendre toute sa place qui, selon moi, sur un tel sujet, doit être préemptée par le Parlement.

Je ne prévois pas, à ce stade, de projet de loi : je crois qu'il y a matière à proposition de loi sur ce sujet. Quel peut être le calendrier ? Le Livre Blanc est prévu pour décembre ; il devrait avoir quelques semaines de retard, selon la Commissaire, qui a pris un peu de retard dans ses travaux.

Je trouve difficile de discuter d'un texte avant d'avoir entre les mains les propositions de la Commission - même si l'on pressent la façon dont elle voit les choses. Il faut donc attendre son calendrier avant d'établir le nôtre mais tout cela peut être assez cohérent et je me réjouis que vous preniez les devants !

Permettez-moi de considérer cette table ronde comme le début d'une réflexion qui peut aboutir à une discussion sur une proposition de loi avec vos collègues de l'Assemblée nationale. Je vous en laisse le soin.

M. Pierre HÉRISSON, président du groupe d'études « Postes et télécommunications »

Il est rare qu'un ministre nous incite à déposer une proposition de loi ! Cela m'est déjà arrivé avec Michèle Alliot-Marie à propos de la sécurité des manèges !

Merci, madame la ministre, de nous avoir rejoints pour apporter conclusion et propositions. Les uns et les autres ont pu s'exprimer cet après-midi sur un sujet qui me paraît mûr - pour reprendre votre expression - et sur lequel il faut travailler rapidement pendant que les choses sont possibles. C'est le moment d'avancer !

Je crois que nous avons, les uns et les autres, intérêt à travailler. C'est l'engagement que nos deux commissions peuvent prendre ici, en demandant à chacun sa contribution à la proposition que vient de nous faire Mme la ministre.

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