4. La question de la capacité normative de l'archipel

Une minorité de responsables politiques et d'acteurs socio-économiques s'interrogent sur l'opportunité d'un retour de Saint-Pierre-et-Miquelon au statut de département d'outre-mer défini par l'article 73 de la Constitution. La grande majorité des autorités de l'archipel considère en effet que Saint-Pierre-et-Miquelon a tout intérêt à conserver la souplesse qu'offre le statut de collectivité d'outre-mer.

M. Philippe Guillaume, secrétaire général de la CFDT dans l'archipel, a estimé que la population n'aspirait pas à un retour au statut de DOM. Il a souligné que le statut de COM, donnant à la collectivité une compétence normative en matière fiscale et douanière, devrait lui permettre d'attirer les investisseurs étrangers, mais que la classe politique n'avait pas encore su en utiliser tout le potentiel.

Vos rapporteurs estiment que le régime de l'article 74 de la Constitution reste le plus adapté à la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon, en particulier parce qu'il permet à la loi organique de donner à l'assemblée délibérante de la collectivité une compétence étendue en matière fiscale et douanière.

La collectivité dispose en effet d'une compétence normative, y compris dans le domaine législatif, notamment en matière d'impôts, droits et taxes, de régime douanier et d'urbanisme.

A cet égard, vos rapporteurs soulignent que dans les domaines soumis au principe d'identité législative, les normes issues de l'Union européenne deviennent applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque de nombreux textes nationaux assurent la transposition des directives européennes.

Il convient en revanche de s'interroger sur les moyens dont dispose Saint-Pierre-et-Miquelon pour assumer pleinement ses compétences normatives , car la collectivité semble rencontrer des difficultés à mobiliser l'expertise nécessaire à l'adoption et à la mise à jour régulière des textes législatifs et réglementaires. Or, la qualité de sa réglementation peut conditionner sa capacité à attirer des investisseurs, français ou canadiens.

M. Dominique Deldicque, chef du service des douanes, a ainsi expliqué à vos rapporteurs qu'il n'existait pas de code des douanes à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais seulement un mélange de délibérations et d'éléments issus du code des douanes national.

L'article 74 de la Constitution offre la souplesse nécessaire pour, le cas échéant, revoir cette répartition des compétences entre l'État et la collectivité. Le cadre de la COM donne à cet égard un large éventail de possibilités pour mieux organiser le statut de l'archipel, si les élus le jugeaient nécessaire, toute révision du statut supposant une consultation du conseil territorial.

Ainsi, le retour à l'État de certaines compétences normatives pourrait être envisagé. Une autre solution pourrait consister à donner dans chaque domaine la compétence législative à l'État, et à laisser à la collectivité la compétence réglementaire. Il serait encore envisageable de prévoir que, dans des domaines à déterminer, les lois et règlements n'entrent en vigueur localement qu'au terme d'un délai, au cours duquel le conseil territorial pourrait les modifier.

Un travail de réflexion sur l'adaptation du régime d'application des lois et règlements et sur les compétences normatives pourrait se révéler utile, tant il apparaît que le législateur n'est pas allé au bout de la logique de respect des intérêts propres de la collectivité d'outre-mer la moins peuplée de la République.

Vos rapporteurs recommandent la réalisation par l'État, en étroite concertation avec la collectivité territoriale, d'un bilan de l'état du droit en vigueur à Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de mesurer si la collectivité dispose de normes accessibles et à jour, notamment en matière fiscale et douanière .

Au regard de ce bilan, une refonte générale du code des impôts et du code des douanes de Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait être envisagée, pour faciliter la réalisation des investissements dans l'archipel.

Ce bilan pourrait être étendu aux textes applicables à certains domaines relevant de la compétence de l'État, comme la formation continue. En effet, M. Jean Hugonnard, directeur de l'association pour la formation professionnelle continue, a indiqué que les lois relatives à la déconcentration de la formation continue, qui s'étaient accompagnées d'une forte augmentation des crédits en ce domaine entre 2004 et 2008, n'avaient pas été étendues à Saint-Pierre-et-Miquelon, où la situation reste quasiment inchangée depuis 1996.

Ce premier bilan devrait être assorti d'une évaluation précise de la capacité technique de la collectivité à élaborer ses propres normes . A terme, cette évaluation pourra conduire à l'attribution d'un appui technique par l'État et/ou à un réaménagement de la répartition et des modalités d'exercice des compétences.

En toute hypothèse, il importe de permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de conserver des règles adaptées aux particularités locales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page