B. LES PROGRÈS DES CONDITIONS DE DÉTENTION À LA MAISON D'ARRÊT DE MAJICAVO

Vue de la métropole, la maison d'arrêt de Majicavo suscite un intérêt certain, ainsi qu'en attestent pas moins de trois visites de parlementaires (dont celle de notre collègue Isabelle Debré, le 10 février 2010), une visite d'un ministre de la justice étranger (Hirsch Ballin, ministre de la justice des Pays-Bas, le 5 février 2009) et plusieurs déplacements d'autorités administratives, depuis octobre 2008 35 ( * ) .

De par son éloignement, sa situation géographique exceptionnelle (à l'écart, au milieu d'une nature exotique et luxuriante) et sa surpopulation carcérale dramatiquement élevée, cet établissement nourrit également les imaginaires, voire les fantasmes sur l'univers carcéral , par ailleurs déjà abondamment alimentés par quelques séries télé.

Afin de se forger sa propre opinion, votre rapporteur spécial s'est donc rendu à la maison d'arrêt de Majicavo, le 30 avril 2011 , et il y a passé une partie de la journée. Les développements suivants visent à vous rendre compte de ses conclusions.

1. L'alerte du contrôleur général des lieux de privation de liberté

En application des prérogatives qui lui sont conférées par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, le contrôleur a décidé, en 2009, d'une visite de la maison d'arrêt de Majicavo . Quatre contrôleurs délégués ont ainsi passé plusieurs jours (du 26 mai au 4 juin 2009) sur place.

Ce contrôle a ensuite donné lieu à un rapport de visite ainsi qu'à des recommandations , publiées au Journal officiel du 25 juillet 2010.

Il ressortait de ce rapport de visite un constat très alarmant s'agissant de la situation à la maison d'arrêt et des conditions de détention qui y régnaient. Ce constat avait d'ailleurs été confirmé de vive voix par Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, lors des échanges réguliers que votre rapporteur spécial entretient avec celui-ci.

Sans prétendre résumer ici de manière exhaustive le rapport du contrôleur général 36 ( * ) , votre rapporteur spécial souhaite néanmoins en reprendre quelques éléments clefs .

Le rapport relevait, tout d'abord, un taux de sur-occupation de 240 % en précisant que cette sur-occupation était « chronique » et qu'elle pouvait aller jusqu'à 333 % dans certains quartiers (quartier de fin de peine, qui ne disposait que de deux cellules et de dix-huits lits).

Il soulignait que « le taux d'occupation des vingt-huit cellules se caractérise par une densité très forte qui entraine une grande promiscuité et une absence totale d'intimité , principalement dans les quartiers adultes 1 et 2 et dans le quartier fin de peine ».

En surplus, il décrivait des conditions de vie très difficiles : « Les cellules sont couvertes de toitures en tôle, ce qui explique en partie qu'elles soient surchauffées », « les plafonds, d'une hauteur variant entre 3,22 mètres et 2,56 mètres, sont inclinés avec une pente vers l'intérieur. Il en résulte que le matelas du lit supérieur installé dans la « partie basse » de la cellule se trouve à dix-sept centimètres du plafond . Il en est ainsi pour dix-sept lits », « les moustiquaires initialement installées sont détériorées et inopérantes », « les surveillants ont précisé que la température était « suffocante » lorsqu'ils ouvraient le matin les cellules, surtout pendant la saison des pluies », « la prise de la douche est particulièrement répugnante, du fait de traces d'excréments aux murs et des odeurs permanentes d'égout », « Les contrôleurs ont constaté de nombreuses fuites et des sanitaires bouchés. Dans ce dernier cas, les détenus ont indiqué qu'ils devaient jeter des bassines d'eau dans le sanitaire afin d'évacuer la cuvette », « Les détenus retournent, une fois servis, dans leur cellule. Ils mangent, le plus souvent, l'assiette à même le sol, à défaut de pouvoir se mettre à table. Ils ne disposent ni de fourchette, ni de couteau. Tous n'ont pas de gobelet . Les assiettes sont alors posées à quelques centimètres des WC, l'odeur des sanitaires se répandant dans toute la pièce. Les détenus ont tenu à montrer aux contrôleurs dans quelles conditions, qu'eux-mêmes jugent indignes, les repas étaient pris », « Les conditions d'hygiène et d'alimentation des détenus sont jugées déplorables par les soignants [...]. D'après eux, ce manque d'hygiène provoque des bastions de germes infectieux qui se propagent en détention ».

Une telle description ne pouvait bien évidemment qu'alerter votre rapporteur spécial .

Au regard de sa propre visite de la maison d'arrêt, il tire toutefois des conclusions moins catastrophiques des conditions de détention que celles présentées dans le rapport de visite précité. Il est d'ailleurs certain que le signal d'alarme tiré par le contrôleur général a, entretemps, commencé à porter ses fruits.

A cet égard, votre rapporteur spécial estime particulièrement utile et nécessaire le rôle de « vigie » exercé par le contrôleur général, parfaitement en phase avec la mission que lui a confiée le législateur .

Même s'il peut parfois diverger de lui quant à l'appréciation portée sur telle ou telle situation précise, votre rapporteur spécial tient à souligner combien il se félicite de ses échanges cordiaux et, surtout, fructueux avec le contrôleur général Jean-Marie Delarue. Ils illustrent bien, de son point de vue, les bénéfices mutuels qui peuvent être retirés d'un travail en complémentarité entre le Parlement et une autorité administrative indépendante .


* 35 Source : direction de l'établissement.

* 36 Votre rapporteur spécial renvoie à la lecture du rapport de visite, accessible sur le site internet du contrôleur général des lieux de privation de liberté à l'adresse suivante :

http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2010/07/MA-Mayotte-Majicavo-Visite-final-09-11-12.pdf

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