2. L'amélioration des conditions matérielles

De ce qu'a pu en constater votre rapporteur spécial à l'occasion de son passage à Majicavo, les conditions matérielles ont connu une réelle amélioration par rapport à la situation décrite par le contrôleur général.

Pour autant, la situation à la maison d'arrêt est loin d'être idyllique et les efforts doivent être poursuivis afin d'atteindre les standards conformes aux normes pénitentiaires usuelles. Ce chemin risque d'être encore assez long et dépendra aussi d' éléments extérieurs hors de prise de l'administration pénitentiaire , en particulier la poursuite, l'interruption ou l'accélération de l'immigration clandestine à Mayotte.

a) Un établissement ouvert en 1995

La maison d'arrêt de Majicavo n'est pas située en centre ville de Mamaoudzou. Il faut parcourir six kilomètres sur la RN 1 pour parvenir aux murs et aux grilles de son enceinte.

Ouverte en 1995 , sa construction résulte, déjà à l'époque, du constat de la vétusté et de l'insalubrité de la précédente maison d'arrêt de Mayotte (située, elle, en centre ville de Mamoudzou). Qui plus est, ainsi que l'écrivait le juge du tribunal de Mamoudzou en 1977 à l'occasion d'une affaire nécessitant l'incarcération d'une jeune ressortissante malgache, « les locaux de la maison d'arrêt vétustes et dépourvus de sanitaires ne [permettaient] pas l'incarcération d'une délinquante » 37 ( * ) .

A la lisière de la forêt mahoraise, la maison d'arrêt de Majicavo s'étend sur un domaine de quatre hectares . Les locaux en tant que tels y occupent 1 860 m² et sont entourés d'une double enceinte grillagée mais sans mirador (ce qui constitue une spécificité architecturale au regard de la norme de l'administration pénitentiaire en métropole).

La maison d'arrêt comporte cinq quartiers :

- trois quartiers « adultes » ;

- un quartier « mineurs » ;

- un quartier « femmes » pouvant, le cas échéant, faire office de quartier pour les détenus en fin de peine ;

- un quartier d'isolement pouvant, le cas échéant, accueillir des femmes 38 ( * ) .

Le budget de l'établissement représente 6,215 millions d'euros se ventilant comme indiqué dans le tableau suivant.

Le budget de la maison d'arrêt de Majicavo en 2010

(en millions d'euros)

AE = CP

Dépenses de personnel

(titre 2)

3,979

Dépenses de fonctionnement courant

1,326

Marché d'alimentation

0,221

Dépenses d'investissement

0,689

Total

6,215

Source : direction de l'établissement

Le coût de l'alimentation représente une part importante du budget de fonctionnement (plus d'un tiers). Il résulte d'un marché passé en 2010, les cuisines n'étant pas dimensionnées pour pourvoir aux repas d'autant de détenus que présents à l'heure actuelle à Majicavo ( cf. infra ). Ces repas sont donc fournis par un prestataire extérieur, ce qui induit un surcoût estimé à 14 % sur un an 39 ( * ) .

b) L'acceptabilité des conditions de vie en dépit de la surpopulation carcérale qui demeure à un niveau très élevé

Sans entrer dans une description aussi minutieuse que peut le faire le contrôleur général, votre rapporteur spécial souhaite toutefois vous rendre compte de sa vision d'ensemble des conditions de vie qu'il a pu voir lors de sa visite des différents quartiers de la maison d'arrêt.

Ces conditions de vie sont bien moins pires que votre rapporteur spécial ne le craignait . Il a pu observer un état de propreté satisfaisant des cellules et des lieux collectifs, sans odeur incommodante. La chaleur pose bien évidemment problème tout au long de la journée (les cellules ne sont pas équipées de ventilateurs), mais elle correspond à une donnée incontournable à Mayotte. Les locaux utilisés au sein de l'établissement afin de gérer la restauration collective des détenus ont, en outre, été réhabilités suite aux observations formulées par le contrôleur général.

Le travail rémunéré à la maison d'arrêt est rare et ne correspond qu'aux taches effectuées à l'intérieur de l'établissement dans le cadre du service général (entretien de la cuisine, par exemple). Seuls 28 détenus sont concernés. Le salaire moyen se situe à environ 150 euros par mois, ce qui représente plus qu'un salaire d'enseignant à Anjouan où le niveau de vie est très bas. Pour les passeurs Anjouannais écroués à Majicavo il s'agit donc d'une somme importante, certains aidant d'ailleurs leurs familles à l'extérieur grâce à cette rétribution, selon Gilbert Marceau, chef de l'établissement.

Il convient par ailleurs de rappeler que le principe d'un minimum pénitentiaire , prévu par la loi pénitentiaire précitée du 24 novembre 2009 afin de lutter contre l'indigence en prison, est appliqué à Mayotte. De la sorte, chaque détenu reçoit 20 euros par mois, ce qui peut correspondre à un salaire à Anjouan. Ce minimum représente donc un montant lui aussi substantiel pour les passeurs Anjouannais écroués à Majicavo. Dans la mesure où environ 75 % des détenus à la maison d'arrêt sont des personnes indigentes, le montant total de la dépense devrait avoisiner 40 000 euros sur l'exercice 2011 .

Le point noir de l'établissement réside dans la surpopulation carcérale , dont le problème demeure. Cette surpopulation entraine évidemment des conditions d'accueil dégradées du fait d'un nombre de cellules et de places insuffisant.

Le graphique ci-après décrit l'évolution du taux d'occupation de la maison d'arrêt depuis 2007.

L'évolution du taux d'occupation carcérale à Majicavo

Source : DAP

Lors de la visite de votre rapporteur spécial à Majicavo, la prison comptait 212 détenus pour une capacité théorique d'accueil de 105 places, soit un taux de sur-occupation de 201,9 % . Encore ce taux avait-il grimpé jusqu'à 280 % courant 2009.

L'administration pénitentiaire n'a guère de prise sur le flux entrant à la maison d'arrêt. Ce flux dépend en effet de l'évolution de la délinquance mahoraise et, surtout, de celle de l'immigration clandestine. En effet, il faut rappeler que les passeurs, pilotes de « kwassa », sont envoyés à Majicavo lorsqu'ils sont arrêtés, tandis que les clandestins sont orientés vers le CRA de Pamandzi. La courbe du taux d'occupation varie essentiellement sous l'effet du facteur « immigration clandestine ».

En revanche, l'administration pénitentiaire dispose d'une certaine marge de manoeuvre s'agissant de la gestion du nombre de détenus à la maison d'arrêt. A fortiori depuis l'entrée en service du nouveau centre pénitentiaire de Saint-Denis, La Réunion peut en effet jouer le rôle de soupape de sécurité de la maison d'arrêt de Mayotte . Cette soupape est d'ailleurs assez largement utilisée, des transfèrements de détenus étant régulièrement organisés ( cf. infra ).

Cette solution ne constitue néanmoins qu'un pis aller . D'une part, elle a un coût budgétaire (le voyage de transfèrement entre Mayotte et La Réunion), même si l'administration pénitentiaire est judicieusement parvenue à le contenir ( cf. infra ). D'autre part, la cohabitation entre les Réunionnais et les Comoriens se révèle difficile au centre pénitentiaire de Saint-Denis. Enfin, comme l'a relevé le contrôleur général dans sa recommandation précitée, le transfèrement des Anjouannais vers La Réunion débouche sur un éloignement problématique de ces détenus de leurs familles, avec le risque de mettre à mal leurs liens familiaux.

c) Le ballon d'oxygène du projet d'extension prévu pour 2014

Dans ces conditions, l'unique solution pérenne , à supposer que la question de l'immigration clandestine vers Mayotte ne prenne pas de nouvelles proportions encore plus importantes, est à rechercher dans un accroissement des capacités d'accueil à Majicavo.

Cette solution s'inscrit d'ailleurs dans la continuité d'un mouvement déjà engagé en 2004, date à laquelle il a été procédé à une première extension de la maison d'arrêt . Modeste, cette extension avait permis à l'époque d'augmenter de 25 places la capacité théorique de l'établissement.

Ce mouvement a, qui plus est, été prolongé avec la livraison d'un bâtiment offrant un surplus de 15 places en septembre 2010 .

Une nouvelle extension est désormais prévue, cette fois-ci beaucoup plus conséquente et en phase avec les besoins puisqu'elle porterait sur 175 places supplémentaires .

L'objectif fixé consiste en la création d'un centre pénitentiaire comportant des quartiers de maison d'arrêt pour les hommes, les femmes et les mineurs ainsi qu'un quartier correspondant à un centre de détention pour peines.

Piloté par l'APIJ, ce programme immobilier est d'ores et déjà lancé , un prestataire associé à un cabinet d'architecte ayant été retenu dans le cadre de l'appel d'offre.

Les travaux devraient débuter à la fin de l'année 2011 ou au début de l'année 2012, avec pour but la livraison du chantier en 2014 .

Votre rapporteur spécial suivra avec attention le bon déroulement de ce chantier et le respect des délais de livraison, ce projet correspondant à un enjeu très fort pour la justice à Mayotte dans les années à venir .


* 37 Lettre du juge du tribunal de Mamoudzou au garde des Sceaux, ministre de la justice, en date du 5 avril 1977.

* 38 Lors de sa visite de la maison d'arrêt, votre rapporteur spécial a ainsi constaté que deux femmes occupaient le quartier d'isolement. Ce jeu de « chaises musicales », auquel a parfois recours la direction de l'établissement afin d'avoir un peu plus de souplesse dans la gestion des places, ne nuit d'ailleurs pas aux conditions de vie des femmes en question.

* 39 Estimation réalisée par la direction de l'établissement.

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