II. VERS UN APPROFONDISSEMENT DE LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

L'Union européenne est la région du monde où l'énergie nucléaire civile est la plus développée. 143 centrales sont en exploitation dans quatorze Etats membres. Elles produisent environ un tiers de l'électricité de l'Union et les deux tiers de l'électricité sans émission de carbone. Elle est le terrain naturel d'une politique de sûreté dépassant le strict cadre des États. En outre, son poids peut en faire un modèle pour d'autres régions du monde.

Cette politique s'inscrirait dans le mouvement actuel en faveur d'une politique énergétique européenne plus cohérente et coordonnée, mais respectueuse de la liberté de chaque État de déterminer son bouquet énergétique.

La sûreté nucléaire concerne tous les États membres, qu'ils possèdent ou non des installations nucléaires sur leur territoire. Le plus haut niveau de sûreté doit être recherché, en demeurant conscient que le risque zéro n'existe pas.

A. DES PROGRÈS TRÈS SENSIBLES DEPUIS DEUX ANS

1. Une avancée majeure : la directive « sûreté » du 25 juin 2009

Grâce au travail préparatoire de WENRA et de l'ENSREG, la proposition de directive établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires a pu être rapidement adoptée le 25 juin 2009 sous l'impulsion de la présidence française de l'Union européenne au second semestre 2008.

L'adoption de cette directive est une étape essentielle. Ce texte fait de l'Union européenne le premier grand acteur régional à donner force juridique contraignante aux principales normes internationales de sûreté nucléaire, à savoir les principes fondamentaux de sûreté établis par l'AIEA et les obligations découlant de la convention sur la sûreté nucléaire (CSN). La Cour de justice de l'Union est la garante de son respect.

La directive affirme ainsi que :

- la responsabilité nationale des Etats membres est le principe fondamental sur la base duquel ont été développées les règles internationales en matière de sûreté ;

- ce principe doit être conforté, de même que celui selon lequel la responsabilité première de la sûreté d'une installation nucléaire incombe à son exploitant sous le contrôle de son autorité de réglementation nationale compétente ;

- chaque État doit instituer une autorité de sûreté indépendante.

Fortement inspirée par une législation française précurseur, notamment la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi dite TSN), elle impose aux Etats membres de se doter d'un cadre national législatif, réglementaire et organisationnel pour la sûreté nucléaire. Surtout, elle affirme le principe d'amélioration continue de la sûreté.

De nombreux observateurs ont qualifié cette directive de texte a minima . Certes, elle se limite pour l'essentiel à reprendre des principes de la Convention sur la sûreté nucléaire. Mais deux différences importantes doivent être soulignées. D'une part, elle a force contraignante, comme cela a été dit précédemment. D'autre part, elle dispose que les États membres doivent soumettre leur cadre national et leur autorités de sûreté tous les dix ans au moins à un examen international par les pairs. Cette obligation, qui peut paraître mineure à première vue, est inédite. Les revues par les pairs organisées par l'AIEA ne sont déclenchées qu'à la demande des États concernés.

2. La proposition de directive relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs

Présentée le 10 novembre 2010, cette proposition de directive 16 ( * ) vient dans le prolongement de la directive « sûreté ». Détachée de cette dernière pour ne pas reproduire le précédent du paquet nucléaire de 2003, elle a suivi un processus d'élaboration similaire.

Elle complète la directive « sûreté » qui ne s'applique qu'aux installations d'entreposage des combustibles usés et à une partie des installations d'entreposage des déchets radioactifs.

La philosophie générale du texte est très proche de la directive « sûreté ». Elle reprend directement les normes de sûreté dégagées par l'AIEA, en leur donnant, là encore, force juridique. La législation française est aussi une source d'inspiration, puisque la proposition de directive reprend le schéma de la loi de programme n° 2006-739 du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Les États membres doivent mettre en place un cadre national (normes, autorités indépendantes) et élaborer un programme national de gestion des combustibles usés et des déchets, décrivant la politique nationale et les filières de gestion, à l'image du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs prévu par la loi du 28 juin 2006. Enfin, toujours comme la directive « sûreté », ce texte prévoit une revue par les pairs tous les dix ans.

En revanche, il va un cran plus loin en donnant à la Commission européenne le pouvoir de demander des éclaircissements supplémentaires sur les programmes nationaux que les États membres lui transmettent. Elle peut aller jusqu'à demander une révision. Les États membres ne sont pas contraints de réviser leur programme, mais ils doivent informer la Commission des suites données.

3. Les récents travaux de WENRA

Après l'adoption des niveaux de sûreté de référence en 2007, l'association WENRA a poursuivi ses travaux. Elle a adopté en particulier en novembre 2010 des objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs. Ceux-ci devront obligatoirement être de troisième génération, en raison du saut qualitatif de cette technologie. Comme l'a souligné Claude Gatignol, député, à vos rapporteurs, la meilleure garantie est la sûreté passive, c'est-à-dire la conception de la centrale.

Ce choix structurant de WENRA pour les futurs réacteurs démarque très clairement le continent européen du reste du monde. Il est d'autant plus audacieux qu'il a été fait avant l'accident de Fukushima.

A côté des travaux de WENRA, se développent de nombreuses collaborations ponctuelles entre quelques autorités nationales de sûreté. Ainsi, les autorités de sûreté britannique, française et finlandaise mettent-elles en commun leur expertise sur l'EPR, même si leurs conclusions divergent parfois.

Toutes ces avancées agrégées autorisent à parler désormais d'un pôle européen de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.


* 16 COM (2010) 618 final.

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