B. LES CONSÉQUENCES DE L'ACCIDENT DE FUKUSHIMA

1. Des premiers enseignements délicats

Il est encore trop tôt pour tirer des leçons définitives de cette catastrophe.

Techniquement et scientifiquement, il faudra certainement plusieurs années avant que toutes les données soient rassemblées. Cela ne signifie pas qu'il faille attendre aussi longtemps pour prendre des mesures. La mise en place de tests de résistance (voir ci-après) est la réponse européenne la plus immédiate.

A plus long terme, il est aussi délicat d'évaluer les effets sur la filière nucléaire. Cet aspect n'est pas l'objet du présent rapport. Mais on peut penser sans trop se tromper que, du point de vue de la sûreté, il sera très difficile pour un Etat de se doter de nouveaux réacteurs nucléaires qui ne seraient pas de la troisième génération. L'Afrique du Sud, qui hésitait encore sur la génération à adopter, a tranché il y a quelques semaines en faveur de la troisième génération.

2. Les nouvelles orientations du Conseil européen

Quelques semaines avant l'accident de la centrale de Fukushima, les conclusions du Conseil européen du 4 février 2011, consacré en majeure partie à la politique énergétique, faisaient une simple mention de la nécessité pour l'Union de « promouvoir les plus hauts standards de sûreté nucléaire » .

Ces termes étaient très en retrait par rapport aux souhaits du gouvernement français. Celui-ci, à la suite de l'adoption par WENRA en novembre 2010 d'objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs, aurait aimé que les conclusions du Conseil européen fassent référence aux travaux de cette enceinte. Il n'en fut rien, tant la question du nucléaire cristallise des positions divergentes au sein de l'Union. Pour les adversaires de l'énergie nucléaire, promouvoir la sûreté revient déjà à accepter cette source d'énergie.

Il faut attendre l'accident de Fukushima pour que les chefs de gouvernement se saisissent pleinement de ce sujet.


Extraits des conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011

[...] Dans ce contexte, le Conseil européen souligne qu'il est nécessaire de tirer tous les enseignements de ces événements et de fournir au public toutes les informations nécessaires. Rappelant que la ventilation des différentes formes d'énergie relève de la compétence des États membres, il demande que des mesures soient prises en priorité dans les domaines suivants :

- il convient de vérifier la sûreté des toutes les installations nucléaires de l'UE, sur la base d'une évaluation globale et transparente des risques et de la sûreté (« tests de résistance ») ; le Groupe des régulateurs européens dans le domaine de la sûreté nucléaire (ENSREG) et la Commission sont invités à définir le plus rapidement possible l'étendue et les modalités de ces tests dans un cadre coordonné, à la lumière des enseignements tirés de l'accident qui s'est produit au Japon et avec la participation pleine et entière des États membres, en tirant pleinement parti de l'expertise disponible (notamment celle de l'Association des responsables des Autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest) ; les évaluations seront menées par des autorités nationales indépendantes et dans le cadre d'une évaluation par les pairs ; leurs résultats et toute mesure nécessaire qui sera prise par la suite devraient être communiqués à la Commission et aux membres de l'ENSREG et rendus publics ; le Conseil européen évaluera les premières conclusions à la fin de 2011, en se fondant sur un rapport présenté par la Commission ;

- la sûreté des centrales nucléaires est une priorité, qui dépasse à l'évidence le cadre de nos frontières ; l'UE demandera que des « tests de résistance » similaires soient effectués dans les pays voisins, ainsi que dans le monde entier, en ce qui concerne à la fois les centrales existantes et en projet ; il convient à cet égard de mettre pleinement à contribution les organisations internationales compétentes ;

- les normes les plus élevées en matière de sûreté nucléaire devraient être appliquées et améliorées en permanence au sein de l'UE et il conviendrait, au niveau international, d'encourager l'adoption de telles normes ;

- la Commission procédera à l'examen du cadre législatif et réglementaire existant en matière de sûreté des installations nucléaires et proposera d'ici la fin de 2011 toute amélioration qui pourrait se révéler nécessaire. Les États membres devraient veiller à la pleine mise en oeuvre de la directive sur la sûreté des installations nucléaires. La proposition de directive relative à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs devrait être adoptée dès que possible. La Commission est invitée à réfléchir aux moyens de promouvoir la sûreté nucléaire dans les pays voisins ;

[...]

Ces conclusions reconnaissent le travail et le rôle de WENRA et de l'ENSREG. Elles invitent la Commission européenne à examiner le cadre législatif en vigueur, y compris la directive « sûreté » de 2009 dont la date limite de transposition (22 juillet 2011) n'a pas encore expiré.

3. Les tests de résistance

Dès le Conseil des ministres extraordinaire « énergie » du 21 mars 2011, l'idée de tests de résistance de l'ensemble des centrales nucléaires de l'Union est actée.

Le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 confie à l'ENSREG, en coopération avec WENRA, la responsabilité de définir rapidement l'étendue et les modalités de ces tests dans un cadre coordonné. Le principe est retenu que ces tests, une fois définis, seront menés par les autorités nationales de sûreté, puis soumis à une évaluation par les pairs. L'objectif est de permettre au Conseil européen d'adopter de premières conclusions à la fin de 2011.

Ces tests reposent sur un simple engagement politique des Etats membres. Ils ne s'appuient sur aucun cadre législatif existant, la directive « sûreté » ne prévoyant pas de contrôle des installations nucléaires proprement dites.

Le calendrier imposé est serré. Le 21 avril dernier, WENRA a adopté ses propositions pour les tests de résistance. Ces derniers devraient évaluer la robustesse des centrales devant trois aléas : l'agression par des phénomènes naturels (tempêtes, séismes, inondations), la perte de systèmes de sûreté (refroidissement ou alimentation électrique), et l'accident grave (endommagement du combustible dans le réacteur, refroidissement difficile des piscines d'entreposage du combustible usé).

L'ENSREG, qui devait arrêter le 12 mai dernier les modalités et le champ de ces tests, a dû prolonger ses discussions avec la Commission européenne jusqu'au 24 mai. Cette dernière souhaitait inclure tous les risques possibles, en particulier les attaques terroristes, les attaques informatiques et les crashs d'avion.

Les premiers tests devraient démarrer le 1 er juin.

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