EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 juin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu le rapport de M. Robert del Picchia.

M. Josselin de Rohan, président - Vous dressez un constat sévère mais juste sur l'émiettement des capacités de prospective stratégique. Pourtant, dans les années 1960, la France disposait avec Jouvenel de solides atouts en matière de prospective. Il est naturellement impossible de tout prévoir, mais indispensable de dégager des tendances.

Vos propositions sont marquées par un grand esprit pratique et tendent à renforcer l'existant plutôt qu'à créer de nouvelles structures ou à bouleverser l'environnement actuel. Les responsables politiques expérimentent chaque jour que les réalités viennent bousculer les plans et schémas préétablis. Le maréchal Von Molkte disait ainsi que la guerre avait cet avantage qu'elle venait mettre à terre tout ce qui avait été prévu.... Pourtant, en l'absence de structures solides à leur disposition, le risque est de voir prospérer des vibrions irresponsables.

M. Jean-Louis Carrère - Ce rapport très intéressant expose bien les défauts du système actuel. Il ne peut pas apporter de solutions définitives mais a le mérite de remettre l'anticipation au coeur de nos priorités. Je suis dubitatif, moi qui suis habitué, dans le domaine du sport, de la chasse ou de la pêche, à mettre en oeuvre des stratégies, sur notre capacité à prévoir les événements de long terme et d'ampleur mondiale, au-delà de la seule perception de court terme et de l'appréciation immédiate d'une situation. La réflexion doit être poursuivie, notamment pour mieux dessiner les contours de ce qui pourrait être un Conseil consultatif de sécurité nationale, en fonction de la pratique propre des décideurs en place.

M. Jacques Berthou - Votre analyse est très intéressante. Depuis quelques années, sous l'effet de la crise financière, et du développement des nouvelles technologies, le monde s'est transformé et il me semble indispensable de prévoir les futures révolutions technologiques, qui vont déterminer, à l'horizon de cinq à six ans, de nouveaux comportements. Dans un monde dominé par l'image, les sociétés occidentales doivent veiller à rester des modèles.

M. Joseph Kergueris - Merci pour la qualité de votre rapport. Il paraît en effet impossible de forger des outils pour prévoir, mais souhaitable de se donner pour discipline d'organiser systématiquement la veille, qui permet de réagir avec efficacité et pertinence face aux événements. Vous défendez une organisation souple et en réseau pour rassembler et mieux utiliser nos capacités. Cela nécessite un changement de mentalités car chacun est aujourd'hui trop enclin à conserver ses propres informations.

M. Jean Besson - « L'effet BHL » n'est-il pas le fruit de nos propres insuffisances en tant que parlementaires, mais aussi d'une complicité des plus hautes autorités de l'État et d'une certaine pratique du pouvoir ?

M. Charles Pasqua - Le premier devoir de l'E tat, dans ses plus hautes instances : présidence de la République et Gouvernement, est de prévoir l'avenir, même si cela est très difficile. Les crédits consacrés à la recherche sont d'une importance capitale. Il faut aussi, pour prévoir et préparer l'avenir, pouvoir dépasser les clivages actuels -notamment politiques-. Ce qui manque c'est la durée : tout Gouvernement, voire tout responsable au sein de la même majorité, a tendance à défaire ce que son prédécesseur a fait. Dans ces conditions, il est très difficile de rassembler les moyens, de définir un cap et de s'y tenir. Je suis sceptique sur le fait qu'un organisme administratif pourrait incarner cette durée, sauf à réaliser un accord politique sur ses grands objectifs.

M. Jean-Louis Carrère - Il ne me paraît pas impossible de trouver des accords permettant cette continuité républicaine.

M. Robert del Picchia - Il est indispensable de mettre nos moyens en réseau de façon souple et de diffuser la culture du partage d'informations.

Sur les nouvelles technologies, il faut également anticiper que les pouvoirs en place pourront aussi utiliser à leur tour des moyens comme Facebook, par exemple.

Le Conseil consultatif de sécurité nationale pourrait être composé de plusieurs cercles concentriques : membres de droit, experts indépendants en fonction des sujets, voire, comme certains le proposent, parlementaires de la majorité et de l'opposition, pour permettre le débat contradictoire ou faciliter l'émergence d'un consensus.

La commission a ensuite approuvé ces conclusions et autorisé leur publication sous forme de rapport d'information.

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