III. L'IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LES EFFORTS

Les projections quadriennales annexées à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, qui s'inscrivent dans le cadre général de la trajectoire du retour à l'équilibre défini par la loi de programmation des finances publiques pour 2011-2014, font encore apparaître des déficits importants pour les années à venir, proches de 20 milliards d'euros, et cela malgré des hypothèses macroéconomiques relativement optimistes.

Les tableaux ci-après fournissent le détail des évolutions prévues, à la fois pour le régime général et pour l'ensemble des régimes obligatoires de base.

Prévisions d'équilibre par branche pour le régime général
au cours de la période 2008-2014

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Maladie

- 4,4

-10,6

- 11,6

- 10,3

- 9,6

- 8,8

- 7,7

AT-MP

0,2

- 0,7

- 0,7

0,0

0,2

0,3

0,6

Famille

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,8

- 2,8

- 2,9

- 2,5

Vieillesse

- 5,6

- 7,2

- 8,9

- 6,4

- 6,8

- 7,7

- 8,0

Toutes branches consolidées

- 10,2

- 20,3

- 23,9

- 19,5

- 19,0

- 19,1

- 17,7

Prévisions d'équilibre par branche pour les régimes obligatoires de base
au cours de la période 2008-2014

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Maladie

- 4,1

- 10,4

- 11,4

- 10,2

- 9,5

- 8,6

- 7,4

AT-MP

0,2

- 0,6

- 0,7

0,1

0,3

0,4

0,6

Famille

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,8

- 2,8

- 2,9

- 2,5

Vieillesse

- 5,6

- 8,9

- 11,0

- 8,2

- 8,3

- 9,2

- 9,5

Toutes branches consolidées

- 9,7

- 21,7

- 25,7

- 21,0

- 20,4

- 20,4

- 18,9

Votre commission l'a déjà dit à de multiples reprises, une telle situation n'est pas soutenable à moyen terme. C'est en effet une nouvelle dette sociale qui s'accumule et qui est transférée, de manière illégitime, aux générations futures.

Comme le dit la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, « L'équilibre des comptes sociaux, hors circonstances économiques défavorables, est plus particulièrement nécessaire et légitime. Il n'y a aucune raison pour que des dépenses courantes soient financées par l'emprunt et payées par les générations futures en sus des pensions qui devront être versées à un nombre sensiblement accru de retraités. »

La trajectoire tracée par le Gouvernement repose sur deux éléments : une meilleure maîtrise des dépenses et la préservation des recettes de la sécurité sociale.

Votre commission estime que les moyens prévus pour respecter ces deux objectifs ne sont pas suffisants et qu'il conviendra d'aller au-delà pour résorber le socle actuel de déficit de 20 milliards. Cela signifie notamment que de nouvelles recettes devront inévitablement être mobilisées.

La réforme de la dépendance qui devrait être mise en oeuvre avant la fin de l'année sera un premier test de la rigueur accrue qui devra accompagner les nouvelles réformes.

A. UNE PLUS GRANDE MAÎTRISE DES DÉPENSES

Dans le rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, le Gouvernement insiste sur la nécessité de mieux maîtriser les dépenses, notamment pour assurer le redressement progressif des comptes de la branche maladie, la plus déficitaire de toutes les branches.

Dans ce but, il prévoit deux types d'actions :

- l'amélioration du pilotage infra-annuel de la dépense avec la mise en oeuvre des conclusions du rapport Briet sur le pilotage de l'Ondam ;

- l'amplification de la maîtrise médicalisée des dépenses grâce à la mobilisation des agences régionales de santé.

1. Respecter parfaitement l'Ondam

Dans le cadre de la première conférence sur les déficits publics du 28 janvier 2010, un groupe de travail, présidé par Raoul Briet, s'est vu confier une double mission : d'une part, réfléchir à de nouveaux outils de suivi de la dépense permettant de disposer le plus tôt possible en cours d'année d'informations fiables sur les risques de dépassement de l'Ondam, d'autre part, proposer des mécanismes capables de corriger l'évolution de la dépense en cours d'année de façon efficace, lorsque celle-ci est plus dynamique que prévu.

Dans son rapport final, le groupe de travail a d'abord rappelé que si les dépassements de l'Ondam sont apparemment faibles, 0,7 % en moyenne par an, les masses financières en jeu sont considérables . La somme des dépassements constatés depuis 1997 a en effet atteint 19,4 milliards en euros constants, soit, par exemple, un montant sensiblement supérieur au déficit prévu pour la branche maladie en 2010.

Or, en dépit d'améliorations des outils et procédures liés au vote et au suivi de l'Ondam, en particulier grâce à l'instauration d'un dispositif d'alerte et de mesures correctives par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, des faiblesses structurelles demeurent.

Le groupe de travail a fait trois constats :

- la construction de l'Ondam n'est pas suffisamment transparente, notamment par manque d'informations sur le tendanciel ;

- le suivi infra-annuel et la gestion du risque de dépassement sont insuffisants ; en particulier, le cadre institutionnel n'est pas assez formalisé et les données hospitalières sont disponibles trop tardivement ;

- la procédure d'alerte n'apparaît pas suffisamment dissuasive : si elle a permis de limiter les dépassements de l'Ondam, elle n'a pas permis d'en assurer le respect.

Les propositions formulées par le groupe de travail visent donc à corriger les faiblesses ainsi mises en évidence.

Sur la construction et le vote de l'Ondam , trois propositions visent à accroître la crédibilité de l'Ondam vis-à-vis de l'ensemble des acteurs concernés :

- la première consiste à organiser, via le comité d'alerte, une expertise externe , avant le vote de la loi de financement, sur les hypothèses techniques sous-tendant sa construction. Le comité ne serait tenu de formuler un avis que s'il relève une erreur manifeste entachant ces hypothèses ;

- la deuxième a pour objet d' enrichir l'information du Parlement . Elle consiste à renforcer, dans les documents annexés au projet de loi de financement, les informations détaillées sur l'exécution de l'Ondam de l'année en cours, ainsi que les hypothèses techniques retenues pour la construction de l'Ondam de l'année à venir (décomposition du tendanciel et présentation détaillée des mesures correctrices et de leur impact) ;

- la troisième vise à renforcer le caractère pluriannuel de la régulation . Le groupe de travail a proposé d'insérer davantage le vote de l'Ondam dans une perspective pluriannuelle : dans un premier temps, cette mesure pourrait consister en la mention, à titre informatif, mais précisément justifiée, des niveaux de l'Ondam n+2 et n+3 ; mais, à moyen terme, le débat doit être ouvert sur des formes plus contraignantes de pluriannualité.

Sur la rénovation de la gouvernance de l'Ondam , quatre propositions poursuivent cet objectif :

- en premier lieu, un comité de pilotage de l'Ondam serait chargé du pilotage intégré de l'ensemble des secteurs de l'Ondam. Le groupe de travail a préconisé de lui donner un fondement réglementaire ;

- en deuxième lieu, le suivi statistique et comptable de l'Ondam serait renforcé : une nouvelle structure aurait pour mission de préparer une note mensuelle de suivi statistique (données infra-annuelles) et comptable (données annuelles sur les réalisations en année n-1 de l'Ondam), qui indiquerait notamment l'écart potentiel à l'objectif de fin d'année. Le groupe de suivi statistique aurait également pour rôle de proposer des mesures de renforcement de la qualité et de la fréquence des remontées d'informations, dans le but notamment de disposer de prévisions d'exécution plus tôt dans l'année ;

- en troisième lieu, le groupe de travail a préconisé d' augmenter la fréquence des avis obligatoires du comité d'alerte en prévoyant un premier avis dès mi-avril. A cette date, lors de la parution des résultats de l'année n-1, le comité se prononcerait sur les risques de dépassement éventuels lié à une éventuelle sous-estimation de l'Ondam réalisé n-1 dans la loi de financement. Le comité rendrait ensuite un avis sur le respect de l'Ondam avant le 1 er juin, comme actuellement, puis un autre pendant la phase de préparation du projet de loi de financement de l'année suivante, celui-ci devant être déposé avant le 15 octobre ;

- en quatrième et dernier lieu, le groupe de travail a suggéré d' abaisser progressivement le seuil d'alerte à 0,5 % de l'Ondam, soit dans les conditions actuelles environ 800 millions d'euros. Cette mesure a pour but d'inciter l'ensemble des acteurs à une gestion préventive et continue des risques de dépassement.

Sur les outils destinés à faire respecter l'Ondam , trois propositions visent à doter cette gouvernance renouvelée d'outils complémentaires destinés à prévenir les dépassements et, dans les cas exceptionnels d'alerte, à assurer la mise en oeuvre la plus rapide possible des mesures décidées :

- tout d'abord, il est proposé de conditionner la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures nouvelles à leur compatibilité avec l'Ondam voté , qu'il s'agisse des mesures nouvelles incluses dans la loi de financement ou décidées en cours d'année. La liste des mesures nouvelles faisant l'objet d'une mise en oeuvre conditionnelle ferait l'objet d'une identification précise par le comité de pilotage de l'Ondam, en début d'année, et d'une information aux commissions parlementaires concernées. Le dégel de ces mesures interviendrait sur la base d'une décision du comité de pilotage de l'Ondam. Toute mesure nouvelle prise en cours d'année et ayant un impact financier sur l'Ondam devrait par ailleurs faire l'objet d'un examen de compatibilité avec le respect de l'Ondam voté ;

- le groupe de travail a ensuite préconisé d' instaurer des mécanismes systématiques de mise en réserve en début d'année sur les dotations s'apparentant à des crédits budgétaires, les décisions de dégel, total ou partiel, ou d'annulation étant prises en cours d'année par le comité de pilotage. Sur la base du périmètre actuel de l'Ondam, l'assiette susceptible d'être soumise à régulation est d'environ 22 milliards d'euros, fortement concentrée sur les secteurs hospitalier et médico-social ;

- enfin, le groupe de travail a jugé nécessaire de prévoir des mécanismes de décision adaptés et des procédures de consultation simplifiées afin d'assurer la mise en oeuvre effective et rapide des mesures correctrices. Des travaux complémentaires de nature juridique doivent être engagés pour identifier précisément les adaptations et simplifications pouvant être apportées aux dispositifs actuels.

Plusieurs de ces mesures ont commencé à être appliquées, notamment la mise en réserve de dotations destinées à permettre le respect de l'Ondam en cas de dépassement.

Votre commission souhaite que les préconisations de ce rapport puissent être effectivement mises en oeuvre dans leur totalité.

2. Progresser dans la maîtrise médicalisée des dépenses

Dans son document préparatoire, le Gouvernement se contente de reprendre les dix priorités de gestion du risque fixées aux ARS il y a un an.

Les dix priorités de gestion du risque fixées
aux agences régionales de santé en juillet 2010

1. Transports sanitaires : contractualisation des ARS avec les établissements de santé, expérimentation de plateformes de transports sanitaires

2. Prise en charge de l'insuffisance rénale chronique (IRC) : dépistage, développement de la dialyse péritonéale, développement des greffes

3. Liste en sus : maîtrise des volumes au travers d'une contractualisation avec les établissements de santé

4. Médicaments hospitaliers exécutés en ville : identification des prescripteurs hospitaliers, maîtrise des volumes à travers une contractualisation avec les établissements de santé

5. Imagerie médicale : régulation des dépenses d'imagerie conventionnelle, développement, soutenable des équipements lourds

6. Chirurgie ambulatoire : développement de la chirurgie ambulatoire sur dix-sept actes marqueurs, développement de centres de chirurgie ambulatoire exclusive

7. Efficience des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : amélioration de la coordination des professionnels de santé intervenant en Ehpad, diffusion des bonnes pratiques, développement des systèmes d'information, construction d'un dispositif d'évaluation

8. Prescription dans les Ehpad : réintégration des médicaments dans le forfait de soins, préparation du passage au tarif global, élaboration d'une liste préférentielle de médicaments, renforcement des bonnes pratiques professionnelles en Ehpad

9. Soins de suite et de réadaptation (SSR) : mise en oeuvre de la réforme réglementaire, mise en oeuvre d'une politique efficiente et maîtrise des SSR

10. Permanence des soins (PDS) ambulatoire et urgences : mise en place d'une PDS accessible et efficiente, amélioration de l'articulation entre la PDS ambulatoire et les urgences hospitalières

Source : rapport sur l'évolution de l'économie et sur les orientations des finances publiques préparatoire au débat d'orientation des finances publiques - 2011

Votre rapporteur ne peut s'empêcher de regretter le caractère extrêmement flou de ces orientations.

Il conviendrait plutôt de fixer des objectifs chiffrés et précis pour chacune des mesures énoncées si on souhaite qu'elles aboutissent réellement ; il est temps de passer à un niveau d'encadrement plus rigoureux. Les écarts entre professionnels et établissements sont importants. Il est possible de les corriger de manière à améliorer l'efficience du système et sa qualité aussi. Bien souvent d'ailleurs, on constate que les établissements les plus performants en termes de gestion sont aussi ceux où la qualité est la meilleure. Il est donc essentiel de créer cette dynamique en mettant un terme à la trop grande inertie observée au cours des dernières années.

*

Dans son rapport sur les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes ne dit pas autre chose :

« Compte tenu du poids et de la dynamique des dépenses d'assurance-maladie, d'une part, de l'anomalie que constitue depuis plusieurs années le financement par l'emprunt de l'équivalent de quatre semaines de soins courants d'autre part, les efforts visant à améliorer leur efficience doivent impérativement être poursuivis et intensifiés. »

Elle retient trois priorités :

- le strict respect de l'Ondam : « La situation relevée en 2010, celle d'un strict respect de l'Ondam, ne doit pas rester une exception mais devenir désormais la règle, quel que soit le contexte économique ou politique. Cette exigence forte implique une mise en oeuvre effective et complète du nouveau dispositif «d'alerte» décidé en 2010 : la solidité et la transparence des hypothèses techniques sous-tendant la construction de l'Ondam, la fiabilité et la rapidité des systèmes d'information sur la dépense, notamment hospitalière, afin de détecter suffisamment tôt les risques de dérive constituent deux domaines où les efforts engagés doivent être constamment poursuivis. C'est à cette condition que le comité d'alerte pourra pleinement exercer le rôle-clé qui est le sien. » ;

- le retour à l'équilibre des comptes d'ici 2014 : « L'analyse des risques à l'horizon 2020 a mis en évidence que même si la croissance effective de la dépense se limite bien à 2,8 % l'an, la réduction du déficit de l'assurance maladie ne sera que très lente. Le déficit ne disparaitrait qu'en 2027 si la masse salariale progressait au rythme moyen constaté au cours des douze dernières années et en 2018 dans l'hypothèse, optimiste, où elle atteindrait 4,3 % l'an. La maîtrise future de la dépense ne suffisant pas à corriger rapidement le déficit « en base », la question du financement de l'assurance maladie, éludée dans les faits depuis la crise de 2008, devra donc rapidement être mise en débat et tranchée. Si tel n'était pas le cas, la France, à la différence par exemple de l'Allemagne qui n'accepte aucun déficit durable en ce domaine, se placerait durablement dans la situation de reporter, à travers l'accumulation des déficits, la charge des dépenses de soins courants sur les générations futures. L'année 2014, qui suit celle au cours de laquelle le redressement global des finances publiques doit être réalisé selon le programme de stabilité, devrait voir la disparition de ce déficit spécifique que rien, hors circonstances économiques exceptionnelles, ne justifie. » ;

- l'ouverture sans tarder de réflexions sur des sujets clés en termes d'efficience du système de soins : « Dans une perspective de soutenabilité à long terme, plusieurs questions à caractère structurel mériteraient réflexion » (...) notamment l'approfondissement de la notion d'évolution tendancielle des dépenses à partir de laquelle les Ondam sont construits et la conciliation entre deux tendances lourdes qui caractérisent le système de soins et affectent son efficience globale, à savoir la spécialisation accrue d'offreurs de soins rémunérés à l'acte et à l'activité et le besoin renforcé de prise en charge globale des patients.

Votre rapporteur général souscrit à ces orientations qui reprennent plusieurs des sujets de préoccupation récurrents de la commission.

De son côté, l'assurance maladie rendra publiques le 7 juillet vingt-six propositions pour réaliser 2,2 milliards d'économies .

Elles devraient comprendre :

- des baisses de prix sur les médicaments, notamment des médicaments contre les ulcères, le cholestérol et l'hypertension, ainsi que sur les prix des prothèses ;

- un meilleur encadrement des prescriptions par la diffusion de nouveaux référentiels (nombre de séances de kinésithérapie, nombre de jours d'arrêt de travail) ;

- le développement de centres autonomes pour la pratique d'actes de chirurgie ambulatoire ;

- le rapprochement des tarifs du public et du privé sur certains actes ;

- le développement de la prévention.

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