TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

Audition de Didier MIGAUD, Premier président de la cour des comptes (mercredi 22 juin 2011)

Réunie le mercredi 22 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Jean Arthuis, président de la commission des finances, la commission procède à l'audition de Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques.

Muguette Dini , présidente de la commission des affaires sociales . - Nous accueillons, conjointement avec la commission des finances, Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, afin qu'il nous présente, dans la perspective du prochain débat d'orientation des finances publiques, le rapport de la Cour sur la situation des finances publiques.

Cette audition intervient quelques jours seulement après l'examen par le Sénat du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, qui se donne notamment pour objectif d'améliorer la programmation des finances publiques.

Je crois savoir que les constats opérés par la Cour sur l'évolution des déficits, qu'il s'agisse de ceux de l'Etat ou de ceux de la sécurité sociale, demeurent inquiétants et que les perspectives en matière de dette publique et de dette sociale ne sont guère encourageantes.

Les éclairages que nous apportera aujourd'hui le Premier président nous seront donc particulièrement utiles, non seulement pour notre débat du 7 juillet prochain, mais également pour préparer l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . -Nous avons souhaité vous présenter, cette année, un véritable audit. Le rapport de 2011 sur la situation et les perspectives des finances publiques est ainsi encore plus complet et approfondi cette année. Il évalue les risques qui pèsent sur leur évolution à court, moyen et long terme. Il examine enfin la problématique de leur nécessaire redressement.

L'an dernier, j'avais insisté devant vous sur la sérieuse dégradation de la situation des finances publiques en 2009 et sur l'urgence à prendre des mesures fortes et immédiates de redressement, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.

L'année 2010 et le début de 2011 ont apporté des éléments positifs. La Cour des comptes a, je pense, apporté sa contribution à cette prise de conscience. Ainsi le déficit a commencé à diminuer en 2010 et le redressement des finances publiques a été entamé. Des réformes, comme celle des retraites, ont été entreprises et les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont commencé à s'attaquer aux niches, fiscales et sociales. La loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité, envoyé par le Gouvernement à Bruxelles en avril, fixent des objectifs plus ambitieux de réduction du déficit.

Malgré ces avancées, la situation n'en reste pas moins sérieuse. Les déficits restent beaucoup trop élevés pour prévenir l'emballement de la dette publique, et souffrent de la comparaison avec ceux de bien d'autres pays européens. Notre ratio de la dette par rapport au Pib s'approche de la zone dangereuse. C'est l'indépendance de notre politique économique, mais aussi de bien d'autres décisions, notamment en matière sociale, qui est en jeu. Les efforts nécessaires vont au-delà des mesures qui ont déjà été prises. L'essentiel du chemin reste donc à faire.

Le déficit structurel est de l'ordre de cinq points de Pib. Pour qu'il disparaisse, il faudrait économiser ou, sinon, prélever en plus sur nos concitoyens et nos entreprises, environ 100 milliards d'euros.

L'effort de redressement prévu par la loi de programmation et le programme de stabilité est presque de même ampleur, mais les mesures nécessaires pour le réaliser sont peu explicitées. La crédibilité de la France, qui est fondamentale en ce domaine, impose qu'elles le soient très vite.

Arrêtons-nous tout d'abord un moment sur 2010 et 2011. Le déficit public a légèrement baissé en 2010, mais il reste trop élevé et il est très largement structurel. En 2009, le déficit public avait atteint le niveau de 7,5 % du Pib, sans précédent en temps de paix. Il a diminué en 2010 de seulement 0,4 point.

La crise a bien sûr creusé les déficits dans tous les pays, mais leur moyenne, hors France, a été en 2010 de 5,8 % du Pib dans la zone euro et de 6,3 % dans l'Union européenne. En Allemagne, il a été de 3,3 % du Pib, soit moins de la moitié du nôtre. Avec un déficit de 7,1 %, la situation de la France restait en 2010 plus dégradée que la situation moyenne de ses partenaires.

Pourquoi la réduction du déficit a-t-elle été si limitée ? La diminution du coût des mesures de relance a eu un effet positif mécanique de 0,7 point de Pib sur le déficit. En sens inverse, cependant, les nouvelles mesures de baisse d'impôts ont aggravé le déficit de 0,4 point de Pib. Les dépenses fiscales ont à nouveau augmenté, légèrement, mais la mesure la plus importante a été le remplacement de la taxe professionnelle par de nouveaux impôts d'un rendement plus faible. Comme je l'ai souligné en présentant, devant la commission des finances, le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2010, le 25 mai dernier, les déficiences des systèmes d'information de l'Etat permettent difficilement de mesurer le coût de cette réforme. La Cour l'a néanmoins estimé à 7,9 milliards d'euros en 2010 pour l'ensemble des administrations publiques.

Au total, en comptant tous les facteurs, on n'aboutit qu'à une diminution du déficit de 0,4 point de Pib seulement en 2010.

Le déficit structurel a, lui, encore légèrement augmenté en 2010 pour s'élever à environ 5  % du Pib. Ce niveau est supérieur d'environ un point à celui de la zone euro, hors France, et de trois points à celui de l'Allemagne.

Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses inévitablement fragiles, notamment le taux de la croissance potentielle de l'économie. Il est aussi possible de s'interroger sur la nature, structurelle ou temporaire, d'une partie du coût de la réforme de la taxe professionnelle ou de la baisse de l'investissement local en 2010.

Cependant, en tout état de cause, les éléments conjoncturels, la crise et le plan de relance, expliquent au plus 38 % du déficit de 2010.

Un meilleur critère pour apprécier les « fondamentaux » de l'équation des finances publiques est l'effort structurel qui mesure, lui, la contribution aux variations du déficit structurel de deux facteurs sur lesquels un gouvernement a le plus de prise : les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires, d'un côté ; la maîtrise des dépenses publiques, de l'autre.

La croissance en volume des dépenses publiques, hors impact de la crise (indemnisation du chômage) et des mesures prises pour y faire face (plan de relance) n'a été que de 0,6 % et a donc très sensiblement décéléré par rapport à sa tendance des dix années précédentes (2,4 %).

Ce ralentissement a tenu pour les deux tiers à la baisse des dépenses des collectivités territoriales, notamment à la chute de leurs investissements. Les dépenses des administrations sociales ont aussi, globalement, décéléré en 2010.

L'effet de ce ralentissement de la croissance des dépenses a toutefois été quasiment annulé par celui des baisses d'impôts et, au total, l'effort structurel a été quasiment nul en 2010.

Si l'on approfondit l'analyse de 2010, il apparaît que le déficit s'est concentré sur l'Etat et les régimes sociaux, alors que celui des administrations publiques locales a diminué.

Nous avons cherché cette année, c'est une nouveauté, à décomposer le déficit structurel par catégories d'administrations publiques. Ce travail montre que le déficit structurel total est strictement égal à celui de l'Etat et des organismes divers d'administration centrale. Les administrations locales ont un léger excédent structurel. Le régime général connaît, lui, un déficit structurel égal à 0,7 point de Pib, situation préoccupante et même injustifiable puisqu'il s'agit de financer des prestations courantes.

En ce qui concerne l'Etat, le rapport approfondit l'analyse des charges d'intérêt en formulant à ce sujet deux remarques. Tout d'abord, ces charges ont été inférieures à la prévision, ce qui a permis de rembourser certaines dettes de l'Etat, ce qui est bienvenu, mais aussi d'abonder les crédits d'autres missions et de financer le dépassement des crédits de rémunération. En second lieu, malgré la baisse des taux, les charges d'intérêts ont été supérieures de 7,7 % à celles de 2009 ; il faut y voir la conséquence mécanique de l'alourdissement de la dette.

Nous avons aussi établi un bilan des mesures budgétaires et fiscales du plan de relance. Leur coût a nettement diminué en 2010, notamment sa composante fiscale, et elles ne devraient plus rien coûter en 2011. Cependant, sur l'ensemble des deux années 2009 et 2010, ce coût (42 milliards d'euros) aura été supérieur d'environ 20 % à l'estimation initiale.

Le besoin de financement de l'ensemble des administrations sociales, c'est-à-dire de la sécurité sociale, mais aussi de l'Unedic, des régimes complémentaires et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), s'est aggravé en 2010 de 7,8 milliards d'euros. Dans cet ensemble, le déficit global des régimes de base et du FSV a atteint 30 milliards d'euros, bien que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ait été respecté et que les prestations sociales aient ralenti, en partie du fait de leur indexation retardée sur l'inflation, qui avait été quasi nulle en 2009. Le déficit de l'assurance chômage s'est aussi aggravé pour atteindre 2,9 milliards d'euros.

Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, leurs dépenses totales ont diminué de 0,5 % en valeur et de 2 % en volume, alors que leur croissance en volume avait été de 3,6 % par an sur les années 1999 à 2009, hors impact des transferts de compétences.

Cette forte inflexion traduit celle de leurs dépenses de fonctionnement (de 3,9 % en 2009 à 2,2 % en 2010), notamment celle des dépenses de personnel, mais elle résulte surtout d'une chute de 8,3 % de leurs investissements. Le besoin de financement des collectivités territoriales a en conséquence diminué de 4,5 milliards d'euros en 2010 pour se rapprocher de l'équilibre.

Enfin, notre audit a été étendu, cette année, hors du champ des administrations publiques, aux entreprises publiques du secteur marchand. Leur situation financière s'est sensiblement dégradée de 2007 à 2010. Si leurs fonds propres semblent suffisants au regard de leur endettement financier (124 milliards d'euros en 2010) pour limiter les risques de recapitalisation, l'Etat ne peut guère escompter de dividendes plus élevés.

Venons-en maintenant aux perspectives pour 2011. Le déficit public devrait nettement diminuer, grâce en partie à la disparition des dernières mesures de relance, mais il restera très élevé, notamment dans sa composante structurelle.

Les recettes publiques seront sans doute conformes aux prévisions initiales du Gouvernement, voire supérieures. La conjoncture a en effet été jusqu'ici plus favorable que prévu. En revanche, la réalisation des objectifs de croissance des dépenses, si elle n'est pas impossible, n'est pas acquise.

L'Etat a engagé de nouvelles dépenses depuis la loi de finances initiale et les crédits de certaines missions budgétaires sont insuffisants. Des ajustements sont donc nécessaires et devront être inscrits en loi de finances rectificative.

Les dépenses d'assurance maladie ayant été inférieures à l'objectif de 2010, et partant donc d'un niveau plus faible, elles devront pouvoir respecter l'objectif de 2011 plus facilement. La réforme des retraites produit ses premiers effets. La meilleure tenue de la masse salariale et, surtout, des apports substantiels de recettes nouvelles devraient permettre d'enregistrer un début de réduction des déficits sociaux en 2011.

Les prévisions relatives aux comptes des administrations publiques locales sont très fragiles, notamment du fait de la volatilité des droits de mutation et des incertitudes sur l'évolution des investissements locaux. Il est néanmoins vraisemblable que, en dépit de la situation difficile de certains départements, le résultat d'ensemble des administrations locales ne devrait pas être préoccupant au regard du déficit public total.

Sous réserve d'une stricte maîtrise des dépenses, le déficit global des administrations publiques peut donc être ramené à 5,7 % du Pib en 2011, comme prévu par le Gouvernement. Ce faisant, il resterait tout de même très supérieur à la moyenne des autres pays de la zone euro (3,9 %) et à celui de l'Allemagne (2 %).

En outre, le déficit structurel serait encore de 3,9 % du Pib selon la Commission européenne, soit plus que dans les autres pays de la zone euro (2,8 %) et bien plus qu'en Allemagne (1,4 %).

Enfin, l'effort structurel de réduction du déficit serait, au regard de l'estimation faite par la Cour de la croissance potentielle, de seulement 0,6 point de Pib, alors que un point de Pib serait nécessaire.

Dans ces conditions, l'objectif devrait être, à notre sens, non de se satisfaire de 5,7 % du Pib en 2011, mais de ramener le déficit au-dessous de ce chiffre, si la conjoncture le permet. Nous le soulignons d'autant plus que les incertitudes et les risques de la période à venir doivent inciter notre pays à aller plus vite.

Si nous examinons les perspectives à moyen terme à présent, il apparaît que le programme de stabilité repose sur un cumul d'hypothèses favorables dont les modalités ne sont pas explicitées.

La Cour retient l'hypothèse d'une croissance potentielle de 1,6 % par an sur les années 2012-2014. Cette estimation est évidemment un ordre de grandeur et elle est supérieure à celle des organisations internationales. Or le programme de stabilité adressé à Bruxelles repose sur un cumul d'hypothèses favorables.

Selon ce plan, la croissance atteindrait 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et 2014. Si une croissance plus forte que son potentiel est envisageable dans une phase ascendante du cycle économique, cette prévision semble néanmoins relativement optimiste.

En outre, le programme de stabilité retient une élasticité des prélèvements obligatoires au Pib significativement supérieure à 1 en 2012 et 2013. Là encore, ce résultat n'est pas impossible, mais ce n'est pas l'hypothèse la plus prudente. Une élasticité unitaire conduirait à un déficit public de 3,5 % du Pib en 2013, et non de 3 %.

Le programme de stabilité prévoit enfin des mesures nouvelles de hausse des prélèvements à hauteur de 3 milliards d'euros chacune des années 2012 à 2014. Cependant, les mesures permettant d'atteindre ce montant en 2013 et 2014 ne sont pas précisées.

Du côté des dépenses, il prévoit une croissance moyenne annuelle de 0,6 % en volume, c'est-à-dire en euros constants ou hors inflation, sur les années 2012 à 2014. Leur croissance spontanée, c'est-à-dire sans nouvelles économies, est difficile à apprécier, mais leur tendance sur les années 2000 à 2010 était de 2,3 % en volume par an. Cela illustre l'importance de l'inflexion nécessaire. Les mesures déjà annoncées et pour lesquelles des économies sont à peu près identifiables, comme la réforme des retraites ou la révision générale des politiques publiques, n'assureront pas, à elles seules, cette inflexion.

La stabilité de l'investissement public, en pourcentage du Pib, qui est inscrite dans le programme de stabilité est, en particulier, incompatible avec les investissements d'avenir et le Grenelle de l'environnement, ou alors il faudrait une nouvelle et forte baisse de l'investissement local, ce qui n'est vraisemblablement pas souhaitable. Les engagements de l'agence française de financement des infrastructures de transport représentaient déjà, à eux seuls, quelque 24 milliards d'euros à fin 2010.

Après cette analyse des déficits annuels, venons-en aux déficits accumulés, c'est-à-dire à la dette publique. Le message de la Cour est sans ambigüité : pour éviter tout emballement, il faut freiner le plus vite et le plus fortement possible sa progression.

En 2010, la dette publique a continué à croître pour frôler les 1 600 milliards d'euros en fin d'année (soit 82,3 % du Pib). La charge d'intérêt a dépassé les 50 milliards d'euros, soit autant que les crédits cumulés des missions « Défense » et « Travail et emploi ».

La dette publique des autres pays de la zone euro a certes plus augmenté que celle de la France en 2010, malgré des déficits plus faibles. En effet, en France, l'Etat a freiné sa progression par des mesures de trésorerie, alors que, dans d'autres pays, il a emprunté des montants très élevés pour soutenir des banques (13,4 points de Pib en Allemagne fin 2010 contre 0,1 point en France). Cette situation reflète la bonne résistance des banques française à la crise mais ne doit pas créer d'illusion sur la situation réelle de nos finances publiques.

Comme son déficit restera nettement plus élevé en 2011, la dette de la France pourrait dépasser celle de l'Allemagne de plus de deux points de Pib fin 2011, selon la Commission européenne, puis continuer d'augmenter rapidement.

L'évolution de la dette dépend surtout du déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts. Si le déficit primaire structurel restait à son niveau de 2010, la dette publique atteindrait 90 % du Pib dès 2012, puis 100 % en 2016 et 110 % en 2020.

Toujours en 2020, dans ce « scénario de l'inacceptable », la charge d'intérêts représenterait 4 % du Pib et presque 10 % des prélèvements obligatoires, soit plus que les crédits des missions « enseignement scolaire » et « recherche et enseignement supérieur » réunies.

J'insiste en disant qu'il ne s'agit pas là de prévisions mais de projections de ce que peut nous réserver l'avenir si aucune mesure de redressement n'était prise par rapport à la situation actuelle. Cet exercice vise seulement à mettre en évidence le risque que représenterait l'inaction et plus encore celui qui s'attacherait à des mesures nouvelles de baisse des impôts ou d'augmentation des dépenses.

La dette sociale résulte de l'accumulation de déficits courants qui constituent en eux-mêmes, la Cour le répète volontairement, une anomalie et une injustice. Elle a poursuivi sa progression en 2010 pour atteindre 176 milliards d'euros en fin d'année, dont la moitié environ était portée par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu des transferts à la Cades des déficits du régime général et du FSV jusqu'à fin 2018, dans la limite de 130 milliards d'euros au total.

Or, avec une croissance de la masse salariale de 3,5 % par an, égale à la moyenne des douze dernières années, et une croissance de l'Ondam de 2,8 % par an, la Cour a calculé que le déficit de la branche maladie serait encore de 5 milliards d'euros en 2020 et son déficit cumulé depuis 2012 atteindrait alors 60 milliards d'euros.

De plus, l'équilibre des régimes de retraite à l'horizon de 2020 n'est pas assuré, du fait notamment de la fragilité du scénario économique qui sous-tend les projections et du caractère incertain de l'hypothèse d'un transfert de cotisations d'assurance chômage vers des cotisations d'assurance retraite. Le cumul des risques pesant sur leurs comptes pourrait conduire à un déficit annuel de 12 milliards d'euros en 2020.

A défaut de mesures de redressement et dans un scénario économique prudent, les risques pesant sur les branches maladie, retraite et famille pourraient au total nécessiter, à l'horizon de 2020, un nouveau transfert de 100 à 120 milliards d'euros à la Cades en sus des 130 milliards d'euros déjà prévus. Ce serait incompatible avec le terme actuel - 2025 - fixé pour le remboursement de ses dettes. Une partie de ce transfert devrait d'ailleurs être effectuée dès 2013.

Une fois de plus, il ne s'agit pas d'une prévision, mais de la mesure d'un risque qui appelle à l'évidence des mesures correctrices.

A plus long terme, les perspectives démographiques de la France sont plus favorables que celles des pays voisins, notamment l'Allemagne. C'est un point positif, mais il faut aussi savoir que son déficit structurel est plus éloigné que dans les autres pays européens de celui qui permettrait de stabiliser la dette en pourcentage du Pib.

La soutenabilité à long terme des finances publiques françaises est beaucoup plus affectée par le déficit structurel actuel que par les conséquences futures du vieillissement de la population. C'est dire que, sans réduction rapide du déficit, la dette peut s'emballer.

Or, le risque d'emballement de la dette publique reste une menace majeure.

C'est vrai qu'il faut sûrement faire preuve de beaucoup de prudence lorsque l'on évoque la notion de seuils en la matière. Il ne peut cependant être raisonnablement exclu que, au-delà d'un certain niveau, estimé par certaines études à 90 % du Pib, l'endettement puisse déclencher des réflexes de précaution défavorables à la croissance chez les ménages et entreprises et que, au-delà de 10 % du produit des prélèvements obligatoires, la charge d'intérêt conduise à une dégradation de la notation des emprunts d'Etat, ce qui ne ferait que renforcer la « boule de neige » des intérêts.

Le rapport rappelle à cet égard qu'une hausse d'un point de l'ensemble des taux d'intérêt entraîne, pour l'Etat, une charge budgétaire supplémentaire qui augmente progressivement de 2 milliards d'euros la première année à 6 milliards d'euros la troisième, 9 milliards d'euros la cinquième et 14 milliards d'euros la dixième. Sur les six premières années, cela représenterait un montant cumulé supérieur aux 35 milliards d'euros des investissements d'avenir. Ce rapprochement mérite à notre sens d'être médité.

L'endettement public présente un risque majeur pour la cohésion de la zone euro et la France se doit d'éviter une divergence trop importante entre l'évolution de sa dette et celle de ses partenaires, notamment l'Allemagne.

Certes, comme l'ont montré les exemples de plusieurs pays au cours de ces dernières années, l'Espagne et l'Irlande en particulier, les crises et la dégradation des comptes publics peuvent aussi résulter de déséquilibres macroéconomiques. L'audit des finances publiques doit prendre en compte ces risques.

La Cour a donc comparé la situation de la France à celle de la moyenne des autres pays européens, au regard de plusieurs indicateurs macroéconomiques relatifs notamment aux échanges extérieurs, au financement de l'économie, à l'investissement ou aux inégalités sociales. Ils montrent que la dégradation de ses finances publiques constitue, avec ses pertes de compétitivité et l'aggravation du déficit de ses échanges extérieurs, la principale faiblesse relative de la France, et une menace susceptible d'affecter son potentiel de croissance.

Il est donc impératif de prévenir l'emballement de la dette en réduisant rapidement le déficit. La Cour a recommandé, dès l'an dernier, un effort structurel d'un point de Pib par an - soit de l'ordre de 20 milliards d'euros - jusqu'à ce que le déficit structurel soit résorbé. Un tel effort permettrait d'arrêter la croissance de la dette aux alentours de 86 % du Pib puis de la ramener à 72 % en 2020.

Ce scénario de redressement est proche de celui du programme de stabilité. Cependant, l'effort structurel serait un peu plus important (un point de Pib au lieu de 0,8) et devrait être poursuivi un peu plus longtemps (jusqu'à 2015 au lieu de 2014). Les mesures permettant de réaliser l'effort structurel inscrit dans le programme de stabilité doivent surtout être mieux étayées, c'est la condition de la crédibilité de notre pays dans le concert européen et international. C'est une exigence si l'on entend préserver l'indépendance de nos choix économiques et sociaux.

Un effort de redressement des finances publiques de l'ordre de celui qui est aujourd'hui nécessaire appelle, selon nous, des outils et une stratégie.

Les lois de programmation pluriannuelle constituent un outil essentiel. Le bilan de la première loi de programmation, prévu pour chaque année par celle-ci mais que le Gouvernement n'a pas présenté en 2009 et 2010, permet de tirer les enseignements pour améliorer les suivantes.

Dans ses précédents rapports, la Cour avait déjà souligné que les règles édictées n'avaient pas toujours été respectées : la règle de gage des dépenses fiscales, la règle de préservation des recettes fiscales de l'Etat, la norme de croissance « zéro volume » des dépenses budgétaires. L'Ondam, s'il a été respecté en 2010, ne l'avait pas été en 2009.

Dans le rapport que je vous présente aujourd'hui, la Cour note que les dépenses publiques étaient, en 2010, supérieures de 14 milliards d'euros au montant qui aurait résulté d'une croissance conforme à la première loi de programmation.

Le budget triennal de l'Etat est au coeur, bien sûr, de la programmation des finances publiques. En fixant des plafonds par mission budgétaire pour trois ans, il permet de préciser les efforts et de donner de la visibilité aux responsables de programme.

La comparaison des annuités du budget triennal 2009-2011 avec les crédits votés et les dépenses exécutées est rendue très difficile par d'incessants changements de périmètre. Elle montre cependant que les crédits ou les dépenses exécutées ont été supérieures de plus de 5 % au montant prévu dans le budget triennal pour un tiers des missions. Les dépassements sont systématiques pour les missions « Agriculture », « Immigration », « Médias » et « Travail et emploi ».

Des redéploiements de crédits sont naturellement inévitables pour faire face à des événements exceptionnels. Leur fréquence, leur ampleur et leur récurrence, pour certaines missions, constituent cependant le signe d'une budgétisation insuffisamment rigoureuse. Ce premier exercice de budgétisation pluriannuelle était certes un apprentissage. On doit souhaiter que les redéploiements soient plus limités à l'avenir.

La deuxième loi de programmation, pour les années 2011-2014, comporte des novations bienvenues.

Les dispositions d'une loi de programmation peuvent cependant être remises en cause par d'autres lois, comme ce fut le cas en 2009 pour la baisse de la TVA sur la restauration.

Le projet de loi constitutionnelle vise à donner aux lois de programmation une plus grande portée juridique mais, qu'il soit ou non adopté - ça n'est pas le problème de la Cour - les lois de programmation présentent des insuffisances auxquelles il faudrait remédier, nous semble-t-il, pour leur donner plus de sens et de poids.

Ces lois concernent l'ensemble des administrations publiques mais les collectivités territoriales et certains régimes sociaux bénéficient, dans le cadre des lois qui les régissent, d'une autonomie qui peut permettre des décisions contraires aux engagements nationaux. Il conviendrait d'organiser de façon pérenne un processus associant, impliquant l'ensemble des acteurs dans l'élaboration puis le suivi des objectifs contenus dans les lois de programmation et les programmes de stabilité.

Nous suggérons que des dispositions, dans la Constitution ou une loi organique, soient ajoutées pour assurer l'indispensable équilibre des comptes sociaux, au moins en termes structurels.

Les systèmes comptables, les dispositifs de suivi et d'alerte, les rapports d'exécution, les conditions dans lesquelles le Parlement peut débattre des résultats de l'année antérieure pour l'Etat, la sécurité sociale et l'ensemble des administrations publiques, sont autant d'outils de pilotage qui doivent enfin être sensiblement améliorés. La Cour formule à cet égard diverses propositions.

Si la programmation et les règles sont utiles, elles ne suffisent cependant pas.

Le redressement des comptes publics ne peut venir que de réformes ambitieuses et inscrites dans la durée.

L'effort de redressement nécessaire est de l'ordre de 20 milliards d'euros par an pendant plusieurs années. Nous sommes conscients que cet effort est important et que les mesures prises ou à prendre doivent satisfaire un double impératif : la solidarité nationale et la compétitivité des entreprises.

L'équation est complexe, la Cour ne prétend avoir ni la solution ni la légitimité d'en proposer une. En revanche, elle a estimé possible de dégager une problématique permettant d'éclairer les choix qui seront les vôtres et qui devront intervenir. Compte tenu du niveau déjà atteint par les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires en France, la consolidation budgétaire devrait passer pour plus de la moitié par une action sur les dépenses.

Il ne s'agit pas de réduire toutes les dépenses, mais de limiter leur croissance globale. La Cour estime qu'un effort de redressement portant à 60 % sur les dépenses supposerait ainsi que leur croissance annuelle soit ramenée à 0,4 % en volume, soit environ 2 % en valeur. C'est exigeant mais pas impossible et reste dans l'ordre de grandeur de ce qui est concevable sans remettre en cause les politiques et les services publics auxquels nos concitoyens sont attachés.

Un effort important de maîtrise des dépenses de personnel et des autres dépenses de fonctionnement a été engagé avec la révision générale des politiques publiques. La Cour en a toutefois montré les limites. Cet exercice doit être approfondi mais aussi étendu au-delà de l'Etat et de ses opérateurs.

Surtout, l'impact sur les comptes publics de réformes aussi délicates et inscrites dans la durée ne doit plus être annulé par de coûteuses baisses d'impôts : même s'il s'agit de mesure de nature différente, le coût de la baisse de la TVA sur la restauration équivaut budgétairement aux économies permises par le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'Etat pendant huit ans, économie nette d'une rétrocession de la moitié des gains de productivité aux agents.

Les interventions en faveur des entreprises doivent pouvoir être réexaminées, les prestations sociales représentent 45 % des dépenses publiques. La consolidation budgétaire serait difficile sans ralentir leur croissance. Cela apparaît possible, là aussi, sans remettre en cause la solidarité nationale, dès lors que l'on s'efforcerait de mieux cibler sur les personnes qui en ont le plus besoin.

Même dans un domaine comme la politique de l'emploi, des économies sont envisageables en suivant ces principes. Dans le champ de l'assurance maladie, elles sont indispensables car le déficit, une fois de plus, est injustifiable. Le retour à l'équilibre doit en ce domaine être programmé pour 2014 au plus tard.

L'Ondam doit être respecté année après année, ce qui suppose de poursuivre sans relâche l'effort d'optimisation. Mais la maîtrise des dépenses, aussi nécessaire soit-elle, ne suffira pas, selon nous. La question du financement des dépenses de santé, très présente avant la crise mais quelque peu oubliée depuis, devrait être rapidement reposée. Et la réflexion devrait inclure la possibilité d'une hausse de la participation des assurés qui ne remette pas en cause l'accès aux soins des plus démunis.

Le ralentissement de la croissance des dépenses publiques ne suffira cependant pas pour rééquilibrer rapidement les comptes des administrations publiques. Une augmentation des recettes est inévitable, au moins temporairement. Elle doit passer prioritairement, selon nous, par une réduction du coût des dépenses fiscales et niches sociales dont la Cour a déjà montré l'importance.

Certaines niches ont certainement une utilité mais leur prolifération depuis quelques années présente de multiples inconvénients, en termes d'efficacité et d'équité.

Les mesures votées l'automne dernier en réduiront le coût de 10,8 milliards d'euros en 2012. L'effort devrait être deux fois plus important et réparti, pour des montants équivalents, entre les niches fiscales et sociales.

La Cour présente dans ce rapport une liste de mesures pouvant être partiellement ou totalement remises en cause, et dont le coût total s'élève à 27 milliards d'euros. Le Conseil des prélèvements obligatoires a également formulé quelques pistes de réflexion.

Au-delà de l'élargissement de leur assiette, une action sur les prélèvements obligatoires, leur structure, leur répartition nous apparaît nécessaire pour augmenter les recettes publiques, tout en améliorant la compétitivité des entreprises afin de soutenir la croissance potentielle, et en partageant équitablement les efforts. Sur ce point, nous prolongeons simplement ce que nous avions écrit en mars dernier sur la comparaison des prélèvements obligatoires en France et en Allemagne.

Les comparaisons internationales font apparaître des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur le coût du travail déjà élevés en France, au détriment de la compétitivité des entreprises et de l'emploi. Non seulement, il apparaît difficile de les alourdir, mais la question est également posée de certaines taxes payées par les entreprises sur leur masse salariale pour financer des politiques publiques spécifiques et de leur remplacement par des prélèvements sur des assiettes plus larges.

Des marges existent également en matière de fiscalité indirecte et environnementale. Ainsi, le rapport « France -Allemagne » a souligné qu'un alignement du taux réduit de TVA et de son champ d'application sur le régime qui prévaut en Allemagne se traduirait par une recette supplémentaire de 15 milliards d'euros. Ses éventuels effets dégressifs sur la distribution des revenus pourraient être compensés par des aides sociales ciblées sur les ménages aux revenus modestes.

Quant aux recettes tirées de la fiscalité environnementale, elles se trouveraient accrues d'environ 10 milliards d'euros si leur poids était aligné sur ce qu'il est dans le reste de l'Europe.

S'agissant des comptes sociaux, leur nécessaire rééquilibrage doit d'abord se faire en agissant sur les dépenses. Cette action risque toutefois d'être insuffisante, une hausse de la CSG pourrait s'avérer inévitable. Il en va de même pour la CRDS si notre pays continue à accumuler de la dette sociale après 2012.

En conclusion, la France part d'un déficit supérieur à la moyenne européenne et elle a programmé un redressement progressif de ses finances publiques fondé pour l'essentiel sur une modération de la dépense. Les mesures permettant une telle modération restent cependant pour une grande part à préciser.

Le message de la Cour se veut clair : il faut à la fois expliciter, intensifier et poursuivre ces efforts, en ne cédant ni à la tentation du relâchement, ni aux illusions susceptibles d'être entretenues par quelques résultats conjoncturels meilleurs.

Le programme de stabilité prévoit en 2012 une réduction de 1,1 point de Pib du déficit et de un point du déficit structurel. Le débat d'orientation des finances publiques qui va se tenir doit vous permettre d'éclairer le choix des mesures nécessaires qui seront inscrites dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012 pour atteindre cet objectif.

Il apparaît indispensable d'agir dans le cadre d'une stratégie financière et fiscale de moyen terme globale, équilibrée, continue et cohérente.

Il y va de la croissance à long terme de notre économie. Il y va, plus largement, de la capacité du pays à rester pleinement maître de ses choix économiques et sociaux.

Le défi est réel, beaucoup de chemin reste à faire, mais la Cour a la conviction que ce défi peut être relevé par vous-mêmes. Elle espère que cet audit annuel de nos finances publiques contribuera à une meilleure prise de conscience des enjeux en même temps qu'il fournira des pistes utiles pour l'action.

Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Jean Arthuis , président de la commission des finances . - Cette réunion commune illustre la relation de confiance existant entre les rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, ainsi qu'entre les membres des deux commissions. Afin que le Parlement puisse avoir une vision globale de l'état des finances publiques, il conviendra un jour de consolider les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale. A cet égard, les efforts de ceux qui tentent d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale méritent d'être salués, tout en constatant que cette démarche se fait bien souvent au détriment du budget de l'Etat.

L'exposé du Premier président de la Cour des comptes corrobore les constats de la commission des finances sur l'évolution très préoccupante du déficit et de la dette. Comme le montre l'exemple grec, lorsqu'un Etat est menacé par un défaut de paiement, il risque de ne plus pouvoir emprunter et, dans une telle situation, les instances démocratiques de ce pays ne sont plus en situation de mettre en oeuvre elles-mêmes les réformes nécessaires.

L'augmentation des déficits des administrations publiques au cours des trente dernières années résulte, pour l'essentiel, de l'accroissement des dépenses de prestations sociales. Comment la Cour apprécie-t-elle, dans ces conditions, les ajustements nécessaires pour rétablir l'équilibre des comptes ?

Les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ont été caractérisées par un excès d'optimisme dans la définition des hypothèses de croissance. Ne conviendrait-il pas, à cet égard, de confier la détermination des hypothèses macroéconomiques à une instance indépendante ? La Commission européenne partage les inquiétudes de la commission des finances relatives à cette insuffisante crédibilité des hypothèses inscrites dans le programme de stabilité des finances publiques.

En matière de fiscalité, il est indispensable d'infléchir la structure des prélèvements obligatoires. Sur ce sujet, la Cour des comptes formule quelques recommandations relativement timides. La Commission européenne est beaucoup plus déterminée, qui suggère de faire basculer les charges pesant aujourd'hui sur le travail vers la consommation ou l'énergie. N'est-il pas temps de procéder à cette réorientation qui pourrait constituer un facteur important de compétitivité ?

Muguette Dini , présidente . - Le budget de l'Etat n'ayant pas encore absorbé celui de la sécurité sociale, le rapporteur général de la commission des affaires sociales et celui de la commission des finances vont intervenir successivement.

Alain Vasselle , rapporteur général de la commission des affaires sociales . - L'analyse sans concession de la Cour des comptes renvoie les pouvoirs publics à leurs responsabilités. Nous sommes aujourd'hui confrontés à la quadrature du cercle : comment réduire les déficits sans renoncer à soutenir les plus démunis de nos concitoyens ? Comment accroître les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sans porter atteinte à la compétitivité ? Le constat opéré par la Cour sur la dette sociale est particulièrement inquiétant puisque, quelques mois après un transfert de 130 milliards de dette à la Cades, une nouvelle dette est en cours de reconstitution.

A propos de la réforme des retraites, la Cour note qu'en 2020, les différents régimes pourraient encore connaître un déficit de 12 milliards d'euros. Sur quels éléments aurait-il fallu agir de manière plus déterminée pour éviter une telle perspective ?

Au cours des dernières années, des mesures ont été prises pour contenir les dépenses d'assurance maladie. Depuis deux ans, l'Ondam fixé par le Parlement est respecté mais au prix d'un gel de certaines dotations qui sera difficile à poursuivre pendant une longue période.

Quels que soient les efforts accomplis en matière de dépenses, une augmentation des recettes de la sécurité sociale sera indispensable, au moins temporairement. La Cour est favorable à une réduction des niches sociales et fiscales. Quelles sont, à cet égard, les pistes qu'il conviendrait de privilégier ?

Philippe Marini , rapporteur général de la commission des finances . - Derrière l'analyse précise de la Cour sur la situation actuelle se dessine la nécessité d'un rééquilibrage de notre fiscalité et de la définition d'une stratégie des prélèvements obligatoires. Un transfert du financement des régimes de sécurité sociale vers la TVA permettrait de faire l'économie des dépenses budgétaires liées aux allégements de charges sur les bas salaires. Les efforts tendant à réguler la dépense ou à opérer des réductions d'allégement de charges demeureront toujours insuffisants si les pouvoirs publics ne s'attaquent pas aux éléments fondamentaux du système de prélèvements obligatoires.

Quelle appréciation porte la Cour sur le phénomène d'agencisation de l'Etat, c'est-à-dire la multiplication de taxes affectées à certains établissements, qui constituent un encouragement à la dépense publique. A titre d'exemple, le centre national de la cinématographie (CNC), dont le rôle est particulièrement utile, est alimenté par une ressource plus dynamique que les besoins de l'établissement, ce qui conduit à une accumulation de trésorerie contestable en période de déficit massif. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) se donnait pourtant pour objectif de discipliner les taxes parafiscales et les contributions affectées.

En ce qui concerne la fiscalité indirecte, la Cour, dans un précédent rapport, soulignait que la mesure de réduction du taux de TVA sur la restauration avait vocation à disparaître automatiquement. Elle semble aujourd'hui plus circonspecte. Quelles sont les raisons qui justifient cette prudence ?

La prime pour l'emploi et le revenu de solidarité active (RSA) ont des objectifs très proches et une meilleure articulation de ces dispositifs, voire la suppression de l'un d'entre eux, serait souhaitable. Quelle est la position de la Cour sur ce sujet ?

La Cour semble suggérer la mise en place de règles contraignantes en matière de dépenses locales. Une telle préconisation n'est-elle pas contraire au principe d'autonomie des collectivités territoriales ? Ne convient-il pas plutôt d'agir sur le niveau des dotations et transferts de l'Etat à ces collectivités ?

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . - La mission de la Cour n'est pas de faire preuve d'optimisme ou de pessimisme mais de porter des appréciations sur la situation des finances publiques à partir de chiffres précis relatifs à l'exécution des lois financières. La question des hypothèses macroéconomiques utilisées pour construire les lois financières est essentielle et la Cour constate que les pouvoirs publics ont retenu un cumul d'hypothèses favorables qui risque de ne pas se réaliser.

La question de l'évolution des prélèvements obligatoires sera déterminante au cours des prochaines années. En France, ces prélèvements pèsent davantage sur les facteurs de production et le coût du travail que dans d'autres pays où ils revêtent un caractère plus universel. Des déplacements peuvent donc s'organiser vers la TVA ou la fiscalité environnementale.

La résorption des déficits ne constitue pas la quadrature du cercle. Elle est possible en agissant simultanément sur la dépense et la recette, et en évitant à l'avenir que les efforts accomplis en matière de dépenses soient annulés par des pertes de recettes. Aucun redressement ne sera possible sans agir sur les dépenses sociales qui représentent 45 % de la dépense publique. Il conviendra de mieux cibler les dispositifs existants.

La réforme des retraites a été construite sur des hypothèses favorables de croissance et d'évolution du chômage, permettant un transfert de cotisations chômage vers l'assurance vieillesse. Il sera donc très difficile de parvenir à l'équilibre des comptes à l'horizon 2020. Cependant, si la réforme n'avait pas été faite, le déficit des régimes d'assurance vieillesse aurait atteint 32 milliards d'euros en 2020.

Le montant des niches sociales atteint aujourd'hui 70 milliards d'euros et une action déterminée de remise en cause totale ou partielle de ces niches est nécessaire.

En ce qui concerne la TVA réduite sur la restauration, la Cour n'a nullement changé de position et considère toujours que cette mesure disparaîtra. Mais dans certaines de ses hypothèses de travail, elle envisage le cas où le dispositif serait reconduit.

La libre administration des collectivités territoriales s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent et l'Etat, en étroite concertation avec ces collectivités, doit pouvoir fixer certaines orientations. Il n'est pas possible d'avoir des lois de programmation qui concernent toutes les administrations publiques sans mettre en oeuvre des dispositifs permettant de coordonner les différentes politiques.

Audition d'Antoine DURRLEMAN, Président de la sixième chambre de la Cour des comptes
(mercredi 22 juin 2011)

Réunie le mercredi 22 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l'audition d'Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur la certification des comptes sociaux .

Muguette Dini , présidente . - Nous accueillons ce matin Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, où il a succédé à Rolande Ruellan, pour entendre les conclusions de la Cour relatives à la certification des comptes de la sécurité sociale pour 2010.

Je vous rappelle que l'an dernier, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la caisse nationale d'assurance vieillesse mais qu'elle avait en revanche certifié, pour la première fois, les comptes de la caisse nationale d'allocations familiales.

Le suspense est donc à son comble : toutes les branches ont-elles obtenu la certification cette année et quelles sont les réserves éventuellement émises par la Cour ?

Je vais laisser sans plus attendre M. Durrleman nous présenter le rapport sur la certification des comptes.

Je vous rappelle simplement, mes chers collègues, que nous disposons d'environ quarante-cinq minutes pour cette audition. A onze heures, nos collègues de la commission des finances viendront nous rejoindre pour que nous procédions ensemble à l'audition de Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la situation des finances publiques, en vue du débat d'orientation des finances publiques qui se déroulera au Sénat le 7 juillet prochain.

Antoine Durrleman, président de la sixième chambre . - La Cour des comptes a adopté hier, en chambre du conseil, son rapport sur la certification des comptes 2010 du régime général de sécurité sociale, qu'il doit transmettre avant le 30 juin au Parlement comme le prévoit la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette mission de certification, exercée pour la cinquième fois, a mobilisé une bonne partie des moyens de la sixième chambre, pendant toute une année de travail, de juin 2010 à juin 2011.

Avant d'entrer dans la présentation des positions de la Cour, vous me permettrez quelques remarques sur le sens de cet exercice de certification. La certification est une opinion écrite et motivée, que formule, par expression de son jugement professionnel, un organisme indépendant sur les comptes d'une entité. L'expression de cette opinion est l'aboutissement d'une démarche d'audit visant à obtenir une assurance raisonnable - par nature, cette assurance ne peut avoir un caractère absolu - que les comptes sont réguliers et sincères et qu'ils donnent une image fidèle du résultat de la gestion, de la situation financière et du patrimoine. Par ses travaux de certification, la Cour atteste ainsi de la fiabilité, de la sincérité et de la conformité aux règles et principes comptables des états financiers des branches et caisses nationales auditées.

Les comptes des autres régimes de sécurité sociale sont, quant à eux, audités par des commissaires aux comptes. Dans l'élaboration de ses positions, la Cour prend en compte leurs opinions, notamment, pour cette année encore, le refus de certification des comptes du régime agricole. Parallèlement, les commissaires aux comptes sont naturellement attentifs pour l'expression de leur propre opinion aux travaux de la Cour. A cet égard, les dispositions de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, en voie d'être complétées par des textes d'application, ont utilement permis de structurer les relations de travail. Indispensable, cette mesure a permis d'accompagner et d'encadrer des échanges qui s'intensifient d'année en année et qui, depuis le transfert du recouvrement des cotisations d'assurance chômage aux Urssaf, s'élargissent désormais aussi aux certificateurs des comptes de l'Unedic.

Le régime général de sécurité sociale réalise chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 350 milliards d'euros de charges et 325 milliards de produits. Avec de tels volumes, la certification n'est pas seulement une affaire de vérification de la justification de postes comptables par l'existence de pièces. Il faut en effet apprécier si les systèmes d'information et les dispositifs de contrôle interne sont adéquats pour maîtriser les risques d'anomalies comptables et financières.

Les procédures et instruments du contrôle interne des caisses de sécurité sociale sont donc systématiquement analysés et évalués à l'aune de leur capacité à couvrir les zones de risques identifiées par la Cour. Progressivement, les organismes de sécurité sociale ont pris conscience de la nécessité de mieux maîtriser les risques financiers liés à leur activité. D'année en année, ils renforcent leurs efforts pour réduire les erreurs dans la liquidation des prestations, lutter contre la fraude, formaliser et optimiser leurs pratiques et procédures de contrôle interne. Ce faisant, ils améliorent la qualité de leur gestion et par conséquent la qualité de service rendue aux assurés et aux cotisants. Dans son office de certificateur, la Cour les accompagne dans cette démarche.

Pour prendre un exemple concret, c'est dans le cadre de la certification que la Cnam a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées par les mutuelles pour le compte du régime général. Elle a également mis en place des liaisons informatiques qui ont permis aux assurés de ces mutuelles, au titre de la protection maladie de base, d'améliorer la qualité des services obtenus. Pour prendre un autre exemple, la Cnaf et la Cnav ont mis en place des systèmes de suivi de la fréquence et de l'incidence financière des erreurs de calcul des prestations et pensions. Maîtriser le risque d'erreur dans les comptes devient ainsi non seulement l'affaire des comptables mais aussi celle des directeurs d'organismes de sécurité sociale.

Dans son rapport, la Cour met également l'accent sur des problèmes de normes comptables, dont l'application ou la teneur même peut soulever des difficultés. Dans ce dernier cas, les caisses et leurs agents comptables ne sont pas en cause, puisqu'ils appliquent des règles qui s'imposent à eux. Mais certaines de ces règles ont pour effet d'affecter la sincérité des comptes. Ainsi, si les comptes du fonds de solidarité vieillesse, par exemple, étaient combinés avec ceux de la branche retraite, le déficit de cette branche en 2010 ne serait pas de 8,9 milliards d'euros, mais de 13 milliards d'euros, soit une différence de près de 50 %. Dans ce cas de figure, c'est au Gouvernement qu'il appartient de tirer les conséquences des observations de la Cour.

J'en viens maintenant aux neuf opinions de la Cour, relatives aux comptes des cinq branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, retraite, recouvrement) et des quatre caisses nationales auditées (Cnam, Cnaf, Cnav, Acoss).

La Cour a fait évoluer sa position sur deux des ensembles de comptes qu'elle examine. Je commencerai donc par évoquer ces opinions, qui concernent la branche vieillesse et la Cnav, d'une part, la branche AT-MP de l'autre.

En ce qui concerne la branche vieillesse, les travaux d'audit effectués avec le concours de la Cnav avaient permis, depuis l'exercice 2008, de constater une conjonction de limitations et d'incertitudes, qui avait entraîné un refus de certification des comptes. Des erreurs systématiques avaient révélé l'absence de maîtrise du processus de gestion des données de carrière, données indispensables à la correcte liquidation des pensions. De plus, nous avions relevé un taux élevé d'erreurs dans le calcul des pensions, pour un montant cumulé important, même si beaucoup d'erreurs étaient d'un faible montant unitaire. S'y ajoutaient enfin des incertitudes liées à des risques de fraudes, du fait des modalités de gestion des habilitations informatiques des agents et de l'absence de contrôles bloquants dans les applicatifs de la chaîne de paiements, ainsi qu'une problématique d'auditabilité des comptes.

Pour l'exercice 2009, la persistance d'erreurs de liquidation d'un montant cumulé significatif et les assurances seulement partielles procurées par le contrôle interne sur plusieurs points clefs des processus de calcul, de liquidation et de paiement des pensions n'avaient pas permis à la Cour de faire évoluer son opinion.

Durant ces deux années, la branche s'est cependant beaucoup mobilisée pour améliorer la situation. Programmée, la refonte du dispositif de contrôle interne et du système d'information comptable et financier n'a certes pas encore abouti en 2010. Dans l'attente de cette évolution lourde, dont la Cour est consciente qu'elle requiert du temps, la Cour a cependant constaté des avancées significatives sur quatre points majeurs :

- les mailles du filet que constituent les contrôles diligentés par les services ordonnateurs et comptables sur la liquidation des pensions se sont resserrées, ce qui a permis de faire diminuer le taux d'incidence financière des erreurs de liquidation des pensions. L'amélioration du dispositif de contrôle interne a ainsi permis de prévenir la survenance des erreurs dont l'impact financier est le plus fort ;

- le chantier de la sécurisation des données de carrière entrantes a beaucoup progressé ;

- les incidences du processus de révision des droits et services apparaissent mieux connues ;

- des études et travaux d'audit ont permis de compenser les incidences sur l'auditabilité des comptes de l'absence de piste d'audit entre l'applicatif de gestion et le système d'information comptable actuel, dont la refonte est programmée.

Devant ces avancées indéniables et les résultats mesurables obtenus, la Cour a décidé cette année de certifier avec réserves les comptes de la branche retraite et de la Cnav, faisant ainsi évoluer favorablement sa position.

Toutefois, les réserves dont cette opinion est assortie traduisent le fait que des progrès restent encore à accomplir. Par exemple, malgré la diminution de leur incidence financière, des erreurs dans la liquidation des pensions affectent encore une proportion trop élevée des pensions liquidées. De même, l'absence de référentiel unique des employeurs ne permet pas d'assurer l'exhaustivité et l'exactitude du processus de report des salaires au compte de carrière des assurés.

De plus, plusieurs des améliorations observées cette année sont à confirmer dans la durée. Il en va notamment ainsi de l'amélioration observée en 2010 du taux d'incidence financière des erreurs de liquidation.

Ainsi, si nous avons cette année accepté de franchir la ligne qui sépare le refus de certifier et la certification avec réserves, des progrès importants restent encore à accomplir. La mobilisation des équipes de la Cnav constatée ces deux dernières années ne doit donc pas faiblir.

J'en viens maintenant aux comptes combinés de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Depuis plusieurs exercices, l'examen du contrôle interne dans la branche et dans l'activité de recouvrement faisait apparaître des insuffisances qui se cumulaient pour ce qui concerne les ressources de la branche. Cette question avait donc fait l'objet, par le passé, d'une réserve de la Cour, réserve dont la formulation s'était progressivement accentuée au fil des ans.

Cette année, les constats effectués sont d'une intensité accrue et portent sur un champ plus étendu.

L'énumération des défaillances observées est en effet inquiétante : écarts importants entre les deux réseaux en matière de population d'établissements assujettis, application incomplète du plan de maîtrise des risques par les Carsat, absence d'interaction entre les données produites par les deux réseaux pour ce qui concerne la fixation du taux des cotisations, défaut d'exploitation des anomalies détectées par les systèmes d'information dans de trop nombreux organismes...

D'une portée et d'une intensité accrues, ces constats traduisent le fait que la Cour dispose d'une assurance insuffisante sur l'exactitude et l'exhaustivité des cotisations AT-MP, qui représentent les trois quarts des produits de la branche.

En plus de cet élément majeur, la Cour a constaté, comme pour la branche maladie, que des insuffisances du contrôle interne affectaient également les charges de la branche, pour ce qui concerne les prestations exécutées en ville, comme les versements aux hôpitaux. Enfin, comme pour toutes les autres branches prestataires, la Cour se doit, dans son opinion, de tenir compte du refus de certification du régime de la mutualité sociale agricole, le solde de la gestion du régime des salariés agricoles devant être intégré aux comptes combinés.

Compte tenu de leur nature et de leur conjonction, ces constats ont conduit la Cour à estimer qu'elle n'était pas en mesure de certifier les comptes de la branche pour l'exercice 2010.

Bien sûr, bien avant que l'opinion de la Cour ne soit formulée, les branches concernées avaient été alertées de l'aggravation des constats effectués et de ses possibles conséquences en termes d'opinion sur les comptes. L'Acoss et la Cnam nous ont ainsi d'ores et déjà fait part du contenu d'un plan d'action dédié, ainsi que de son calendrier, afin de procéder aux échanges de données informatisées et autres opérations permettant d'assurer l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations AT-MP. La Cour examinera la mise en oeuvre de ces engagements dès la prochaine campagne de certification. Les évolutions requises sont d'importance. Une pleine mobilisation des caisses est donc attendue.

J'évoquerai maintenant les branches et caisses nationales dont les comptes avaient déjà été certifiés, avec réserves, l'an dernier et sur lesquels le sens général de notre opinion n'a pas changé.

En ce qui concerne l'activité de recouvrement et l'Acoss, la campagne de certification des comptes 2010 a permis la réalisation de progrès déterminants en termes d'auditabilité des comptes, question évidemment centrale pour la Cour. Très substantiels, ces progrès reposent sur de lourds travaux engagés par l'Acoss, en collaboration étroite avec les équipes de la Cour. Ils permettent également de procurer des assurances supplémentaires sur la qualité de la répartition des produits recouvrés entre les différents attributaires. Pour l'activité de recouvrement, cette préoccupation est fondamentale. A ce titre, les avancées observées sont majeures.

Subsistent toutefois des points comptables qui motivent l'expression de réserves. Pour celles qui portent sur des questions comptables, je n'en mentionnerai qu'une, relative au désaccord de la Cour avec le producteur de comptes en matière d'évaluation des provisions pour risques et charges. Nous considérons en effet que ces provisions sont sous-évaluées pour un montant de 150 millions d'euros environ, ce qui conduit à améliorer artificiellement le résultat du régime général et notamment celui de la branche maladie.

Les problèmes - et donc les progrès à accomplir - sont donc désormais concentrés sur des questions de contrôle interne. En la matière, la branche a engagé de nombreuses actions en vue de répondre aux observations de la Cour. Celles-ci se sont notamment traduites par des engagements inscrits dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat. Des avancées ont d'ailleurs pu être constatées dès 2010, pour ce qui concerne, par exemple, le dispositif national de contrôle interne, avec le déploiement, en cours d'année, d'une cartographie des risques dans les organismes.

Mais en matière de contrôle interne, les investigations des équipes de la Cour ont mis à jour trois types de difficultés, qui motivent une partie des réserves dont l'opinion de certification est assortie :

- les premières concernent les insuffisances de conception et le déploiement des dispositifs de contrôle interne, par exemple, le fait que l'Acoss ne se soit toujours pas dotée à ce jour d'un plan de contrôle interne couvrant l'ensemble de ses activités propres ;

- les secondes portent sur les insuffisances du contrôle interne dans les principaux processus de gestion des prélèvements sociaux comme, par exemple, la gestion des données administratives, la liquidation des cotisations ou l'application des mesures d'exonérations ;

- les dernières, particulièrement vives, portent sur des flux financiers qui ne tiennent qu'une place minoritaire dans les comptes : cotisations AT-MP, cotisations et contributions des travailleurs indépendants relevant de l'interlocuteur social unique. Dans les deux cas, des progrès importants sont attendus en 2011.

Au sujet de la branche maladie et de la Cnam, la Cour certifie à nouveau en 2010 les comptes avec réserves, après les progrès notables obtenus en 2009, comme la mise en place d'une comptabilité auxiliaire des prestations et les premiers résultats obtenus en matière de sécurisation des flux en provenance des mutuelles gestionnaires de la protection maladie de base, par délégation du régime général.

Il subsiste toutefois encore des lacunes. Les dispositifs de détection et de correction des erreurs dans la liquidation des prestations doivent notamment être confortés. Des risques de double paiement ont ainsi été identifiés dans tous les segments de l'activité de la branche maladie : prestations exécutées en ville, dépenses hospitalières, paiements aux établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées. Par ailleurs, toutes les mutuelles gérant des prestations maladie relevant de la couverture de base, par délégation du régime général, ne sont pas encore couvertes par des dispositifs de contrôle interne adéquats.

Sur le plan comptable, où les enjeux sont, pour cette branche, limités, l'exercice 2010 a confirmé que l'administration et la branche ont progressé dans leur maîtrise des provisions hospitalières, sujet qui a longtemps été problématique.

Au final, si l'exercice 2010 n'a pas comporté pour la branche maladie et pour la Cnam d'avancées définitives, les problématiques identifiées sont circonscrites, ce qui justifie une certification avec réserves.

Le refus de certification des comptes de la branche AT-MP n'a pas conduit la Cour à un refus de certification des comptes de la Cnam mais à l'expression d'une réserve, dès lors que les produits des cotisations de cette branche ne représentent que 4,9 % des produits enregistrés dans les comptes de la caisse et que l'incertitude qui affecte leur exactitude et leur exhaustivité ne peut être évaluée.

Concernant la branche famille et la Cnaf, la Cour avait l'an passé, pour la première fois, certifié les comptes de la branche et de la caisse nationale, compte tenu de l'importance des progrès accomplis.

Le déploiement d'un fichier national des allocataires, le répertoire national des bénéficiaires, que la Cour appelait de ses voeux depuis plusieurs années, les avancées observées en matière d'échange de données pour sécuriser le versement des prestations, ainsi que la mise en oeuvre d'un chantier de rénovation du dispositif de contrôle interne de la branche, notamment sur le plan de la sécurisation de la liquidation et du paiement des prestations et sur celui du pilotage des projets informatiques continuent de procurer, en 2010, des assurances raisonnables à la Cour sur l'absence d'anomalies significatives dans les comptes.

En 2010, la branche a confirmé son inscription dans une trajectoire de progrès, notamment sur le plan comptable. Deux réserves ont ainsi pu être levées, compte tenu des ajustements obtenus dans la méthode d'estimation de certaines écritures d'inventaire et de leur meilleure présentation. En matière de contrôle interne, l'exercice 2010 a vu la mise en oeuvre de premières « boucles qualité », nouvel instrument de contrôle interne, pour la vérification des dossiers d'aide au logement, d'une part, l'identification des techniciens rencontrant des difficultés dans leur activité de gestion des prestations, d'autre part.

Le dispositif de contrôle interne souffre cependant toujours d'insuffisances et la Cour a alerté la branche sur les retards pris dans le déploiement de ces « boucles qualité ». De plus, les tests de reliquidation des dossiers réalisés par la Cnaf montrent que le pourcentage d'erreurs financières dans les droits liquidés reste substantiel. Enfin, sur le plan comptable, le processus d'établissement des comptes combinés doit encore être amélioré et mieux documenté et des fragilités demeurent dans la méthodologie appliquée pour passer certaines écritures d'inventaire.

En auditant, au fil des ans, les comptes du régime général de sécurité sociale, la Cour a conscience, à une époque où la confiance de la communauté financière et de l'opinion publique dans la sincérité des comptes publics est plus que jamais essentielle, de sa responsabilité de certificateur.

Chacun sait en effet qu'aujourd'hui, en France, les comptes de la sécurité sociale sont examinés et vérifiés par une institution indépendante, qui en rend compte au Parlement. Cet exercice vertueux est un levier d'une puissance insoupçonnée pour sensibiliser les branches du régime général à la nécessité d'une meilleure maîtrise des risques de portée financière et pour les faire progresser en termes de qualité des comptes, mais au-delà d'efficience de gestion et d'amélioration du service rendu à l'usager.

Même si chaque année, la Cour a refusé de certifier certains comptes, si chaque année la Cour a assorti ses opinions de nombreuses réserves, son objectif est bien sûr de parvenir à certifier avec le moins de réserves possibles les comptes de toutes les branches et de toutes les caisses. A cet égard, l'exercice 2010 indique que la trajectoire poursuivie est positive. Notre opinion comporte ainsi trente réserves ou éléments motivant un refus de certification, soit cinq de moins qu'en 2009, ou huit de moins qu'en 2010. Cette évolution témoigne qu'à des degrés certes encore inégaux et au prix d'efforts qui ne doivent pas s'affaiblir mais s'amplifier, les organismes du régime général de sécurité sociale ont compris que la certification de leurs comptes n'était pas qu'une contrainte comptable externe, mais un processus d'abord interne de mobilisation pour une amélioration en continu de l'ensemble de leur gestion. La Cour continuera à soutenir dans sa mission de certificateur avec exigence et rigueur, mais aussi pédagogie, cette démarche indispensable en mesurant les résultats atteints comme en pointant les engagements non mis en oeuvre ou en éclairant les domaines de progrès inaboutis.

Alain Vasselle , rapporteur général . - D'une manière générale, la Cour joue-t-elle le rôle d'un gendarme des comptes publics et quelles sont les conséquences d'une absence de certification pour les branches ou organismes audités ?

Sur les comptes de l'Acoss et de l'activité de recouvrement, la Cour formule cette année encore des réserves. Je retiens celle qui concerne la comptabilisation des cotisations et contributions des travailleurs indépendants relevant du dispositif de l'interlocuteur social unique (Isu) : que reste-t-il à faire pour que les problèmes identifiés puissent être résolus ?

Sur les comptes de la branche maladie, la Cour émet également plusieurs réserves. Que faudrait-il faire pour que la sécurisation des opérations exécutées par les mutuelles soit satisfaisante ?

Sur les comptes de la branche AT-MP, la Cour indique que les insuffisances sur les activités de recouvrement se cumulent et s'intensifient. Que doit-on en déduire sur les modalités de gestion de la branche : y a-t-il une vraie dégradation ou bien la Cour a-t-elle relevé le niveau de ses exigences ? La branche est-elle véritablement engagée dans le processus de certification ? La Cour mentionne en particulier l'absence de contrôle sur les prestations des masseurs-kinésithérapeutes : quelles sont les actions à mener à ce sujet ?

Marc Laménie . - Vous semblez inclure l'Acoss et les activités de recouvrement dans les branches de la sécurité sociale. Pourtant, lorsqu'on parle de la dépendance, on évoque régulièrement le cinquième risque. L'Acoss constitue-t-elle vraiment une branche ?

Yves Daudigny . - Comme Alain Vasselle, je souhaite vous interroger sur les conséquences d'une absence de certification des comptes pour les organismes. Par ailleurs, la Cour note globalement un ralentissement dans l'amélioration des résultats des caisses : faites-vous un lien entre ce ralentissement et les réductions d'effectifs qu'elles subissent ?

André Lardeux . - Les réserves que vous émettez sur les modalités de la gestion déléguée et « l'auditabilité » de tels organismes posent la question de leur maintien : une gestion directe ne présente-t-elle pas plus d'avantages ?

Antoine Durrleman . - Les conséquences d'une absence de certification sont variables selon les branches. Il appartient d'abord au Parlement et au Gouvernement d'en tirer les conséquences. Par exemple, le refus de certification des comptes de la branche famille, qui reposait sur des problématiques lourdes, notamment en termes d'identification des bénéficiaires, a permis de créer un fichier national sur cette question. Par ailleurs, le Gouvernement peut être amené à simplifier certaines procédures pour les sécuriser.

La procédure de certification, qui prend en compte les incertitudes, a une vertu pédagogique pour les organismes audités mais aussi pour les administrations centrales qui les contrôlent ; elle permet ainsi une amélioration globale du processus de gestion. D'ailleurs, dans les conventions d'objectifs et de moyens, elle émerge comme un enjeu important.

Au-delà, une absence de certification peut avoir des conséquences directes pour certaines branches, par exemple lorsqu'elles doivent faire appel aux marchés financiers pour se financer. L'Acoss a émis 140 milliards d'euros de billets de trésorerie en 2010, dont 50 milliards restaient à son bilan au 31 décembre 2010 ; elle a été amenée à émettre directement en son nom, car la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait plus financer des sommes aussi importantes et la Cades n'avait pas encore repris cette dette. Dans ce contexte, la certification est un élément essentiel pour l'Acoss en termes de qualité de signature sur les marchés.

Au sujet de l'Acoss, elle ne constitue en effet pas une branche de la sécurité sociale mais le bras financier du régime général.

En ce qui concerne l'Isu, l'Acoss et le RSI sont fortement mobilisés pour corriger les difficultés rencontrées lors de sa mise en place ; ils ont notamment engagé des travaux sur une nouvelle version « Isu 2 » qui devrait apporter les améliorations attendues. La Cour en rendra compte dans la prochaine campagne de certification puisque les efforts portent sur l'année 2011, mais elle l'évoquera aussi dès cette année, car elle réalise un audit plus large du RSI dans le cadre de ses contrôles réguliers.

Dans le processus de certification, la Cour procède par sondages sur des échantillons statistiquement représentatifs, ce qui explique qu'elle ne peut pas mesurer nationalement les écarts. Il en est ainsi de la branche AT-MP, où la Cour a identifié les difficultés mais ne peut donner d'estimation globale. Pour autant, des entreprises ne sont pas assujetties à cotisation et des dysfonctionnements importants apparaissent sur le taux de la cotisation : par exemple, en cas de création d'entreprise, un taux provisoire est défini au démarrage mais il n'est pas revu comme cela est prévu au regard du niveau des accidents du travail constatés en son sein.

Au sujet de la délégation de gestion à certaines mutuelles pour le régime obligatoire, des progrès ont été accomplis, notamment par le développement d'une nouvelle norme, Noémie 303, mais elle doit encore être mise en place dans les petites structures. En outre, des indicateurs de contrôle interne doivent être mis en oeuvre.

L'un des éléments ayant conduit la Cour à ne pas certifier les comptes de la branche AT-MP réside dans l'absence de justification des dépenses de masseurs-kinésithérapeutes ; en effet, les ordonnances ne sont pas transmises aux caisses par souci de simplification. Cette question est en fait récurrente pour les soins de ville : le recueil des ordonnances et des pièces justificatives présente une lourdeur telle que les caisses ne sont de toute façon pas en état de les rapprocher des soins. La Cnam a précisé à la Cour qu'elle engageait des travaux dès 2012 pour numériser les ordonnances et qu'elle se fixait un objectif de dématérialisation complète pour la fin de la décennie. La Cour estime que cet objectif est un peu lointain.

Alain Vasselle , rapporteur général . - Pourquoi avez-vous particulièrement signalé le cas des masseurs ?

Antoine Durrleman . - Parce que l'absence de fourniture des ordonnances est explicitement prévue dans la convention de cette profession. En l'espèce, l'allègement des formalités empêche les contrôles.

Jean-Louis Lorrain . - La lecture d'une ordonnance fournit des indications sur la pathologie du patient, ce qui pose la question de la confidentialité des informations.

Antoine Durrleman . - En ce qui concerne la question des effectifs des caisses, les gains de productivité sont considérables et leur baisse n'est pas contraire à l'objectif de fiabilité des comptes. Il faut à cet égard faciliter le redéploiement de personnels vers le contrôle interne, par exemple en renforçant le réseau des auditeurs internes.

Alain Vasselle , rapporteur général . - La Cour se penche-t-elle également sur la gouvernance des branches ? Je mentionne que le conseil de surveillance de l'Acoss ne s'est toujours pas mis en place, ce qui est regrettable à tout point de vue.

Antoine Durrleman . - La Cour prépare actuellement un rapport sur le contrôle organique de l'Acoss, qui est un établissement public, et ce rapport évoquera logiquement les questions de gouvernance.

Audition de Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général, et Joël DESSAINT, directeur délégué des finances et de la comptabilité, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (mercredi 22 juin 2011)

Réunie le mercredi 22 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission procède à l'audition de Frédéric Van Roekeghem, directeur général, et de Joël Dessaint, directeur délégué des finances et de la comptabilité, de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) , sur la certification des comptes sociaux .

Muguette Dini , présidente . - Nous avons reçu ce matin Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, qui nous a indiqué que les comptes de la Cnam ont été certifiés pour 2010.

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Cnam . - Elle a refusé en revanche de certifier ceux de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), considérant que les données échangées par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les Urssaf n'étaient pas sûres, ni par conséquent le calcul des taux applicables aux employeurs. Ce problème, qui tient à l'absence d'un système informatique intégré, peut être résolu sans trop de difficultés. Dans l'ensemble, les comptes de l'assurance maladie et de la branche AT-MP reflètent la situation économique réelle de ces deux régimes. Point de charges ou de recettes exceptionnelles cette année qui viennent creuser l'écart entre le résultat courant et le résultat comptable. Le déficit de l'assurance maladie en 2010 a atteint 11,6 milliards d'euros, celui de la branche AT-MP, 700 millions : ces chiffres sont élevés, mais sincères. Si tout va bien, les prévisions arrêtées fin 2010 pourraient être légèrement supérieures à la consommation finale des fonds.

Ce résultat n'est pas mauvais, étant donné l'ampleur de la crise de 2009. Le solde de la branche maladie s'est détérioré de 6 milliards d'euros entre 2007 et 2009 - le déficit passant de 4,4 à 10,6 milliards -, puis d'un milliard en 2010. Grâce à la reprise économique qui s'amorce et au pilotage des dépenses par l'Ondam, nous espérons inverser la tendance en 2011. C'est aussi grâce à ces efforts que les comptes sociaux ont mieux résisté à la crise de 2008-2010 qu'à celle de 2001-2003. Ce n'est pas sans conséquences sur les revenus des professions sanitaires ni sur l'évolution des dépenses hospitalières. D'une manière générale, les dépenses de santé n'ont progressé cette année que de 3 %, au lieu de 6 % en 2003 ; l'effort a été particulièrement important pour les soins de ville.

Ce ralentissement est dû aux réformes structurelles entreprises depuis quelques années, et d'abord à un meilleur pilotage tarifaire : nous avons ainsi économisé 800 millions d'euros sur les prix de biologie et de radiologie. La part des génériques a augmenté de trente points entre 2004 et 2010, pour se stabiliser autour de 80 %, lorsqu'un générique est disponible. D'après un benchmarking international, le volume des médicaments consommés augmente moins vite en France qu'ailleurs en Europe : 0,5 % entre 2006 et 2009 au sein de huit classes thérapeutiques, au lieu de 4,3 % en Allemagne, 4,5 % en Italie, 3,8 % aux Pays-Bas, 4,6 % en Espagne, 2,9 % en Suisse et au Royaume-Uni. L'effet Mediator nous aidera peut-être. La France reste néanmoins le pays où les dépenses de médicaments par habitant sont les plus élevées : nous en détaillerons les raisons dans notre prochain rapport « produits et charges ». Le traitement journalier de Simvastatine, un anti-cholestérol génériqué, coûte par exemple 44 centimes en France contre 14 en Allemagne et 4 au Royaume-Uni... Les Allemands ne se fournissent pourtant pas auprès de laboratoires « exotiques », mais de Novartis.

Un autre facteur de progrès réside dans la multiplication des contrôles des arrêts de travail : leur nombre est passé de 400 000 à 2 millions en quelques années. Nous estimons l'économie à 1 milliard d'euros : entre 2004 et 2006, le nombre d'indemnités journalières a baissé de 11 %. Le mouvement est reparti à la hausse depuis, en raison de l'augmentation de la population et de son vieillissement. La chirurgie ambulatoire a également progressé. La convergence tarifaire engagée fait économiser 150 millions par an. Nous commençons à mettre en place des référentiels d'arrêts de travail, domaine dans lequel la France est très en retard, comme pour les référentiels de traitements. Enfin nous luttons contre la fraude : un récent rapport de l'Assemblée nationale a fait le point sur la question.

La situation comptable est donc moins mauvaise qu'en 2003 : en euros constants, le déficit s'élevait en 2003 à 13,5 milliards d'euros, contre 11,6 milliards en 2010 et, nous l'espérons, environ 10 milliards cette année. Les comptes reflètent la crise, mais les dépenses sont correctement provisionnées, comme l'a reconnu la Cour des comptes.

Il reste cependant des marges de progression. Les pharmacies d'officine, par exemple, reçoivent 550 millions d'ordonnances et prescriptions, ce qui représente des tonnes de papier, transportées dans des semi-remorques : cela n'autorise pas un contrôle efficace. Nous comptons donc dématérialiser les ordonnances dans les officines : dans chaque département, trois ou quatre pharmacies se livrent déjà à une expérience que nous espérons généraliser d'ici à six mois ou un an, en concertation avec les syndicats de pharmaciens. Cela implique la conclusion d'une convention de preuve prévoyant la conservation des documents pendant soixante jours et l'opposabilité des images récupérées. A terme, il faudra dématérialiser les prescriptions dès l'origine, mais cela implique que les cabinets médicaux soient tous informatisés, ce qui n'est pas encore le cas.

Joël Dessaint, directeur délégué des finances et de la comptabilité de la Cnam . - Certaines actions entreprises pour maîtriser les dépenses ne pourront pleinement porter leurs fruits qu'après plusieurs années. Je pense par exemple au contrôle des prestations liquidées par les mutuelles qui travaillent pour notre compte, notamment celles de fonctionnaires et d'étudiants, ou au contrôle des établissements médico-sociaux, en particulier ceux qui accueillent de jeunes handicapés : il s'agit de vérifier la conformité de la facture avec les conditions de prise en charge, et d'améliorer les outils informatiques. La Cour relève que certains hôpitaux qui s'étaient engagés à rembourser des avances consenties au moment de l'instauration de la tarification à l'activité (T2A) ne l'ont pas encore fait. Mais les sommes en jeu sont limitées.

La Cour insiste aussi sur le problème des pièces justificatives et des ordonnances. S'agissant de la branche AT-MP, elle a considéré que la transmission d'informations entre les Carsat et les Urssaf n'était pas assez sûre pour lui permettre de vérifier l'exactitude des sommes facturées par les Urssaf aux employeurs. Mais depuis cinq ans qu'elle certifie les comptes de la sécurité sociale, elle reconnaît les progrès accomplis.

René Teulade . - Pouvez-vous nous donner des précisions sur la consommation de médicaments génériques ? Elle s'est stabilisée, dites-vous, alors qu'elle avait fortement augmenté ces dernières années.

Frédéric Van Roekeghem . - C'est en 1996 que la notion de générique a été introduite dans le code de la sécurité sociale. En 2000, la marge des pharmaciens a été modifiée pour favoriser la substitution de génériques. En 2002 a été signé un accord avec les médecins : la consommation de génériques atteignait alors 40 %. Ce taux a crû jusqu'à 82 % en 2008, avant de reculer légèrement, mais il s'est stabilisé aux alentours de 78 %. Ce résultat n'est pas mauvais, en comparaison d'autres pays. Mais en France, le pourcentage de prescriptions hors répertoire reste faible ; ailleurs, lorsqu'un générique est introduit, les prescriptions du médicament augmentent globalement, mais c'est l'inverse ici. Pendant des années, les laboratoires ont cherché à contourner la perte de brevets et l'introduction de génériques : voyez par exemple l'Inexium, ou l'Isoméride qui est un isomère de Pondéral. La France est l'un des derniers pays à avoir durci sa législation. Mais la tendance à prescrire hors répertoire n'est pas enrayée, malgré les efforts de l'assurance maladie : nous faisons moins bien que l'Italie par exemple.

Des efforts restent à faire sur les prix. Dans les trois catégories des inhibiteurs de la pompe à proton, des anti-choléstérols statines et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion et sartans, les prix sont plus élevés en France qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. Je vous ai cité le cas du Simvastatine. La perte s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros pour ces trois classes ! Les Allemands et les Néerlandais lancent désormais des appels d'offre pour les médicaments dont le brevet est échu ; nous avons renoncé à le faire pour le moment, mais il faudra y songer à nouveau.

Il faut aussi s'interroger sur les tarifs des opérations au sens large. Une prothèse de genou de niveau 1, par exemple, coûte 4 900 euros en clinique, 5 500 euros dans le secteur public, mais le reste à charge s'élève là à 600 euros, ici à 200 euros. Dans certains cas, l'écart est inverse. Il faut donc progresser sur la voie de la convergence, ce qui suppose l'encadrement des dépassements d'honoraires.

Guy Fischer . - Le renforcement de la lutte contre la fraude est une bonne chose pour l'assurance maladie et plus généralement pour la sécurité sociale. Mais si j'en crois les chiffres publiés, les fraudes ne représentent qu'une infime fraction du total des dépenses. Ne faut-il pas voir dans les rapports récents une opération de communication du Gouvernement, qui cherche à jeter l'anathème sur les particuliers en oubliant la fraude aux cotisations patronales, bien plus coûteuse pour les caisses de la sécurité sociale ?

Frédéric Van Roekeghem . - Faut-il traquer la fraude aux prestations sociales ? Bien sûr. Combien d'argent représente-elle ? C'est difficile à dire : si nous connaissions les fraudes, tout serait beaucoup plus simple... Le récent rapport de l'Assemblée nationale a fait beaucoup de bruit. Pour ma part, je puis vous dire qu'en 2005 nous ne récupérions qu'une dizaine de millions d'euros perçus frauduleusement, contre 185 millions en 2010. Un tournant a été pris en 2006 : non pas que l'on n'ait pas eu auparavant la volonté de lutter contre la fraude, mais on ne s'en était pas donné les moyens, et c'est ce que nous avons fait en professionnalisant nos équipes. Le total des sommes récupérées depuis 2006 s'élève à près de 700 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Les prescriptions d'indemnités journalières des professionnels mis sous accord préalable ont également baissé. Nul doute cependant qu'il subsiste des fraudes.

Guy Fischer . - Mais qui fraude ? C'est là la question.

Frédéric Van Roekeghem . - Il ne faut pas confondre fraude, faute et abus. Nous nous en tenons pour notre part à la définition juridique de la fraude, comme pratique qui vise à nuire aux comptes de l'assurance maladie à des fins d'enrichissement personnel. Le docteur Poupardin, qui accordait systématiquement des remboursements à 100 %, le faisait sans doute à des fins politiques et non pour s'enrichir : ce n'était pas une fraude, mais bien une faute, et il est normal de sanctionner par une amende le non-respect des règles de droit. Quand un médecin prescrit ou qu'un patient consomme un peu plus que nécessaire, c'est un abus qui peut coûter cher, mais pas nécessairement une fraude.

Pour s'entendre sur ce qu'est un abus, il faut définir une norme. La France est très en retard dans la mise en place de référentiels d'arrêts de travail, par exemple, ce qui n'aide pas à dépassionner le débat. Dans leur majorité, les Français considèrent sans doute que le système actuel est trop laxiste. Nous avons renforcé les contrôles ; lorsque nous ciblons des professionnels et prescrivons à leur place, le nombre de prescriptions baisse. Nous avons aussi introduit des références médicales pour la prescription d'arrêts de travail consécutifs à des opérations de traumatologie sur le canal carpien : alors que, selon la référence internationale, un arrêt de travail de trente jours suffit aux patients qui ont des charges lourdes à porter, la moyenne est en France de soixante jours. Aux Etats-Unis, comme dans beaucoup d'autres pays, les associations de médecins ont mis en place des règles très précises. J'espère que la Haute Autorité de santé nous aidera à avancer d'ici à la fin de l'année.

Il y a tous les jours des fraudes. Nous déconventionnons par exemple une entreprise d'oxygénothérapie qui a facturé des prestations fictives. Nous jouons un peu au gendarme et au voleur : sitôt qu'un fraudeur est attrapé, un autre sévit ailleurs. Lutter contre la fraude est nécessaire, mais cela ne suffira pas à rééquilibrer les comptes sociaux. J'ai toujours dit que la fraude, au sens strict, devait représenter environ 1 % du budget de l'assurance maladie, dont le total s'élève à 200 milliards d'euros.

Guy Fischer . - Mais on parle de 185 millions.

Frédéric Van Roekeghem . - Soit un pour mille, mais en cinq ans nous avons récupéré 700 millions d'euros. En resserrant les règles, on parvient à des résultats cumulés qui ne sont pas négligeables.

Nous ne prétendons pas avoir fait le tour de la question. Cela fait des années que je demande au Gouvernement de mettre en place des organismes de prévention de la fraude dans les hôpitaux publics : il y a bien un correspondant dédié dans les caisses primaires.

René Teulade . - Pour éviter de froisser les susceptibilités, jusque récemment on ne parlait pas de « règles » mais de « maîtrise médicalisée »... Dans un système fondé sur la liberté des prescriptions et la socialisation des prestations, il est indispensable de responsabiliser les praticiens et les patients. Où en est-on ?

Frédéric Van Roekeghem . - Les choses avancent. Nous espérons trouver un accord avec les syndicats de médecins pour inclure dans la convention le principe d'une rémunération en fonction de la réalisation d'objectifs de santé publique. Cela n'a pas été possible il y a deux ans, et le Parlement a dû légiférer pour permettre aux praticiens volontaires de s'engager dans cette voie. Si l'on progresse, c'est en partie grâce à la pression des organismes de sécurité sociale et aux nécessités économiques, mais les mentalités évoluent aussi. La réforme Mattei, en associant les praticiens hospitaliers au pilotage médico-économique, y a contribué, ainsi que l'introduction de la T2A. Mais il faut se garder de toute précipitation, si l'on veut éviter de crisper nos interlocuteurs et de perdre ainsi du temps.

Quant aux assurés, ils ne sont pas assez informés des coûts économiques du système de soins. C'est pourquoi nous voulons réformer le site Ameli, en indiquant par exemple la durée et le coût des séjours en maternité, pour permettre à chacun de faire un choix éclairé.

Alain Milon . - Mais Ameli ne donne encore aucune information sur les coûts comparés des séjours dans les hôpitaux.

Frédéric Van Roekeghem . - Ce sera très bientôt le cas : nous avons envoyé une lettre en ce sens aux établissements de soins et aux professionnels. Les établissements de soins publics et privés peuvent d'ores et déjà accéder à leur fiche et ils ont jusqu'à la mi-juillet pour valider les données qui les concernent. Pour chacun, la fiche spécifie quelles sont ses activités, quels actes y sont réalisés, quel est leur coût - en intégrant les dépassements d'honoraires des professionnels libéraux en clinique -, la durée d'hospitalisation, les techniques employées - comme la chirurgie ambulatoire -, les professionnels qui y exercent - du moins pour les cliniques, car pour les hôpitaux nous attendons l'identification des praticiens hospitaliers - et des informations sur les cinq indicateurs principaux de la Haute Autorité de santé quand celle-ci a certifié l'établissement.

Pour les professionnels libéraux, nous avons créé une entrée par actes, reposant sur cent quatre-vingts actes techniques. Elle donne accès à leur activité détaillée, y compris les tarifs, sauf pour quelques actes peu courants et donc sans signification statistique.

Un tel site demande, vous vous en doutez, un important travail de mise à jour. Pour une clinique, il s'agit d'entrer le nombre d'opérations réalisées, et son positionnement par rapport aux établissements comparables. C'est un travail qui n'est pas à la portée de toutes les institutions.

Alain Milon . - Je suis rapporteur de la proposition de loi Fourcade, dont un article fait obligation aux hôpitaux de mettre en ligne leurs opérations et leur coût. J'ai demandé qu'ils créent un lien avec Ameli.

Frédéric Van Roekeghem . - C'est fait. Nous pouvons vous donner accès à la version du site en cours de validation.

Alain Milon . - Ma première question porte sur les mutuelles. Vous savez que l'article 22 de ce texte prévoit une modulation des tarifs. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce point que les mutuelles ont lié aux négociations conventionnelles. Quel est votre avis, en particulier, sur la question du secteur optionnel ?

Frédéric Van Roekeghem . - Quatre négociations conventionnelles sont ouvertes. L'une porte sur l'accord interprofessionnel, en veille, puisque l'UNPS (union nationale des professionnels de santé) attend les textes réglementaires pour tirer les conséquences des élections professionnelles. Les trois autres ont lieu avec les professions. La première, susceptible d'aboutir à un protocole d'accord, est menée avec le syndicat national des infirmiers et porte d'abord sur la régulation démographique - il s'agit de la maintenir pour cinq ans dans les zones surdotées, tout en poursuivant les incitations dans les zones sous-dotées.

René Teulade . - Et avec les médecins ?

Frédéric Van Roekeghem . - Vous savez ce qu'il en fut, à l'époque...

L'objectif, avec les infirmiers, est d'approfondir les cartes de régulation qui, remontant à 2007, ne sont pas assez incitatives pour produire des effets à moyen terme. Nous entendons doubler, par cet accord, le nombre de zones où la régulation s'applique - incitations comme sanctions. Ces cartes seront envoyées à chaque ARS.

En échange, nous proposons des avancées sur la valorisation des actes infirmiers, en particulier les soins palliatifs et les pansements complexes - mal valorisés au regard des tarifs retenus pour l'hospitalisation à domicile. Nous entendons également développer les possibilités d'accompagner les patients sous insuline vers plus d'autonomie. Nous nous acheminons, enfin, vers une revalorisation des piqûres simples, aujourd'hui tarifiées à 3,15 euros, plus 2,30 euros de déplacement, soit une somme royale de 5,45 euros : nos concitoyens pourront comprendre qu'une revalorisation, quand le déplacement ne se cumule pas avec d'autres actes, n'est pas indue : 6,50 à 7,20 euros pour le déplacement, dans le cas des actes isolés.

Les infirmières nous demandent d'assurer l'équité dans la régulation, et que l'on ne laisse pas les formes de soins salariées se développer dans les zones où l'on demande aux infirmières libérales d'accepter un conventionnement sélectif. A nous, donc, de veiller à l'équité interministérielle. Elles veulent également la garantie que les ARS tiendront compte des cartes de régulation pour décider de l'offre de soins ambulatoires dans les Sros (schémas régionaux d'organisation sanitaire).

La deuxième négociation, menée avec les médecins, fut compliquée à engager : vous savez combien il est difficile de faire asseoir leurs syndicats autour de la même table.

René Teulade . - Ce n'est pas nouveau...

Frédéric Van Roekeghem . - Nous avons donc fait deux tables... L'une réunit la CSMF et le SML, l'autre MG, la FMF et le Bloc. Nous faisons en sorte que les mêmes informations circulent au même moment... Après plusieurs réunions préparatoires, nous engagerons le 23 juin une négociation officielle qui se poursuivra jusqu'au 20 juillet, date retenue pour nous permettre de prendre en compte la proposition de loi Fourcade, sachant que la fameuse question des 50 centimes sur les feuilles de soins nous importe au plus haut point. Nous avons demandé aux médecins comment ils comptent aborder le sujet. Ils y réfléchissent...

Sur la médecine générale, où les divergences, si elles restent fortes sur les principes, le sont moins en pratique, nous avançons vers l'intégration des rémunérations sur objectif de santé publique, qui présentent de surcroît un avantage pour les comptes sociaux, puisque l'on constate avant de payer.

Sur la priorité à donner aux autres spécialités cliniques, sont susceptibles d'être retenus le fait de privilégier l'accès au psychiatre quand le médecin généraliste le demande en urgence pour un patient, la consultation familiale des pédopsychiatres, la prévention du cancer de la peau par les dermatologues, le déplacement du médecin traitant au domicile du patient atteint d'Alzheimer pour lui permettre de faire le point avec les personnels aidants.

Nous privilégions ainsi la rémunération sur objectif et la valorisation des consultations cliniques pour les situations médicales qui le justifient.

La volonté de la CSMF et du SML est d'aller à la signature. Je ne désespère pas de voir MG se joindre, même si l'histoire montre qu'il n'est pas toujours simple de parvenir au consensus.

Nous conduisons, enfin, une troisième négociation, avec les transporteurs sanitaires et sommes à cet égard soucieux des décisions que prendra le Gouvernement en ce qui concerne les taxis, sachant que depuis 2003 ceux-ci ont nettement mieux tiré leur épingle du jeu que les VSL.

C'est là une des limites de la régulation budgétaire en matière de santé : on a beau contraindre d'un côté, le marché reprend le dessus, par la multiplication de l'offre. Nous essayons donc de passer avec les taxis un accord pluriannuel jusqu'en 2013, un peu sur le modèle de ce qui se fait avec les contrôleurs aériens, sachant que les négociations conventionnelles n'auront pas de conséquences en 2011.

J'en viens à la question du secteur optionnel et des mutuelles. Le président de la Mutualité française a décidé de s'engager dans le secteur optionnel. Nous sommes dans une impasse stratégique avec le secteur 1 et le secteur 2. Nous ne pouvons rester sans rien faire : il est urgent de mettre en place une alternative à cette situation enkystée de trente ans. Il ne s'agit pas, cependant, que le secteur 1 rejoigne le secteur optionnel et généralise les dépassements : il est clair que nous ne suivrons pas, là-dessus, le syndicat le Bloc.

L'attractivité du secteur optionnel dépendra de ce que l'assurance maladie pourra mettre sur la table en matière de tarif opposable, sachant que la marge de manoeuvre est faible - nous proposons d'étendre au secteur optionnel les tarifs du secteur 1. Elle dépendra aussi de la réalité de la prise en charge par les complémentaires des compléments ainsi plafonnés. Je suis favorable à l'intégration du secteur optionnel dans les contrats responsables. Le choix sera difficile à négocier. Il appartiendra au Gouvernement de trancher.

La possibilité de moduler les remboursements en fonction des professionnels constitue un sujet délicat, majeur pour la Mutualité, qui en fait une condition de leur adhésion au secteur optionnel. Pour nous, il est fondamental que la Mutualité participe à la négociation, même si la condition qu'elle pose ne devrait pas être un critère pour les parlementaires...

René Teulade . - Le bonus-malus pointe son nez - augmentation des cotisations si l'on est malade, baisse si l'on est bien portant. Comment envisagez-vous la chose ?

Frédéric Van Roekeghem . - L'assurance maladie fonctionne sur le principe de la solidarité entre bien portants et malades. Si demain, on rend de l'argent aux biens portants, on en manquera pour financer les malades. Cela étant, le système des franchises est un peu équivalent. A un système de franchise à la base, on a préféré un système fondé sur la consommation...

Le bonus-malus n'est possible que pour des mutuelles qui remboursent très peu, mais pas au-delà.

René Teulade . - C'est la négation de la solidarité.

Audition de Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, et Hervé DROUET, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (mercredi 29 juin 2011)

Réunie le mercredi 29 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission procède à l'audition de Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), sur la certification des comptes sociaux.

Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf . - La certification, pour la seconde année consécutive, des comptes de la branche famille par la Cour des comptes vient récompenser les efforts accomplis par les agents des caisses d'allocations familiales et leur implication sans faille. Leur charge de travail n'a pas diminué, loin de là ; le nombre d'appels téléphoniques est en augmentation et l'accueil au guichet des caisses ne désemplit pas.

La Cour avait certifié les comptes de l'exercice 2009 de la branche famille sous sept réserves. Compte tenu des progrès réalisés depuis lors dans le domaine du contrôle interne, deux réserves ont été levées pour l'exercice 2010, ce qui porte leur nombre à cinq. Preuve en est que les recommandations de la Cour ont bien été suivies d'effet.

Il faut rappeler que la branche partait d'assez loin en matière de maîtrise des risques. Les actions menées depuis quelques années contribuent, peu à peu, à sécuriser les processus de liquidation des prestations, en particulier la mise en place d'un répertoire national des bénéficiaires et d'échanges informatisés permettant de croiser les informations déclarées par ces derniers et saisies par les techniciens-conseil du réseau et celles détenues par d'autres organismes ou autorités.

Hervé Drouet, directeur général de la Cnaf . - Les cinq réserves maintenues par la Cour des comptes pour l'exercice 2010 s'expliquent par la persistance d'insuffisances dans le dispositif de contrôle interne de la branche. Celui-ci repose sur deux types de vérification : celle, avant paiement, des données permettant la liquidation des prestations, déclarées par les bénéficiaires et saisies par les techniciens-conseil, et celle, après paiement, de la correcte mise en oeuvre des opérations.

S'agissant du contrôle ex ante, la création du répertoire national des bénéficiaires constitue un progrès incontestable : il permet de sécuriser l'ensemble des données déclarées par les allocataires, qu'elles soient relatives à leur identité ou à leurs ressources financières.

La branche s'est également engagée dans une démarche dite de « boucles d'amélioration de la qualité » visant à garantir la sécurité, l'efficience et la qualité des opérations conduites par les techniciens-conseil. Sa mise en oeuvre a, il est vrai, pris un peu de retard car elle nécessite d'abord l'élaboration d'un processus générique, puis celle de processus spécifiques (prestation, paiement, logistique, achat...).

Concernant le contrôle ex-post, la Cour des comptes pointe son caractère trop quantitatif. En effet, les contrôles après paiement sont aujourd'hui nombreux, mais leur taux d'efficacité est faible. Il faut désormais adopter la démarche inverse : moins de contrôles, mais de meilleure qualité. C'est ce qu'a fait la branche en expérimentant, au cours du premier semestre de cette année, de nouveaux outils de méthodologie et de ciblage auprès de certaines Caf. Cette expérimentation devrait être prochainement généralisée à l'ensemble du territoire.

Guy Fischer . - J'accueille comme une excellente nouvelle la certification des comptes, qui récompense le travail fourni par la Cnaf et son personnel. Comme j'ai pu le constater dans le département du Rhône, d'importants progrès ont été réalisés en matière de qualité et d'efficience des services rendus aux citoyens.

A l'occasion de cet exercice de certification, je souhaiterais que soit rétablie la vérité à propos des fraudes à la sécurité sociale. Bien sûr, il faut lutter contre la fraude, mais la traque que mène actuellement le Gouvernement contre les supposés fraudeurs est particulièrement stigmatisante pour les bénéficiaires d'allocations.

Par ailleurs, je m'inquiète de la baisse attendue des subventions publiques versées aux centres sociaux, qui ne pourront plus remplir leur rôle d'insertion et d'animation sociales. En tant qu'interlocuteur privilégié des centres sociaux, comment la Cnaf peut-elle intervenir pour soutenir leur action ?

Yves Daudigny . - La fraude à la sécurité sociale est un sujet majeur du débat public. Alors qu'on a parlé ces dernières semaines d'un montant de 20 milliards d'euros par an, j'aimerais connaître le volume des prestations indues et le pourcentage que celles-ci représentent sur le total des prestations versées. Quelles sont les causes de ces fraudes ? Qu'advient-il des sommes indument perçues ? Sont-elles récupérées ?

Je tiens, enfin, à adresser mes félicitations à la Cnaf pour la certification de ses comptes.

André Lardeux . - La lutte contre la fraude doit rester un objectif essentiel pour les pouvoirs publics ; il ne faut pas céder sur ce principe, sinon c'est la porte ouverte à toutes les dérives.

En tant que rapporteur de la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je constate avec satisfaction les progrès accomplis en matière de contrôle interne. Le répertoire national des bénéficiaires est-il un outil efficace ? Combien de personnes y sont recensées ?

La Cour des comptes soulève, dans son rapport, la question de la gestion déléguée des prestations familiales : certains régimes et organismes sont en effet habilités à verser des prestations pour le compte de la Cnaf et à lui verser directement les cotisations famille dont ils sont redevables. Quelle appréciation portez-vous sur ce mécanisme ?

Par ailleurs, la gestion de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) semble particulièrement problématique : inadéquation du contrôle interne, difficultés comptables et incertitudes dans la justification des passifs enregistrés par la branche. Comment comptez-vous remédier à ces difficultés ?

La mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA) pose-t-elle des problèmes aux Caf ? Les relations avec les départements sont-elles bonnes ?

Enfin, dans le cadre de la préparation du débat d'orientation des finances publiques, nous souhaiterions entendre votre analyse sur la situation financière de la branche famille. Compte tenu de la structure démographique de notre pays et d'un taux de croissance qui ne dépassera sans doute pas 2 % par an dans les années à venir, combien de temps faudra-t-il pour revenir à l'équilibre ? Quelles sont les marges de manoeuvre de la branche en matière de dépenses et de recettes ?

Jean-Louis Deroussen . - Nous transmettrons vos félicitations aux salariés de la branche.

Il est vrai que le climat actuel est assez malsain ; certains laissent entendre que derrière chaque bénéficiaire d'allocation se cache un fraudeur. Bien sûr, les prestations indument perçues sont une réalité, mais il arrive aussi de constater, lors de l'étude de dossiers, que certaines personnes auraient dû bénéficier de prestations qu'elles n'ont jamais reçues. Cela marche dans les deux sens !

Nous devons aussi sans doute progresser dans l'information délivrée aux allocataires : beaucoup ne savent pas à qui s'adresser lorsque leur situation financière change.

En tout état de cause, sur les 72 milliards d'euros de prestations versées par an aux onze millions d'allocataires, notre objectif est de parvenir à zéro fraude.

S'agissant des centres sociaux, la Cnaf entretient des liens très étroits avec eux puisque c'est elle qui délivre les agréments. Leur travail, conçu avec et pour la population, mérite d'être reconnu à sa juste valeur. La Cnaf y veillera.

Quant à la gestion du RSA, les relations entres les Caf et les départements sont bonnes, me semble-t-il, malgré la complexité du dispositif qu'il a fallu mettre en place.

Hervé Drouet, directeur de la Cnaf . - La Cnaf a conduit en 2010 une enquête afin de mesurer le taux de fraude potentielle au niveau national ; il s'agit du premier exercice de ce genre.

Chaque année, sur les 72 milliards d'euros de prestations versées, 2 milliards le sont indument. Cette proportion importante s'explique par la structure volatile des droits alloués, qui sont directement liés à la situation financière des allocataires. Par construction, il existe un volant d'indus incompressible.

Sur les 2 milliards d'indus, entre 540 et 800 millions d'euros sont imputables à une fraude, ce qui représente entre 0,9 % et 1,3 % du montant total des prestations versées. Il faut noter que plus de 80 % du montant des sommes indument versées sont recouvrés, sur un horizon de trois ans. Nous devons nous féliciter de ce niveau important, car ce recouvrement est le fruit d'un combat quotidien de la part des agents qui en sont chargés.

Les prestations les plus concernées par la fraude sont celles attribuées sous conditions de ressources, comme les allocations logement et le RSA.

Guy Fischer . - Et l'allocation de parent isolé (API) ?

Hervé Drouet . - Je vous ferai parvenir les données dont nous disposons sur la fraude à cette prestation.

S'agissant du répertoire national des bénéficiaires, il est difficile de chiffrer l'effet qu'il a eu sur la fraude, mais je puis vous dire que l'usurpation d'identité n'est plus possible et que la multi-affiliation est en passe d'être éradiquée. A l'heure où je vous parle, trente-huit millions de personnes y sont inscrites ; les 50 000 restantes devraient l'être dans les prochains mois.

L'AVPF est une prestation très compliquée à gérer car de nombreux critères sont pris en compte pour son attribution. Nous sommes conscients des défaillances de la chaîne de traitement, mais insistons sur le fait que celles-ci découlent directement de la complexité de la réglementation. C'est pourquoi, nous travaillons actuellement avec la direction de la sécurité sociale pour simplifier cette prestation.

Quant au RSA, la répartition des tâches entre les caisses et les départements est désormais bien appréhendée. Il reste en revanche des progrès à accomplir en matière de transmission des flux d'informations ; le groupe de travail sur la simplification du RSA a proposé la création d'une plate-forme d'échanges.

Enfin, il n'est pas de mon ressort de commenter les prévisions de retour à l'équilibre financier de la branche, envisagé à l'horizon 2020 par la Cour des comptes. Je rappellerai simplement que la performance de la politique familiale est une condition de la compétitivité de notre économie. Nous devons non seulement travailler à rendre la dépense plus efficiente, mais aussi garantir la pérennité de notre politique familiale. C'est en effet en assurant un continuum que nous parviendrons à de bons résultats.

Audition de Danièle KARNIEWICZ, présidente du conseil d'administration, de la caisse nationale d'assurance vieillesse (mercredi 29 juin 2011)

Réunie le mercredi 29 juin 2011 sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission procède à l'audition de Danièle Karniewicz, président du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sur la certification des comptes sociaux.

Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav . - Nous avons fait de nets progrès si bien que cette année, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'exercice 2010. C'était important pour la Caisse, pour ses personnels, pour les assurés. Il y a un an, les comptes 2009 n'avaient pas obtenu la certification, on ne parlait alors que déficit des retraites et nécessité de restaurer l'équilibre.

La certification s'accompagne néanmoins de réserves ; il nous fallait en effet un cycle de quatre années, ramenées à trois, pour mettre en place les processus de contrôle. Un gros progrès a été accompli pour améliorer la qualité et maîtriser les risques. Mais il reste beaucoup à faire ! La Cour estime que nous sommes sur une trajectoire de progression et elle atténue donc sa position. Elle évoque une « assurance partielle de maîtrise des risques ». Elle émet sept réserves, cinq concernant des points sur lesquels la branche retraite peut agir directement et deux sur lesquels elle subit des dommages collatéraux, je veux parler des cotisations pour parents au foyer et des soldes des régimes intégrés à la branche.

La sincérité et l'image fidèle des comptes n'ont jamais été mises en question par la Cour, dont les remarques portent sur la régularité et le respect des prescriptions législatives. Ses réserves tiennent également à ce qu'elle n'a pu mener entièrement ses travaux d'audit, faute de disposer de tous les éléments. Ce défaut dans la mécanique l'empêche d'être certaine que ses analyses sont exactes. Mais en certifiant l'exercice 2010, la Cour reconnaît nos efforts pour rendre plus fiables les états financiers.

Concernant l'enregistrement comptable des prestations légales, la Cour nous reproche l'absence d'un déversement automatique des données, depuis les outils de gestion des prélèvements et des paiements vers la comptabilité auxiliaire et générale. Faute de lien automatique, la Cour signale une « rupture dans la piste d'audit ». Nous allons faire le nécessaire mais les résultats n'apparaîtront qu'en 2013 ou 2014, car il faut réviser l'ingénierie de toute la chaîne des paiements ainsi que les systèmes d'information de la branche. Ce qui a gêné le conseil d'administration lorsque cette réserve a été formulée, c'est le temps incompressible pour réagir, donc la durée pendant laquelle la certification ne peut être accordée - ou ne peut être accordée sans réserve. C'est en effet un projet de grande ampleur !

Une autre réserve porte sur les opérations de liquidation des droits : des vérifications ont lieu, le nombre des erreurs et la portée financière de celles-ci diminuent, mais il faut éliminer totalement les risques d'anomalies. Le contrôle interne a progressé, nous avons mis en place des protocoles d'amélioration de la qualité. La Cour estime que les résultats ne sont pas optimaux, mais le taux d'incidence des erreurs s'est nettement réduit, de 0,77% à 0,57% : c'est moins, c'est mieux, mais ce n'est pas suffisant. La Cour juge « explicite et nette » la méthode utilisée pour établir ces estimations.

Quant à nous, nous apportons un bémol : on ne saurait dissocier les progrès de l'audit et l'impact des réformes, car celles-ci causent forcément beaucoup de bouleversements. Je me souviens qu'en 2003, il fut difficile de redresser la barre ; on ne modifie pas un système informatique d'un claquement de doigts. La réforme de 2010 a été anticipée et gérée, mais toute réforme est une révolution dans les processus.

La troisième réserve porte sur les données relatives aux comptes individuels de carrière des assurés, plus exactement sur les périodes assimilées - à des périodes de cotisation - et sur l'exactitude du processus de report des salaires aux comptes. Dans le passé, nous avons connu de gros soucis à propos des périodes de chômage ou sur les dossiers de « parents au foyer », faute de recevoir directement les données sur les dates d'ouverture et de clôture des droits. Désormais, ces données nous sont transmises et ce sont nos services qui opèrent la traduction en trimestres validés. Les salaires portés aux comptes posent encore problème : il faut rapprocher les salaires déclarés par les entreprises à l'Urssaf et les flux qui servent de base au calcul des pensions. La correspondance doit être exacte : nous avons encore des progrès à faire.

Autre réserve, l'absence de révision des pensions : une fois la pension liquidée, on reçoit parfois des éléments qui justifient une révision des bases de calcul. C'est que certaines prestations sont liées à une condition de ressources ou une condition de résidence. Des contrôles ont lieu après la liquidation. L'impact financier apparaît limité, mais les contrôles portent sur un échantillon et la Cour, précisément, s'interroge sur l'étendue et la représentativité de l'échantillon.

Enfin, la cinquième réserve vise les processus de paiement, l'enjeu étant la vérification des habilitations du personnel, la séparation des responsabilités, afin d'éviter les possibilités de fraude. Il reste des choses à améliorer. Nous prenons de nombreuses mesures pour séparer au maximum les tâches, mais il est plus facile de le dire que de le réaliser. Le système informatique n'était pas encore opérationnel à cet égard en 2009 ; la réserve devrait disparaître seulement en 2012. Nous avons entrepris de séparer la fonction d'ordonnateur et la fonction comptable.

Restent deux réserves sur lesquelles nous n'avons pas de prise : d'abord, l'insuffisance du contrôle interne de la branche famille sur le montant des cotisations, plus précisément, sur l'exactitude des produits de cotisation des parents au foyer.

Guy Fischer . - Vous parlez de l'allocation vieillesse, 4 milliards d'euros.

Danièle Karniewicz . - Oui. L'autre réserve tient à l'intégration du régime de la MSA, dont les problèmes rétroagissent sur notre caisse.

Il est important, réserves ou non, d'avoir obtenu cette année la certification de nos comptes. Un travail de fond a été mené, pour répondre aux énormes exigences de contrôle. Lorsque la certification nous avait été refusée, des échanges virulents avaient eu lieu au conseil d'administration.

Guy Fischer . - A l'initiative de qui ?

Danièle Karniewicz . - Les employeurs demandaient des audits supplémentaires, mais j'ai travaillé dans le privé et je n'ai jamais vu autant d'audits et de contrôles ! Il faut sans doute mieux coordonner les procédures et aller plus loin dans la qualité et le ciblage, mais non ajouter encore des audits au sommet de la pile ! Le conseil d'administration a décidé de confier des audits à des cabinets privés. Les agents de contrôle qui viennent du ministère et de la Cour des comptes n'en ont pas moins de grandes compétences et leur apport est précieux pour nous.

René Teulade . - La révision des pensions liquidées est-elle de grande ampleur ?

Danièle Karniewicz . - Non : mais si la portée est faible, peut-être est-ce parce que notre mesure du phénomène est mauvaise, parce que l'échantillon n'est pas suffisamment représentatif ? Il faut démontrer le contraire à la Cour !

La condition de ressources a un impact sur les allocations personnes âgées, sur les pensions de réversion. J'ai un message à faire passer, car la branche a fait tout son possible ; mais parfois nous nous trouvons face à une usine à gaz, avec des processus de vérification si lourds qu'ils en deviennent contestables. Récupérer 20 euros de trop perçu justifie-t-il de croiser, en tous sens et à l'infini, les ressources des assurés ? Il faut savoir s'arrêter.

Muguette Dini , présidente . - C'est beaucoup d'énergie...

Danièle Karniewicz . - Exactement : il faut que le rendement soit en proportion de l'énergie investie. La base de données dont nous disposerons bientôt nous dira quelles sommes sont versées par les régimes sociaux, mais elle ne nous indiquera pas les revenus de placements perçus par les assurés, par exemple.

Guy Fischer . - Combien de retraités sont servis par la Cnav ? Pour quels montants ?

Sur la certification, je partage votre analyse. A demander toujours plus, on jette une suspicion infondée sur l'institution. On sent la volonté du Medef, des organisations patronales représentées au conseil d'administration, de dépenser toujours moins en demandant toujours plus de justificatifs, de vérifications, de contrôles. Aujourd'hui, la politique salariale et l'évolution des retraites pèsent sur le pouvoir d'achat. Dans les générations à venir, on encadrera encore plus la dépense publique au prétexte de réduire le déficit budgétaire. Cela deviendra de plus en plus insupportable.

Nous sommes souvent saisis de problèmes concrets relatifs à la gestion des carrières. Nous avons toujours obtenu de vos services des réponses dans les meilleurs délais : ils se donnent du mal et je vous en remercie !

On entend beaucoup de critiques à propos du sort fait aux chibanis, ces Français qui ont servi la France, qui ont cotisé pour la retraite, mais à qui on pose des conditions de présence en France pour le versement de leurs pensions. C'est un scandale, ils ont donné leur sang pour notre pays et on leur chipote des sommes au demeurant bien faibles. On les présente presque comme des fraudeurs !

Danièle Karniewicz . - Nous devons demeurer exigeants avec nous-mêmes. La réunion évoquée du conseil d'administration fut effectivement difficile. Mais la direction avait bien résisté, exposant tous les processus existants, montrant que des contrôles supplémentaires ne sauraient porter que sur des points précis.

Nous avons 30 millions d'affiliés : 17 millions de cotisants et 12,8 millions de pensionnés. La masse des pensions versée représente 92 milliards d'euros ; et en 2010, le déficit était de 9,8 milliards d'euros. Nous subissons des salves de buzz sur internet sur le thème « ils paient n'importe quoi ». Des internautes affirment que la moyenne d'âge des retraités à l'étranger est beaucoup plus élevée qu'en France. Ce n'est pas vrai ! On entend dire aussi - notamment par une association dont je tairai le nom pour ne pas lui faire de publicité - que l'allocation de solidarité est versée à des personnes âgées qui n'ont jamais vécu en France. Mais c'est notre modèle social, notre système de solidarité, qui le veut.

Muguette Dini , présidente . - C'est la loi.

Danièle Karniewicz . - Oui et ce sont nos valeurs. Je n'en suis pas responsable et c'est plutôt au Parlement de décider quelle exigence d'ancienneté est requise -six mois, cinq ans, de présence sur le territoire ? Quoi qu'il en soit nous ne faisons pas n'importe quoi, nous appliquons un modèle qu'à titre personnel je défends. Quant aux chibanis, je me pencherai sur le problème afin de vous apporter une réponse.

Yves Daudigny . - Les premiers touchés par l'allongement de la durée de cotisations vont l'être prochainement, ils devront travailler quatre mois supplémentaires.

Danièle Karniewicz . - Oui, ceux nés après le 1er juillet 1951.

Yves Daudigny . - Le Premier président de la Cour des comptes nous a parlé d'un déficit de 20 milliards d'euros en 2020 ou 2025 et estimé que le déficit aurait été bien supérieur sans réforme. Aujourd'hui ou dans les mois qui viennent, allez-vous voir un premier impact ?

Muguette Dini , présidente . - Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques indique une dégradation de 12 milliards d'euros en 2020. Quelles sont les prévisions de la Cnav ? Quelles mesures correctrices pourraient être apportées afin que le déficit soit cantonné à 2,6 milliards d'euros ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le référentiel unique national pour la maîtrise des risques, qui sera bientôt déployé ?

Danièle Karniewicz . - Après le vote de la loi sur les retraites, nous avons calculé la montée en charge des recettes et dépenses jusqu'en 2020 ou 2030, en tenant compte de tous les éléments, qu'il s'agisse des dépenses, des cotisations mais aussi des compléments de recettes ou du fonds de solidarité vieillesse (FSV). La commission des comptes de la sécurité sociale estime le déficit de la Cnav à 4 milliards d'euros en 2018. Les projections prennent en compte toutes les mesures comprises dans la réforme.

Sylvie Desmarescaux . - Ce serait pire si l'on n'avait rien fait.

Danièle Karniewicz . - Oui. Mais les mesures sont insuffisantes.

Sylvie Desmarescaux . - La revoyure est nécessaire.

Danièle Karniewicz . - Il faudra trouver d'autres logiques de financement.

Muguette Dini , présidente . - La Cour nous a donné un chiffre de plus de 12 milliards d'euros de déficit.

Danièle Karniewicz . - C'est le chiffre, à horizon 2018 ou 2020, tous régimes confondus.

Muguette Dini , présidente . - Et le référentiel unique national ?

Danièle Karniewicz . - Le conseil d'administration et la direction de la Cnav y travaillent dans le cadre de la maîtrise des risques. Mais les cotisations dépendent des déclarations des entreprises ; et d'autres chaînes d'information interviennent. L'un des enjeux se situe dans la façon de regrouper les données. L'élimination des risques de fraude n'équilibrera pas les régimes, mais elle est importante en termes de droits et de devoirs.

Muguette Dini , présidente . - Je vous félicite pour la certification obtenue. Il y aura dans les années à venir de moins en moins de réserves.

Danièle Karniewicz . - C'est ce que je pense. A moins que chaque année nous apporte une nouvelle réforme... Il y a déjà le rendez-vous obligé de 2013 sur les aspects systémiques.

Muguette Dini , présidente . - La répercussion sur les comptes n'interviendra pas immédiatement ! Je vous remercie de votre intervention.

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