C. AIDER LES ENTREPRISES À RECRUTER

La mission n'oublie pas que Pôle emploi est au service de deux catégories d'usagers : les personnes à la recherche d'un emploi et les employeurs qui cherchent à recruter.

1. Une intermédiation active entre l'offre et la demande de travail

En France, le service proposé aux employeurs par le service public de l'emploi ne se limite pas à collecter et à publier des offres d'emploi, c'est-à-dire à remplir une fonction de transparence du marché du travail. Il comprend également une démarche active de rapprochement entre l'offre et la demande par la mise en oeuvre de prestations d'appui au recrutement et d'accès à la formation.

Rapprocher plus efficacement offre et demande d'emploi est positif non seulement pour les employeurs mais aussi pour les demandeurs d'emploi. En moyenne, le délai nécessaire pour satisfaire une offre d'emploi est aujourd'hui de trente-trois jours ; s'il était réduit d'une journée, le nombre de demandeurs d'emploi diminuerait d'environ 10 000 unités.

a) Un rôle significatif dans la transparence du marché du travail
(1) Une part de marché non négligeable...

La loi de programmation pour la cohésion sociale du 19 janvier 2005, a supprimé l'obligation pour les entreprises de notifier leurs postes vacants à l'ANPE, libéralisé la diffusion d'offres et de demandes d'emploi et mis fin à l'obligation pour les directeurs de publication de transmettre leurs offres d'emploi à l'ANPE.

Malgré cette libéralisation de l'activité de placement, le principal opérateur du service public de l'emploi n'en occupe pas moins toujours un rôle significatif dans la collecte des offres d'emploi. Son importance peut être appréhendée en premier lieu à travers le nombre total d'offres d'emploi collectées. Il s'établit à 3 millions en 2009 et 3,3 millions en 2010. Ces nombreuses offres sont collectées auprès d'un réseau de plus de 470 000 entreprises « clientes ».

Les offres d'emploi collectées par Pôle emploi

Offres d'emploi collectées (en milliers)

2007

2008

2009

2010

CDD d'une durée inférieure à un mois

610

576

500

531

CDD d'une durée supérieure à un mois

1948

1843

1597

1756

CDI

1182

1206

903

1028

Total

3740

3625

3000

3315

Source : Pôle emploi

Cette performance témoigne d'une indéniable efficacité de l'opérateur français dans ce domaine par rapport à ses homologues européens, puisque, selon les chiffres avancés par le directeur général de Pôle emploi au cours de son audition, les établissements fonctionnellement équivalents à Pôle emploi en Allemagne et au Royaume-Uni recueilleraient chaque année près de deux fois moins d'offres (1,6 million par an).

Un second indicateur, plus pertinent que le nombre d'offres collectées pour appréhender le rôle de Pôle emploi dans le domaine de la transparence du marché du travail, est ce que, de manière impropre, on appelle la « part de marché », c'est-à-dire le rapport, au cours d'une période donnée, entre le nombre d'offres d'emploi publiées et le nombre d'emplois offerts au recrutement. Le dénominateur de ce ratio est évalué à partir des déclarations uniques d'embauche (DUE) dont les entreprises doivent s'acquitter préalablement à toute embauche. Chaque trimestre, l'Acoss, qui centralise toutes les DUE, publie leur nombre, ce qui fournit une indication précise sur les embauches des entreprises du secteur marchand 57 ( * ) .

Globalement, la part de marché de Pôle emploi se situait à 15,8 % au quatrième trimestre 2010 , soit 790 000 offres d'emploi collectées pour un total de 4 995 000 déclarations uniques d'embauches. Ce chiffre peut paraître faible et suscite un commentaire négatif de la part des organisations représentatives des employeurs. Pour Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail au Medef, « Pôle emploi devrait s'attacher à renforcer encore davantage ses relations avec les entreprises. L'institution ne recueille que 15 % des offres d'emploi » . Pour Jean-Michel Pottier, président de la commission formation et éducation à la CGPME, « l'indicateur lié au nombre d'offres d'emploi collectées reflète la qualité de la relation instituée avec les entreprises. L'ANPE s'était révélée plus qu'absente en la matière. Malgré quelques signes d'amélioration, des efforts doivent encore être réalisés » .

La part de marché globale n'est cependant pas un indicateur très pertinent pour mesurer l'efficacité de Pôle emploi car il a pour défaut de pondérer toutes les offres d'emploi de la même manière. Ainsi, une offre d'emploi, qu'elle concerne un CDD de moins d'un mois, un CDD de plus de six mois ou un CDI, est toujours comptabilisée pour une offre. Avec ce type de pondération, on trouverait donc une même part de marché globale de 16 % aussi bien dans l'hypothèse où Pôle emploi récolterait trois millions d'offres d'emploi occasionnels (CDD d'une durée inférieure à un mois), que dans celle où il publierait trois millions de propositions d'embauche en CDI. Or, il est évident qu'une offre d'emploi sur un contrat long, lorsqu'elle est satisfaite, permet de faire sortir plus durablement un demandeur d'emploi du chômage qu'une offre d'emploi occasionnel. Par exemple, en termes de pérennité du retour à l'emploi, une offre de CDD de six mois a une efficacité équivalente à six offres de CDD d'un mois. Il faut donc construire des indicateurs de part de marché qui permettent de tenir compte de la différence de qualité des emplois.

Pour ce faire, on distingue les segments du marché en fonction de la durée des contrats d'embauche et on calcule la part de marché de Pôle emploi sur chacun de ces segments. La segmentation habituellement retenue consiste à distinguer le marché des emplois occasionnels (CDD d'une duré inférieure à un mois) des autres offres d'emploi (CDD d'une durée supérieure à un mois et CDI). Or, ce calcul révèle que Pôle emploi occupe une part de marché très faible, à peine 3 à 4 %, sur le segment des offres d'emploi occasionnel, alors qu'il est très bien placé sur le marché des emplois plus durables (CDD de plus d'un mois ou CDI), où sa part de marché dépasse 35 %.

La faible part de marché globale de Pôle emploi masque donc le fait que Pôle emploi est en réalité spécialisé dans la collecte des offres d'emploi les plus durables . Cette spécialisation n'est pas une faiblesse mais répond au contraire à une rationalité économique forte. En effet, la procédure - et donc le coût - de la collecte et de la publication d'une offre d'emploi est la même quelle que soit la durée du contrat de travail. Pour un coût identique, il est donc préférable de privilégier la collecte des offres d'emploi les plus longues, puisque leur satisfaction permettra une sortie plus durable des listes du chômage.

(2) ...malgré l'érosion constatée depuis deux ans.

Le nombre d'offres d'emploi collectées par Pôle emploi est tombé de 3,7 millions en 2009 à 3 millions en 2009, avant de remonter à 3,3 millions en 2010. Ce mouvement traduit bien entendu les effets de la crise économique (moins de croissance, donc moins de recrutements, donc moins d'offres collectées). Il traduit cependant aussi une vraie perte d'efficacité de Pôle emploi dans la collecte, ce qui est sans doute lié à la désorganisation des services consécutive à la fusion entre l'ANPE et les Assedic. C'est ce dont témoigne la nette érosion de la part de marché de Pôle emploi depuis la fin de 2007. Cette baisse a affecté tous les segments du marché du travail. Pour le segment qui constitue le coeur de métier de l'opérateur public, à savoir les embauches en CDD de plus d'un mois et celles en CDI, cette part de marché a reculé, respectivement, de 15 % et 10 %.

Part de marché de Pôle emploi

CDI

CDD de plus d'un mois

CDD de moins d'un mois

moyenne

2007

36,2 %

47,4 %

4,9 %

20,2 %

2008

35,7 %

43,7 %

4,8 %

19,0 %

2009

32,6 %

40,5 %

4,0 %

16,5 %

2010

33,5 %

41,9 %

3,9 %

16,7 %

Variation 2007/2009

-10,0 %

-14,7 %

-16,7 %

-18,7 %

Source : Pole emploi

b) Une gamme de services qui vise à rapprocher l'offre et la demande de travail

Au-delà de la fonction de transparence du marché du travail, le service public de l'emploi en France, à l'instar d'autres pays comme l'Allemagne, repose sur une conception extensive du service aux entreprises qui est d'ailleurs expressément définie par le législateur à l'article L. 5312-1 du code de travail. La première mission de Pôle emploi est en effet définie en ces termes : « Prospecter le marché du travail, développer une expertise sur l'évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d'emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle. »

La gamme des services proposés aux entreprises par Pôle emploi reflète fidèlement l'ambition de pratiquer une intermédiation active sur le marché du travail en levant les divers obstacles au rapprochement de l'offre et de la demande. Outre la publication des offres d'emploi, l'offre de services de Pôle emploi comprend en effet :

- une aide aux employeurs pour définir leurs besoins préalablement à la formalisation des offres d'emploi (définition du profil des candidats, analyse de poste de travail, conseils sur le type de contrat le plus adapté, rédaction des offres d'emploi, repérage des mesures d'aide à l'emploi dont l'employeur pourrait bénéficier, conseils sur la méthode de recrutement) ;

- des services de présélection des candidats utilisant une large palette d'outils qui vont du traditionnel (sélection des candidats en fonction de leur dossier de suivi) au plus novateur (méthode de recrutement par simulation ou évaluation en milieu de travail préalable au recrutement) ;

- en aval du recrutement, un accompagnement pour faciliter l'intégration et l'adaptation des nouveaux salariés .

Pôle emploi mène également une action de nature plus structurelle qui contribue à faire évoluer les conditions de fonctionnement mêmes du marché du travail . On peut relever de ce point de vue :

- un travail pour identifier et anticiper l'évolution des besoins en main-d'oeuvre des entreprises (suivi statistique du marché du travail par une analyse des intentions de recrutement et des métiers en tension ; partenariats avec les grandes entreprises ou les institutions représentant les entreprises) ;

- l'achat ou la prescription de formations opérationnelles ou qualifiantes de manière à répondre aux besoins en main d'oeuvre actuels ou anticipés des entreprises ;

- des actions d'information et de sensibilisation auprès des entreprises pour modifier leur politique et leurs critères de recrutement en faveur de certains publics.

A l'instar du modèle allemand, le modèle français de service public de l'emploi se caractérise donc par une offre de services aux entreprises très étoffée. C'est sur la politique de ciblage de l'offre plus que sur son étendue que les deux pays se distinguent. En France, l'offre est faiblement ciblée : toute la gamme de services est ouverte à tous les types d'entreprises. Outre-Rhin en revanche, la stratégie d'offre est fondée sur la règle dite du « 80/20 » : l'opérateur doit concentrer ses efforts de prospection sur les 20 % des employeurs d'où émanent 80 % des embauches.

Offre de services aux entreprises

Ciblée

Oui

Non

Étoffée

Oui

Allemagne

France

Non

Royaume-Uni

c) Un exemple d'approche pro-active : les plates-formes de recrutement par simulation

La méthode de recrutement par simulation (MRS), mise en oeuvre par des structures de Pôle emploi appelées des plates-formes de vocation (PFV), occupe aujourd'hui une place non négligeable dans la panoplie de services offerts par Pôle emploi. On compte en effet cent quinze sites (au moins un par département) qui emploient cinq cents salariés . Leur travail a permis, en 2009, d'évaluer près de 140 000 demandeurs d'emploi, donnant lieu au final à 39 000 recrutements.

L'activité des plates-formes de vocation

2008

2009

Nombre de candidats évalués

153 500

137 000

Nombre de candidats évalués positivement

87 700

75 300

Nombre de candidats recrutés

49 200

39 100

Part des évalués positivement

57 %

55 %

Part des embauchés

32 %

29 %

Source : Pôle emploi

La MRS est emblématique de la démarche d'intermédiation active qu'entend remplir Pôle emploi pour faciliter le rapprochement de l'offre et de la demande de travail, puisque :

- elle offre un service de pré-sélection des candidats sur la base d'exercices pratiques qui recréent les conditions du poste de travail à pourvoir. Il s'agit, par cette mise en situation, de repérer des « habiletés », c'est-à-dire un ensemble d'aptitudes utiles ou nécessaires pour occuper un poste de travail, mais qui ne font pas l'objet d'un repérage selon les critères ordinaires de sélection que sont le niveau de qualification et l'expérience professionnelle. Par la MRS, le service public de l'emploi prend donc en charge, gratuitement pour les entreprises concernées, une partie de l'évaluation des candidats - ce qui revient à externaliser partiellement la procédure de recrutement ;

- elle constitue également un outil permettant de pallier l'incapacité des canaux traditionnels d'embauche à fournir le volume de candidats nécessaires (pénurie de candidats, difficultés récurrentes de recrutement liées à la saisonnalité du besoin ou à l'existence d'un fort turn-over , besoin de recrutement massif et ponctuel).

On peut, à cet égard, rappeler que la MRS a été inventée en 1995, dans les Deux-Sèvres, pour répondre à un besoin du groupe automobile Heuliez qui ne parvenait pas à recruter les 1 500 salariés qu'il recherchait. Par la suite, avec la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005, la conception de la MRS a évolué pour ne plus être considérée seulement comme une réponse à une demande d'entreprise ponctuelle, mais plus largement comme un moyen d'organiser une réponse aux besoins structurels de recrutement du tissu économique local (action sur les métiers en tension) ;

- elle s'inscrit dans une démarche « militante » pour modifier, sur le moyen terme, les représentations des employeurs en matière d'employabilité des demandeurs d'emploi. Dans la mesure où elle permet de prendre en compte des « habiletés » que les employeurs ne retiennent d'ordinaire pas comme critères de sélection, elle constitue en effet un moyen de limiter les effets de « sur-sélection » que peuvent générer des exigences de qualification ou d'expérience professionnelle inadaptées à la réalité des postes à pourvoir.


* 57 Les recrutements réalisés par le secteur public, par les particuliers employeurs et par les sociétés d'intérim ne sont en revanche pas pris en compte pour le calcul de la part de marché de Pôle emploi.

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