C. REDONNER SES CHANCES À UNE EXPÉRIENCE ENCORE INABOUTIE

Vos rapporteurs se sont longuement interrogés sur l'intérêt de poursuivre l'expérience des EPM compte tenu du bilan plutôt décevant de ces cinq premières années.

Ils ont estimé cependant que les éléments d'information recueillis au cours de leurs visites et des auditions ne permettaient pas de prononcer un constat d'échec.

En premier lieu, les déconvenues sont à la mesure des attentes peut-être excessives suscitées par les EPM. Elles appellent en conséquence une appréciation distanciée. Ensuite, incontestablement, les EPM, malgré leurs limites, ont conduit à une amélioration des conditions de détention pour une partie des mineurs. Enfin, en tout état de cause, l'absence d'instruments objectifs d'évaluation appelle la plus grande prudence.

Ces observations n'autorisent pas pour autant le statu quo . Les enseignements tirés de l'expérience doivent conduire à des évolutions rapides et significatives. A défaut, la charge que représentent les EPM pour la Nation pourrait apparaître difficilement acceptable.

1. Une première exigence : disposer d'instruments fiables de connaissance
a) Le coût

Malgré leurs demandes réitérées, vos rapporteurs n'ont pu obtenir du ministère de la Justice une évaluation précise et complète du coût d'une journée de détention en EPM prenant en compte non seulement les dépenses prises en charge par l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse mais aussi celles assumées par le ministère de l'Éducation nationale et celui de la Santé. Ni l'administration centrale, ni les directeurs d'établissement ne paraissent en mesure d'appréhender le coût global de la structure. Les moyens se sont juxtaposés sans que puisse se dégager une vision d'ensemble.

Les seuls éléments disponibles se rapportent aux moyens engagés par le ministère de la justice, soit un coût de journée en détention de 521,43 euros en 2009 décomptés de la manière suivante.

- Pour l' administration pénitentiaire

Dépenses de personnel (titre II)

265,70 €

Dépenses des IUO EP (titres III V VI)

12,04 €

Factures des groupements

83,11 €

ACOSS

3,28 €

Dépenses communes aux EP + frais de siège DISP

6,02 €

TOTAL Coût/JDDP EPM

370,15

Le coût d'amortissement des structures est intégré dans les factures des groupements.

- Pour la PJJ :

Dépenses de personnel (titre II)

143,71 €

Dépenses hors personnel

7,57 €

TOTAL Coût journée SEEPM

151,28 €

Grâce au recollement de données obtenues dans un des EPM visités par vos rapporteurs, il a été possible d'appréhender également la masse salariale pour l'éducation nationale (665.000 euros) et la santé (423.000 euros), soit un coût de journée dans cet établissement approchant 570 euros.

A titre de comparaison, le coût de la journée de détention en quartier mineur s'élève à 111,22 euros (83,86 euros pour l'administration pénitentiaire et 27,36 euros pour la PJJ).

Proposition n° 16 : Évaluer de manière précise et complète le coût d'une journée de détention en EPM prenant en compte non seulement les dépenses prises en charge par le ministère de la Justice mais aussi celles assurées par le ministère de l'Education nationale et celui de la Santé.

Les considérations relatives au coût des EPM conduisent nécessairement à s'interroger sur l'intérêt de ces nouvelles structures par rapport aux quartiers mineurs. Incontestablement, la prise en charge au sein des quartiers mineurs a progressé, en particulier depuis la systématisation de l'intervention de la protection judiciaire de la jeunesse en 2002. Vos rapporteurs ont pu le vérifier lors de la visite du centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis.

Cependant, comme l'a relevé le directeur de l'administration pénitentiaire lors de son audition, la prise en charge en quartier mineurs souffre d'un certain déficit qualitatif en raison d'abord des contraintes d'organisation liées au partage des lieux collectifs avec les majeurs : les salles d'activité, la bibliothèque et les équipements collectifs ne sont accessibles que dans le cadre de plages horaires spécifiques. En outre, les mineurs restent une grande partie du temps en cellule et ne bénéficient pas d'une équipe d'enseignants leur étant exclusivement dédiée. Par ailleurs, les éducateurs de la PJJ intervenant en quartiers mineurs sont rattachés au milieu ouvert : ils interviennent principalement afin d'assurer le suivi pénal des mineurs -aménagement de peine, préparation à la sortie- sans toujours être en mesure de développer, comme en EPM, des activités socio-éducatives.

Il semble, selon les témoignages recueillis par vos rapporteurs, que, dans leur majorité, les mineurs ayant séjourné en quartier mineurs et en EPM marquent une nette préférence pour ces derniers. L'opinion contraire se fonde d'ailleurs sur des motifs qui ne plaident guère en faveur des quartiers mineurs : la possibilité de fumer (strictement exclue en EPM), d'organiser son temps selon ses choix - et parfois de ne rien faire.

La valeur ajoutée des EPM dans notre dispositif devra toutefois être étayée par des données objectives intéressant les résultats en matière de réinsertion.

b) L'efficacité

Vos rapporteurs s'associent à l'observation formulée lors de son audition par M. Jean-Marie Delarue : « on ne responsabilise pas les EPM en les laissant ignorer ce que deviennent les mineurs dont ils ont la charge ». Or il n'existe pas aujourd'hui d'éléments permettant de connaître le devenir des mineurs à l'issue de leur détention.

Une étude conduite sous les auspices de la protection judiciaire de la jeunesse en 2008 sur la base de données recueillies dans deux EPM (Lavaur et Meyzieu) et concernant deux quartiers mineurs (Fleury-Mérogis et Longuenesse) sur la période du 1 er octobre au 30 novembre 2007 avait permis d'établir pour un groupe de 90 garçons, d'une part, le lieu de résidence des mineurs six mois après leur sortie de détention (5 sur 10 sont en famille, 2 sur 10 sont placés dans une structure d'hébergement, près de 3 sur 10 sont incarcérés), ainsi que, d'autre part, leurs conditions d'insertion. Sur ce chapitre, l'étude relevait que moins d'un jeune sur deux parmi ceux suivis par la PJJ est déclaré comme suivant un dispositif de droit commun (scolarité/formation professionnelle) ou un dispositif d'insertion. Cette étude montrait par ailleurs que 30 % des mineurs sont de nouveau incarcérés six mois après leur sortie .

Ces informations certes utiles mais ponctuelles restent très en-deçà des objectifs souhaitables en la matière. Il est en effet indispensable de connaître les résultats comparés des EPM et des quartiers mineurs en matière de réinsertion et de taux de réitération.

L'article 7 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a fixé des obligations en la matière en confiant à un observatoire indépendant l'élaboration annuelle d'un rapport concernant le taux de récidive et de réitération en fonction des catégories d'infractions ainsi que par établissement pour peine.

Proposition n° 17 : Améliorer les connaissances statistiques sur le devenir des jeunes à l'issue de leur incarcération.

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