2. Un modèle structurellement déséquilibré ?
a) Des pertes d'exploitation en 2010 et 2011 présentées comme structurelles

Le marché des paris sportifs apparaît très sensible à l'offre d'événements sportifs et aux variations du TRJ , ce qui renforce son intensité concurrentielle. Les joueurs réguliers sont volatils, donc difficiles à fidéliser, et recourent de manière habituelle aux comparateurs de cote pour déterminer l'attractivité des différents sites. La saisonnalité de ce marché est sans doute plus forte que pour les paris hippiques, nombre de grandes compétitions sportives étant concentrées sur les mois de juin à septembre. Des interrogations subsistent cependant sur l'impact qu'exercerait la conjoncture économique sur les jeux en ligne de manière générale.

Après une année 2010 logiquement marquée par des politiques commerciales agressives - déclinées dans les bonus, le sponsoring et les campagnes de communication -, 2011 constitue un exercice de transition et de modération commerciale, qui doit permettre de mieux évaluer les perspectives de rentabilité des nouveaux marchés et de refonte du paysage concurrentiel.

Les opérateurs, en particulier ceux de paris sportifs, ont donc réduit leurs dépenses de marketing et de publicité . Ils ont également été contraints de diminuer leur TRJ au premier trimestre, après l'avoir maximisé en 2010 dans le cadre de leur stratégie de conquête de parts de marché. Il s'agissait pour eux de tenter de rééquilibrer leur bilan et de s'assurer des marges de manoeuvre pour le reste de l'exercice, dans le respect du plafond annuel moyen de 85 % 62 ( * ) applicable aux paris en ligne (mais pas au poker).

Selon l'ARJEL, le TRJ dans les paris sportifs est ainsi passé de 84,5 % en moyenne en 2010 à 79,2% au premier trimestre de 2011 , ce qui peut contribuer à expliquer le ralentissement de l'activité. En revanche, il est demeuré quasiment stable pour les paris hippiques (respectivement 79,3 % et 79,1 %), avec néanmoins de grandes disparités entre opérateurs. Le TRJ des paris hippiques, en particulier des paris simples, est traditionnellement inférieur à celui des paris sportifs, mais il tend à croître avec les paris complexes.

Confrontés depuis début 2011 à un marché des paris sportifs nettement moins dynamique qu'attendu, les nouveaux opérateurs agréés, qui avaient plaidé pour un régime fiscal favorable lors des discussions sur le projet de loi, ont vu se confirmer leurs craintes. Ils insistent aujourd'hui sur le caractère selon eux structurellement déséquilibré du modèle économique des jeux en ligne dans le régime actuel d'encadrement, tant en raison du plafonnement du TRJ que du niveau jugé dirimant des prélèvements fiscaux.

b) Un constat préoccupant mais qui peut être relativisé

Dans son livre blanc, précité, l'AFJEL craint ainsi que « les nouveaux opérateurs ne parviennent jamais à exercer leur activité de façon rentable , même une fois passés les investissements exceptionnels de lancement » et que la concurrence ne puisse être suffisamment atomisée.

Outre le poids des prélèvements, l'association invoque la pression de concurrents étrangers non soumis aux mêmes contraintes, une offre légale de jeux en ligne trop restreinte et un mécanisme concurrentiel faussé par les avantages structurels des deux opérateurs historiques, qui peuvent s'appuyer sur leur réseau physique. Elle défend donc, en tant que leviers d'attractivité du marché légal, un allègement substantiel de la fiscalité, un déplafonnement du TRJ et une extension du champ de l'ouverture aux jeux de casino et de hasard en ligne.

En se fondant sur le régime fiscal applicable et des hypothèses de charges de fonctionnement et de communication/marketing à proportion des mises 63 ( * ) , l'AFJEL a également évalué la perte d'exploitation structurelle à, en moyenne, 2 % des mises pour le poker, 3,4 % pour les paris hippiques et 8 % pour les paris sportifs .

Votre rapporteur rappelle que l'absence actuelle de rentabilité des jeux en ligne n'est assurément pas une surprise . La plupart des opérateurs légaux avaient intégré dans leur plan d'affaires une forte probabilité d'être déficitaires et une configuration de marché « darwinienne » pendant la période nécessaire à l'acquisition de la taille critique, soit deux ou trois ans. Il reste que le niveau des pertes opérationnelles constatées après un an d'activité est sans doute supérieur aux prévisions.

Il convient néanmoins de relativiser les récriminations des opérateurs en gardant à l'esprit que les prévisions de rentabilité à moyen terme ne peuvent être établies , si l'on met de côté l'aspect fiscal et le plafonnement du TRJ, « toutes choses égales par ailleurs » . En effet, le marché est appelé à se concentrer et la « force de frappe » publicitaire sera réduite en rythme annuel, comme cela fut le cas lors de l'ouverture des annuaires téléphoniques. Il en résultera nécessairement des économies d'échelle et des synergies de coûts ou de revenus, et donc de nouvelles marges de manoeuvre pour une exploitation éventuellement rentable.

Il s'agit donc de déterminer si cette rentabilité est accessible :

- en appliquant les normes de TRJ et de prélèvements posées par la loi du 12 mai 2010 ;

- en se fondant sur une hypothèse de charges de fonctionnement, de publicité et de marketing stabilisées à un niveau inférieur à l'actuel. Il est cependant difficile de déterminer a priori , si ce n'est par comparaison avec des pays tels que l'Italie et le Royaume-Uni, une norme sectorielle pour ces dépenses ;

- et dans des conditions de concurrence acceptables, c'est-à-dire assurant une offre suffisamment diversifiée, une configuration de marché qui ne facilite pas les ententes, et l'équité entre opérateurs, en particulier les nouveaux entrants et les « historiques ».


* 62 En application de l'article 13 de la loi du 12 mai 2010, le décret n° 2010-605 du 4 juin 2010 relatif à la proportion maximale des sommes versées en moyenne aux joueurs par les opérateurs agréés de paris hippiques et de paris sportifs en ligne prévoit que le TRJ est apprécié sur une base annuelle (année civile) mais ne peut dépasser le plafond de 85 % que durant un trimestre .

* 63 Les charges de fonctionnement (dont les charges de personnel) sont ainsi estimées à 2 % des mises pour le poker et 6 % pour les paris hippiques ou sportifs, et les dépenses de marketing et communication à 3 % pour le poker et 8 % pour les paris hippiques ou sportifs.

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