C. UNE DÉMARCHE GLOBALEMENT COÛTEUSE POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Déconnectée d'une stratégie fiscale globale qui se fait toujours attendre, interrompue brutalement par la censure d'une taxe carbone mal née, la réforme fiscale environnementale se sera enfin caractérisée par une nette préférence pour la dépense et certains dérapages budgétaires malvenus dans un contexte de finances publiques dégradées.

1. Une évaluation qui reste à conduire

Il n'existe, à ce jour, aucune évaluation consolidée de l'impact sur les prélèvements obligatoires de la mise en oeuvre du volet fiscal du Grenelle de l'environnement. Néanmoins, plusieurs éléments indiquent que cet impact a vraisemblablement été négatif.

Dès l'origine, le ministère chargé de l'écologie indiquait très clairement 50 ( * ) que la réforme fiscale environnementale avait « été construite de façon à ce que, sur trois ans, l'accroissement des recettes fiscales soit exactement compensé par l'augmentation des aides fiscales » et reposait sur une stratégie d'incitation consistant à « encourager les comportements vertueux sans aucun objectif de rendement budgétaire ».

Néanmoins, les nombreuses dépenses fiscales créées ou amplifiées par le Grenelle, combinées à l'échec de la taxe carbone et aux retards pris dans la mise en oeuvre de l'éco-redevance poids-lourds, montrent que les incitations coûteuses ont, à ce stade, été plus faciles à mettre en oeuvre que les nouveaux prélèvements . Rien ne garantit donc que le principe de neutralité ait été respecté.

Selon le ministère, « le coût prévisionnel des mesures fiscales sur la période 2009-2011 a été de 2,7 milliards d'euros, qui a été revu ensuite à la hausse suite à l'échec de la mise en oeuvre de la contribution carbone et du retard d'entrée en application de la taxe poids lourds. Le coût prévisionnel total s'est alors établi sur la période à 4,5 milliards d'euros » 51 ( * ) .

2. Des dérapages budgétaires significatifs

La neutralité fiscale du Grenelle de l'environnement aura enfin été compromise par les dérapages significatifs affectant le coût de certaines mesures.

Il en est allé ainsi, notamment, du bonus-malus automobile 52 ( * ) , présenté dès l'origine comme un dispositif financièrement neutre , dans la mesure où les recettes tirées du malus viendraient financer le bonus à l'acquisition. Cette mesure s'est avérée, à l'usage, chroniquement déficitaire, puisque les dépenses de bonus ont dépassé les recettes de malus de 214 millions d'euros en 2008, de 522 millions d'euros en 2009, de 521 millions d'euros en 2010 et devraient les excéder de 227 millions d'euros en 2011, soit un déficit cumulé de 1,5 milliard d'euros en quatre ans.

Déficit cumulé du bonus-malus automobile

(en millions d'euros)

2008 exécuté

2009 exécuté

2010 exécuté

LFI 2011

PLFR-3 2011

Recettes

225,4

202,2

186,4

222,0

180,0

Dépenses*

439,4

724,6

707,2

372,0

407,0

Déficit annuel

-214,0

-522,3

-520,8

-150,0

-227,0

Déficit cumulé

-214,0

736.3

-1 257,1

-1 407,1

-1 484,1

* Les dépenses comprennent le bonus et le super-bonus pour destruction des véhicules de plus de 15 ans. Ce super-bonus avait été suspendu en 2009 et 2010 pour être remplacé par la « prime à la casse » , financée sur le programme 316 « Soutien exceptionnel à l'activité économique et à l'emploi » de la mission « Plan de relance de l'économie » et qui a pris fin le 31 décembre 2010.

Source : commission des finances

De manière analogue, le crédit d'impôt « Développement durable », étendu et prolongé consécutivement au Grenelle de l'environnement 53 ( * ) , a constitué une des dépenses fiscales les plus coûteuses et les plus dynamiques de l'Etat ces dernières années . Ce dynamisme a conduit le Gouvernement à durcir progressivement les conditions d'éligibilité au dispositif, s'agissant notamment des équipements de production d'électricité photovoltaïque 54 ( * ) , pour lesquels le revirement a été brutal car le coût de la mesure favorisant le développement de cette énergie alternative avait été mal calculé.

Dépense fiscale associée au crédit
d'impôt « Développement durable »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Votre rapporteure générale ne considère pas la fiscalité environnementale comme une fiscalité de pur rendement devant contribuer à l'amélioration du solde. Il demeure qu'au gré d'une législature marquée par une dégradation sans précédent des comptes publics, il aurait été salutaire de veiller à ce que l'impact du Grenelle fiscal sur les prélèvements obligatoires demeure contenu.

***

Brouillonne, coûteuse, incomplète, inefficace et avortée, la réforme fiscale environnementale conduite depuis 2007 n'aura permis ni d'ancrer dans les mentalités la nécessité d'une transition écologique, ni de réorienter les comportements, ni de moderniser l'assiette de nos prélèvements obligatoires en substituant progressivement des impositions favorables à l'environnement aux charges pesant sur le travail.

C'est donc l'ensemble de l'ouvrage qu'il convient de remettre sur le métier, en assignant à cette fiscalité d'avenir les objectifs clairs de mieux prendre en compte les externalités de l'activité humaine sur l'environnement, de s'inscrire dans une stratégie globale de refonte des prélèvements obligatoires et d'être assorti de mécanismes d'accompagnement pour les ménages et les entreprises les plus fragiles.

Enjeu de compétitivité, la réforme fiscale environnementale doit également être promue de manière plus active à l'échelon communautaire, tant à l'occasion de la révision de la directive relative aux accises énergétiques que dans les débats sur la création d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.


* 50 Document de synthèse de janvier 2010 précité.

* 51 Votre rapporteure générale ne diospose pas du détail de ce chiffrage.

* 52 Instauré par l'article 63 de la loi de finances rectificative pour 2007 (n° 2007-1824 du 25 décembre 2007).

* 53 L'article 109 de la loi de finances pour 2009 a prorogé le dispositif fiscal, qui devait s'achever le 31 décembre 2009, jusqu'au 31 décembre 2012. L'avantage fiscal a par ailleurs été élargi aux propriétaires bailleurs, aux dépenses de pose pour les matériaux d'isolation thermique des parois opaques et aux frais engagés lors de certains diagnostics de performance énergétique.

* 54 Par ailleurs, le PLF pour 2012 prévoit la suppression de l'avantage fiscal lié aux fenêtres des maisons individuelles quand le changement ne fait pas partie d'un bouquet de travaux, la diminution de certains taux du crédit d'impôt, l'introduction de plafonds d'assiette spécifiques associés à l'inclusion d'équipements très performants, ainsi que la fin du dispositif dans le neuf en 2013 au moment où la nouvelle réglementation thermique entrera en vigueur.

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