II. UNE POLITIQUE DE RÉDUCTION DES NICHES EN TROMPE-L'oeIL

A. POUR LE GOUVERNEMENT, UNE MANIÈRE D'AUGMENTER LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES SANS LE DIRE

Contraint par la crise d'admettre l'irréalisme d'une politique consistant à réduire les prélèvements obligatoires en situation de déficit public élevé, le Gouvernement a dû prendre des mesures discrétionnaires d'augmentation des prélèvements obligatoires.

D'un point de vue rhétorique, il ne pouvait - ou ne voulait - toutefois admettre qu'il augmentait les impôts et cotisations sociales. Aussi a-t-il développé un discours consistant à affirmer que, comme les mesures concernées étaient des réductions ou des suppressions de « dépenses fiscales » et de « niches sociales », il s'agissait en réalité de réductions de dépenses.

On trouve un exemple de cette rhétorique dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 de décembre 2010 12 ( * ) . On y lit en effet : « Le Gouvernement exclut le recours à une augmentation généralisée des prélèvements obligatoires : celle-ci pèserait à court terme sur l'activité et placerait dans le même temps la France dans une situation concurrentielle défavorable vis-à-vis de ses partenaires, alors même que notre pays enregistre déjà l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne. En revanche, un effort de réduction significative des dépenses fiscales et des niches sociales peut accélérer le redressement des comptes publics sans mettre en péril le redémarrage de l'activité. Il peut aussi contribuer, en réduisant des avantages fiscaux inutiles, inefficaces ou injustifiés, à mieux assurer l'équité fiscale entre contribuables et, ainsi, à rendre plus légitime et plus acceptable la contribution de chacun au rétablissement des finances publiques ».

Ce raisonnement est globalement contestable :

- il est possible de conduire une politique d'augmentation globale du niveau des prélèvements obligatoires sans que cela s'apparente à une « augmentation généralisée des prélèvements obligatoires » ;

- la formule selon laquelle la politique retenue par le Gouvernement éviterait de « [peser] à court terme sur l'activité » est difficilement compréhensible. Toutes les augmentations de prélèvements obligatoires pèsent à court terme sur l'activité, qu'elles prennent ou non la forme de réductions de niches. Si elles étaient économiquement assimilables à des dépenses, comme le Gouvernement le sous-entend dans son discours, l'impact à court terme serait même supérieur à celui d'augmentations « classiques » de prélèvements obligatoires, dans la mesure où le multiplicateur budgétaire des dépenses est environ deux fois plus élevé que celui des recettes ;

- la formule selon laquelle il faudrait prendre en compte le fait que « notre pays enregistre déjà l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés de l'Union européenne » suggère que les mesures prises par le Gouvernement n'augmenteraient pas les prélèvements obligatoires. Bien entendu, elles les augmentent à due concurrence.


* 12 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

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