2. Le maintien d'une organisation complexe

La question du nombre d'organismes payeurs des aides communautaires en France reste posée.

Grâce à une comparaison internationale, la Cour montre que la France continue à se singulariser avec, en plus de ses deux organismes payeurs principaux (ASP et FAM), deux organismes payeurs spécifiques avec une compétence géographique limitée à la Corse et l'outre-mer (ODARC et ODEADOM).

De plus le problème du renouvellement de l'agrément de l'ODARC se posera dans le cadre de la PAC d'après 2013.

Et il en sera de même pour l'ODEADOM, en cas de remise en cause du programme POSEI pour l'outre-mer. L' intégration de l'ODEADOM dans FAM , sous la forme d'un conseil spécialisé pour l'outre-mer, bien que considérée comme non pertinente par les ministères de l'agriculture et de l'outre-mer, pourrait continuer à être envisagée.

Par ailleurs, l'organisation de FAM paraît originale et a même été qualifiée de « baroque » par le vice-président du Conseil d'État. Bien que la Cour observe que le fonctionnement de cet organisme est efficace, des ajustements paraissent encore nécessaires.

Ainsi, une réduction des conseils spécialisés de FAM (onze actuellement, à comparer aux neuf offices préexistants) semblerait pertinente de même qu'un partage à la marge des compétences entre l'ASP et FAM, avec la centralisation chez un seul opérateur de la gestion des aides d'urgence . Une telle évolution est considérée comme possible par le ministère de l'agriculture et fera partie des points examinés par la mission d'audit RGPP de FAM, qui devrait rendre prochainement ses conclusions.

En outre, l'existence de deux entités chargées d'exercer le contrôle économique et financier des trois opérateurs nationaux ne constitue pas une situation optimale. Contrairement à FAM et à l'ODEADOM pour lesquels la mission « agriculture, forêt et pêche » du Contrôle général économique et financier (CGEFI) a été désignée pour exercer ce contrôle, c'est en effet le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) du ministère de l'agriculture qui en est chargé pour l'ASP aux termes d'un arrêté du 9 avril 2009, ce qui est peu cohérent.

Le CGEFI, qui exerce donc déjà ce contrôle pour deux organismes, pourrait se voir confier celui de l'ASP en lieu et place du CBCM du ministère . Au-delà de la restructuration des opérateurs de l'État, se pose, enfin, la question des organisations interprofessionnelles reconnues, qui restent un système propre à la France.

La question des interprofessions

La loi du 10 juillet 1975 relative à l'organisation interprofessionnelle agricole a permis la reconnaissance, par arrêté interministériel, des groupements interprofessionnels les plus représentatifs d'une filière. Cette reconnaissance administrative donne la possibilité aux interprofessions de demander l'extension des accords interprofessionnels, ce qui rend l'application des accords obligatoires pour tous les professionnels de la filière, y compris pour les non-adhérents aux organisations. Elle a aussi pour conséquence que l'interprofession est consultée sur les orientations des politiques concernant la filière. Mais, surtout, elle permet de recevoir des aides publiques et de donner un caractère obligatoire aux cotisations prélevées sur les acteurs de la filière, d'où leur intitulé paradoxal de cotisations volontaires obligatoires (CVO), principale source de financement des interprofessions et objet d'observations répétées de la part de la Cour.

Afin d'équilibrer les relations commerciales entre les différents opérateurs des filières agricoles au profit des producteurs, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 prévoit la possibilité de rendre obligatoire la conclusion de contrats écrits entre producteurs et acheteurs pour la vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation. Ainsi, les décrets n° 2010-1753 et 2010-1754 du 30 décembre 2010 ont déjà rendu applicable l'engagement contractuel pour le secteur laitier et celui des fruits et légumes à compter du 1 er mars 2011. D'autres secteurs devraient suivre, les interprofessions pouvant être appelées à jouer un rôle essentiel au niveau de la régulation économique dans les secteurs où elles sont bien implantées. Cette volonté de leur donner un rôle économique se heurte à la fois à leur grand nombre dans le secteur vitivinicole, et à leur absence ou à leur faiblesse dans de nombreux autres, notamment les secteurs de petites productions. Si un rôle accru était donné aux interprofessions, se poserait alors, avec encore plus d'acuité, la question des cotisations volontaires obligatoires, source de nombreux contentieux non tranchés à ce jour.

Par ailleurs, la nécessité, recommandée de manière récurrente par la Cour, d'une meilleure articulation entre les interprofessions et FAM, qui comme les offices auparavant leur verse des aides importantes, se pose avec de plus en plus d'acuité. Cette complexité marque les limites du système de cogestion instauré au milieu des années 1970, surtout que l'importance donnée aux interprofessions est propre à la France, ces dernières n'existant pas dans d'autres pays ayant une agriculture performante, comme l'Allemagne.

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