N° 69

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 octobre 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur les prélèvements obligatoires et leur évolution ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, M. Alain Gournac, Mme Catherine Deroche, M. Marc Laménie , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Odette Duriez, Anne-Marie Escoffier, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mmes Chantal Jouanno, Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La tenue de ce débat sur les prélèvements obligatoires, maintenant traditionnel, à quelques jours de l'examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale par le Sénat, s'inscrit, cette année, dans un contexte particulier : celui d'échéances électorales majeures pour l'avenir de notre pays.

L'examen, par la Cour des comptes, de la situation des cinq dernières années, et même de la décennie passée, livre une analyse qui distingue les causes structurelles des causes plus conjoncturelles des déficits actuels. Le sous-financement récurrent de certains organismes et établissements sociaux a largement contribué à nourrir une « spirale de l'endettement » qui nous mène à l'impasse.

Nul ne contestera l'impérieuse nécessité de s'en extraire. L'obligation est, d'une part, de renoncer aux mesures ponctuelles, à effet de court terme sur les comptes et insuffisamment productives au-delà, d'autre part, d'actionner plusieurs leviers de financement de la protection sociale.

Les trois axes proposés ici ne sont que l'amorce de ce redressement. Ils n'en constituent pas moins une rupture, conforme à celle que recommande notamment la Cour des comptes.

La France a, depuis longtemps, fait le choix d'un niveau d'action et d'investissement publics élevé. Il témoigne d'un choix de société : celui d'une forte socialisation qui a permis d'atténuer plus qu'ailleurs les effets de la crise de 2008-2009 sur les ménages.

Notre part des dépenses publiques dans le PIB, 56,2 % en 2010 selon les statistiques de l'OCDE, est l'une des plus hautes parmi les pays occidentaux.

En termes de dépenses sociales - dépenses de santé et de protection sociale -, la France se situe dans les premières positions de l'Union européenne, avec un volume s'approchant de 30 % du PIB.

La crise de 2008-2009 n'en a pas moins entraîné un arrêt brutal de la progression des recettes, avec pour conséquence simultanée, un accroissement sans précédent des déficits. Elle n'a fait en réalité qu'accentuer les tendances profondes de la gestion des finances sociales des dix dernières années qui, par une approche désordonnée et de court terme, a conduit à reporter systématiquement sur les générations futures la résolution des problèmes d'hier et d'aujourd'hui.

I. UNE GESTION ALÉATOIRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

Les prélèvements sociaux sont la principale composante des prélèvements obligatoires. Reposant à la fois sur les fruits du travail et sur la solidarité nationale, ils se sont considérablement complexifiés au cours des dernières années.

A. LA PLACE MAJORITAIRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX DANS LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les prélèvements obligatoires ont dépassé dans notre pays le seuil de 40 % du PIB en 1980 ; ils ont ensuite régulièrement progressé et atteint un niveau record en 1999, à près de 45 % de la richesse nationale ; ils ont baissé depuis et se sont même repliés du fait de la crise, le point le plus bas ayant été de 41,9 % en 2009.

Evolution du taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques

(en % du PIB)

Source : Insee, comptes nationaux (base 2005)

En 2010, le taux des prélèvements obligatoires a repris sa courbe ascendante pour atteindre 42,5 % du PIB.

Pour les deux années suivantes, on attend une hausse sensible du niveau de ces prélèvements qui pourraient s'établir à 43,7 % du PIB en 2011 et 44,5 % en 2012 , soit une hausse de deux points de PIB en deux ans et un retour aux taux enregistrés à la fin des années 90.

Selon le Gouvernement, environ 90 % de cette hausse sont liés aux mesures nouvelles, fiscales et sociales, mises en oeuvre ces derniers mois, notamment dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011 et prévues dans les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. L'évolution spontanée des recettes n'intervient qu'à hauteur de 0,2 point de PIB.

Taux de prélèvements obligatoires entre 1980 et 2010

(en milliards d'euros)

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2009

2010

Montant

178,5

316,3

429,3

510,3

636

753

786,4

822,1

Taux en % du PIB

40,1 %

42,5 %

41,6 %

42,7 %

44,1 %

43,6 %

41,9 %

42,5 %

Au sein des prélèvements obligatoires, plus de la moitié correspond aux prélèvements sociaux qui atteignaient 23,2 % du PIB en 2010. Ils devraient encore progresser en 2011 et 2012, avec des taux respectifs attendus de 23,8 % et 24 %. Ce taux était de 18 % en 2001 ; il a donc augmenté de presque six points en dix ans, soit une progression très significative.

Si les prélèvements sociaux représentent désormais plus de la moitié des prélèvements obligatoires, soit 54 %, ils n'en constituaient que 44 % en 1981. L'essentiel de cette augmentation est dû à l'accroissement de la part fiscale, passée de 0,6 % à 6,8 % du PIB, tandis que, dans le même temps, les cotisations ont légèrement diminué en part du PIB, de 17,3 % à 16,1 %.

Evolution du taux de prélèvements obligatoires de l'Etat,
des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales 1978-2010

(en % du PIB)

Source : Insee, comptes nationaux

Les prélèvements sociaux peuvent en effet être répartis entre deux grands types de ressources, à la charge, pour l'essentiel, de deux contributeurs.

1. Deux catégories de ressources

Répartition des recettes des administrations de sécurité sociale
par type de prélèvement depuis 1980

Source : Insee, base 2005

Les cotisations sociales sont la ressource historique des régimes de sécurité sociale ; elles en sont toujours la première composante.

Ainsi, en 2010, elles représentent 69,6 % des ressources, réparties entre les cotisations à la charge des employeurs, pour environ les deux tiers, et les cotisations sociales à la charge des salariés, pour le tiers restant.

Les impôts et taxes affectés , au premier rang desquels la CSG , constituent 30,4 % des recettes. La fiscalisation des ressources de la sécurité sociale a réellement été amorcée avec l'introduction de la CSG en 1991 et poursuivie dans les années 1997-1998 lorsque celle-ci s'est substituée à la majeure partie des cotisations salariales maladie.

Ces deux catégories de ressources ne financent pas de manière uniforme les différentes branches de la sécurité sociale. On peut distinguer deux types de risques sociaux :

- les risques dont le financement est essentiellement couvert par des cotisations sociales : la vieillesse, les accidents du travail et le chômage ;

- les risques pour lesquels le financement par l'impôt prend une place assez importante : la maladie, la maternité, l'invalidité, la famille et le logement.

Ainsi, pour les branches accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) et vieillesse, les cotisations représentent plus des trois quarts des ressources ; pour la branche AT-MP, elles sont exclusivement à la charge des employeurs.

Pour ce qui concerne les autres branches, la CSG apporte plus du tiers de ses ressources à la branche maladie et un cinquième de celles de la branche famille.

Toutes les branches bénéficient en outre, depuis 2006, de recettes fiscales au titre de la compensation des allégements généraux de cotisations sociales. Le « panier » de recettes (droits sur les alcools et les tabacs, taxe sur les véhicules de société, contribution sociale de solidarité des sociétés) qui y était consacré a été définitivement affecté à la sécurité sociale par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

2. Deux contributeurs essentiels

Ces recettes sont à la charge de trois catégories de financeurs, dont deux subviennent actuellement, à parts pratiquement égales, à près de 90 % des recettes. Il s'agit :

- des entreprises dont la part dans le financement du régime général a baissé de dix-sept points entre 1983 et 2008 et de onze points sur la période plus récente de 1992 à 2008, principalement du fait du poids grandissant des exonérations de cotisations sociales patronales ; en 2008, leur part s'élève à 43,6 % ;

- des ménages : ils sont devenus les principaux contributeurs avec une part de 44,3 % en 2008 ;

- des administrations publiques, désormais en retrait du fait de la montée en charge de la CSG et de l'affectation de recettes fiscales à la compensation des exonérations de charges sociales, au lieu de crédits budgétaires précédemment.

Contrairement aux engagements pris par le Président de la République en 2007 et régulièrement réaffirmés par la suite, les prélèvements obligatoires n'ont pas baissé de quatre points de PIB , ni même suivi le cheminement, moins ambitieux, de baisse inscrit dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2008 (- 0,6 point de PIB entre 2008 et 2012), ils ont augmenté d'environ un point au cours de la période et devraient connaître une nouvelle progression au cours des prochaines années, au-delà de 45 % si l'on se réfère au rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2012.

B. DES RECETTES DÉPENDANTES DES ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES

Les recettes du régime général n'ont augmenté que d'environ 2 % sur l'ensemble des deux années 2009 et 2010 en raison de la récession. En 2011, leur progression s'est accélérée fortement, de 5,3 %, grâce à la hausse de la masse salariale et à l'apport de recettes nouvelles.

La masse salariale est en effet le principal déterminant de l'évolution des recettes sociales. Sa progression n'a toutefois pas suffi à réduire les déficits, ce qui a conduit le Gouvernement à décider d'affecter de nouvelles recettes aux régimes de sécurité sociale.

1. Les fluctuations des prélèvements assis sur la masse salariale

Trois quarts des recettes sociales sont assis sur la masse salariale . Il s'agit, d'une part, des cotisations, d'autre part, d'une fraction prépondérante de la CSG. Elles ont été très affectées par le retournement brutal de l'emploi et de la masse salariale du secteur privé amorcé à partir de la fin 2008.

L'enchaînement est le suivant : la baisse de l'activité entraîne une baisse de l'emploi salarié à laquelle s'est ajoutée une dégradation de l'inflation, ce qui a eu pour conséquence une moindre progression des salaires et donc au total de la masse salariale.

En 2011, le mécanisme s'est inversé et, en fin d'année, on devrait constater une hausse de 3,7 %, un peu supérieure à celle du PIB en valeur, soit 3,4 %.

La récente aggravation de la situation économique européenne pourrait entraîner un nouvel enchaînement négatif en 2012, contrairement aux prévisions arrêtées par le Gouvernement à la fin de l'été.


Hypothèses macro-économiques

Les hypothèses économiques retenues pour 2011 et 2012 sont communes au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale ; elles sont présentées dans le rapport économique, social et financier pour 2012.

La prévision de croissance du PIB est légèrement abaissée pour 2011, à 1,75 % contre 2 % en juin, pour prendre en compte l'évolution du premier semestre. L'hypothèse de croissance est également de 1,75 % pour 2012.

En sens inverse, la masse salariale du secteur privé en valeur, dont l'évolution est généralement décalée par rapport à celle de l'activité, voit sa progression à nouveau révisée à la hausse pour l'année 2011 : elle est désormais estimée à 3,7 %, contre 3,2 % en juin dernier et 2,9 % dans la prévision initiale de septembre 2010. L'hypothèse retenue pour 2012 est à nouveau de 3,7 %.

La prévision d'inflation pour 2011, revue à la hausse, est désormais de 2,1 % au lieu de 1,8 % dans les comptes présentés en juin. L'hypothèse retenue pour 2012 est de 1,7 % pour la hausse des prix hors tabac en moyenne annuelle.

Si les estimations de croissance et de masse salariale pour 2011 reposent largement sur des acquis, les hypothèses présentées pour 2012 sont entourées d'une très grande incertitude en raison des tensions exceptionnelles sur les marchés financiers et de la dégradation du climat des affaires constatées depuis le début de l'été. Les organismes de prévision, internationaux et nationaux, ont commencé de réviser leurs prévisions à la baisse. Ils soulignent la gravité des risques qui pèsent sur les évolutions économiques des prochains trimestres.

Pour la France, le consensus actuel semble tabler sur une prévision de croissance économique d'au plus 1 % en 2012, hypothèse que le Gouvernement devrait finalement retenir et qui devrait le conduire à rectifier prochainement les équilibres des deux projets de loi financiers.

Hypothèses d'évolution moyenne sur la période 2011-2015

2011

2012

2013

2014

2015

PIB (volume)

1,75 %

1,75 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

Masse salariale privée

3,7 %

3,7 %

4,0 %

4,0 %

4,0 %

Inflation

2,1 %

1,7 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Ondam en valeur

2,9 %

2,8 %

2,8 %

2,8 %

2,8 %

Source : Annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012

La forte concentration des recettes de la sécurité sociale sur les revenus d'activité du secteur privé constitue une différence importante avec les recettes de l'Etat qui ont des assiettes plus diversifiées, telles que la consommation, les revenus des ménages ou des entreprises, etc. La CSG, qui s'apparente à une recette fiscale, est en effet pour une très large part prélevée sur les salaires ; ses caractéristiques économiques sont donc identiques à celles des cotisations sociales.

Par rapport à une évolution tendancielle de + 4,1 % par an observée en moyenne au cours des années 1997-2006, la masse salariale a perdu environ huit points de progression sur la période 2008- 2010 .

Or, un point de masse salariale perdu représente une perte de recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros pour le régime général. La récession a donc privé le régime général de plus d' une quinzaine de milliards d'euros de recettes sur les revenus d'activité.

Le tableau ci-après donne les ordres de grandeur de l'impact sur le régime général des hypothèses de cadrage à partir desquelles est construit le projet de loi de financement.

Sensibilité des résultats du régime général aux hypothèses de prévision
(valeur 2009)

(en millions d'euros)

Cnam maladie

Cnam AT-MP

Cnaf

Cnav

Régime général

Masse salariale du secteur privé : impact d'une hausse de 1 % du taux de croissance

910

100

680

300

1 990

Dépenses maladie : impact d'une hausse de 1 % dans le champ de l'Ondam

1 340

40

1 380

Inflation : impact d'une hausse de 1 % de la revalorisation des prestations retraites et famille

270

910

1 180

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2011

Les évolutions économiques ont donc un impact direct sur les valeurs du point de CSG et des points de cotisation.

Le point de CSG s'élevait à 11,4 milliards d'euros en 2010. Ce rendement important tient à son assiette large : les revenus d'activité représentent 70 % de son rendement, les revenus de remplacement y participent pour 20 %, les revenus du patrimoine et de placement pour 9,4 % et les revenus des jeux pour 0,4 %.

En 2011, le point de CSG pourrait s'établir à 11,85 milliards d'euros , en augmentation de 4 % par rapport à 2010. En 2012, il progresserait de 2,6 %, à 12,16 milliards d'euros.

Valeur du point de CSG par type d'assiette

(en millions d'euros)

CSG

2009

2010

%

2011

%

2012

%

Contribution sociale généralisée totale

11 212

11 398

1,7

11 852

4,0

12 159

2,6

sur les revenus d'activité

7 875

7 941

0,8

8 182

3,0

8 369

2,3

sur les revenus de remplacement

2 167

2 316

6,9

2 367

2,2

2 455

3,7

sur les majorations et pénalités

26

28

7,6

27

- 5,6

27

0,0

sur les revenus du capital

1 090

1 071

- 1,8

1 242

16,0

1 272

2,4

sur les revenus patrimoine

500

459

- 8,2

480

4,7

505

5,2

sur les revenus placement

590

612

3,6

762

24,6

767

0,6

sur les jeux

53

42

- 21,0

35

- 17,2

36

3,0

Source : direction de la sécurité sociale

Valeur des points de cotisation
(régime général)

(en millions d'euros)

Valeur du point de cotisation par branche

2009

2010

2011 (p)

2012 (p)

AT et vieillesse déplafonnée

4 870

4 970

5 160

5 100

Vieillesse plafonnée

4 120

4 190

4 340

4 640

Maladie

6 050

6 180

6 390

6 340

Famille

6 940

7 050

7 240

7 170

Source : direction de la sécurité sociale

La cotisation vieillesse représente 46 % des cotisations de sécurité sociale. Contrairement aux autres, cette cotisation est en grande partie calculée dans la limite d'un plafond. Elle ne s'applique qu'au secteur privé.

La cotisation maladie représente 34 % des cotisations. Elle couvre les salariés du secteur privé, les fonctionnaires civils de l'Etat et les agents des industries électriques et gazières (IEG) mais pas les ressortissants des autres régimes spéciaux, des régimes agricoles et des régimes de non-salariés.

La cotisation famille intervient pour 15 % des cotisations. Son champ est le plus large puisqu'elle est calculée sur les revenus d'activité de l'ensemble des ménages, y compris des régimes agricoles, des régimes de non-salariés et des régimes spéciaux. Cela se traduit par la valeur la plus élevée du point de cotisation, soit 7,24 milliards d'euros en 2011.

La cotisation AT-MP correspond à 5 % des cotisations. Elle ne s'applique, comme pour la vieillesse, qu'au secteur privé.

2. Des assiettes qui résistent à la conjoncture

Les autres catégories de recettes, du fait de leurs caractéristiques propres, ont mieux résisté à la crise et voient leurs produits continuer à progresser. Il s'agit, d'une part, des recettes affectées au financement de la compensation des allégements généraux de cotisations sociales et de l'exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, d'autre part, des taxes dites comportementales.

Les paniers de recettes fiscales affectés à la compensation des allégements de cotisations sociales

Depuis le 1 er janvier 2006, la compensation des allégements généraux de charges sociales par l'Etat est effectuée par l'affectation aux régimes de sécurité sociale d'un panier de recettes fiscales dont la composition a été modifiée dans les lois de finances successives. Depuis le 1 er octobre 2007, s'y sont ajoutés les allégements afférents aux heures supplémentaires également compensés par l'affectation de recettes fiscales.

En 2010, les recettes fiscales finançant les allégements de cotisations ont augmenté de manière suffisamment dynamique pour faire apparaître un excédent. Celui-ci a néanmoins été prélevé afin de financer la dette de l'Etat à l'égard des organismes de sécurité sociale. Le rendement total du panier fiscal pour les allégements généraux dits « Fillon » s'est élevé à 21,9 milliards d'euros et celui destiné aux exonérations d'heures supplémentaires à 3,2 milliards d'euros.

Pour 2011 et 2012, ces montants devraient continuer à progresser. Le panier correspondant aux allégements généraux a disparu en tant que tel puisque les recettes qui le composaient ont été directement affectées aux différentes branches et organismes de sécurité sociale. L'ensemble de ces recettes devraient procurer 22,4 milliards en 2011 et 22,8 milliards en 2012, soit un peu plus que la stricte compensation des allégements.

Le panier affecté à la compensation des heures supplémentaires pourrait atteindre 3,4 milliards en 2011 et 3,5 milliards en 2012.

Les principales recettes comprises dans le panier des allégements généraux sont la taxe sur les salaires, une partie des droits sur les tabacs, la TVA sur les tabacs et les produits pharmaceutiques. L'assiette de ces prélèvements a une sensibilité assez faible à l'évolution économique.

Le panier affecté à la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires comprend essentiellement le produit de la TVA sur les producteurs d'alcool et une part de la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Les taxes comportementales

Le produit des principales taxes comportementales, sur le tabac et l'alcool, en dehors même des mesures de hausse prévues dans le cadre du projet de loi de financement pour 2012, augmentera de façon spontanée en 2011 et 2012.

Les droits sur les tabacs devraient progresser de 4,7 % en 2011 pour atteindre le montant de 11 milliards d'euros, répartis principalement entre la Cnam, pour 6,1 milliards, le régime des exploitants agricoles, pour 3 milliards et la Cnaf pour 1,4 milliard.

Rendement des droits sur les tabacs

(en millions d'euros)

2009

2010

2011 (p)

2012 (p)

Droits de consommation sur les tabacs

9 927

10 518

11 011

11 121

Evolution des droits de consommation

3,5 %

5,9 %

4,7 %

1,0 %

dont part versée à la Cnam

3 870

4 166

6 067

6 128

dont part versée à la CCMSA

2 017

2 119

3 009

3 039

dont part versée à la Cnaf

-

-

1 384

1 398

dont panier Tepa

411

340

143

144

Source : direction de la sécurité sociale

Les droits sur les alcools progresseraient également pour s'établir à 3,24 milliards d'euros. Cette augmentation s'explique essentiellement par l'indexation des tarifs sur l'inflation, l'augmentation de la cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25 degrés et une hausse sensible des volumes d'alcools forts.

Rendement des droits sur les alcools

(en millions d'euros)

2009

2010

2011 (p)

2012 (p)

Droits indirects sur les alcools, les produits intermédiaires, les bières et les vins

2 643

2 685

2 717

2 774

droit de consommation sur les alcools

2 037

2 097

2 126

2 179

droit de consommation sur les produits intermédiaires

111

96

95

92

droit de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels

117

121

121

123

droit sur les bières et les boissons non alcoolisées

379

371

375

381

Cotisation sur les boissons alcooliques de plus de 25°

518

519

526

531

Total

3 161

3 204

3 243

3 305

Evolution

4,2 %

1,4 %

1,2 %

1,9 %

Source : direction de la sécurité sociale

Au total, ces recettes sont relativement inélastiques à la conjoncture et permettent d'amortir légèrement les fluctuations observées sur les prélèvements lié à la masse salariale et donc aux évolutions économiques.

C. DE NOMBREUSES MESURES NOUVELLES

En 2011, les recettes du régime général bénéficient non seulement du renforcement de la croissance de la masse salariale mais également d'un important surcroît de recettes. C'est la poursuite d'une politique mise en oeuvre depuis fin 2007 mais qui s'accentue en 2011 et 2012.

1. Une très grande variété de taxes

Les lois de financement successives depuis la fin 2007 ont permis un apport d'environ 11 milliards d'euros à la sécurité sociale.

Sans grande cohérence, elles ont mis en oeuvre des créations de taxes, des hausses de contributions existantes et la suppression ou la réduction de niches sociales.

De nouvelles taxes

Ces nouvelles taxes comprennent :

- en 2008, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires des grossistes en pharmacie, une contribution patronale sur les stock-options et les attributions gratuites d'actions, un prélèvement sur les indemnités de mise à la retraite d'office et l'instauration des franchises médicales ;

- en 2009, la création du forfait social sur un certain nombre de compléments de rémunération non soumis à cotisations sociales (intéressement, participation, épargne d'entreprise) ;

- en 2010, une contribution exceptionnelle des organismes de complémentaire santé pour faire face aux coûts de la pandémie grippale et un prélèvement sur le produit des appels à des numéros surtaxés dans le cadre de programmes radiodiffusés ou télévisés.

Des hausses de contributions existantes

De très nombreuses hausses sont intervenues :

- en 2009, l'augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires des complémentaires au profit du fonds CMU et le doublement de la cotisation employeur sur les retraites chapeau ;

- en 2010, la hausse du forfait journalier hospitalier, la hausse du forfait social, la hausse des prélèvements sociaux sur les retraites chapeau et l'assujettissement des plus-values mobilières aux cotisations ;

- en 2011, la hausse du forfait social et la hausse du taux des cotisations accidents du travail.

La suppression ou la réduction de niches sociales

Le rythme de remise en cause des niches sociales s'est amplifié chaque année depuis 2008. Les principales mesures prises comprennent :

- en 2008, la suppression de l'exonération de cotisations AT-MP dont bénéficiaient certaines entreprises ;

- en 2010, la suppression de l'exonération dont bénéficiaient certains contrats d'assurance vie et la suppression des exonérations liées au droit à l'image collectif de certains sportifs professionnels ;

- en 2011, l'annualisation du calcul des allégements généraux de cotisations sociales, le plafonnement de la réduction d'assiette au titre des frais professionnels, le relèvement des contributions patronale et salariale sur les stock-options et les attributions gratuites d'action, le renforcement des prélèvements sur les retraites chapeau.

Se sont ajoutés à ces mesures nouvelles plusieurs transferts en provenance du budget de l'Etat qui, en ajoutant des « tuyauteries » nouvelles, ont encore contribué à complexifier l'arsenal des recettes affectées à la sécurité sociale.

2. Une accélération en 2011 et 2012

Plusieurs novations importantes ont eu lieu en 2011

La première est liée à la réforme des retraites qui a prévu à la fois des augmentations de recettes et de nouvelles affectations, en particulier au profit du FSV.

Au total, 3,85 milliards d'euros de recettes supplémentaires ont été apportés au FSV, notamment pour prendre en charge une partie des dépenses engagées au titre du minimum contributif par la Cnav et les régimes alignés.

Une autre novation importante de l'année 2011 est la disparition du panier de recettes fiscales finançant les allégements généraux de cotisations et l'affectation directe des recettes correspondantes aux branches du régime général. Celles-ci conserveront désormais l'excédent éventuel de ces recettes par rapport au montant des allégements, qui est estimé pour 2011 à 1,7 milliard d'euros. Les comptes du régime général en sont améliorés d'autant.

Par ailleurs, le schéma de financement associé à la reprise de dette de 2011 a comporté le transfert de la Cnaf à la Cades de 0,28 point de CSG, soit 3,3 milliards d'euros en 2011. La Cnaf a reçu en compensation le produit de trois recettes fiscales pour un rendement estimé à 3,5 milliards en 2011 mais amené à décroître significativement dès 2012.

Enfin, des recettes supplémentaires sont apportées au régime général par la hausse du taux de cotisation accidents du travail et par l'augmentation des droits sur les tabacs qui découle de la hausse des prix de la fin 2010.

Au total, par type de prélèvement, les cotisations sociales connaissent en 2011 une forte progression, de 5,5 %, liée à la réduction des exonérations de cotisations du fait de la mesure d'annualisation des allégements généraux et au relèvement de la cotisation accidents du travail.

La CSG affectée au régime général diminue en raison du transfert de 0,28 point de cette contribution de la Cnaf à la Cades, compensé par des recettes fiscales.

De ce fait, les impôts et taxes affectés au régime général sont en très forte augmentation. Il en est de même des transferts en provenance du FSV, du fait de l'élargissement de ses missions et de ses prises en charge de prestations.

Des mesures pour faire face à la dégradation économique

Le retournement de conjoncture dans le courant de l'été, les tensions sur les marchés financiers, la crise de la dette dans plusieurs pays européens et la mise sous surveillance de la situation des finances publiques françaises ont contraint le Gouvernement à annoncer une série de mesures destinées à ne pas aggraver les déficits et à maintenir l'objectif d'une baisse du déficit public à 4,5 % du PIB en 2012.

Il s'agit, pour l'essentiel, de mesures de recettes que le Gouvernement a incluses dans un « plan anti-déficit », rendu public le 24 août dernier.


Le plan anti-déficit du 24 août 2011

(communiqué du Gouvernement)

Le Premier ministre a présenté des mesures de réduction des déficits suite à une réunion présidée par le Président de la République, avec les ministres de l'économie, du budget, du travail, et des solidarités, sur le ralentissement de l'économie mondiale, le mercredi 24 août 2011.

« Le seuil de tolérance à l'endettement est désormais dépassé », a déclaré le Premier ministre, avant d'annoncer un plan d'économies d'un milliard d'euros pour 2011 et 11 milliards d'euros pour 2012.

François Fillon a rappelé que les réformes structurelles - réforme des universités, triplement du crédit impôt recherche, réforme des retraites - et la maîtrise des dépenses publiques ont permis de préserver le potentiel de croissance à moyen terme et de consolider les comptes sociaux à long terme.

« La réduction de nos déficits est un objectif intangible », a redit le Premier ministre, qui a annoncé la révision de la prévision de croissance pour tenir compte de l'évolution de l'économie mondiale : initialement prévue à 2 %, l'hypothèse de croissance sur laquelle est bâti le budget 2011 est révisée à 1,75 %, et celle pour le projet de budget 2012 également à 1,75 %. Le plan permettra, malgré cette baisse de la croissance, de tenir la trajectoire de réduction des déficits sur laquelle la France s'est engagée.

Les mesures seront soumises au Parlement cet automne, pour partie en projet de loi de finances rectificative 2011, pour partie dans le projet de loi de finances 2012 et le reste dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Figurent notamment dans le plan : la création d'une contribution sur les revenus les plus élevés, la suppression de l'abattement sur les plus-values immobilières hors résidence principale ou encore une hausse de 1,2 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Les heures supplémentaires continueront d'être exonérées de charges sociales et fiscales pour les salariés mais les allègements de charges seront plafonnés pour les entreprises, afin de réduire l'effet d'aubaine.

« C'est une politique rigoureuse pour permettre à la France de rester souveraine sur le plan économique et social », a conclu le Premier ministre.

1 - Mettre en place des prélèvements spécifiques en faveur du redressement de nos finances publiques dans un esprit de justice fiscale

Entre les grands groupes et les PME

- Limitation de la possibilité pour les entreprises bénéficiaires de reporter leurs déficits, dans le cadre de la convergence franco-allemande

- Hausse de 5 % à 10 % de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values de long terme sur les titres de participation

Entre les ménages

- Instauration d'une contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus

- Hausse de 1,2 % des prélèvements sociaux sur les revenus du capital

2 - Poursuivre l'effort de réduction des niches et d'harmonisation des prélèvements obligatoires

- Suppression de l'abattement dérogatoire pour durée de détention sur les plus-values immobilières (hors résidence principale, qui reste exonérée), au profit de la prise en compte de l'inflation réelle

- Suppression de l'exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d'assurance pour les contrats solidaires et responsables

- Suppression de l'abattement de 30 % sur le bénéfice imposable des entreprises dans les Dom

- Application du taux normal de TVA (19,6 %) aux entrées dans les parcs à thème

- Hausse du forfait social (« impôt minimal » pour les revenus exonérés de cotisations sociales) de 6 % à 8 %

- Intégration des heures supplémentaires dans le barème de calcul des allégements généraux de charges, en maintenant les avantages fiscaux et sociaux spécifiques

- Alignement sur le droit commun des cotisations sociales du secteur de l'énergie (IEG)

- Harmonisation dans la loi de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)

- Suppression ou réduction des dérogations en matière de CSG

- Application de la CSG au CLCA, dans les mêmes conditions que les autres revenus de remplacement

- Suppression de l'abattement pour frais professionnels pour les revenus qui ne constituent pas du salaire

- Réduction de l'abattement forfaitaire pour frais professionnels de 3 % à 2 %

3 - Modifier les comportements en matière de santé publique et d'environnement

- Augmentation des prix du tabac de 6 % en 2011 et en 2012

- Hausse de la fiscalité et des prélèvements sociaux sur les alcools forts

- Création d'une taxe sur les boissons sucrées

- Révision du barème de la taxe sur les véhicules de sociétés, en cohérence avec le Grenelle de l'environnement (alignement sur le barème du bonus-malus)

4 - Un effort supplémentaire de réduction des dépenses de l'Etat en 2012

Certaines de ces mesures ont déjà été adoptées, dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre. Les autres sont inscrites soit dans le projet de loi de financement pour 2012, soit dans le projet de loi de finances pour 2012 et sont en cours d'examen par le Parlement.

Contrairement à l'engagement pris par le Président de la République de ne pas augmenter les impôts, d'importantes mesures nouvelles de recettes ont été décidées chaque année , et sensiblement amplifiées au cours des derniers mois. Ces mesures ne répondant à aucune stratégie particulière, éparpillées et sans grande cohérence, n'ont apporté qu'une solution très partielle au déséquilibre de la sécurité sociale.

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