II. UNE GESTION DIFFÉRÉE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

En dépit du « cocktail » de mesures nouvelles prises au cours des cinq dernières années, les prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale ne permettent pas à celle-ci de couvrir ses dépenses. Il en découle une accumulation rapide de déficits qui, du fait de la crise, ont atteint des niveaux record et ont entraîné la reconstitution d'une importante dette sociale.

A. UN TAUX DE COUVERTURE DES DÉPENSES PAR LES RECETTES TRÈS DÉFAVORABLE

1. Un manque de recettes devenu systématique

En 2008, 97,6 % des dépenses de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale étaient couverts par les recettes. Cela correspondait à une consolidation du redressement amorcé en 2006 et 2007, malgré les premières conséquences sur les recettes du ralentissement de l'activité économique.

En 2009 et 2010, sous l'effet de la crise, le ratio d'adéquation des recettes aux dépenses s'est brutalement dégradé jusqu'à atteindre, pour le régime général, 92,3 % en 2010 , principalement du fait de la très forte dégradation des recettes.

Les branches vieillesse et maladie ont les taux les plus faibles.

En 2012, ce ratio de couverture devrait à peine dépasser 95 %.

Taux de couverture des dépenses par les recettes

Branche maladie

Branche
AT-MP

Branche famille

Branche vieillesse

Régime général

2009

92,9 %

93,7 %

96,5 %

92,6 %

93,2 %

2010

92,4 %

93,7 %

94,9 %

91,3 %

92,3 %

2011

93,7 %

100,4 %

95,3 %

94,3 %

94,2 %

De tels résultats sont bien entendu très éloignés du principe, inscrit à l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, de l'équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale : « L'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse chargée de la gérer ».

La conséquence de ces évolutions est l'aggravation rapide des déficits, et donc l'accumulation d'une nouvelle dette sociale.

2. Des déficits atteignant des niveaux record

En 2010, le déficit de l'ensemble régime général-fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteint 28 milliards d'euros, soit un montant encore jamais atteint, en progression de 4,5 milliards par rapport à 2009. Toutes les branches voient leur situation se dégrader.

Ce solde a triplé en deux ans, comptabilisant au total une aggravation de 18,6 milliards entre 2008 et 2010, dont 13,7 milliards pour le régime général et 4,9 milliards pour le FSV.

Le tableau ci-après en retrace l'évolution.

Soldes par branche du régime général et du FSV

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Maladie

- 4,6

- 4,4

- 10,6

- 11,6

- 9,6

- 5,9

Vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 7,2

- 8,9

- 6,0

- 5,8

Famille

0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,6

- 2,3

Accidents du travail

- 0,5

0,2

- 0,7

- 0,7

0,0

0,1

Total régime général

- 9,5

- 10,2

- 20,3

- 23,9

- 18,2

- 13,9

FSV

0,2

0,8

- 3,2

- 4,1

- 3,8

- 3,7

Total régime général + FSV

- 9,3

- 9,4

- 23,5

- 28,0

- 22,0

- 17,6

Pour 2011 et 2012, on observe un reflux mais on enregistre encore des niveaux très élevés, deux fois plus hauts qu'avant la crise.

B. UNE DETTE SOCIALE D'UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT

Les déficits sans précédent que connaît depuis plusieurs années la sécurité sociale ont un corollaire immédiat : l'aggravation, elle aussi sans précédent, de la dette sociale.

L'accumulation de cette dette présente des risques sérieux pour la survie même du système de protection sociale.

Pour appréhender complètement la dette sociale, il convient de prendre en compte à la fois la dette transférée à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et la dette courante des organismes de la sécurité sociale gérée par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

1. La dette portée par la Cades

Depuis sa création, la Cades aura repris, au 31 décembre 2011, 199,9 milliards d'euros de dette . La dernière reprise a été votée dans le cadre de la loi de financement pour 2011 : elle a porté sur 65 milliards d'euros pour l'année 2011. Une reprise annuelle de dette, au titre des déficits de la branche vieillesse et du FSV, est également d'ores et déjà organisée jusqu'en 2018.

A ce jour, la Cades a reçu pour mission de porter une dette de 272,3 milliards d'euros (y compris la reprise de 2,5 milliards de dette du régime des exploitants agricoles prévue pour 2012), soit plus de dix fois le niveau de sa mission d'origine. Plus grave encore, cette dette a doublé depuis 2010.

Au 31 décembre 2011 la dette amortie par la Cades devrait s'élever à 59,3 milliards d'euros. L'amortissement annuel est passé de 5,1 milliards en 2010 à 11,37 milliards en 2011 sous l'effet de l'importance de la reprise de dette effectuée en 2011.

La dette restant à amortir devrait s'élever à 140,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2011 .

La dette portée par la Cades

2007

2008

2009

2010

2011 (p)

Montant de la dette portée par la Cades

(en milliards d'euros)

107,6

117,6

134,6

134,6

199,9

Montant de la dette portée et restant à amortir en fin d'année
(en milliards d'euros)

73,0

80,1

92,0

86,7

140,6

(p) : montants prévisionnels.

Source : Cades

Compte tenu des mesures adoptées en loi de financement pour 2011 et de la modification de l'ordonnance organique relative au remboursement de la dette sociale, l'extinction de la caisse est prévue en 2025.

2. La dette courante des organismes de sécurité sociale

Même si elle en constitue la plus grande part, la dette portée par la Cades ne représente pas l'intégralité de la dette sociale. Les déficits cumulés des régimes de base non repris par la Cades, et pour leur majeure partie portés par l'Acoss, en font également partie.

Financés par un recours à des emprunts de court terme, ils sont inclus dans le plafond de trésorerie voté chaque année en loi de financement.

Pour 2012, ce plafond est fixé à 21 milliards d'euros pour le régime général. Sans reprise des déficits 2012 des branches maladie et famille pour cet exercice, il devra être augmenté de plus de 8 milliards d'euros en 2013.

Or, comme le souligne régulièrement la Cour des comptes mais aussi, de manière unanime, votre commission : l'Acoss n'a pas à gérer de dette dépassant le stade infra-annuel habituel en matière de trésorerie.

Depuis la fin 2007, la dette sociale reprise par la Cades s'est accrue de 92,3 milliards d'euros , soit un quasi-doublement de son montant et la date d'extinction de la Cades a été reportée de quatre années , jusqu'à 2025.

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