2. Conditionné à des hypothèses fragiles

Cependant, plus encore que les résultats de cet exercice de projection, ce sont les conditions des équilibres qu'il décrit qu'il faut considérer.

L'équilibre alimentaire mondial y est conditionné par plusieurs évolutions dont les rôles sont inégaux mais qui, comme dans toute prospective, sont discutables une à une, ainsi que l'auteur le souligne.

Ainsi, le scénario tient pour acquis un succès des politiques de développement agricole ce qui est évidemment optimiste.

L'extension des surfaces cultivées en pluvial apporte la majorité de la production supplémentaire . Elle concerne au premier chef l'Afrique sub-saharienne, l'Amérique du Sud et, à un moindre degré, la Russie, l'Ukraine et le Kazakhstan.

La progression des rendements (de 50 % en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique subsaharienne) permet de boucler le scénario.

Enfin, l'irrigation n'est que peu mobilisée excepté en Asie et en Afrique du Nord, au Moyen-Orient où le supplément de production en provenance des zones irriguées atteint, grâce à des gains d'efficacité, près de 20 % du total de la production supplémentaire.

Par ailleurs, ainsi que l'indique l'auteur, ce scénario repose sur un grand nombre d'hypothèses simplificatrices qui font l'impasse sur plusieurs problèmes importants.

Il convient d'en rappeler l'esprit qui consiste à ne pas faire reposer le développement de la production agricole sur l'intensification productive menée dans les conditions de la « Révolution verte », choix qui présente des exigences fortes comme il a été exposé dans la deuxième partie du présent rapport.

Toutefois, il n'exclut pas l'exigence d'une élévation des rendements régionaux dont l'ampleur pourrait exagérer les possibles, limités dans la réalité par l'hétérogénéité des conditions infrarégionales .

Plus discutable encore le scénario fait l'impasse sur des problèmes environnementaux aigus qui sont autant de limites à sa vraisemblance. Par exemple le rôle de pourvoyeur alimentaire de l'Amérique du Sud est suspendu à une mobilisation quasi-totale de l'Amazonie ce qui n'est guère réaliste.

Il suppose, en outre, d'importantes migrations et plus globalement des modifications sensibles de la géographie agricole mondiale qui ne vont pas de soi.

Enfin, au titre des conditions économiques, il repose notamment sur l'hypothèse d'une capacité des pays déficitaires en alimentation à financer les produits importés nécessaires à la couverture de leurs besoins.

En effet, l'hypothèse que le commerce international permettra de combler les déficits locaux de production suppose que les pays ayant ces besoins soient en mesure d'importer, autrement dit que la division internationale du travail les trouve excédentaires sur les autres postes de production.

Cette réserve ne s'applique pas particulièrement au scénario sous revue puisque celui-ci est construit sur des hypothèses de progrès vers l'autonomie alimentaire des régions et réserve, sous cet angle, aux échanges internationaux un rôle plus limité que d'autres scénarios. Elle doit être considérée comme une question majeure que pose la perspective du renforcement du rôle des échanges internationaux dans le bouclage de l'équation alimentaire mondiale.

Ce qu'il faut retenir de la prospective ici présentée c'est que, même en optimisant les capacités agronomiques des pays de sorte que ceux-ci rejoignent une situation proche de leur potentiel, il faudrait compter sur les échanges internationaux plus encore qu'aujourd'hui pour égaliser la demande et l'offre.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page