C. QUELQUES CONCLUSIONS AUTOUR DE CERTAINES CERTITUDES DANS UN CONTEXTE D'INCERTITUDES

Selon le département économique et social de la FAO, une libéralisation plus poussée profiterait surtout aux pays développés

« Selon la plupart des études, une libéralisation complète des échanges agricoles pourrait aboutir globalement à d'importants gains socioéconomiques, mais certains groupes y gagneraient et d'autres y perdraient. Les avantages iraient surtout aux consommateurs et aux contribuables des pays industrialisés où l'agriculture est particulièrement protégée, ainsi qu'aux exportateurs agricoles des pays en développement. Les consommateurs urbains et les paysans sans terre des pays en développement, par contre, risqueraient de devoir payer plus pour certains vivres, notamment les céréales, le lait, la viande et le sucre. Il faudrait donc prendre des mesures spéciales pour venir en aide à ces groupes perdants. »

1. La libéralisation du commerce agricole international peut compliquer l'équation alimentaire pour les pays en développement

Les subventions aux exportations favorisent la position de marché de ceux qui en bénéficient. Elles créent une distorsion de concurrence au détriment des producteurs des pays importateurs. Mais, en fonction de l'absorption des subventions par des intermédiaires, elle crée une rente pour le consommateur final qui, en théorie, bénéficie de prix moins élevés qu'en leur absence. Le coût des subventions est acquitté par les contribuables du pays exportateur. La suppression des subventions à l'exportation profite à ces contribuables et, normalement, aux producteurs locaux. Le consommateur du pays importateur n'a pas de bénéfice à en attendre sauf si les marges sur les produits alimentaires réalisées à partir de productions locales sont inférieures aux marges réalisées à partir des produits importés. Par ailleurs, il faut tenir compte de la suppression éventuelle, ou du moins de l'atténuation, de la protection tarifaire destinée à contrer les subventions des exportateurs. Dans cette hypothèse, ce sont les recettes douanières des pays importateurs qui sont affectées.

Le bilan a priori de la baisse des subventions à l'exportation est ainsi plus mitigé qu'on ne l'indique souvent.

Toutefois, les enchaînements décrits sont des enchaînements à court terme.

Dans une perspective dynamique, la substitution de la production des pays importateurs à celle des pays exportateurs que doit provoquer la suppression des subventions à l'exportation, sous réserve qu'il existe des capacités de production dans les pays importateurs, peut entretenir un cercle vertueux où ces capacités sont progressivement mieux exploitées. Les gains pour les producteurs locaux peuvent alors se doubler de gains pour les consommateurs des pays importateurs, voire pour ceux des pays exportateurs. Mais cet effet est suspendu à la démonstration que peut se mettre en place une structure de la production agricole mondiale plus efficiente.

C'est une partie de l'intérêt des travaux de prospective que de pouvoir apprécier si des mécanismes abstraits ont une chance de trouver des prolongements concrets.

Sur ce point, il existe beaucoup d'incertitudes mais aussi quelques acquis.

Les incertitudes sont si nombreuses qu'elles échappent au recensement. Plutôt donc que de les évaluer une à une, on peut retenir le sentiment qui imprègne le présent rapport ainsi que les autres études prospectives selon lequel la montée des risques auxquels est confronté le système alimentaire mondial, et qui sont distribués très inégalement dans le monde, doit être pleinement prise en compte. À cet égard, si le développement agricole des pays les plus en retard de développement est un impératif, celui-ci doit être vu de façon réaliste c'est-à-dire en pesant les limites de ce développement mais aussi le contexte d'élévation du niveau des risques qui peuvent en remettre en cause la logique formelle. Si les obstacles du développement agricole sont assez bien recensés ainsi que les solutions théoriques pour les surmonter (encore qu'à ces stades déjà il existe de nombreuses inconnues) les risques, notamment le risque climatique mais aussi les risques humains, qui pourraient se concrétiser relèvent davantage de l'incertain.

Une chose paraît certaine c'est que toutes les régions du monde ne sont pas à égalité devant ces limites et ces risques . Le développement agricole mondial doit tenir compte de ce fait. Cela suppose de dépasser l'idée que la restauration du libre fonctionnement des marchés, notamment par la suppression des subventions à l'exportation, aboutira à une agriculture mondiale plus satisfaisante puisqu'aussi bien les marchés paraissent très inégalement capables d'anticiper les risques.

Parmi les certitudes , il faut d'abord mentionner l'existence de limites physiques, indépendantes des limites engendrées par les distorsions de marché, à l'expansion de la production agricole, limites qui sont géographiquement plus ou moins étroites.

Contrairement à d'autres produits, la production agricole est tributaire de contraintes naturelles que les actifs produits peuvent desserrer mais sans les éliminer. Les travaux de prospective envisagés dans le présent rapport montrent que même si les conditions de maximisation des potentiels agricoles locaux étaient réunies, certains territoires, avec les techniques raisonnablement prévisibles, resteraient insusceptibles d'élever leur production, même s'il s'agissait simplement de nourrir leur population.

La redistribution de la production agricole ne bute pas sur les seules restrictions au libre échange (ou sur des obstacles socio-économiques).

Ainsi, il ne faut pas attendre du marché qu'il opère en soi une redistribution complète de la géographie agricole mondiale.

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