B. UNE MISE EN APPLICATION SATISFAISANTE

1. Une mise en application bien maîtrisée

La loi prévoyait trente-cinq mesures d'application. Trente-et-une ont été prises, soit un taux de mise en application de plus de 88 %. Ces mesures d'application figurent dans quinze textes règlementaires, dont dix décrets et cinq arrêtés. Elles comprennent par ailleurs trois mesures non réglementaires : la constitution du comité de suivi de la réforme du taux de l'usure, qui a été mis en place ; le rapport sur la création d'un registre national des crédits aux particuliers, qui a été remis le 2 août 2011 ; et la constitution du comité d'évaluation de la loi, qui n'a pas été mis en place.

Quatre mesures d'application n'ont pas encore été prises au moment de la rédaction du présent rapport.

Les mesures d'application non prises

Articles 32 et 33 (modalités des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires des mutuelles et des institutions de prévoyance) . D'après les informations dont disposent vos rapporteurs, ces deux textes sont en cours de finalisation et seront prochainement soumis à l'examen du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF). Un avis du Conseil Supérieur de la Mutualité (CSM) est requis pour leur adoption. Or, le CSM n'a adopté cet avis que tardivement. Ces mesures concernent l'implication de l'Autorité de contrôle prudentiel dans les procédures de liquidation judiciaire des mutuelles et des institutions de prévoyance.

Article 35 (extension aux régimes dits « en points » des documents d'information contractuelle [notice et « résumé »] déjà exigés pour les contrats d'assurance sur la vie) . Un arrêté doit être pris en application de cet article. Un projet d'arrêté a été préparé et mis en consultation en janvier 2011. Cependant, une difficulté d'application de la loi est apparue pour les contrats dont les garanties sont exprimées à la fois en points et en unités de compte. Il est nécessaire d'ajouter à l'arrêté des dispositions spécifiques pour ce type de contrats qui requiert une importante expertise technique.

Article 58 ( création d'une commission temporaire d'évaluation de la loi ). Cette mission a été confiée au Comité consultatif du secteur financier, tardivement. François Baroin, ministre de l'économie et des finances, a indiqué au Comité consultatif du secteur financier le 21 novembre 2011 : « J'ai rappelé votre implication dans la réforme du crédit à la consommation, ainsi que les premiers éléments de bilan dont nous disposons. Au-delà de ces premiers chiffres la réforme doit profondément transformer les pratiques et les comportements. Ces effets ne peuvent s'apprécier que dans la durée. C'est pourquoi je veux vous confier la mission de dresser de manière périodique le bilan de la mise en oeuvre de la loi portant réforme du crédit à la consommation ».

Au total, la mise en application de la loi, avec un taux de près de 90 %, a été bien maîtrisée par le Gouvernement. Par ailleurs, les mesures restant à prendre ne portent pas sur les aspects fondamentaux du texte intéressant directement la protection du consommateur ou du consommateur surendetté.

2. L'effort de concertation reconnu

En raison du nombre, de l'importance et de la technicité des mesures réglementaires nécessaires à l'application de la loi, le Gouvernement a mis en place un large dispositif de consultation des acteurs intéressés . Il s'agissait d'un engagement de Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances, qui devait prolonger le travail de consultation effectué lors de la discussion de la loi, en particulier au sein de la commission spéciale du Sénat et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

La consultation a essentiellement été organisée au moyen de deux instruments :


l'implication du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Sous la présidence d'une personnalité nommée par arrêté du Ministre de l'économie et des finances, cette instance consultative indépendante rassemble des représentants des établissements financiers (crédit, assurance, financement, banque), des représentants des personnels de ces établissements et des représentants des consommateurs. Ce comité a été saisi à plusieurs reprises, dans le cadre de l'application de la loi, pour rendre des avis formels. Parmi les domaines sur lesquels un avis a été rendu, on citera l'usure, le regroupement de crédits, l'assurance-emprunteur ou encore les textes concernant les publics fragiles (FICP, surendettement).


la procédure de consultation publique via le site du Haut comité de place . L'ensemble des projets de texte ont été mis en ligne et accompagnés d'une notice explicative. Ainsi, toute personne intéressée a pu formuler des commentaires sur les projets de texte avant qu'ils ne soient adoptés. Près de soixante-cinq réponses ont été ainsi obtenues, de la part des associations professionnelles et de consommateurs, des entreprises et des syndicats.

Par ailleurs, des réunions de concertation ont été organisées sur quelques sujets particulièrement sensibles.

L'ensemble des acteurs intéressés auditionnés ont souligné l'intérêt de cette consultation organisée par les services de la Direction générale du Trésor. L'Association française des sociétés financières (ASF), qui représente entre 70 % et 80 % du crédit à la consommation en France, a particulièrement joué son rôle de relais des demandes et des interrogations des établissements de crédit, de la même manière que les associations de consommateurs. Les questions soulevées par les textes mis à la consultation ont pu être levées avant la finalisation et la publication de ces derniers.

3. Des difficultés d'application limitées
a) Les délais de publication des textes d'application

La ministre s'était engagée, lors du vote définitif de la loi en seconde lecture au Sénat, à une mise en application complète de la loi avant la fin de l'année 2010 19 ( * ) . Notre collègue président de la commission des finances du Sénat, alors rapporteur général du budget, Philippe Marini, parlait, lors de la même séance, d'un « sentiment d'urgence » justifiant une mise en application rapide de la loi.

Celle-ci s'est déroulée en trois étapes principales :

- immédiatement après la promulgation de la loi pour les obligations en matière de publicité ;

- à l'automne 2010 pour les obligations pré-contractuelles et contractuelles, ainsi que pour la réforme du surendettement ;

- au printemps 2011 pour la réforme de l'usure et celle des crédits renouvelables, en particulier la règle de l'amortissement minimum du capital.

Le temps supplémentaire pris pour la réforme des crédits renouvelables peut s'expliquer par la nécessité de consulter les acteurs et de permettre aux établissements de crédit de préparer cette évolution qui, contrairement aux autres obligations, n'était pas issue de la directive européenne de 2008. D'un point de vue technique, il était, de plus, nécessaire de trouver une formule de calcul qui permette effectivement de décrire la pente de remboursement souhaitée.

Cependant, certaines mesures auraient pu, sans dommage, être mises en application plus rapidement . En particulier, la réforme du taux de l'usure n'a pu débuter qu'au 1 er avril 2011 suite aux deux arrêtés ministériels du 22 mars 2011. Dès lors que cette mesure se traduit, dans un premier temps, par un régime transitoire, lui-même prévu pour huit trimestres, la pleine application de la réforme ne sera effective qu'au 1 er mai 2013. Il semble que cette entrée en vigueur tardive, à partir du printemps 2011 seulement, ait été demandée par les établissements de crédit.

Certaines mesures, pourtant importantes pour la protection des consommateurs, n'ont été prises qu'en 2012 . Il s'agit notamment du décret n° 2012-471 du 11 avril 2012 sur l'habilitation des associations proposant du microcrédit 20 ( * ) , et du décret n° 2012-609 du 30 avril 2012 relatif à l'information de l'emprunteur lors de la conclusion d'opérations de regroupement de crédits.

Enfin, trois mesures d'application n'ont toujours pas été prises à ce jour (voir encadré ci-dessus).

De façon générale, les retards pris dans la publication des textes d'application se justifient d'autant moins que la procédure d'adoption de la loi a été longue (plus d'un an) et a permis au Gouvernement de préparer une partie du travail réglementaire en amont de la promulgation de la loi.

Certains établissements de crédit, qui avaient préparé et programmé, en interne, l'entrée en vigueur de la loi, ont souligné que la publication tardive des décrets avait posé de réelles difficultés dans la mise en oeuvre de leurs nouvelles obligations.

Par ailleurs, au-delà de la question des délais de mise en application par rapport au moment de la promulgation de la loi, plusieurs parties prenantes ont souligné que les délais, entre la publication du projet de texte et l'entrée en vigueur du texte, étaient parfois courts .

Or, des délais trop rapprochés nuisent non seulement à la qualité de concertation elle-même, mais encore à la qualité de l'application, par les établissements de crédit, de leurs nouvelles obligations . C'est particulièrement le cas pour des obligations dont la mise en oeuvre est lourde et complexe, nécessitant des évolutions dans les modes de commercialisation ou les systèmes informatiques.

b) Les difficultés d'interprétation

Les difficultés d'interprétation rencontrées par le pouvoir réglementaire ont été limitées.

Le texte réglementaire a précisé ce que la loi, dans son article 4, entendait par « lots promotionnels », dont la publicité, pour des crédits à la consommation, a désormais interdiction de faire mention. Le décret du 1 er février 2011 en donne une interprétation restrictive puisque les lots promotionnels sont définis comme les « primes en nature de produits et de biens », à l'exclusion des cadeaux ou remises numéraires .

Lors des débats à l'Assemblée nationale, la solution d'une interdiction globale des lots promotionnels a été privilégiée à l'interdiction à partir d'un certain montant seulement. Le Gouvernement, à l'origine défavorable, s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée 21 ( * ) .

Si la présentation du dispositif en séance renvoyait en effet exclusivement à des cadeaux matériels (lecteur DVD par exemple, voire porte-clés, lors de la discussion en commission des affaires économiques), la discussion avait ensuite porté de façon plus générale sur les incitations à souscrire un crédit. Par ailleurs, l'exposé des motifs de l'un des amendements conjointement adoptés 22 ( * ) prenait comme exemple de lots promotionnels une offre de 50 €. Ainsi, une interprétation extensive aurait pu être retenue , qui aurait renforcé l'encadrement de la publicité.

A l'inverse, la notion « d'opération de regroupement de crédits » a été précisée dans un sens extensif par le récent décret en Conseil d'État du 30 avril 2012. Cette définition protège les consommateurs dans la mesure où elle étend les obligations, applicables aux opérations de regroupement de crédits, aux opérations comprenant d'autres dettes que les seuls crédits à la consommation 23 ( * ) .

Surtout, la principale difficulté d'interprétation a résidé dans les modalités d'encadrement de la durée de remboursement et des règles d'amortissement minimum du capital pour les crédits renouvelables . Le nouvel alinéa 2 de l'article L. 311-16 du code de la consommation dispose en effet que « chaque échéance comprend un remboursement minimal du capital emprunté, qui varie selon le montant total du crédit et dont les modalités sont définies par décret. » En séance, la ministre de l'économie et des finances avait plusieurs fois indiqué que la durée maximale serait de trois ans pour les crédits renouvelables de faible montant, et de cinq ans pour les autres 24 ( * ) .

Il ressortait de la discussion parlementaire que l'encadrement de la durée de remboursement devait s'entendre pour chaque tirage. Notre collègue député François Loos, rapporteur du projet de loi, précisait ainsi que « la durée de trois années envisagée est une durée qui s'entend par tirage : l'objectif est de limiter la durée d'amortissement de chacun des tirages mais pas de limiter la durée de vie du contrat de crédit ».

La ministre, elle-même, avait indiqué devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qu'il s'agissait de « transformer le crédit renouvelable en une série de crédits amortissables au fur et à mesure du rechargement du crédit renouvelable » 25 ( * ) .

Pourtant, le décret d'application du 22 mars 2011 fait porter la durée maximale de remboursement de trois ou cinq ans non pas à chaque tirage séparément, mais au montant restant dû après la dernière utilisation . Dès lors, il ne transforme pas le crédit renouvelable en une série de crédits amortissables, puisque chaque nouveau tirage entraîne un recalcul des échéances .

Cette solution semble donc contraire à l'esprit de la loi tel qu'il transparaît dans certains des débats parlementaires. Cependant, la véritable transformation du crédit renouvelable en une série de crédits amortissables aurait conduit à juxtaposer les utilisations de crédit renouvelable successives, au lieu de les fusionner, ce qui aurait pu provoquer la confusion du consommateur . Ce dernier aurait, en effet, vu figurer sur son relevé de carte, des lignes successives correspondant à chacune des utilisations, avec des durées de remboursement et des montants d'échéances différentes pour chaque utilisation. Par ailleurs, cela aurait remis en cause le principe même du crédit renouvelable , qui consiste à fusionner les utilisations de crédit au sein d'une même échéance.

Il convient cependant de noter que la solution retenue est sans doute plus coûteuse pour l'emprunteur . En effet, chaque réutilisation d'un crédit renouvelable conduit à recalculer le montant des échéances et leurs durées. A chaque réutilisation, la durée est à nouveau portée à son maximum, ce qui augmente d'autant le coût du crédit pour l'emprunteur.

Il ne convient pas, pour l'heure, de remettre en cause la solution choisie par le pouvoir réglementaire. Les effets des modalités de remboursement du capital doivent être en premier lieu mesurés sur un plus long terme, notamment après leur pleine application sur l'ensemble du stock à partir de 2014 . L'objectif du législateur était en effet de recentrer le crédit renouvelable sur sa fonction d'appoint de trésorerie et de financement de petits achats ; c'est à l'aune de cet objectif que les effets de la réforme devront être à nouveau évalués et, le cas échéant, que la solution réglementaire devra être revue.

c) Les modèles-types et l'accompagnement des travaux de mise en conformité

Dans le cadre de la libre concurrence entre les acteurs de marché, il est revenu à chaque établissement de crédit de se conformer aux obligations de la loi. Les services de l'État n'ont pas accompagné ces travaux de mise en conformité autrement que par la diffusion, en amont, de projets de textes réglementaires destinés à la consultation et accompagnés de notices explicatives.

En revanche, les fédérations professionnelles , en particulier l'Association française des sociétés financières (ASF) qui rassemble environ 70 % du marché, ont proposé des guides et des contrats-types pour l'application des mesures légales et réglementaires.

Cependant, le manque de temps entre la publication des mesures et leur entrée en vigueur et l'ampleur des modifications à apporter ne leur ont pas permis de réaliser des documents plus pédagogiques ni d'exposer les évolutions en cours de façon plus régulière et exhaustive dans le cadre de la commission « Financement des particuliers » réunie par l'ASF.


* 19 Sénat, séance du 21 juin 2010 : « je m'engage à ce que les quatorze décrets et les quatre arrêtés nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet de loi - si le Sénat le vote - soient pris avant la fin de l'année 2010. Un calendrier de mise en oeuvre des différents blocs de législation que vous serez amenés à examiner aujourd'hui a été élaboré, afin que les mesures en matière de publicité, de surendettement et, enfin, de modification en profondeur du crédit à la consommation puissent entrer dans notre arsenal législatif et profiter à nos concitoyens le plus rapidement possible ».

* 20

Il convient de noter que le caractère tardif de la publication de ce décret n'a pas empêché la poursuite de l'activité de financement par les associations qui y étaient déjà autorisées sous l'ancien régime d'habilitation.

* 21 Assemblée Nationale, 3 ème séance du 8 avril 2010.

* 22 Amendement n° 316 présenté par M. Dionis du Séjour.

* 23 Le décret s'applique aux opérations qui « [ont] pour objet le remboursement d'un ou plusieurs crédits et, le cas échéant, d'autres dettes » (décret n° 2012-609 du 30 avril 2012, article 2).

* 24 Sénat, séance du 16 juin 2009.

* 25 Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, séance du 9 décembre 2009, compte rendu n° 32.

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