C. DUNKERQUE 9 FÉVRIER 2012

Composition de la délégation : Mme Anne-Marie Escoffier, présidente, M. Charles Guené, rapporteur, MM. Jean-Claude Frécon, Philippe Dallier et Michel Delebarre, vice-présidents, M. Benoît Huré, secrétaire.

La mission avait convié des représentants du SAN Ouest Provence et de la communauté du Pays de Montbéliard à se joindre au déplacement.

1. Rio Tinto Alcan

Entreprise implantée depuis 1989, Rio Tinto Alcan représente aujourd'hui le n° 1 de l'aluminium en Europe, générant 4 000 emplois directs, indirects et induits dans le Dunkerquois. Par ailleurs, l'implantation du site à Dunkerque en 1989 s'est faite plus en raison de la possibilité de produire de l'électricité que sur des facteurs fiscaux.

En 2011, le chiffre d'affaires s'élevait à 479 millions d'euros, avec des dépenses d'investissement égales à 39,2 millions d'euros (contre 22,6 millions d'euros en 2008, 10,2 millions d'euros en 2009 et 13,2 millions d'euros en 2010). Toutefois, les dépenses d'investissement pour 2011 sont exceptionnellement élevées en raison de l'échéance de 2017, qui impose un renouvellement énergétique qui va entraîner une hausse de 80 millions d'euros de coûts supplémentaires chaque année.

Rio Tinto Alcan acquittait 37 millions d'euros de taxe professionnelle et, aujourd'hui, 6 millions d'euros de CET . Si l'entreprise est satisfaite des économies fiscales engendrées par la réforme, elle regrette en revanche la réduction de son lien fiscal avec le territoire qu'elle évalue à 80 %.

Aucune difficulté sur la répartition de la valeur ajoutée, puisque les sites sont autonomes. Il n'existe donc aucune logique de filiale.

2. Communauté urbaine de Dunkerque (CUD)

Avec 200 000 habitants, la communauté urbaine de Dunkerque représente la première plate-forme énergétique d'Europe.

Malgré un taux de taxe professionnelle supérieur à 24 % , le territoire dunkerquois a toujours connu une croissance soutenue de ses bases de taxe professionnelle (37 % entre 2003 et 2009). En d'autres termes, la taxe professionnelle n'aurait jamais entravé les investissements privés au sein de la CUD.

Avant la réforme de la taxe professionnelle, la croissance annuelle des ressources de la CUD s'élevait, en moyenne, à 12 millions d'euros . En 2011 , année de mise en oeuvre du nouveau « panier » de recettes et à périmètre constant, la variation par rapport à 2010 a été légèrement négative, s'élevant à - 500 000 euros . En 2012 , la variation, selon les éléments fournis par les services fiscaux, devrait s'élever à - 900 000 euros .

Les recettes issues de la taxe professionnelle s'élevaient, pour la CUD, à 283 millions d'euros , reposant sur les EBM (245,5 millions d'euros) et le VLTF (37,5 millions d'euros). Ces deux assiettes représentaient des ressources dynamiques. Aujourd'hui, suite à la réforme, seuls 34 % des ressources de fiscalité professionnelle, soit 95 millions d'euros, reposent sur des bases dynamiques . Les 188 millions d'euros restants, représentant la compensation de la perte de taxe professionnelle et le FNGIR, représentent une ressource statique.

Cette réforme a profondément modifié la capacité des élus de la CUD à conduire les projets de la collectivité. C'est pourquoi les élus communautaires réfléchissent actuellement aux nouveaux moyens budgétaires et fiscaux dont ils pourraient bénéficier. Dans un contexte où l'État réduit les moyens de ses propres services publics, le département se replie sur ses missions obligatoires, en raison de leur asphyxie du manque de compensation des transferts de compétences sociales et la région est désormais privée de tout levier fiscal, le couple communes / communautés demeure l'ultime rempart des plus démunis confrontés aux difficultés du chômage et du risque d'exclusion.

Or, la réforme de la taxe professionnelle impacte les relations financières entre la CUD et ses communes membres. La CUD verse à ces dernières une DSC (43 millions d'euros au BP 2012). Pour beaucoup d'entre elles, la croissance de la DSC constitue la seule marge de manoeuvre substantielle leur permettant d'investir. Le tarissement des recettes de la CUD conduit nécessairement à la stabilisation de la DSC, et donc à la remise en cause des capacités d'investissement des communes.

Au-delà des relations financières entre la CUD et ses communes membres, la suppression de la taxe professionnelle produit :

- un impact sur le développement économique . En raison de la suppression du lien entre la présence d'outils de production industriels, qui peuvent être source de pollutions et sont rarement esthétiques dans le paysage urbain, plusieurs questions vont se poser pour les élus communautaires :

- comment convaincre la population que ces handicaps seront compensés par une plus grande capacité de la CUD à apporter des services urbains de meilleure qualité ?

- où s'implanteront les entreprises industrielles indispensables au développement de notre pays ?

- des répercussions sur les entreprises du BTP ;

- un assèchement des marges de manoeuvre nécessaires pour enrayer la décroissance de la population et pour accroître l'attractivité du territoire.

3. Situation du SAN Ouest Provence
a) Présentation de l'agglomération

Le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN) Ouest Provence est un EPCI composé de six communes regroupant près de 100 000 habitants, dans lequel l' industrie représente 22 % de l'emploi (contre 8 % en moyenne nationale). Les atouts économiques du SAN incluent la zone industrielle de Fos-sur-mer mais également la case aérienne d'Istres, le 3 ème port pétrolier mondial, deux zones logistiques et un port conteneurs en développement.

b) Impact financier de la réforme de la taxe professionnelle

La structure financière d'Ouest Provence a été bouleversée par la réforme fiscale :

- les 192 millions d'euros de ressources fiscales issues de la taxe professionnelle avant la réforme ont été remplacées , à hauteur de 73 %, par des dotations (FNGIR et DCRTP) ;

- seules 30 % des ressources sont désormais des ressources dynamiques contre 85 % avant la réforme.

Structure des recettes du SAN

Avant réforme

Après réforme

Dotation d'intercommunalité 1 %

15 %

Dotation d'intercommunalité 1 %

70 %

Autres compensations 2 %

Autres compensations 1,4 %

Compensation part salaire 11 %

Compensation part salaire 9 %

Taxe professionnelle 85 %

FNGIR/DCRTP

TaSCoM 0,3 %

IFER 3 % (dont IFER gaz)

TFNB 0,01 %

TH 3,4 %

CVAE 3 %

CFE 18,2 %

Source : SAN Ouest Provence

Le SAN est en conséquence confronté à un effet de ciseaux sur les finances de la collectivité.

Les perspectives financières annoncent une progression globale des ressources inférieure à 1 %. La hausse naturelle des dépenses, du fait de l'inflation, du glissement vieillesse technicité (GVT) et des normes aboutit à une progression minimale de 2 %. Enfin, le prélèvement au titre du Fonds de péréquation des ressources intercommunal et communal (FPIC) va fortement réduire les capacités financières de la collectivité. Le montant du prélèvement qui sera opéré en 2016 correspond à près de 30 années de dynamique du nouveau panier fiscal.

c) Impact de la réforme sur les implantations industrielles

Face à des contraintes fortes s'agissant d'installations polluantes, génératrices de servitudes importantes, consommant des emprises foncières très larges et créant de moins en moins d'emplois, et face aux exigences des habitants de plus en plus sensibles et organisés face aux sujets environnementaux, la réforme de la taxe professionnelle a compliqué l'équation de l'accueil d'industries : en moyenne le lien fiscal entre l'industrie et les intercommunalités qui les accueillent a été divisé par 4 72 ( * ) .

L'effort de reconstitution de l'intéressement des collectivités au développement industriel doit donc être poursuivi vers les axes suivants :

- transformation en dégrèvement de l'abattement de 30 % sur les valeurs locatives industrielles (CFE) ;

- surpondération au facteur 5 des sites SEVESO ou plus largement des établissements industriels, ciblage global de la CVAE des groupes vers les territoires industriels (CVAE) ;

- création de nouveaux IFER : armateur, logistique (entrepôts, terminaux conteneurs, stockage produits pétroliers), incinérateurs, cimentiers... ;

- dispositif de péréquation nationale : prise en compte différenciée des ressources selon leur caractère dynamique ou figé.

4. Situation du Pays de Montbéliard Agglomération (PMA)
a) Présentation de l'agglomération

Communauté d'agglomération de 120 000 habitants, PMA est comprise dans une aire urbaine de 300 000 habitants, ce qui en fait l'agglomération la plus importante sur l'axe Rhin-Rhône (Strasbourg-Lyon). L' industrialisation ancienne est marquée par l'industrie automobile : Peugeot avec 13 616 salariés, intérim inclus, Peugeot Motocycles, Faurecia blocs avant, Faurecia système d'échappement, Siedoubs, ....

Le budget général de PMA (budget prévisionnel 2012) est de 112 millions d'euros en fonctionnement et 34 millions d'euros en investissement. Les principaux postes du budget de fonctionnement sont :

- attribution de compensation / DSC / FPIC : 36,3 millions d'euros ;

- frais de personnel : 27,5 millions d'euros ;

- autres charges de fonctionnement : 44,6 millions d'euros ;

- intérêts de la dette : 3,8 millions d'euros.

b) Impact de la réforme de la taxe professionnelle sur la communauté

PMA bénéficiait, avant la réforme, de 87 millions d'euros de ressources de taxe professionnelle. Les EBM représentaient 87 % des bases, soit 76 millions d'euros.

La répartition de l' origine des bases de taxes professionnelle montre en 2007 une très forte prédominance de l'industrie (81 % du produit de TP) et plus particulièrement de l'industrie automobile (74 % du total du produit de TP).

La communauté d'agglomération bénéficiait donc de ressources fiscales qui s'élevaient à 94 millions d'euros (TP + TEOM de 7 millions d'euros) sur lesquelles elle disposait d'une autonomie fiscale totale. Aujourd'hui, avec la réforme , elle n'a conservé un pouvoir de taux que sur 39 % des anciennes ressources fiscales , soit un total de 37 millions d'euros.

Source : PMA

La perte de ressources de taxe professionnelle a conduit la communauté d'agglomération à opérer certains choix :

- lissage et étalement de la réalisation des projets d'investissement dans le temps, ramenée à 25 millions d'euros par an (contre 28 millions d'euros auparavant) ;

- forte pression à la baisse des dépenses de fonctionnement : - 2,8 % sur les charges totales de fonctionnement (avec une hausse des charges de personnel contenue à + 0,9 %) ;

- recours modéré à la fiscalité (+ 10 %).

c) Impact défavorable du FPIC

La communauté d'agglomération constate en outre un impact défavorable du FPIC. Selon les informations fournies par le Gouvernement et la DGCL, PMA pourrait être contributrice au FPIC à hauteur de 637 000 euros. Les élus estiment que ce prélèvement pourrait être acquitté à hauteur de 58 % par les communes membres (368 000 euros) et 42% par la communauté d'agglomération (269 000 euros). Par ailleurs, la communauté d'agglomération prendrait en charge la participation de deux communes éligibles à la DSU « cible » : une annulation estimée de la participation communale pour 14 000 euros pour Bethoncourt et une minoration de 50 % estimée de 26 000 euros pour Audincourt.

Les représentants de la communauté d'agglomération considèrent donc que ce nouveau dispositif frappe les agglomérations industrielles qui connaissent ainsi une sorte de « double peine ».

Or, l'observation des revenus des ménages classe nettement le Pays de Montbéliard, l'un des plus forts contributeurs au FPIC, en-dessous de la moyenne nationale : mesuré par unité de consommation, le revenu médian était en 2009 de 16 683 euros, soit seulement 91 % du revenu médian de la France métropolitaine (18 355 euros). Les logements sociaux représentent 25 % des habitations du Pays de Montbéliard contre 15 % en moyenne nationale et la part des ouvriers dans la population active est également plus élevée (33,3 % des emplois contre 22,6 % en moyenne pour la France métropolitaine). Par ailleurs, PMA et la plupart de ses communes membres seront contributeurs au FPIC alors que les ressources de ces communes sont souvent inférieures à celles de la moyenne de leurs strates respectives. Sur 28communes contributrices au FPIC dans le PMA, 7 ont des ressources supérieures à la moyenne de leur strate, tandis que 21 ont des ressources inférieures à la moyenne nationale de leur strate.


* 72 A partir d'une analyse des 25 plus importants établissements industriels représentant plus de 80 % des recettes de taxe professionnelle. Le total de TP était de 158 M€. La somme des produits de CFE, CVAE et IFER atteint 42M€ (32 +3,5 +6,3).

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