D. ILE-DE-FRANCE 16 FÉVRIER 2012

1. Chambre de commerce et d'industrie de Paris

M. Pierre-Antoine Gailly, Président de la CCIP

Globalement, la réforme a permis une baisse de la pression fiscale sur les entreprises. Ce constat est vrai pour les PME, moins évident pour les ETI et les TPE.

Toutefois, le surplus induit d'impôt sur les sociétés, dont l'Etat est le bénéficiaire, réduit d'un tiers le gain produit par la réforme.

Il est difficile de faire un point précis sur les effets de la réforme, celle-ci ayant été d'une extrême complexité et la mise en oeuvre des nouvelles impositions ayant causé de grandes difficultés.

Les TPE ont souffert de la hausse de la base minimale de la CFE, notamment à Paris où le conseil municipal l'a portée, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 100 000 euros, de 341  à 2 000 euros, ce qui représenterait un surplus de recettes fiscales de 10 millions d'euros pour la Ville. Cette augmentation spectaculaire a peut-être été constatée dans d'autres communes de la région.

La situation des auto-entrepreneurs reste également floue. Ils bénéficient en théorie de trois années d'exonérations de CFE et à ce titre 50 000 personnes ont été exonérées. Mais certains ont reçu des avis d'imposition alors qu'ils croyaient échapper à cette imposition qui se cumule avec la taxe d'habitation et n'est pas en lien avec le chiffre d'affaires.

Le barème de la CVAE aboutit à des effets de seuil assez considérables lors des passages de chiffres d'affaires à 152 000 euros, 500.000 euros et 2 millions d'euros.

Les déclarations des effectifs salariés ont posé des problèmes pour certaines professions : l'intérim, les entreprises de transport, le BTP. Pourquoi avoir créé de l'incertitude et créé un risque fiscal alors que l'on pouvait opter pour l'utilisation des DADS ?

Le lissage des effets de la réforme sur 5 ans explique qu'on ne puisse pas clairement identifier ses effets dès aujourd'hui, notamment en termes d'emploi et de relocalisations. L'impact de la réforme de la taxe professionnelle est également brouillé par la mise en place de la nouvelle taxe sur les bureaux en Ile-de-France et par les effets de la mauvaise conjoncture économique.

De manière générale, le lien entre la collectivité territoriale et l'entreprise est distendu, intermédié par la clé de répartition des effectifs. Le maire ne peut plus aller voir un chef d'entreprise pour évoquer le taux de taxe professionnelle de sa commune.

La fiscalité a toujours été moins importante que les questions des transports et de la desserte, de la disponibilité du foncier et du logement dans les critères de localisation des entreprises.

La valeur ajoutée constitue une meilleure base d'imposition que les équipements et biens mobiliers mais le problème des valeurs locatives obsolètes demeure.

M. Philippe Solignac, Président de la délégation Paris, Vice-président du Bureau national de la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), Président ile-de-France du syndicat des hôtels, restaurants, cafés et traiteurs (SYNHORCAT)

La taxe professionnelle était un système archaïque et anti-économique.

Sa réforme a entraîné une hausse de la taxation des grands groupes et des TPE, particulièrement sensible pour les entreprises parisiennes centrées sur le commerce et les services. Les entreprises de taille modeste y gagnent du fait d'une diminution de leur charge fiscale.

C'est davantage l'effet CFE que l'effet de la CVAE qui joue pour les petites entreprises. La CFE est payée directement aux communes. A Paris, la municipalité a fixé à 2000 euros la base de la cotisation minimale. En réponse à une demande de la CCI en septembre 2011 appelant à la modération, la mairie s'est engagée à procéder à une évaluation des conséquences dans un an.

La révision des valeurs locatives pourrait entraîner une nouvelle modification du niveau d'imposition de ces petites entreprises notamment par une augmentation de la taxation des commerces et une baisse de l'imposition des bureaux.

Certaines entreprises peuvent voir leur imposition augmenter car l'agrégation du chiffre d'affaire de leurs différents établissements conduit à les imposer à la CVAE au taux de 1,5 % tandis que l'imposition à la taxe professionnelle de chaque établissement était plus faible.

M. Jean-Yves Durance, Président de la délégation Hauts-de-Seine, Président de l'association des utilisateurs de la Défense (AUDE)

Le remplacement de la taxe professionnelle n'est pas le principal sujet de préoccupation des entreprises d'Ile-de-France. Les enjeux du versement transport ou de la taxe sur les bureaux sont bien plus importants.

La question de l'accès au logement, en particulier intermédiaire, est également plus importante aux yeux des entrepreneurs et des élus locaux car c'est un facteur de risque de délocalisation.

Pour le moment, la lisibilité de la réforme est réduite. La notion de surface affectée à l'activité reste, par exemple, confuse. La présentation pratique des feuilles d'imposition est également à revoir ; elles donnent l'impression par exemple que l'ensemble des nouvelles impositions se font au profit de la CCIP.

M. Gérard Lissorgues, Président de la délégation de Seine-Saint-Denis, Président de la chambre syndicale des entrepositaires-grossistes franciliens, importateurs nationaux de bières et autres boissons

La taxe professionnelle était un impôt curieux, pénalisant à la fois l'investissement et les salaires.

Sur six entreprises examinées, cinq ont gagné à la réforme, la dernière ayant vu son imposition augmenter en 2010 mais en raison d'une très forte hausse de sa valeur ajoutée.

La réforme n'a pas choqué les entrepreneurs qui attendent maintenant de la stabilité juridique, fiscale et sociale. Le problème du logement, notamment pour les cadres, et celui de la formation professionnelle sont effectivement bien plus essentiels.

2. Elus de Seine-Saint-Denis

M. Frédéric BORIE, commune du Blanc-Mesnil (93), 50 000 habitants.

La réforme de la taxe professionnelle a généré un avantage fiscal pour les entreprises industrielles , en raison de la suppression de l'assiette EBM. En revanche, elle est à l'origine d'un certain nombre de difficultés pour les collectivités.

S'agissant de la commune du Blanc-Mesnil, les points suivants apparaissent :

- la CET ne favorise pas, contrairement à l'ancienne assiette EBM, les ressources des collectivités reposant sur l'industrie, ce qui pénalise particulièrement les collectivités de la Seine-Saint-Denis, département industriel ;

- le lien unissant une activité économique et le territoire a été fortement bouleversé par la réforme. Désormais, les territoires préfèrent recevoir des sièges sociaux avec des bureaux représentant une surface en m² élevée au détriment d'activités polluantes ;

- les élus ont relevé la mauvaise qualité de l'information fournie par les services fiscaux, avec une surestimation des produits fiscaux attendus. Ainsi, les prévisions de produit de la CVAE fournies par les services fiscaux ont été de 30 % supérieures à celles réellement perçues par la commune, représentant un différentiel de 1 million d'euros. Ces erreurs de prévisions , qui tiennent notamment à la question de la ventilation des effectifs, sont préjudiciables au respect du principe de sincérité du budget. La commune du Blanc-Mesnil a évalué entre 1,7 et 1,8 million d'euros par an les erreurs de prévisions des services fiscaux, 70 % de ces erreurs portant sur l'impôt économique et 60 % sur la CVAE. Sur l'IFER, la marge d'erreur, faible en valeur absolue, a été de 14 % ;

- les erreurs de prévisions ont été particulièrement prégnantes pour la situation de la commune au regard du FNGIR . Initialement, la commune devait être bénéficiaire du FNGIR à hauteur de 2 millions d'euros. Suite à la première clause de revoyure, la commune est devenue contributrice à hauteur d'un million d'euros. Depuis la fin de l'année 2011, la commune est redevenue bénéficiaire du fonds à hauteur de 84 000 euros.

De manière générale, les communes de Seine-Saint-Denis disposaient de peu de ressources de taxe professionnelle et, bien que pauvres, ont des taux d'imposition des ménages élevés. C'est la raison pour laquelle une grande majorité de ces communes sont aujourd'hui contributrices au FNGIR.

En ce qui concerne la cotisation minimale , le problème ne se pose pas dans le département et généralement les petites structures économiques ont déjà des taux d'imposition très élevés.

M. Jean ARSLAN, Commune de Montfermeil, 25 000 habitants, membre de la communauté d'agglomération de Clichy-sous-Bois Montfermeil.

Les lacunes de l'information ont été constatées également par la commune.

La réforme de la taxe professionnelle était très attendue , car elle permettait un glissement du poids de l'impôt économique « de l'industrie vers les services ». Le budget de la communauté d'agglomération de Clichy-sous-Bois Montfermeil disposait, avant la réforme d'un budget de 25 millions d'euros, dont une grande part (70 %) provenait de la taxe professionnelle. Pour autant le produit de TP par habitant n'était que de 118 euros contre 300 euros en moyenne pour les EPCI de la même strate.

La réforme de l'imposition économique, du fait des effets contraires de l'allègement fiscal des entreprises, des transferts d'imposition en provenance du département et des prélèvements pour le FNGIR, s'est traduite par un jeu à somme nulle en ce qui concerne la communauté d'agglomération.

Pour l'EPCI, la réforme s'est accompagnée d'une perte de pouvoir fiscal puisque le seul levier disponible reste l'augmentation de la fiscalité des ménages. Par ailleurs, la taxe professionnelle permettait d'investir dans le tissu économique. La CET ne le permet plus, ou moins, aujourd'hui. L'impôt s'est d'une certaine façon transformé en dotation.

Enfin, la CVAE est, en comparaison avec la taxe professionnelle, plus difficilement évaluable, en raison de la valeur ajoutée qui est procyclique. De fait, les collectivités rencontrent de sérieuses difficultés pour anticiper la planification pluriannuelle de leurs investissements.

3. Conseil régional d'Ile-de-France

Mme Marie-Pierre DE LA GONTRIE (Réponses au questionnaire adressé par la mission commune d'information)

a) Les ressources de la région

(1) Quelle a été l'évolution, depuis 2009, des ressources fiscales de la région Ile-de-France ?

- 2010 a constitué une année de transition dans le cadre de la réforme de la TP.

Ainsi, la région a perçu les parts régionales des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, qui ont été maintenues en 2010 pour la dernière année, ainsi que le versement d'une « compensation relais » pour la suppression de la taxe professionnelle. Cette compensation devait être égale au plus élevé des deux montants suivants : soit le produit 2009 de la TP, soit le produit potentiel résultant de l'application aux bases de TP 2010 du taux de TP adopté par les régions en 2008 (égal au taux 2009 pour l'Ile de France soit 1,72 %) et c'est ce second calcul qui a été retenu pour la région d'Ile de France (IDF). De ce produit a été déduit le coût, en 2009, du plafonnement de la TP à 3,5 % de la valeur ajoutée.

Ainsi, la région a perçu en 2010 un produit de fiscalité directe (hors rôles supplémentaires) qui a progressé de + 2,9 % par rapport à 2009.

- En 2011 , la réforme fiscale a plafonné (modulo la progression sur les IFER) la nouvelle fiscalité directe régionale (CVAE + IFER) au niveau perçu en 2010 avec l'intervention du mécanisme du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR). Ainsi, le produit fiscal régional 2011 a fait l'objet d'un prélèvement de 668,9 M€ au titre du FNGIR et a enregistré au final une progression de + 0,4 % par rapport à 2010 du fait de la progression des IFER.

- En 2012 , selon les premières informations relatives à la progression de la CVAE en 2012, la CVAE en Ile de France devrait progresser de +1,67 % . Le produit régional des IFER devrait stagner (-0,08 %).

Ainsi, compte tenu du fait que la loi gelait en 2011 le nouveau produit fiscal au produit fiscal de référence basé sur celui perçu en 2010, 2011 a constitué une année « blanche » avec une absence d'évolution de la fiscalité directe locale (contre une évolution moyenne annuelle des bases de la TP et des taxes foncières en Ile de France de +3,79 % entre 1993 et 2009). En 2012, le produit de la fiscalité directe régionale après réfaction du FNGIR reste inférieur de 3,95 % à ce qu'aurait été notre produit fiscal 2012 sans la réforme de 2010. Au total, le manque à gagner pour la région sur les deux années 2011 et 2012 s'élèverait à environ 50 M€.

(2) Comment évaluez-vous la croissance attendue de la CVAE au profit de la région pour les années à venir ?

Selon les premières informations relatives à la progression de la CVAE en 2012 (informations qui recouvrent environ 91 % de la CVAE versée aux régions), la CVAE en Ile de France 73 ( * ) progresse (+1,67 %) à un rythme inférieur à la moyenne de métropole hors Ile de France (+2,14 %).

Il nous parait difficile d'établir des prévisions régionales au-delà ; toutefois on peut d'ores et déjà anticiper que les évolutions nationales de la CVAE pour 2013 (CVAE basée sur la valeur ajoutée 2011) et pour 2014 (CVAE basée sur la valeur ajoutée 2012) seront très faibles.

(3) Une modification du panier fiscal des régions vous semble-t-elle souhaitable ? Le cas échéant, laquelle ?

Oui, une modification du panier fiscal des régions nous parait souhaitable.

- Les régions disposent désormais quasi-exclusivement d'une fiscalité assise sur des flux (taxe sur les certificats d'immatriculation, CVAE, modulations TIPP, redevance pour création de bureaux en Ile de France).

C'est en particulier à ce titre que les régions ont été pénalisées par la réforme fiscale de 2010 par rapport aux autres niveaux de collectivités dont la nouvelle fiscalité directe est composée à hauteur de plus de 91,4 % d'une fiscalité sur stock pour le bloc communal et de 60,9 %pour les départements, quand les régions ne disposent que de 14,7 %de fiscalité directe sur stock (à savoir les deux IFER qui lui sont affectées et dont les bases sont particulièrement peu dynamiques).

Cette nouvelle structure des recettes fiscales régionales rend les budgets régionaux particulièrement dépendants de la conjoncture économique alors même que leur action s'inscrit souvent dans une perspective contra-cyclique.

- Le manque de dynamisme de la fiscalité sur stock est désormais reconnu. Dans le cadre de la réforme, les régions se sont vu accorder l' IFER Telecom dont l'assiette initiale sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre, a été étendue aux unités de raccordement (UTA) et aux cartes d'abonnés en LFI 2011.

Cette évolution a été assortie d'une clause de sauvegarde du produit par un plancher de recettes fixé à 400 M€ (garantie pour l'année suivante).

En l'état actuel du droit, cette taxe est doublement problématique. D'une part, l'assiette n'a aucun dynamisme, au contraire elle régresse. En effet, le développement du nombre de lignes fixes traditionnelles stagne au bénéfice des abonnements mobiles (non compris dans l'assiette de l'IFER). En outre, à plus long terme, la technologie de la fibre optique (non comprise dans l'assiette) se substituera à celle de la boucle locale cuivre. D'autre part, les modifications apportées en LFI 2011 sur les tarifs et les assiettes sont insuffisantes à maintenir le niveau de la recette. Le parlement l'a reconnu implicitement en adoptant un mécanisme de sauvegarde qui compense, l'année suivante, la perte par rapport à un plancher de recettes prévu à 400 M€. Or ce mécanisme est entré en application dès la première année puisque le produit perçu en 2011 au titre de l'IFER Telecom est d'ores et déjà inférieur au seuil de 400 M€.

Ainsi, les régions souhaitent que soit revue l'IFER Telecom qui leur a été octroyée. L'assiette actuelle de cette imposition est structurellement dégressive. Les régions demandent à ce que soient prises des mesures sur l'assiette (intégration du réseau de la téléphonie mobile et du réseau fibre optique) et sur les tarifs (en particulier par l'augmentation du tarif et la création des tarifs pour les stations de radiotéléphonie ainsi que pour les points de raccordement optiques à l'abonné).

- L' absence de diversité fiscale est préjudiciable aux régions qui ne conservent, après la réforme, qu'une fiscalité directe exclusivement assise sur les entreprises (quand 77 % de la nouvelle fiscalité directe du bloc communal est assise sur les ménages et 60 %pour celle des départements). La rétrocession d'un impôt ménage au profit des régions permettrait de rétablir le lien entre la région et ses administrés et d'avoir une matière fiscale plus équilibrée, donc réduisant les risques par rapport à la conjoncture économique.

(4) Vous paraitrait-il souhaitable de donner aux régions la possibilité de moduler le taux de CVAE applicable sur leur territoire ou de voter un taux complémentaire d'imposition à la CVAE ?

Oui il nous parait souhaitable de donner aux régions la possibilité de moduler le taux de CVAE applicable sur leur territoire.

Une telle mesure permettrait de redonner des marges de manoeuvre aux régions dont les budgets sont excessivement contraints par des dépenses de fonctionnement structurelles qui progressent (TOS, transports,...) et des ressources de fonctionnement qui stagnent (dotation, TIPP,...), voire régressent potentiellement (en fonction de la conjoncture pour ce qui est de la fiscalité sur flux : CVAE, taxe sur les certificats d'immatriculation, contribution au développement de l'apprentissage...).

Un nouveau pouvoir de taux permettrait :

- de résoudre en grande partie le problème de l'inégale répartition de la valeur ajoutée au niveau national,

- de supprimer les fonds de péréquation qui se juxtaposent les uns aux autres (FNGIR, fonds national de péréquation de la CVAE des régions) pour « corriger » imparfaitement (par le biais de quasi-dotations) une réforme dont les résultats ne sont satisfaisants pour personne.

(5) Quel jugement portez-vous sur le traitement de la région Ile-de-France au regard du mécanisme de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (Fonds national de garantie individuelle des ressources FNGIR) ?

Le produit de CVAE régionale est en grande partie reversé dans le cadre de la péréquation horizontale du FNGIR. La région d'Ile de France reverse par l'intermédiaire du Fonds plus de la moitié (55 %, environ 669 M€) de la CVAE recouvrée sur le territoire régional et n'en bénéficie donc qu'à hauteur de 45 %. Le prélèvement ainsi opéré est reversé aux autres régions et constitue donc bien une recette pour ces dernières (qui représente plus de 15 % de leur nouveau panier fiscal).

Or, le législateur a proposé pour les régions la définition d'un « indicateur de ressources fiscales » (article 143 de la LFI 2012) non exhaustif, car il ne prend ni en compte ces reversements opérés par le FNGIR aux régions bénéficiaires ni les versements de DCRTP 74 ( * ) à ces mêmes régions, alors même que ces dotations sont prises en compte dans l'indicateur de ressources des communes (article 140 de la LFI 2012) et des départements (article 138 de la LFI 2012). Ce choix spécifique régional induit une minoration des ressources des régions qui perçoivent la DCRTP et le FNGIR (soit environ 1,3 Mds€, 31 % des ressources totales qui ont compensé la suppression de la TP ne sont pas prises en compte pour ces régions). Cette asymétrie de traitement pose question quant à la pertinence d'un tel indicateur et quant à l'usage qui doit en être fait notamment dans le cadre des mécanismes de péréquation à mettre en place.

b) La péréquation

(1) Quel jugement portez-vous sur le mécanisme régional de péréquation de la CVAE prévu pour entrer en vigueur en 2013 ? Etes-vous favorable à un prélèvement sur la croissance nette de la CVAE ou sur le différentiel de croissance entre la CVAE de la région Ile-de-France et la CVAE nationale ?

Le mécanisme défini à l'article 124 de la LFI 2011 est censé répondre au problème des inégalités entre régions en termes d'évolution du produit de CVAE. Seraient contributrices les régions dont l'évolution cumulée de leur CVAE est supérieure à celle constatée au niveau national et dont le potentiel financier par habitant (PF) est supérieur au PF moyen de l'ensemble des régions. Seraient éligibles aux ressources de ce fonds les régions dont le PF est inférieur à 0,85 fois le PF moyen.

Ainsi, que cela soit pour déterminer les régions contributrices comme les régions bénéficiaires, ce mécanisme est fondé sur le critère du potentiel financier, critère non défini actuellement par la loi. Il parait essentiel pour la Région d'IDF que soit déterminé courant 2012 un critère équitable et exhaustif, à l'instar de ce qui a été fait pour les collectivités du bloc communal comme pour les départements en LFI 2012, c'est-à-dire un critère qui prenne en compte l'ensemble des nouvelles ressources des régions y compris les dotations du FNGIR et de la DCRTP.

La région d'Ile de France n'est pas favorable à un prélèvement qui serait opéré sur la croissance nette de sa CVAE et qui donc priverait la collectivité du dynamisme de son territoire auquel son action participe. Un prélèvement basé sur le différentiel de croissance entre la CVAE régionale et la CVAE nationale parait plus équitable et permettrait de garantir une convergence des évolutions.

(2) Quelle part de la CVAE la région est-elle prête à « abandonner » au profit de la péréquation ?

La région d'Ile de France « abandonne » d'ores et déjà plus la moitié de sa CVAE (55 %) au bénéfice de la péréquation opérée par le FNGIR. La « territorialisation » de la CVAE, souhaitée par les Parlementaires lors de l'élaboration de la réforme, est ainsi largement affectée en Ile de France par le mécanisme du FNGIR.

L'introduction à compter de 2013 d'un nouveau mécanisme dont l'objet serait alors de prélever une part de la croissance annuelle de la CVAE régionale constitue une atteinte supplémentaire à la « territorialisation » de cet impôt et parait contre-incitatif. En effet les régions seraient privées d'une partie des fruits de leur action en matière de développement économique territorial et cela contribuerait de façon supplémentaire à rompre le lien, au demeurant largement déjà remis en cause, entre la collectivité et son territoire.

(3) Jugez-vous les critères de répartition de ces fonds satisfaisants, notamment les critères de charges ?

En l'état actuel des textes, la répartition des ressources du fonds est effectuée entre régions éligibles en fonction du critère de ressources du PF (pour 50 %) et de trois critères de charges (pour 50 %).

Les critères de charges sont les suivants :

pour 1/3, au prorata de leur population,

pour 1/3, au prorata de l'effectif des lycéens et des stagiaires de formation professionnelle,

pour 1/3, au prorata de leur superficie.

Les critères de charges qui ont été retenus ne sont pas satisfaisants. En effet, il parait anormal qu'aucun indicateur représentatif des charges en matière de transports n'ait été retenu compte tenu du poids des dépenses transport dans le total des budgets des régions (22 %) pour 19 % pour les dépenses de formation professionnelle et 24 % pour les dépenses d'enseignement. Par ailleurs, trop de poids est donné au critère de superficie. Or si ce critère peut être représentatif des charges des régions peu denses, il ne l'est pas pour les régions qui ont à supporter des charges de centralité comme la région d'Ile de France (un kilomètre de transport en commun coûte beaucoup plus cher en Ile de France qu'un kilomètre de voie ferrée dans une région peu dense).

Pour ce qui est du critère de ressources du PF se reporter à la réponse n°5.

(4) L'indicateur de ressources fiscales des régions, créé par la loi de finances pour 2012 et qui prend en compte leur PIB, fait-il l'objet d'un consensus entre les régions françaises ? Pourrait-il être utilisé pour la mise en oeuvre du fonds de péréquation de la CVAE ?

L'indicateur de ressources fiscales (IRF) des régions ne prend pas en compte de PIB.

La LFI 2012 propose la définition d'un « indicateur de ressources fiscales - IRF » (article 143) qui vient annuler et remplacer l'ancien potentiel fiscal défini à l'article L.4332-5 du CGCT. Ce nouvel indicateur est constitué :

du produit de la nouvelle fiscalité (CVAE et IFER),

(+) modulation TIPP,

(+) taxe sur les certificats d'immatriculation,

(-) prélèvement au titre du FNGIR, pour la seule Région IDF.

Comme il a été dit précédemment (question n°5), cet indicateur est problématique pour la région Ile de France. La spécificité du critère de ressources des régions tient à ce qu'il exclut le montant reçu au titre de la DCRTP et que l'impact du FNGIR n'est pris en compte que dans l'hypothèse d'un prélèvement (une seule région concernée : la région d'Ile de France) et non dans l'hypothèse d'un reversement (toutes les autres régions concernées). Ce choix spécifique régional induit une minoration des ressources des régions qui perçoivent la DCRTP et le FNGIR (soit environ 1,3 Mds€, 31 % des ressources totales qui ont compensé la suppression de la TP ne sont pas prises en compte pour ces régions), c'est-à-dire de toutes les régions sauf l'IDF.

C'est l'éligibilité à la péréquation de la DGF qui est fonction de deux critères : celui de l'IRF et celui du PIB par habitant.

Ainsi, selon l'article 143 de la LFI 2012, sont éligibles à la péréquation les régions de métropole dont l'IRF est inférieur à l'IRF moyen et dont le PIB par habitant est inférieur à 1,3 fois le PIB moyen par habitant. En 2009, le PIB/hab. moyen en France métropolitaine s'élève à 29 897 €, donc 38 866 € pour 1,3 fois le PIB moyen, seule l'Ile de France dépasse ce plafond en 2009 avec 46 984 €. La prise en compte du PIB/hab. n'avait pas été évoquée lors des travaux au sein du groupe de travail de l'ARF. Elle constitue un ajout de « dernière minute » de la DGCL afin de prévenir la situation où l'IRF de la région d'Ile de France passerait sous l'IRF moyen rendant ainsi notre région éligible à la péréquation.

Cet ajout « sur mesure » conçu pour exclure la région d'Ile de France est pour le moins suspect. D'une part car il disqualifie le critère de l'IRF. Par ailleurs, il ne nous parait pas pertinent par son essence même. En effet, il ne faut pas confondre richesse du territoire et richesse de la collectivité régionale :

La région d'Ile de France dispose de ressources par habitant plutôt inférieures à la moyenne.

En termes de ressources fiscales par habitant la région d'Ile de France se situe dans la moyenne en 2010 (193 €/hab. en IDF contre 186 €/hab. en métropole hors Ile de France). Toutefois, en 2010, les recettes réelles de fonctionnement par habitant de la région d'Ile de France (293 €) sont parmi les plus faibles (après la région Pays de la Loire) et, en tout état de cause, inférieures de 14 % à la moyenne de métropole hors Ile de France (341 €).

Cette situation se reflète également dans les ratios d'épargne.

L'épargne brute (recettes réelles de fonctionnement - dépenses réelles de fonctionnement) par habitant en Ile de France est inférieure de plus de 16,7 % à la moyenne métropolitaine hors Ile de France.

Alors que les dépenses de fonctionnement par habitant de la région d'Ile de France sont inférieures à la moyenne.

Ainsi, en 2010 les dépenses réelles de fonctionnement par habitant en Ile de France (223 €/hab.) sont inférieures de 14 % à la moyenne de métropole hors IDF (258 €/hab.). En particulier, les frais de personnel représentent en Ile de France 14 % des dépenses de fonctionnement (et seulement 3,7 % pour les frais de personnel hors TOS), contre 17,1 % en métropole hors Ile de France.

En outre, la région doit faire face à des inégalités territoriales beaucoup plus fortes que dans les autres régions.

Les inégalités territoriales sont très fortes en Ile de France. Les écarts de richesse sont particulièrement importants et vont de 1 à 10 pour les communes de plus de 10 000 habitants (quand ces écarts ne sont que de 1 à 3 en région Rhône Alpes et de 1 à 9 en région Nord Pas de Calais. La région Ile de France compte en effet de nombreux territoires parmi les plus défavorisés de France. Ainsi, 26 Zones Franches Urbaines (ZFU), sur 100 au total au niveau national, sont en Ile de France. Les projets de rénovation urbaine se concentrent singulièrement en région d'Ile-de-France (29,8 % des projets validés par le comité d'engagement), bien davantage qu'en régions Nord-Pas-de-Calais (10,4 %) et Rhône-Alpes (8,8 %). Au final, les projets franciliens représentent 37,1 % des financements du programme national de rénovation urbaine, soit 4,3 milliards d'euros de subvention 75 ( * ) .

La Région a donc dû s'engager significativement sur des politiques à la demande de l'Etat (logement social, apprentissage, formation professionnelle,...). La région d'Ile de France a signé une convention avec l'ANRU, à l'instar de douze autres régions. La seule contribution régionale de l'Ile de France (1 234 M€) dépasse la somme des apports des autres régions (1 146 M€) sur la période 2007-2013.

La brève analyse de l'ensemble de ces éléments montre que la collectivité régionale francilienne n'est pas dans une situation plus confortable que les autres régions et qu'il faut dissocier la richesse du territoire francilien (mesurée par le PIB) et celle de la collectivité régionale qui n'a pas le pouvoir de mobiliser cette richesse, alors qu'elle doit faire face à des besoins qui ne sont pas moindres mais au contraire, et notamment en matière de transports, sans commune mesure avec ceux des autres régions en tant que région capitale.

c) Perspectives

(1) Quels sont les effets probables de la réforme de la taxe professionnelle sur la politique de développement économique de la Région ? Peut-elle conduire à une réorientation des priorités, par exemple au détriment des entreprises industrielles ?

Comme il a été dit précédemment, les mécanismes de péréquation qui se juxtaposent les uns aux autres (FNGIR, fonds national de péréquation de la CVAE des régions) remettent en cause la « territorialisation » de la CVAE qui avait été souhaitée initialement par les Parlementaires. Ces mécanismes peuvent sans conteste avoir un effet dés-incitatif sur les politiques locales en matière de développement économique.

A ce stade, une réponse à cette question apparaît prématurée car la Région ne dispose pas assez de recul (données détaillées communiquées par la DGFIP fin décembre 2011 qui n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse détaillée sur les contributeurs à la CVAE). Cependant, c'est une vraie question qui devra être analysée de manière approfondie en évaluant effectivement les effets de cette réforme sur notre assiette fiscale.

(2) La réforme de la fiscalité locale peut-elle avoir un effet positif sur la réduction des écarts de richesse au sein de la Région ?

La réforme du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile de France a été incluse en LFI 2012 76 ( * ) . Il nous parait prématuré de vouloir évaluer son impact en matière de réduction des écarts de richesse au sein de la Région. Toutefois il est très vraisemblable que compte tenu de l'augmentation des ressources du fonds, celui contribue davantage à une réduction des écarts de richesse.

(3) En prenant en compte à la fois la réforme de la fiscalité locale (allègement de l'impôt économique local) et les réformes fiscales liées au projet de transport du Grand Paris (augmentation de la fiscalité sur les bureaux et surfaces commerciales), comment appréciez-vous le bilan des réformes récentes sur l'activité économique en Région Ile-de-France ?

S'il est possible à ce stade d'évaluer le coût financier de la réforme de la TP pour le budget régional : manque à gagner de 50 M€ sur 2011 et 2012 (cf réponse n°1), coût qui s'accompagne pour l'avenir d'une perte quasi-totale du pouvoir de taux des régions et donc de toute flexibilité budgétaire ;

... comme d'établir un bilan pour de la réforme sur le budget de l'Etat. En effet, la suppression de la taxe professionnelle serait plus coûteuse que prévu. Dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, le rapporteur du Budget, Gilles Carrez, fournit une évaluation à la hausse du coût de la réforme. En régime de croisière, le manque à gagner pour l'Etat devrait s'élever à 6,7 milliards d'euros, contre 5,8 milliards d'euros anticipé par le gouvernement lors de la mise en oeuvre de la réforme, en 2009.

Il parait très difficile a contrario d'évaluer à ce stade l'impact de la réforme en termes de compétitivité des entreprises du territoire et d'établir un bilan sur l'usage que les entreprises ont fait des économies fiscales induites par la réforme...

Pour ce qui concerne la réforme de la fiscalité sur les bureaux dans le cadre du financement des projets de transports en Ile de France, le bilan est très mitigé à ce stade pour la région d'Ile de France.

Dans le domaine des transports, les besoins en investissement sont très importants en Ile de France et s'élèvent à plus de 32 Mds€ à horizon 2025. Comme acté dans le protocole d'accord avec l'Etat conclu en janvier 2011, 11,9 Mds€ sont directement à la charge de la région, auxquels s'ajoutent 5,5 Mds€ au titre du financement par le STIF du matériel roulant, soit un total de 17,4 Mds€.

Les nouvelles recettes (TIPP Grenelle, modernisation de la redevance pour création de bureaux - RCB - et de la taxe sur les bureaux) accordées à la région dans la cadre du protocole d'accord, soit un total d'environ 199 M€ par an sur 15 ans entre 2011 et 2025, ne sont toutefois pas du tout au rendez vous.

Le protocole d'accord table en effet sur 199 M€/an de recettes nouvelles pour la région, à savoir :

- 1,7 Mds€ de recette au titre de la modernisation de la RCB à horizon 2025 (soit 113 M€/an sur 15 ans : période 2011-2025) ;

- 0,3 Mds€ de recette au titre de la modernisation de la taxe à horizon 2025 (soit 20 M€/an sur 15 ans : période 2011-2025) ;

- 0,980 Mds€ de recette au titre de la « TIPP Grenelle » à horizon 2025 (soit 66 M€/an sur 15 ans : période 2011-2025).

En 2011 , la région n'a perçu que 14 M€ supplémentaires au titre de la modernisation de la taxe sur les bureaux. La modernisation de la RCB n'a rien rapporté à la région sur 2011 (problème de rédaction du texte initial de la LFR 2010 revu en LFR 2011 de juillet, attentisme des promoteurs,...) et la TIPP Grenelle n'était pas encore applicable 77 ( * ) .

Pour 2012 , la région a adopté la modulation « TIPP Grenelle » qui devrait lui rapporter environ 71 M€, auxquels devraient s'ajouter la recette attendue au titre de la modernisation de la RCB (prévu à ce stade à 30 M€) et les 14 M€ au titre de la modernisation de la taxe sur les bureaux, soit un total de 115 M€ (à peine 58% de ce qui est prévu au protocole).

Il convient de rappeler que ces investissements conduiront à une charge en fonctionnement supplémentaire d'environ 800 M€/an à terme (chiffrage du rapport Carrez). La révision du zonage du versement transport (alignement de la zone de tarification intermédiaire à l'unité urbaine), dont le décret d'application a été soumis au CFL du 7 février dernier doit rapporter environ 100 M€/an en régime de croisière (30 M€ la première année avec une montée en charge sur trois ans 78 ( * ) ) et sera donc largement insuffisante à couvrir les besoins à venir.


* 73 Données DGFIP pour 2012

* 74 Dotation de compensation de la réforme de la TP (environ 678 M€ reversés à l'ensemble des régions exception faite de l'Ile de France)

* 75 Source : ETAT DU PROGRAMME NATIONAL DE RENOVATION URBAINE - 1 er janvier 2012

* 76 L'article 125 de la LFI 2011 prévoyait la création d'un fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales franciliennes à destination des communes et EPCI à fiscalité propre d'Ile-de-France. L'objectif de ce fonds était fixé dès 2012 au niveau atteint par le FSRIF en 2009 (180 M€) pour atteindre une fois et demi ce niveau en 2015 (270 M€). L'article 145 de la loi de finances pour 2012 (2011-1977) refonde en conséquence le FSRIF. Le FSRIF ne concerne plus que les communes franciliennes. Les EPCI à fiscalité propre ne sont plus susceptibles de contribuer qu'au fonds national de péréquation (FPIC) institué par l'article 144 de la LFI 2012. Les ressources du fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France sont fixées, respectivement, à 210, 230, 230, 250 et 270 M€ pour 2012, 2013, 2014 et 2015. En 2011 le FSRIF a redistribué 190 M€.

* 77 C'est l'article 34 de la LFR 2011 du 29 juillet 2011 qui a complété l'affectation de la TIPP Grenelle, prévue initialement en LFI 2010, à tout projet contribuant à « l'amélioration du réseau de transports urbains en Ile de France ».

* 78 L'article 32 de la LFR 2010 de décembre prévoit en effet que pour les communes qui changent de zone tarifaire, l'évolution du taux applicable est progressivement mise en oeuvre par tiers sur trois ans.

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