C. VIE FAMILIALE ET RELATIONS AVEC L'EXTÉRIEUR : LES PREMIERS EFFETS POSITIFS DE LA LOI FRAGILISÉS PAR LES CHOIX D'IMPLANTATION DES NOUVEAUX ÉTABLISSEMENTS

Le maintien des relations familiales et, de manière plus générale, des liens avec l'extérieur, est un facteur déterminant de réinsertion pour les personnes détenues. La loi pénitentiaire y a apporté une attention particulière sous plusieurs formes.

1. L'augmentation du nombre de permis de visite (art. 35)

La loi a prévu que les prévenus peuvent recevoir la visite de leur famille ou d'autres personnes au moins trois fois par semaine et les condamnés au moins une fois. Si l'autorité judiciaire est compétente pour délivrer les permis de visite pour les prévenus, l'administration pénitentiaire exerce cette responsabilité à l'égard des condamnés : elle ne peut refuser de délivrer à un membre de la famille un permis, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». S'agissant des personnes autres que les membres de la famille, le permis peut également être refusé, suspendu ou retiré s'il apparaît que les « visites font obstacle à la réinsertion du condamné ». Dans tous les cas, le refus de permis de visite doit être motivé.

La circulaire du 2 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l'envoi ou la réception d'objets impose aux chefs d'établissement de délivrer les permis de visite à la famille dans un délai maximum de dix jours. Le rythme des parloirs fixé par la loi pénitentiaire constitue un minimum. Dans plusieurs établissements, le régime des personnes condamnées est aligné sur celui des personnes prévenues lorsque les infrastructures le permettent (trois parloirs hebdomadaires).

La loi pénitentiaire a eu un effet positif sur le nombre de permis de visite puisque la proportion de personnes détenues ayant eu au moins un rendez-vous parloir par mois est passée, selon les statistiques communiquées par l'administration pénitentiaire, de 34 % en janvier 2010 à 54 % en décembre 2011.

L'attention de vos co-rapporteurs a été attirée sur la nécessité d'informer les familles dans des délais suffisants lorsque le parloir ne peut avoir lieu pour des raisons diverses (transfert de la personne détenue vers un autre établissement, hospitalisation etc.) afin de leur éviter un déplacement inutile et parfois coûteux. Seule une circulaire du 12 mars 1981 pose le principe de cette information. Cette base juridique devrait sans doute être confortée.

Cependant, la surpopulation pénale dans les maisons d'arrêt conduit, comme vos co-rapporteurs en ont eu plusieurs témoignages, à réduire le nombre de parloirs. De même, elle limite les possibilités de transferts pour rapprochement familial.

Par ailleurs le choix d'implanter les nouveaux établissements du programme « 13 200 places » à la périphérie souvent lointaine des centres urbains complique beaucoup l'organisation des visites et en alourdit le coût pour les familles . Cette situation est particulièrement préoccupante pour les établissements pénitentiaires pour mineurs dont certains comme celui de Porcheville, près de Rouen, sont très difficiles d'accès en transports en commun. Vos co-rapporteurs suggèrent que les familles puissent bénéficier, sous condition de ressource, d'un remboursement forfaitaire des dépenses de transport engagées pour visiter une personne incarcérée dans une prison éloignée.

2. Une mobilisation de moyens autour de l'extension des unités de vie familiale et des parloirs familiaux (art. 36)

A l'initiative de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et des membres du groupe CRC, la loi pénitentiaire a apporté une consécration législative aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux tout en élargissant le champ des bénéficiaires à toutes les personnes détenues et pas seulement aux condamnés. L'article 36 prévoit également que toute personne détenue peut bénéficier « d'au moins une visite trimestrielle » dans une unité de vie familiale ou un parloir familial dont la durée est fixée en tenant compte de l'éloignement du visiteur.

Afin de répondre aux objectifs du législateur, l'ensemble du parc pénitentiaire doit être équipé d'unités de vie familiale (appartements de type F2 ou F3) ou de parloirs familiaux (« salons » d'une vingtaine de mètres carrés). Selon les informations communiquées à vos co-rapporteurs par l'administration pénitentiaire un projet en ce sens est en cours d'étude. Au 1 er janvier 2012, il existe 60 unités de vie familiale réparties sur 19 établissements -contre 31 unités de vie familiale situées dans 11 établissements au 1 er janvier 2009- et 33 parloirs familiaux répartis sur 9 établissements (les maisons centrales dans leur ensemble en sont dotées). Le programme envisagé vise à équiper les établissements en trois étapes : les établissements pour peine encore non équipés (2012-2014), les maisons d'arrêt d'une capacité supérieure à 150 personnes détenues (2013-2015), les autres maisons d'arrêt (2014-2016). L'objectif est de permettre, pour les parloirs familiaux, trois jours d'ouverture par semaine (samedi, dimanche et mercredi) et une demi-journée à chaque parloir et, pour les unités de vie familiale, une ouverture six jours par semaine et une journée à chaque visite. Ce dernier objectif doit être considéré comme un minimum puisque d'ores et déjà des familles peuvent être reçues jusqu'à trois jours consécutifs dans une UVF.

La réalisation des unités de vie familiale et parloirs familiaux sur le parc existant représentera un coût de 95 millions d'euros et supposerait la création de 209 ETP .

Mme Jeannette Favre, présidente de l'Union nationale des fédérations régionales des maisons d'accueil, a souligné l'avancée que représentait la possibilité de conclure un pacte civil de solidarité en milieu pénitentiaire grâce au déplacement d'un greffier du tribunal de grande instance.

3. L'accompagnement social des mères détenues (art. 38)

La loi pénitentiaire a prévu la généralisation de conventions entre les établissements pénitentiaires et les départements afin de définir l'accompagnement social proposé aux mères détenues avec leur enfant. La prise en charge de l'enfant doit en principe être assurée selon les conditions de droit commun par les services extérieurs (protection maternelle et infantile, aide sociale à l'enfance, secteur de psychiatrie infanto-juvénile).

Si aucune donnée d'ensemble n'est aujourd'hui disponible, les informations ponctuelles recueillies par vos co-rapporteurs laissent à penser que cette disposition est encore peu appliquée.

Vos co-rapporteurs se félicitent que le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 ait porté de 6 à 12 mois la durée pendant laquelle l'enfant âgé de 18 mois 32 ( * ) peut être admis à séjourner pour de courtes périodes auprès de sa mère (art. D. 401 du code de procédure pénale). La loi pénitentiaire n'avait pas envisagé cette extension. Comme l'a relevé Mme Martine Herzog-Evans, « au total un enfant pourrait rester jusqu'à ses deux ans, puis séjourner de temps à autre jusqu'à ses trois ans. Voilà qui nous rapproche des pays les plus protecteurs des enfants » 33 ( * ) .

4. Un meilleur accès au téléphone (art. 39)

La loi pénitentiaire n'a pas seulement consacré le droit pour les condamnés de téléphoner aux membres de sa famille, elle en a élargi le bénéfice, sous réserve de l'accord de l'autorité judiciaire, aux prévenus.

Selon les données communiquées par l'administration pénitentiaire, au 1 er janvier 2011, 61 maisons d'arrêt ou quartiers de maisons d'arrêt (5 600 détenus en moyenne) étaient équipés de points phones. Depuis lors 56 sites supplémentaires ont été équipés (83 % des prévenus). 26 établissements restent à équiper.

Malgré l'effort engagé, l'équipement se réduit souvent à l'installation d'un ou de plusieurs appareils dans les coursives ou les cours de promenade. Seule une cabine permettrait de préserver l'intimité des échanges et de garantir notamment le droit des détenus de correspondre librement avec leur avocat (art. 24).

5. Une liberté de correspondance difficilement évaluable (art. 40)

La loi pénitentiaire a posé le principe de la liberté de correspondance -sous réserve de l'accord de l'autorité judiciaire pour les prévenus- des personnes condamnées avec les personnes de leur choix. Ce courrier ne peut être contrôlé et retenu que lorsque, selon la formule traditionnelle, cette correspondance paraît « compromettre gravement (...) le maintien du bon ordre et la sécurité » ou la réinsertion de la personne détenue. Cette disposition ne s'applique pas toutefois à l'égard des correspondances échangées avec l'avocat, les autorités administratives et judiciaires et les aumôniers agréés auprès de l'établissement.

Le nouvel article R. 57-8-19 du code de procédure pénale a apporté une garantie qui ne figurait pas dans le droit antérieur en précisant que la décision de retenir une correspondance écrite tant reçue qu'expédiée doit être notifiée dans un délai de trois jours.

L'administration pénitentiaire ne tient pas l'état des correspondances retenues ce qui interdit de mesurer l'effet de la loi pénitentiaire dans ce domaine.

Les représentants des avocats rencontrés par vos co-rapporteurs ont noté que malgré la protection du secret de la correspondance entre la personne détenue et son défenseur, des courriers sont encore transmis par l'administration pénitentiaire avec la mention « ouvert par erreur ».


* 32 Jusqu'à ses 18 mois, l'enfant peut rester auprès de sa mère. Ce délai peut être encore repoussé de 6 mois.

* 33 Martine Herzog-Evans, Contre-plongée rapide sur les décrets d'application de la partie pénitentiaire de la loi du même nom, AJ pénal, avril 2011.

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