D. LA SÉCURITÉ DES PERSONNES ENCORE MAL ASSURÉE EN PARTICULIER DANS DES ÉTABLISSEMENTS SURDIMMENSIONNÉS

La volonté de mieux garantir la sécurité des personnes dans des lieux trop souvent dominés par le pur rapport de forces inspire plusieurs des articles de la loi pénitentiaire.

La loi pénitentiaire fixe pour obligation à l'administration pénitentiaire d' « assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs ou individuels » (art. 44).

Les faits de violences entre personnes détenues n'ont toutefois cessé de croître : 7 590 en 2009, 7 825 en 2010, 8 365 en 2011.

A partir des comptes rendus d'évènements transmis par les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, le nombre d'agressions dont sont victimes les personnels progresse légèrement -775 en 2011, 764 en 2010. Rapportés à l'effectif de la population carcérale, ces chiffres font apparaître une certaine stabilité (1,22 % en 2011 contre 1,24 % en 2010 et 1,18 % en 2009 34 ( * ) ).

1. La nécessité de conforter la confidentialité des documents personnels (art 42)

La loi pénitentiaire a reconnu à la personne détenue le droit à la confidentialité des documents personnels. Toutefois, la faculté de remettre ces documents au greffe de l'établissement, destinée à garantir la confidentialité, est appliquée de manière très inégale selon les établissements -certains greffes excipant de difficultés ou complications matérielles pour recueillir les documents concernés. A la maison d'arrêt de Lyon Corbas, comme l'a indiqué M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon, le greffe ne dispose pas de casiers pour assurer l'application de cette mesure. Il est indispensable d'assurer une mise en oeuvre homogène de cette disposition qui participe de la sécurité de la personne détenue. Une circulaire du ministère de la justice 35 ( * ) du 9 juin 2011 va dans ce sens.

La remise de documents au greffe ne doit pas avoir, par ailleurs, pour effet d'en rendre en pratique la communication difficile aux personnes détenues -qui doivent en particulier pouvoir être éclairées quand elles le souhaitent sur le contenu des décisions judiciaires les concernant.

2. L'absence, à ce jour, de mise en cause de la responsabilité sans faute de l'Etat

Le législateur avait instauré un système de responsabilité sans faute de l'Etat en cas de décès d'une personne détenue causé par des violences commises au sein d'un établissement pénitentiaire par une autre personne détenue. L'administration pénitentiaire a indiqué à vos co-rapporteurs que depuis l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire un dossier pour réparation d'un préjudice était en cours de traitement.

Comme le préconise M. Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS, il serait souhaitable d'établir des critères qualitatifs de la sécurité des établissements . Il paraît indispensable dans cette perspective de mieux mesurer la nature des infractions commises en prison, l'information dont dispose l'administration pénitentiaire sur ces incidents, le rôle joué par le parquet et l'effet des réponses actuellement apportées.

D'une manière générale, vos co-rapporteurs observent, à l'instar de M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que les nouveaux établissements (de 700 à 800 places en moyenne chacun) du « programme 13 200 places » sont apparus surdimensionnés . Les modes de surveillance, fondés pour l'essentiel sur les moyens électroniques, ont éloigné le détenu du surveillant. Les surveillants ont tendance à délaisser les étages pour se tenir au rez-de-chaussée. Le sentiment de sécurité ne s'est pas renforcé. Au contraire. Des mouvements concertés de demande de mise en congé maladie traduisent, dans quelques établissements, un malaise indéniable.

Personnels comme personnes détenues expriment parfois un regret paradoxal pour les établissements souvent vétustes auxquels les nouvelles prisons ont succédé.

Selon de nombreux témoignages recueillis par vos co-rapporteurs, la capacité maximale d'un établissement pénitentiaire ne devrait pas dépasser 500 places

3. L'accompagnement des proches en cas de suicide : les apports des mesures d'application

La loi pénitentiaire avait également précisé les mesures que doit prendre l'administration pénitentiaire pour accompagner les familles lorsqu'une personne détenue s'est suicidée : information sur les circonstances dans lesquelles est intervenu le décès, facilitation des démarches à engager.

Aux termes de l'article D. 427 du code de procédure pénale dans la rédaction issue du décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010, il revient au chef d'établissement de prendre le premier contact avec l'entourage de la personne détenue. La « personne à prévenir » désignée dans le dossier de la personne détenue est informée par téléphone, le plus rapidement possible, y compris la nuit, dès que le corps a été pris en charge par les pompes funèbres pour être transporté vers un institut médico-légal. L'avocat peut constituer un relais lorsque la famille ou les proches sont difficiles à joindre. En cas d'impossibilité répétée de contacter la personne, le chef d'établissement sollicite en dernier recours les forces de l'ordre afin que soit demandé à l'intéressé de se mettre en rapport avec l'établissement.

Une rencontre à l'établissement est systématiquement proposée à la famille afin de répondre, par la voix du chef d'établissement, assisté le cas échéant d'un conseiller d'insertion et de probation référent et d'un membre du corps d'encadrement, aux interrogations de la famille sur la vie quotidienne de la personne décédée, son comportement ou ses activités. Une visite du lieu de passage à l'acte est également systématiquement proposée, sauf impossibilité liée aux besoins de l'enquête -après consultation du magistrat. Les affaires de la personne détenue (paquetage et pécule) sont remises à sa famille conformément aux dispositions de l'article D. 341 du code de procédure pénale -qui n'a pas été modifié à la suite de la loi pénitentiaire.

Le nombre des suicides en prison demeure extrêmement préoccupant -109 suicides en 2010 contre 93 en 2007- et les différentes dispositions prises par l'administration pénitentiaire n'ont pas démontré leur efficacité pour endiguer ce phénomène.


* 34 Le taux d'agressivité des mineurs reste très élevé depuis l'ouverture des établissements pour mineurs : 22,58 % en 2011 (20,66 % en 2010).

* 35 Circulaire NOM JUSK 114 0031 C.

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