(3) Les auxiliaires de l'administration fiscale en matière de signalement

L'inclusion de la fraude fiscale, à travers la notion de blanchiment de fraude fiscale, dans le champ de la déclaration de soupçon représente une sorte de révolution.

Jusqu'en 2009, le champ d'application de la déclaration de soupçon couvrait la criminalité organisée, le trafic de drogue, la corruption, la fraude aux intérêts de l'Union européenne et la lutte contre le financement du terrorisme. L'ordonnance du 30 janvier 2009 de transposition de la troisième directive anti-blanchiment a cependant substitué une logique de compétence de droit commun  à l'ancienne définition limitative : est désormais soumis à déclaration de soupçon tout délit ou crime susceptible de plus d'un an d'emprisonnement. Aux termes de l'article 1741 du code général des impôts, celle-ci s'étend donc désormais aux soupçons de fraude fiscale, passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Tracfin est en effet désormais autorisé à communiquer à l'administration fiscale des informations sur des faits susceptibles de relever de la fraude fiscale.

En 1990, seuls les organismes financiers étaient soumis à déclaration de soupçon. Puis ce dispositif a été progressivement élargi aux courtiers d'assurance et aux bureaux de change à partir de 1996, aux intermédiaires immobiliers en 1998, aux casinos, marchands d'art, d'antiquités, de pierres précieuses et commissaires-priseurs en 2001, aux OPCVM, sociétés de gestion et conseils en investissements financiers en 2003, aux « professions du chiffre et du droit » en 2004, c'est-à-dire aux experts comptables, avocats, commissaires aux comptes, huissiers de justice, administrateurs et mandataires judiciaires, et, la même année, aux sociétés et cercles de jeu ainsi qu'aux institutions de prévoyance et de gestion de retraite complémentaire.

Au cours des auditions, M. Jean-François de Vulpillières a souligné l'importance de la réforme de 2009 qui se traduit d'ores et déjà par une augmentation du nombre de plaintes pour fraude fiscale déposées par l'administration : le président de la CIF anticipe un net accroissement des dossiers de fraude fiscale qui pourront être soumis à l'autorité judiciaire sur la base d'une analyse des signalements effectués par les établissements financiers.

(4) Les organismes de coordination  entendus par la commission

L'empilement des structures dédiées les unes au contrôle fiscal, les autres à la lutte contre le blanchiment qui inclut désormais une mission de détection du blanchiment de fraude fiscale pose des problèmes de coordination interne à chacune des deux pyramides, mais aussi entre les deux édifices correspondant.

Normalement, les premiers doivent être réglés dans le cadre de la gestion des services. Mais chaque pyramide regroupe en fait des services relevant de directions différentes.

Aussi, a-t-on imaginé de créer des structures de coordination mais dont les missions et les moyens de les exercer ne sont pas apparues clairement à votre commission.

Comme l'a rappelé son président, M. Philippe Jurgensen, le Conseil d'Orientation de la Lutte contre le Blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (COLB) a été créé par un décret n° 2010-69 du 18 janvier 2010, codifié dans le code monétaire et financier. Il succède au Conseil d'orientation du pôle ministériel de lutte contre le blanchiment des capitaux. La nouveauté du COLB est de permettre de réunir les autorités de contrôle d'un certain nombre de professions concernées par le blanchiment des capitaux et les représentations des différentes administrations concernées.

Cet organisme est composé d'un président -désigné pour trois ans renouvelables par arrêté conjoint des ministres de l'économie et du budget après avis du ministère de l'intérieur et de la Chancellerie- et de vingt-trois membres, dont neuf représentants de l'État et quatorze représentants des autorités de contrôle chargées de la régulation des professions concernées par la lutte contre le blanchiment.

Dépourvu de pouvoir de décision et de moyens logistiques, cet organisme coordonne les différentes autorités de contrôle avec les services de l'État et propose d'éventuelles améliorations aux dispositifs législatifs ou réglementaires. Par ailleurs, le COLB tient à jour un document de synthèse relatif aux menaces et aux risques en matière de blanchiment et de financement du terrorisme.

M. Philippe Jurgensen a fait observer que le Conseil d'Orientation de la Lutte contre le Blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme est séparé du circuit de la lutte contre les paradis fiscaux, conduit par M. d'Aubert, délégué général à la lutte contre les juridictions et les territoires non coopératifs.

La commission d'enquête estime que l'existence de ces deux organismes de coordination intervenant dans des domaines par nature interconnectés -le blanchiment des capitaux et les paradis fiscaux- est à la fois un paradoxe et un révélateur des cloisonnements entre les moyens de lutte contre l'évasion fiscale. Elle doit ajouter que là ne s'arrête pas la prolifération des comités à vocation coordinatrice puisque d'autres structures sont en cause, comme la direction nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) ou le service central de répression du ministère de la justice, structures ayant des missions de natures différentes, mais dont semble-t-il, en dépit d'une potentielle utilité, les moyens réels sont un peu « étroits ».

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