b) L'insuffisance de l'exemplarité des sanctions

Au cours de son audition, la directrice des affaires criminelles et des grâces a souligné la nécessité de veiller à maintenir une certaine cohérence dans l'échelle des peines en rappelant, à juste titre, que les choix sont avant tout politiques en la matière, même si les pénalités effectivement prononcées par les juridictions françaises sont parfois considérées comme insuffisantes en matière de fraude fiscale, et, de façon plus générale, en matière économique et financière.

Elle a ensuite souligné que la lutte contre la fraude fiscale était bien intégrée dans les priorités de politique pénale en citant les dispositions de la dernière circulaire de politique pénale générale signée par le ministre en février 2012 qui appelle les magistrats, les procureurs généraux, les procureurs à se mobiliser pour la lutte contre la fraude fiscale. Ce texte a rappelé aux juridictions que la BNRDF avait été créée et qu'elles devaient se saisir de ce nouvel outil de répression fiscale . Il a également été rappelé aux magistrats la nécessité d'informer l'administration fiscale lorsque des poursuites sont engagées pour blanchiment.

Au plan pénal, il convient également de rappeler qu'à l'occasion de l'examen des modalités d'intervention de la CIF, la commission s'est demandé dans quelle mesure il ne conviendrait pas de permettre à la justice d'intervenir en cas d'infraction fiscale comme elle le fait dans d'autres domaines.

La directrice des affaires criminelles et des grâces a cependant fait observer que le droit pénal ne peut pas être considéré comme « la solution dissuasive à 100 % pour lutter contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux. Ce n'est certainement pas le cas . ». Le droit pénal a aussi ses limites, et la justice pénale est confrontée à certaines difficultés qui font que les enquêtes n'avancent pas : « ces difficultés ne sont pas liées à d'éventuelles pressions mais à la possibilité d'obtenir ou non d'autres pays des informations qui peuvent nous permettre de rassembler des preuves. », selon Mme Caillibotte dont les propos tranchent avec certaines déclarations de magistrats instructeurs.

De plus, notre droit et notre procédure pénale organisent des voies de recours qui sont très avantageuses pour le citoyen mais qui peuvent parfois être un obstacle à l'avancée rapide d'une enquête . Ainsi, dans au moins une trentaine de procédures actuellement traitées par la BNRDF , le contribuable n'a jamais été avisé : certaines d'entre elles ont donné lieu à une saisine du juge d'instruction, conformément au principe du contradictoire, mais d'autres sont encore au stade de l'enquête préliminaire, qui est une enquête secrète. Mme Maryvonne Caillibotte s'est demandée « comment va réagir le contribuable vis-à-vis de ces conduites d'enquêtes qui sont totalement opaques et inconnues de lui pour l'instant ? ».

Enfin, lorsqu'un contribuable est convaincu de fraude fiscale, l'administration a les moyens juridiques de poursuivre au pénal ses conseils pour complicité de fraude : « C'est plus compliqué, mais nous ne sommes pas démunis pour autant. » a précisé M. Jean-Louis Gautier, conservateur des hypothèques, ancien responsable du contrôle fiscal à la DGFIP, à la lumière de son expérience.

La pertinence des informations transmises par la Cour des comptes à la commission d'enquête amène à souligner la nécessité de lever les obstacles aux investigations de cette juridiction financière en généralisant l'inopposabilité du secret fiscal 457 ( * ) à ses magistrats.

La commission d'enquête préconise, en outre, que la Cour des comptes puisse examiner en détail le processus d'élaboration et le suivi de la programmation des contrôles fiscaux afin de pouvoir en certifier la transparence ainsi que l'objectivité.

Cette préconisation renforce les recommandations déjà mentionnées sur la nécessaire progression vers davantage de transparence du contrôle fiscal.


* 457 Livre des procédures fiscales - Article L.140.- Les agents des services financiers sont déliés du secret professionnel à l'égard des magistrats, conseillers maîtres en service extraordinaire et rapporteurs de la Cour des comptes, des magistrats de la chambre régionale des comptes ainsi que des rapporteurs auprès de la Cour de discipline budgétaire et financière, à l'occasion des enquêtes effectuées par ces magistrats, conseillers et rapporteurs dans le cadre de leurs attributions.

Les agents des services financiers dont l'audition est jugée nécessaire pour les besoins du contrôle ont l'obligation de répondre à la convocation de la Cour des comptes ou à celle de la chambre régionale des comptes dans le ressort de laquelle ils exercent leurs fonctions. Ils peuvent être interrogés en qualité de témoins par les rapporteurs auprès de la Cour de discipline budgétaire et financière .

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