II. RENFORCER L'ADMINISTRATION AU SERVICE D'UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE EFFICACE

A. MIEUX INFORMER L'ADMINISTRATION

Proposition n° 14 : Prévoir la communication préalable à l'administration des « schémas  d'optimisation fiscale » à forts enjeux

En s'inspirant de la législation du Royaume-Uni adoptée en 2004 (Tax Compliance Risk Management Process ou gestion du risque en matière de schémas fiscaux agressifs) dont l'efficacité préventive a été démontrée, il s'agit de créer, sous peine d'amende, une obligation :

- à la charge du « promoteur » du schéma d'optimisation fiscale, c'est-à-dire la plupart du temps un cabinet de conseil, ou, à défaut, de son utilisateur ;

- de communiquer le contenu du montage à l'administration fiscale dès les pourparlers de vente (ou d'achat) du dispositif.

Une phase expérimentale pourrait consister à permettre aux cabinets d'avocats ou de conseil qui le souhaitent de communiquer à l'administration les montages dont ils connaissent l'existence mais qu'ils refusent de mettre en place pour leurs clients. Une telle mesure favoriserait les conseils de pondération tout en mettant en danger ceux qui proposent des schémas d'optimisation agressifs et litigieux.

Proposition n° 15 : Mieux coordonner les échanges d'informations entre services de contrôle et de gestion de l'impôt

La fraude étant devenue plus complexe et multiforme, les méthodes d'investigation cloisonnées ont très largement perdu leur efficacité traditionnelle. Pour franchir un nouveau palier, le contrôle doit s'efforcer de comprendre la stratégie globale du contribuable. Même si isolément les composantes de cette dernière sont inattaquables, elle pourra être remise en cause si l'administration démontre que le montage dans son ensemble est constitutif d'abus de droit, voire de fraude. Une telle démarche repose essentiellement sur la fluidité des échanges d'information entre les entités de contrôle et de gestion.

B. AMPLIFIER LA « FORCE DE FRAPPE » DE L'ADMINISTRATION

1. Rendre l'administration en mesure de répondre aux nouveaux enjeux de l'évasion fiscale

Proposition n° 16 : Conforter les moyens humains et matériels de l'administration fiscale

La Cour des Comptes a souligné que les services de contrôle, qui rassemblent 10,5 % des 120 000 agents de la DGFIP, sont aujourd'hui sous-dotés en effectifs par rapport aux services de gestion . Plus encore, seuls 1100 vérificateurs sont affectés dans les trois directions nationales spécialisées dans la fraude complexe ou internationale. Les auditions ont démontré que l'affichage de la « sanctuarisation » des moyens de contrôle s'est traduit, dans les faits, par un affaiblissement. Un renforcement des effectifs et à tout le moins des redéploiements sont donc souhaitables.

Proposition n° 17 : Mieux former les contrôleurs fiscaux

Les besoins sont extrêmement variés dans ce domaine puisque la rotation des effectifs semble trop lente dans certains services et trop rapide dans d'autres, ce qui pénalise l'efficacité irremplaçable de la « formation sur le tas ». De façon globale, et compte tenu de la mobilité des nouvelles fraudes, c'est la formation à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui doit être avant tout privilégiée .

Proposition n° 18 : Créer un corps interministériel d'« informaticiens-enquêteurs »

Tous les responsables des services du contrôle fiscal interrogés ont insisté sur l'importance de disposer de moyens informatiques renforcés , et donc de personnels compétents en ce domaine . À cet égard, M. Bernard Salvat, directeur national des enquêtes fiscales (DNEF), avait déclaré : « une bonne dizaine d'informaticiens supplémentaires et un budget pour acheter des logiciels constituerait un investissement extrêmement rentable » 511 ( * ) !

Toutefois, sont apparues à votre commission d'enquête les nombreuses difficultés rencontrées par les services concernés dans le recrutement de personnels détenant une expertise en informatique . De toute évidence, l'état actuel du cadre statutaire et règlementaire de la fonction publique entrave le recrutement de telles compétences.

La création d'un corps interministériel d'« informaticiens-enquêteurs » paraît constituer une voie pertinente pour combler cette lacune. La dimension interministérielle de ce corps lui permettrait d'atteindre une taille critique nécessaire à l'organisation d'un recrutement efficace. De même, il serait susceptible de bénéficier à l'ensemble des services d'enquête et de contrôle relevant du ministère en charge du budget et du ministère de l'intérieur ; aussi la mobilité des agents entre ces différents services permettrait l'acquisition et la diffusion de compétences diversifiées et de bonnes pratiques.


* 511 Cf. audition de M. Bernard Salvat, directeur national des enquêtes fiscales (DNEF), du mardi 10 avril 2012.

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