H. LES MIGRANTS ROMS EN EUROPE

Les difficultés d'intégration de la population rom sont régulièrement abordées par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. En juin 2010, elle ainsi adopté la résolution 1740 (2010) qui invitait les États membres à mettre en oeuvre une collecte de données statistiques fiables pour évaluer les programmes existants et améliorer leur efficacité. Lesdits programmes devaient parallèlement être déclinés au plan local en responsabilisant les collectivités territoriales. Les questions d'éducation devaient ainsi faire l'objet d'une attention particulière, les thèmes de l'accès aux soins et au logement ne devant pas, non plus, être négligés.

A la suite du vote ce texte, le Conseil de l'Europe a adopté, le 20 octobre 2010, la Déclaration de Strasbourg sur les Roms qui met notamment en avant la marginalisation sociale et économique dont souffrent les populations Roms. Un Représentant spécial du Secrétaire Général pour les Roms été nommé à cette occasion. Un Comité d'experts ad hoc sur les Roms (CAHROM) a également été créé et placé sous l'autorité directe du Comité des Ministres. Le CAHROM suit particulièrement la mise en oeuvre des politiques nationales et favorise les échanges thématiques d'expériences et de bonnes pratiques. Ce comité réunit les experts nationaux des 47 États membres.

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a, à l'occasion de cette partie de session, insisté sur l'image globalement négative des Roms renvoyée par les médias, la situation délicate des Roms apatrides dans certains États d'Europe orientale, mais aussi en Italie ou aux Pays-Bas. Elle s'interroge également sur les conséquences, pour cette population, des arrêtés anti-mendicité adoptés par nombre d'États membres.

Invité à intervenir lors du débat, M. Rudko Kawczynski, Président du Forum européen des Roms et des Gens du voyage, a rappelé qu'aucun autre peuple en Europe, à part le peuple juif, n'a fait l'objet, depuis des siècles, d'autant de discriminations et de persécutions que les Roms. Il a, dans le même temps, souligné l'indifférence dans laquelle se déroulent les campagnes contre les discriminations à l'encontre du peuple Rom et l'absence de suivi donné aux rapports des organisations internationales sur le sujet. Dans le contexte de la crise économique actuelle, La politique perd de plus en plus le lien avec la réalité, considérant les Roms comme un problème plutôt que les problèmes des Roms. Plus de 70 % de la population européenne émet ainsi une opinion négative sur les Roms et les Tziganes.

En dépit de la chute du mur de Berlin et de la mise en place de règles facilitant la libre circulation, les Roms ne peuvent quitter certains pays. Beaucoup d'entre eux ont ainsi perdu leur emploi, en Macédoine, au Monténégro ou dans des pays voisins. Ils se sont également vu empêcher de se rendre à des fêtes de famille à l'étranger. Les retours au pays peuvent donner lieu à des condamnations à de lourdes peines pour émigration illégale. La solution consiste pour nombre d'entre eux à quitter l'Europe. Beaucoup d'intellectuels Roms partent au Canada ou en Australie pour échapper à cette ségrégation. Restent, bien sûr, les pauvres qui subissent le plus durement la situation.

Par ailleurs, au lieu de régler les problèmes des milliers de Roms qui ont été chassés de leur pays, de nombreux États poursuivent, depuis quelque vingt ans, des stratégies de renvoi mutuel. Les organisations de réfugiés estiment à deux millions, le nombre de Roms qui errent en Europe sans perspective d'emploi, sans possibilité d'une vie stable, victimes du désespoir et de la faim.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a rejoint, dans son intervention, les propos de M. Kawczynski :

« Voilà deux ans que notre Assemblée ne s'était pas penchée sur la situation des Roms en Europe - seulement deux ans, devrais-je dire ! Cela montre à quel point les difficultés auxquelles ces populations sont confrontées sont aiguës, et les progrès pour les résoudre encore insuffisants. Aussi, je me félicite que notre collègue Annette Groth se soit saisie du sujet et adopte une approche, non pas globale, mais centrée sur l'un des principaux noeuds du problème : l'image négative dont les Roms souffrent dans l'ensemble de nos sociétés et qui fonde bien souvent les discriminations dont ils sont victimes.

Or, sur cette question d'image, je crains justement que la situation ne se soit pas forcément améliorée au cours des dernières années. Au contraire, j'ai plutôt le sentiment d'une banalisation du discours anti-Roms, à la fois dans certains médias et chez certaines personnalités politiques, ce qui me paraît tout à fait inquiétant. À cet égard, vous avez raison, Madame la rapporteure, de dénoncer les procédures d'expulsion collective. Sans même aborder les problèmes juridiques qu'elles soulèvent au regard du droit du Conseil de l'Europe ou de l'Union européenne, je voudrais dire que ces mesures sont susceptibles de décomplexer les opinions publiques et de légitimer à leurs yeux un anti-tsiganisme déjà latent.

Ces pratiques m'ont, comme vous, profondément choquée. C'est pourquoi il est de notre devoir, en tant que parlementaires nationaux, de rétablir la vérité auprès de nos concitoyens. La présence des Roms dans les pays de l'Union européenne n'est en rien illégale, du fait de la libre circulation des personnes ; et ce ne sont pas des causes culturelles ou ethniques qui en sont à l'origine - tel le supposé nomadisme de ces populations, dont on sait bien qu'il n'est pas généralisé -, mais bien plutôt des causes politiques et surtout économiques.

De ce point de vue, le maintien, dans de nombreux pays européens, des dispositions transitoires qui restreignent l'accès au marché du travail des citoyens d'origine roumaine ou bulgare, ne fait qu'aggraver la situation des Roms dans nos pays et alimente le cycle de la misère, qui dégrade encore leur image. Il serait bon de lever ces dispositions avant leur terme, qui a été fixé au 31 décembre 2013, d'autant que, au regard du nombre de Roms dans la plupart de nos États, l'impact sur le marché du travail ne devrait pas être significatif.

Il me paraît également important que nous nous efforcions de donner une image plus positive de ces populations, tout en évitant une ethnicisation forcée des Roms, qui sont très diverses. Ainsi, le Sénat français remet chaque année le prix de meilleur apprenti de France. Or ce sont justement deux jeunes femmes Roms qui ont été consacrées ces deux dernières années. Ce type de distinction peut avoir un effet positif en révélant aux opinions publiques le fait que les Roms sont tout à fait capables de s'intégrer lorsqu'on leur en donne les moyens. Cela passe d'abord, comme l'a dit notre collègue, par l'école et l'éducation.

La pédagogie me paraît, par conséquent, essentielle. Légitimer leur présence, les faire accepter par nos concitoyens - voilà l'une des formes que peut prendre notre engagement, sans pour autant tomber dans la facilité que constitue par exemple le recours à la discrimination positive, qui alimenterait le ressentiment des autres individus en souffrance. Bref, il me paraît juste de faire entrer les Roms dans le droit commun, comme les autres citoyens, afin de faire comprendre qu'ils sont non pas différents, mais égaux.

Je n'ai finalement, Madame Groth, qu'un seul regret concernant votre rapport : vous n'y évoquez malheureusement pas le sort très particulier des femmes et des enfants Roms. Si les hommes Roms sont bien victimes d'une double discrimination - en tant que Roms et en tant que migrants -, que dire de la triple discrimination qui vient frapper les femmes Roms et leurs enfants ? Ce point avait été abordé dans la Résolution 1740 de 2010, mais je tenais à rappeler que ce combat est, lui aussi, loin d'être gagné, comme le souligne le rapport de M. Kalmár. »

La recommandation adoptée par l'Assemblée invite, à ce titre, le CAHROM, mais aussi le Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), le Comité européen pour les problèmes criminels (CDPC), la division de la coordination des migrations et le Comité directeur sur les médias et la société de l'information (CDMSI) à analyser la législation et la pratique des États membres concernant la criminalisation de la mendicité ou le dépôt de demande d'asile. Le texte vise notamment les pays de l'Union européenne accusés de renvois forcés, plus particulièrement vers le Kosovo, voire dans certains cas d'expulsions potentiellement assimilables à des expulsions collectives. La recommandation invite en outre les États membres à naturaliser les Roms apatrides.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page