ANNEXES

Annexe 1 - Résolution 1887 (2012) - Discriminations multiples à l'égard des femmes musulmanes en Europe : pour l'égalité des chances

1. Dans les États membres du Conseil de l'Europe où l'islam n'est pas la religion de la majorité de la population, les femmes musulmanes sont souvent victimes de représentations stéréotypées, leur identité étant réduite à leurs seules convictions religieuses. Les médias contribuent à ce phénomène, en parlant des femmes musulmanes principalement lorsqu'elles sont victimes de crimes dits «d'honneur» et en relation avec leur tenue vestimentaire. Bien trop souvent, le débat politique et l'action législative autour des femmes musulmanes se focalisent sur la question du foulard, et plus encore sur celle du voile intégral, au lieu de s'intéresser à la non-discrimination et à l'égalité des chances.

2. Cette approche ne reflète pas la réalité complexe des femmes musulmanes en Europe, dont beaucoup veulent être des actrices du changement et de l'autonomisation, et elle ne répond pas aux besoins des sociétés multiculturelles actuelles. Au lieu d'être isolées, stigmatisées ou enfermées dans des stéréotypes, les femmes musulmanes devraient être encouragées dans leur quête d'égalité des chances au sein de la société et devraient bénéficier de meilleurs instruments pour jouer un rôle actif dans tous les aspects de la vie.

3. De nombreuses femmes musulmanes, migrantes ou issues de l'immigration, rencontrent des problèmes particuliers dans le processus de féminisation des migrations. Ces problèmes comprennent notamment les restrictions imposées au regroupement familial et le recours à la migration irrégulière en raison de la fermeture des voies régulières de migration.

4. A cette fin, il conviendrait d'introduire une série de mesures visant à lutter contre la discrimination, y compris les discriminations multiples, dans l'accès aux soins de santé, à l'éducation et à l'emploi. De la même manière, la violence à l'égard des femmes et la violence domestique - notamment sous des formes qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles d'origine musulmane - devraient être traitées dans un cadre juridique et politique adapté, ainsi qu'au moyen de vastes actions de sensibilisation.

5. Parallèlement, des mesures positives devraient être introduites pour permettre aux femmes musulmanes d'être les actrices de leur propre autonomisation. Investir dans l'éducation, encourager les réseaux et la participation à la vie civile et publique, et accompagner les femmes musulmanes dans leur développement professionnel sont des mesures clés pour les sensibiliser à leurs droits et les aider à réaliser pleinement leur potentiel.

6. Rappelant sa Résolution 1743 (2010) et sa Recommandation 1927 (2010) «L'islam, l'islamisme et l'islamophobie en Europe», et sa Recommandation 1975 (2011) «Vivre ensemble dans l'Europe du XXI e siècle: suites à donner au rapport du Groupe d'éminentes personnalités du Conseil de l'Europe», l'Assemblée parlementaire répète que les États membres du Conseil de l'Europe ne resteront fidèles aux valeurs fondamentales ancrées dans la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5) que s'ils protègent ces droits sans aucune discrimination, fondée notamment sur le sexe ou la religion.

7. A la lumière de ces considérations, l'Assemblée demande aux États membres du Conseil de l'Europe :

7.1. s'agissant de la lutte contre la discrimination :

7.1.1. d'introduire un cadre juridique efficace pour lutter contre toutes les formes de discrimination directe et indirecte, motivées par quelque raison que ce soit, et d'établir, s'ils ne l'ont pas encore fait, un organe national chargé de suivre le contenu et la mise en oeuvre de la législation anti-discrimination, de conseiller les pouvoirs législatif et exécutif et de fournir une aide et une assistance aux victimes ;

7.1.2. de prendre des mesures pour s'assurer que les «discriminations multiples» soient une notion inscrite dans leur cadre législatif ;

7.1.3. de condamner systématiquement les actes racistes, les traitements discriminatoires, les propos racistes dans le discours public et la stigmatisation de toute communauté religieuse ;

7.1.4. de signer, de ratifier et de mettre en oeuvre sans tarder le Protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 177) ;

7.1.5. de protéger la liberté, pour les femmes musulmanes, de choisir leur tenue vestimentaire, dans le respect des lois de l'État où elles résident, en n'imposant de restrictions que lorsqu'elles sont nécessaires dans une société démocratique pour préserver la dignité des femmes, pour garantir l'égalité entre les femmes et les hommes, pour des raisons de sécurité, ou lorsqu'elles sont requises pour l'exercice d'une fonction ou pour une formation professionnelle, et en veillant à ce que ceux qui obligent des femmes à porter une certaine tenue soient sanctionnés de manière dissuasive, efficace et proportionnée ;

7.1.6. d'encourager les médias à être représentatifs de la diversité ethnique et religieuse de l'Europe lorsqu'ils recrutent des journalistes, des reporters et des présentateurs ;

7.1.7. d'encourager les médias à ne pas présenter les femmes musulmanes uniquement sous des aspects liés à leurs convictions religieuses et en tant que victimes de la violence, mais à faire mieux connaître des exemples d'intégration et d'engagement et des demandes d'égalité émanant d'elles :

7.2. s'agissant des politiques d'intégration et de la promotion du respect :

7.2.1. de promouvoir le respect mutuel entre toutes les personnes, indépendamment de leur appartenance religieuse, par l'éducation - en particulier de l'éducation civique et des droits humains - et en organisant des campagnes de sensibilisation qui mettent en valeur les aspects positifs de la diversité, en particulier :

7.2.1.1. d'apporter leur soutien à la mise en oeuvre de la Recommandation CM/Rec(2010)7 du Comité des Ministres sur la Charte du Conseil de l'Europe sur l'éducation à la citoyenneté démocratique et l'éducation aux droits de l'homme ;

7.2.1.2. de prendre des initiatives dans le domaine de l'éducation interculturelle relatives à la diversité des religions et des convictions non religieuses afin de promouvoir la tolérance, la compréhension mutuelle et la culture du «vivre ensemble», en s'inspirant des principes énoncés dans la Recommandation du Comité des Ministres sur la dimension des religions et des convictions non religieuses dans l'éducation interculturelle (CM/Rec(2008)12) ;

7.2.1.3.de promouvoir l'utilisation des «Principes directeurs à l'attention des éducateurs pour combattre l'intolérance et la discrimination à l'encontre des musulmans: Aborder l'islamophobie à travers l'éducation», publiés par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE/BIDDH), l'Organisation des Nations Unies pour la Culture, la Science et l'Education (UNESCO) et le Conseil de l'Europe ;

7.2.2. de promouvoir l'autonomisation active des femmes musulmanes, en les incitant à participer activement à la vie de la société, en encourageant le développement d'organisations de femmes musulmanes, en facilitant la création de réseaux et en donnant de la visibilité aux femmes qui ont connu la réussite dans la société européenne ;

7.2.3. d'intensifier les efforts et d'allouer des ressources financières suffisantes pour mettre en oeuvre des politiques d'intégration au niveau local, à partir d'une stratégie globale comprenant des activités de sensibilisation et des formations spécifiques sur la diversité pour les agents responsables de l'application des lois, les maires et le personnel de l'administration publique ;

7.2.4. de promouvoir comme moyen d'intégration les politiques de regroupement familial et l'accès à la nationalité et à la double nationalité pour les migrants et leurs descendants et de veiller à l'absence de discrimination fondée sur le sexe, la religion ou l'appartenance ethnique dans l'application des lois et réglementations relatives à ces politiques ;

7.2.5. de faire en sorte que toutes les filles, y compris les filles musulmanes, aient accès à tous les niveaux de l'éducation et qu'elles disposent de structures de soutien pour les aider à poursuivre leur éducation ;

7.2.6. d'élaborer, en coopération avec des organisations non gouvernementales, des programmes de formation spécifiques afin de permettre aux femmes musulmanes plus âgées qui souhaitent accéder à l'emploi d'acquérir des compétences et des qualifications ;

7.2.7. de mettre en place des bourses et des programmes spéciaux pour encourager les filles et les femmes à poursuivre une formation professionnelle ou des études universitaires, et de s'assurer que les informations relatives à l'éducation sont largement diffusées ;

7.2.8. d'allouer des fonds suffisants pour l'enseignement de la langue du pays d'accueil s'il y a lieu ;

7.2.9. d'imposer des sanctions efficaces, proportionnelles et dissuasives en cas de discrimination dans l'accès à l'emploi et sur le lieu de travail ;

7.2.10. d'élaborer des campagnes de sensibilisation et prévoir des sanctions dissuasives pour les organismes publics et les banques afin de lutter contre la discrimination dans l'octroi de prêts et de subventions à la création d'entreprises dont sont victimes les femmes musulmanes ;

7.2.11. d'encourager les partis politiques à être représentatifs de la diversité de l'Europe dans le choix de leurs candidats pour les élections ;

7.3. s'agissant de la lutte contre la violence à l'égard des femmes :

7.3.1. de signer et de ratifier, s'ils ne l'ont pas encore fait, la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210) ;

7.3.2. de condamner toute référence à l'honneur pour justifier des actes de violence ;

7.3.3. d'assurer la protection des femmes en Europe contre la violence, indépendamment de leur religion, de leur culture, de leur nationalité et de leur statut de migrant en situation régulière ou irrégulière ;

7.4. s'agissant de l'accès à la santé :

7.4.1. de mettre à la disposition des informations sur la santé maternelle et la santé reproductive rédigées dans les langues de la population concernée ;

7.4.2. de veiller, si possible, à la présence d'interprètes dans les centres de soins dispensant des soins d'urgence et de santé maternelle ;

7.4.3. de former les professionnels de santé à la diversité culturelle tout en veillant à ce que le fonctionnement du système de santé ne soit pas perturbé par les coutumes religieuses des patients ;

8. L'Assemblée demande aux chefs religieux musulmans:

8.1. de condamner publiquement la violence à l'égard des femmes, la violence domestique et les crimes dits «d'honneur» ;

8.2. de faire des déclarations publiques dans lesquelles ils expliquent que les mutilations génitales féminines ne sont pas une pratique préconisée par l'islam.

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