(2) Les obstacles liés à l'insuffisante coordination entre corpus normatifs

Le développement des coopératives d'habitants se heurte à des difficultés liées à une mauvaise articulation entre le droit coopératif et le droit du logement . Il conviendrait donc de mieux coordonner ces deux domaines normatifs.

Un premier problème concerne l'attribution des logements sociaux produits au sein de la coopérative par des bailleurs agréés : les procédures de droit commun (commission d'attribution par le bailleur, réservation de logements par les financeurs) pourraient entrer en conflit avec la procédure d'agrément des coopérateurs entrants par la coopérative (agrément utile pour garantir l'adhésion des habitants au projet collectif de coopérative). Il faut donc rechercher les voies d'une conciliation entre ces deux logiques en faisant en sorte d'associer la coopérative aux procédures d'attribution.

Une seconde difficulté concerne le développement des partenariats avec les sociétés HLM . Leur objet social ne leur permet pas toujours d'investir dans un projet d'habitat coopératif, quand bien même celui-ci prévoit qu'une part des logements produits est destinée au public cible des politiques d'accession sociale à la propriété. Dans la liste des structures dans lesquelles les organismes HLM ont la capacité à investir, il serait donc opportun d'ajouter les coopératives d'habitants 24 ( * ) .

Enfin se pose la question du droit à l'aide pour le logement des habitants coopérateurs.

c) Un travail de proposition normative déjà avancé, qui pourrait aboutir rapidement

En juin 2011, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés du Sénat ont déposé une proposition de loi visant à faire du logement une priorité nationale. Ce texte comporte, à son Titre V, un ensemble de dispositions. L'adoption de certaines permettrait de résoudre plusieurs des difficultés juridiques que rencontrent les coopératives d'habitants. Votre rapporteur recommande donc que le Parlement se penche sans tarder sur ces propositions.

La réflexion sur ces questions ayant naturellement progressé depuis la date du dépôt de cette proposition de loi, plusieurs amendements pourraient cependant lui être apportés. Parmi ceux-ci, on peut notamment évoquer les suivants :

- il serait formellement plus satisfaisant d'adopter un corps de dispositions spécifiques aux coopératives d'habitants (dans une loi sectorielle ou dans un chapitre spécifique du code de la construction et de l'habitation) que de modifier la loi de 1947. Celle-ci constitue en effet la loi-cadre de la coopération, dont les dispositions s'appliquent en l'absence de dispositions contraires contenues dans une loi particulière. Toutes les familles juridiques de coopératives ont d'ailleurs vu le jour dans des textes spécifiques ;

- il est plus pertinent de parler de « coopératives d'habitants » que de « coopératives de logement », comme le fait la proposition de loi, car ces coopératives ne fournissent pas seulement du logement, mais aussi des espaces communs. Elles sont par ailleurs le vecteur d'une redéfinition profonde des rapports de voisinage ;

- la proposition de loi donne un objet social trop étroit aux coopératives d'habitants, qui leur interdit d'offrir des activités de service à des non coopérateurs. Il faudrait les autoriser à délivrer ces services annexes de nature commerciale en prévoyant qu'ils fassent l'objet d'une comptabilité spéciale, qu'ils ne représentent pas plus d'un cinquième du chiffre d'affaires de la coopérative et que le bénéfice généré par cette activité soit soumis à l'impôt sur les sociétés dans des conditions normales ;

- la proposition de loi fixe également de manière trop étroite la liste des personnes susceptibles d'entrer au capital d'une coopérative d'habitants en tant qu'associés non coopérateurs. Elle oublie en effet de mentionner les personnes dont la vocation est de participer financièrement au capital de la société coopérative ;

- enfin, le texte omet de préciser qu'en cas de demande de sortie du statut de société coopérative, le Conseil supérieur de la coopération devrait donner un avis de conformité. A l'heure actuelle cet avis obligatoire n'est que consultatif. Compte tenu des plus-values latentes associées à des immeubles coopératifs, un encadrement rigoureux des sorties du système coopératif est nécessaire.


* 24 Dans le droit actuel, pour intégrer des ménages très modestes, la coopérative est obligée de recourir à un montage complexe. Elle cède un bail à construction à un bailleur pour qu'il produise des logements en Prêt locatif à usage social (PLUS) ou Prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Le bailleur finance intégralement les appartements concernés, Il paie à la coopérative la fraction de surface de plancher correspondant aux logements sociaux ainsi qu'une participation à la construction des espaces collectifs. Pendant la durée du bail, une co-propriété est constituée. Lorsqu'il s'achève, la propriété des logements revient à la coopérative. Le locataire peut quant à lui devenir coopérateur en acquérant au moins une part sociale.

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