2. Donner un plus grand rôle aux volontaires

Devant la mission d'information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat 190 ( * ) sur l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, le préfet honoraire Gabriel Aubert soulignait : « Lors de crises, les volontaires ne manquent pas à l'appel, le problème étant de gérer ces volontaires et de leur donner les moyens d'agir efficacement. Dans ces situations de crise, le maire est responsable de l'évaluation de la situation et du soutien à apporter aux populations. Or, il n'est pas toujours en mesure de répondre, faute de préparation et d'encadrement. Les réserves communales pourraient constituer à cet égard une réponse juridique et pratique adaptée. »

Certes, le système des pompiers volontaires (79 % des effectifs) est un dispositif proche des réserves, mais leur mobilisation sur une longue période est difficile et surtout, ils ne sont, pas plus que les professionnels à la disposition du maire, mais du préfet. L'absence de renfort en matière de protection civile pour « l'après-crise » se vérifie aussi pendant le déroulement même des crises.

Comme nous l'avons vu, la crise de juin 2010 dans le Var a montré l'intérêt d'équipes, de comités du type de ceux des CCFF varois, véritables bras armé du maire et du conseil municipal dans la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde, dans les petites communes, le seul. Outre leur intervention dans la crise et ses suites immédiates, ils peuvent être tout au long de l'année les vecteurs de la prévention, de la diffusion de l'information sur le risque, et un relais du maire pour sensibiliser et responsabiliser les habitants de la commune.

Souvent les associations de sinistrés, constituées après une catastrophe, au-delà de la défense de leurs droits, investissent le champ de l'action et se mobilisent pour mettre en place une solidarité entre voisins, une chaîne d'alerte locale, surveiller l'entretien des cours d'eau... Ces bonnes volontés pourraient facilement constituer l'ossature d'une réserve communale ou un vivier de compétences en cas de besoin, comme c'est le cas en Italie.

a) Les expériences étrangères

Par comparaison avec l'Allemagne ou avec l'Italie, la mission a été frappée par l'absence, en France, d'une grande force de protection des victimes des catastrophes naturelles.

Allemagne

Aux termes de l'article 70 de la Loi fondamentale, la lutte contre les dangers en cas de catastrophe ressortit aux Länder. Dans le cas d'une agression armée dirigée contre le territoire de la République fédérale ou dans le cas de l'imminence d'une menace équivalente (état de défense), la protection de la population civile (protection civile) relève de l'État fédéral. Cependant, il n'y a plus aujourd'hui de distinction marquée entre protection civile et protection contre les effets des catastrophes. Ceci signifie qu'État fédéral et Länder mutualisent leurs compétences et capacités au sein d'un système de protection de la population qui prend en compte toutes les sources possibles de sinistre. Ils sont conseillés dans cette tâche par la commission chargée de la protection au ministère fédéral de l'Intérieur.

L'État fédéral met des moyens à disposition des Länder pour que ceux-ci les intègrent dans leur dispositif du temps de paix de protection civile et de protection contre les effets en cas de catastrophe. En outre, l'État fédéral élargit et complète l'éventail des organes de protection contre les effets des sinistres majeurs des Länder par la mise en place de l'Agence fédérale de secours technique (THW).

L'Agence fédérale de secours technique (THW)

L'Agence compte environ 82 000 bénévoles, dont près de 15 000 jeunes volontaires et 860 employés. Elle est située à Bonn-Lengsdorf avec l'Office fédéral pour la protection des populations et la gestion des catastrophes (BBK).

Les 8 formations régionales de la THW sont les interlocuteurs des autorités suprêmes des Länder. Sont intégrées dans les formations régionales 66 directions au total, lesquelles encadrent les unités locales. Le concept de l'Agence fédérale de secours technique prévoit en effet pour chaque Landkreis et pour chaque ville indépendante du Kreis au moins une unité locale. Actuellement, il en existe 669 sur le territoire allemand.

Il est possible d'intégrer l'Agence fédérale de secours technique pour y effectuer un service national de substitution. La durée d'engagement minimum est actuellement de 6 ans.

Les interventions majeures concernant le risque inondations :

- la crue de l'Oder en 1997, pendant laquelle 54 jours durant 7 200 bénévoles appartenant à plus de 392 unités locales ont été déployés, a été la première grande intervention effectuée après la réunification ;

- la crue de l'Elbe en 2002 a été la plus grande intervention de l'histoire de l'Agence fédérale de secours technique (THW). 24 000 bénévoles y furent déployés avec leur matériel sur une durée de 1 750 000 heures ;

- inondations dans le sud de la France fin 2003 : 1 300 bénévoles luttèrent pendant près de 14 jours contre les flots, déployant des moyens permettant de pomper environ 670 m par minute ;

- crue de l'Elbe en 2006.

Les sapeurs-pompiers

En Allemagne, les sapeurs-pompiers sont du ressort législatif des Länder. Alors que l'équipement technique et la formation sont presque identiques en raison de l'application de standards et règlements fédéraux communs, de nombreuses différences existent au niveau des structures organisationnelles et financières.

Les structures organisationnelles des pompiers diffèrent souvent de manière significative selon le Land. D'une manière générale, leur articulation suit les structures communales (villes communes, regroupement intercommunal, etc.). La dotation en personnels et matériels (par exemple : équipement en véhicules de lutte anti-incendie) dépend des risques spécifiques du lieu d'implantation du service des pompiers. Elle est aussi fonction du nombre d'habitants, de la présence d'industries et des réseaux de transport.

Chaque commune étant tenue d'assurer sa protection incendie, il se peut, pour combler un déficit en bénévoles, que des citoyens soient désignés pompiers d'office ( Pflichtfeuerwehr ).

Il y a en Allemagne 27 900 sapeurs-pompiers professionnels et 1 035 900 sapeurs-pompiers bénévoles.

Sénat - Rapport d'information n° 174 de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam - décembre 2010

Italie

Le système italien est assez particulier en ce qu'il est à la fois très décentralisé et très centralisé : le rôle des communes et des volontaires y est essentiel mais le Département de la protection civile sous la responsabilité directe du président du Conseil des ministres aussi.

La commune est le premier niveau de gestion de l'urgence et le maire la première autorité de protection civile sur le territoire agissant avec ses ressources propres. Il active le C.O.C. ou Centre opérationnel communal qui intervient avec les moyens de la mairie et le Groupe communal des volontaires de la protection civile pour la mise en oeuvre du Plan communal de protection civile. Ce plan est rédigé en tenant compte des préconisations régionales.

Les communes italiennes disposent de réserves de volontaires de sécurité civile, particulièrement nombreuses et efficaces. L'essentiel des premiers secours est assuré par elle, les pompiers (service d'État relevant du ministère de l'intérieur) ne sont qu'un service technique d'appoint.

L'organisation est faite de telle manière que ces réserves de volontaires n'interviennent pas seulement dans leur communes mais aussi à l'extérieur, parfois fort loin de leur base (système de jumelage et d'affectation par zones). C'est rien de dire que la solidarité joue à fond dans ce pays où les catastrophes naturelles sont une plaie récurrente. Déjà, lors des inondations de Florence en 1966, les « anges de la boue » étaient intervenus pour aider les victimes. Récemment à L'Aquila, la colonne venant du Frioul était très importante et voulait ainsi marquer son remerciement à l'aide que les Abruzzes avaient fournie à cette région lors du tremblement de terre de 1976.

Quand, en 1992, le Service National de la Protection Civile a été créé, le statut de « structure opérationnelle nationale » a été attribué aux organisations de volontaires également. La pro-activité du Département de la Protection Civile a permis de réduire considérablement les lourdeurs administratives et d'utiliser rapidement et à bon escient le réservoir de volontaires en fonction des exigences du terrain. Cette approche pragmatique a été déterminante à la vue des événements tragiques des dernières années en Italie.

L'objectif a été de créer un service de réponse immédiate aux exigences de la protection civile, capable de s'intégrer aux autres niveaux d'intervention du système national (subsidiarité verticale) tout en valorisant au maximum les forces citoyennes dans les communes (subsidiarité horizontale).

Les organisations de volontariat doivent s'inscrire dans les registres, régionaux ou nationaux.

Cela représente 1,3 million de personnes, venues de tous les horizons sociaux (donc avec des compétences diverses), regroupées en 2 500 organisations, soit quelque 50 % des personnes déployées à l'occasion des catastrophes.

Les organisations de volontaires ont aussi le statut de « structure opérationnelle nationale ».

Leur capacité de réactivité est affirmée. De l'ordre de 60 000 volontaires sont prêts à intervenir en quelques minutes et 300 000 sont opérationnels en quelques heures.

La réserve fonctionne selon le principe de la gratuité mais les journées de travail perdues sont remboursées par l'État.

Particulièrement efficace, le système de protection civile (loi 225/92) relève du Département de la protection civile (budget de 1,6 milliard d'euros, en baisse de 18 % par rapport à 2008) rattaché directement au président du Conseil. Avec à sa tête un conseiller technique du président voire un sous-secrétaire d'État. C'est un « service national » qui mobilise toutes les forces existantes. Chaque ministère est représenté à son centre opérationnel de gestion des crises.

Depuis un décret-loi du 15 mai 2012, c'est le préfet qui coordonne les services au niveau de la province en cas d'urgence (en activant le centre de coordination des secours (CCS) : forces de l'ordre, pompiers, secours techniques d'urgence, secours sanitaires, organisations de volontaires, représentants des autorités locales et des organismes bénévoles). En cas d'urgence, et lorsque le sinistre dépasse le cadre communal, est aussi activé le PC de crise provincial chargé des transmissions.

Sur le terrain, divers centres opérationnels mixtes (COM), assurent l'interface entre le CCS et les communes.

En cas d'événement particulièrement grave ou très spécifique, c'est Département de la protection civile qui prend directement la main.

Source : Ambassade de France à Rome

À l'usage, il apparaît donc très dommageable pour notre pays de se passer d'un tel potentiel de bonnes volontés, de compétences et d'initiatives dans la lutte et la prévention des fléaux calamiteux. L'exemple des CCFF varois qui ont su se structurer dans un cadre juridique clair, acquérir un statut en trouvant leur place à côté des organes institutionnels de secours, ce qui ne fut pas une petite affaire, pourrait être une source d'inspiration pour les autres départements.

Car, apparemment, la mise en place des réserves communales de sécurité civile patine.

b) Un développement beaucoup trop limité

La Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises estimait le nombre de communes disposant d'une réserve de sécurité civile à 550 191 ( * ) . 8 ans après la loi, on est donc loin des 10 000 communes concernées par un plan communal de sauvegarde, c'est-à-dire potentiellement exposées à des catastrophes naturelles.

Cette situation s'explique par :

- le fait que les directeurs des opérations et les professionnels sous ses ordres ne sont pas spontanément disposés à accueillir des amateurs, soupçonnés plus souvent de perturber leur action que de la renforcer ;

- la faiblesse des moyens humains et techniques dans les petites communes ;

- le fait qu'elles soient des outils de gestion de crise aux activités quasi nulles entre-temps ;

- le caractère bénévole de l'activité des réservistes communaux dès lors que les autres formes de réserve et le service civil volontaire sont rémunérés ;

- la concurrence avec les pompiers volontaires qui connaissent des problèmes de recrutement, notamment en zone rurale.

Pour avoir quelque chance de succès, il est nécessaire que la réserve communale soit organisée de manière cohérente, dotée de missions clairement identifiées et que ses membres soient correctement formés. Il importe également de la maintenir dans la durée.

c) Un renforcement nécessaire et urgent

La mise en place des réserves communales de sécurité civile est particulièrement nécessaire dans les communes ou intercommunalités à risque, où elles pourraient jouer un rôle opérationnel important, tant dans l'organisation des secours que dans la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde, avant, pendant, et après la crise. Elles pourraient aussi jouer le rôle de médiateurs au moment de l'intervention et dans la diffusion de l'information, pendant la crise ou préventivement. Leur présence régulière au sein de la population serait le meilleur antidote de l'amnésie. Pour les spécialistes, en effet, la communication personnelle, le porte-à-porte ont une efficacité bien supérieure à la seule diffusion de dépliants. Cette réserve pourrait en outre être chargée, en liaison avec les pompiers, de la diffusion de l'Information préventive aux comportements qui sauvent (IPCS).

- Prendre en compte des réserves dans les plans départementaux d'organisation de la réponse de sécurité civile.

- Autoriser les réserves communales à participer à des actions au-delà des limites de la commune. Dans le cas de catastrophe naturelle, il importe de prévoir qu'une commune puisse mettre à disposition d'une autre commune sa réserve de sécurité civile au titre de la solidarité. Cette mesure permettra de renforcer les effectifs mobilisés, mais également d'accroître l'entraînement et l'activité de chaque réserve.

- Renforcer les possibilités de formation et d'entraînement.

- Mettre en oeuvre des réserves communales dans le cadre des exercices de sécurité civile.


* 190 Sénat - Rapport d'information de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense n° 174 (2010-2011) - 14 décembre 2010

* 191 Chiffre particulièrement faible, ne serait-ce qu'au vu du nombre de CCFF existants, ne serait-ce que dans le Var. Il faut dire que tous ne sont pas officiellement des « réserves de sécurité civile ».

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