4. Les limites posées par le Conseil constitutionnel à cette progression des pouvoirs judiciaires

Au cours des débats précédant l'adoption de la LOPPSI, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait introduit un nouveau chapitre relatif aux polices municipales, visant à accroître les pouvoirs judiciaires des agents . Il était ainsi proposé de conférer la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale, de donner aux agents la possibilité d'effectuer des contrôles d'identité, enfin de leur permettre de mettre en oeuvre des contrôles d'alcoolémie préventifs sur la voie publique.

Selon le rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, il s'agissait « d'améliorer la coordination entre polices municipales et police nationale ou gendarmerie ». Il était en outre expressément mentionné qu'en tant qu'APJ, le directeur de la police municipale ne relèverait pas du maire, bien que celui-ci soit officier de police judiciaire (OPJ), « afin de ne pas mettre en place une filière de police judiciaire concurrente de la police ou de la gendarmerie ».

Dans sa décision sur le LOPPSI, le Conseil Constitutionnel a censuré les dispositions qui conféraient la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale et celles qui permettaient aux agents d'effectuer des contrôles d'identité. Il a en effet estimé qu'en l'absence de contrôle de l'autorité judiciaire sur les agents, ces dispositions allaient à l'encontre de l'article 66 de la constitution .

Cette décision importante semble ainsi avoir mis un coup d'arrêt à l'accroissement des pouvoirs judiciaires des policiers municipaux. En l'état actuel, ces pouvoirs judiciaires ne peuvent exister que dans des domaines bien délimités, de nature contraventionnelle, les agents de police municipale devant s'en remettre aux officiers de police judiciaires dans les domaines où la liberté individuelle est plus directement en jeu.

Cette position est également celle exprimée par la conférence nationale des procureurs de la République, dont le président a insisté, lors de son audition, sur la nécessité de réserver le champ judiciaire aux forces nationales qui interviennent sous le contrôle de l'autorité judiciaire, et dont la formation reste plus complète que celle des agents municipaux.

5. Un rapprochement avec les forces nationales qui comporte certains risques

De nombreux maires considèrent que les pouvoirs dont disposent les agents ont déjà été suffisamment renforcés et qu'il serait périlleux de vouloir les étendre encore davantage.

Le rapprochement observé dans de nombreuses communes entre les missions des policiers municipaux et celles des agents des forces nationales comporte en effet plusieurs inconvénients :

a) Une certaine confusion dans l'esprit des citoyens

Outre les effets du rapprochement des missions, cette confusion est particulièrement entretenue par la similarité des uniformes, des équipements et des sérigraphies des véhicules. Souvent, seule une observation attentive permet, à la lecture des inscriptions figurant sur les uniformes, de distinguer le bleu de la police nationale de celui des polices municipales.

Les conséquences de cette confusion peuvent être très dommageables. Comme l'a souligné lors de son audition M. Philippe Laurent, maire de Sceaux et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, dans les communes où les attentes vis-à-vis de la puissance publique sont dominées par le « sentiment d'insécurité » et par l'exigence d'une lutte permanente contre la délinquance, les habitants sont conduits à penser que l'ensemble des « policiers », qu'ils soient nationaux ou municipaux, ont pour tache principale de combattre les crimes et délits, de rechercher leurs auteurs, de les sanctionner immédiatement ou de les livrer à la justice. Dès lors, ils comprennent mal que les policiers municipaux passent du temps à verbaliser le stationnement irrégulier ou à constater un dépôt illégal d'ordures au lieu de se consacrer à la chasse aux délinquants.

Par ailleurs, certains administrés ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas déposer de plainte directement auprès des agents, et pourquoi ceux-ci ne peuvent pas retenir une personne pour l'entendre à propos d'une infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise. En effet, les policiers municipaux ne peuvent en principe appréhender que l'auteur d'un crime ou d'un délit flagrant, tout comme n'importe quel citoyen .

Il est vrai que, sur ce dernier point, la confusion est parfois entretenue par la pratique, instaurée dans certaines communes, qui consiste à orienter toute une partie de l'activité des policiers municipaux vers la constatation de flagrants délits et la réalisation d'interpellations , soit en s'appuyant sur la vidéosurveillance, soit en demandant aux policiers municipaux de patrouiller ou de se poster en attente dans des lieux où des délits sont susceptibles d'être commis, soit même en effectuant des interpellations à la demande de la police nationale. Il en va de même de l'interpellation de personnes dont on soupçonne qu'elles viennent de commettre un délit ou un crime alors que la période de flagrance proprement dite est en réalité révolue.

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