INTRODUCTION

La sécurité civile recouvre une diversité de missions essentielles pour la sécurité des populations. Elle vise non seulement à prévenir les risques de toute nature, mais aussi à informer et à alerter sur ces risques. Elle représente un acteur majeur dans la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes.

Depuis la loi du 5 avril 1884, la sécurité civile a connu de profondes mutations dans son organisation. Elle est ainsi progressivement passée d'un cadre communal à une administration départementalisée. A cet égard, la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours (SDIS) a constitué une étape clef. A partir de cette date et dans un but d'optimisation des moyens, les personnels et les matériels des communes ont été transférés aux SDIS. Dans le même temps, ces services devenaient des établissements publics communs aux départements 1 ( * ) , aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de secours et de lutte contre l'incendie.

Alors que la loi précitée du 3 mai 1996 laissait un délai de cinq ans aux collectivités pour faire entrer en vigueur ses dispositions, il apparaît aujourd'hui opportun de cerner son incidence sur la politique d'investissement menée par les SDIS et l'Etat après plus d'une décennie d'application de cette nouvelle organisation .

Plus largement, comment sont aujourd'hui prises les décisions d'investissement en matière de sécurité civile ? Quelle est l'articulation entre le niveau central et l'échelon déconcentré ? Quel dialogue s'instaure-t-il entre l'Etat, les SDIS et les collectivités territoriales, quand il s'agit de déterminer l'effort d'investissement ?

L'importance de ces enjeux ressort d'autant plus à la lumière des montants consacrés à ces dépenses. Pour 2011, les budgets prévisionnels des SDIS faisaient apparaître une dépense totale de 1,216 milliard d'euros en section d'investissement sur un total de 5,5 milliards d'euros. Plus modestes mais néanmoins significatives, les autorisations de dépense d'investissement (titre 5) de la mission « Sécurité civile » s'élevaient dans la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 à 45,8 millions d'euros , répartis entre 23,2 millions d'euros pour le programme 161 « Intervention des services opérationnels » et 22,6 millions d'euros pour le programme 128 « Coordination des moyens de secours ».

Outre leurs enjeux financiers, ces dépenses conditionnent la sécurité des personnels (qui risquent leur vie pour sauver celle des autres) comme le maintien des matériels en condition opérationnelle. De la conception d'une nouvelle infrastructure de communication (Antares) jusqu'à l'installation d'un nouveau système d'alerte et d'information des populations (SAIP) en passant par l'entretien et le renouvellement de la flotte d'aéronefs, ces investissements revêtent une importance fondamentale pour l'efficacité de la sécurité civile aujourd'hui, et plus encore demain, au service de chacun de nos concitoyens .

I. LE PILOTAGE DE L'INVESTISSEMENT

L'effort d'investissement en matière de sécurité civile est paradoxalement à la fois réel, important mais aussi très difficilement lisible . Ce constat tient tout à la fois aux limites de l'architecture budgétaire de la mission « Sécurité civile », à la multiplicité des acteurs en charge de la décision d'investissement et à la difficulté d'identifier parmi eux un véritable animateur de cette politique.

Ce déficit de coordination trouve son pendant dans un financement étatique tendant au saupoudrage , via le fond d'aide à l'investissement (FAI) dont le rôle mérite d'être revisité.

A. UN EFFORT D'INVESTISSEMENT DIFFICILE À DÉCRYPTER

Loin d'apparaître clairement et directement dans les documents budgétaires soumis à la représentation nationale (projet annuel de performances et rapport annuel de performances), l'effort d'investissement consacré à la sécurité civile demande, pour ressortir dans sa totalité, un certain nombre de rapprochements qui n'en facilitent pas la lecture.

Il convient en effet de prendre en considération non seulement les crédits inscrits à la mission budgétaire « Sécurité civile », mais d'y ajouter également notamment ceux figurant aux budgets des SDIS. Cet exercice met d'ailleurs en évidence le poids écrasant des dépenses des SDIS par rapport à celles budgétées annuellement par l'Etat.

1. Une mission « Sécurité civile » au périmètre très limité
a) Un investissement de 45,8 millions d'euros inscrits sur la mission

La loi précitée du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 prévoit 20,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 45,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) au titre de l'investissement réalisé au sein de la mission « Sécurité civile ».

Le tableau ci-dessous rend compte de la ventilation de ces ouvertures de crédits entre les deux programmes composant la mission, le programme 161 « Intervention des services opérationnels » et le programme 128 « Coordination des moyens de secours ».

Les crédits d'investissement de la mission « Sécurité civile »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

Ouvertures en 2011

Demandées en 2012

Variation 2012/2011

Ouvertures en 2011

Demandées en 2012

Variation 2012/2011

Programme 161 « Intervention des services opérationnels »

16,5

18,2

+ 10,3 %

21,7

23,2

+ 6,9 %

Programme 128 « Coordination des moyens de secours »

47,1

2,2

- 95,5 %

14,5

22,6

+ 55,9 %

Total

63,6

20,4

- 67,9 %

36,2

45,8

+ 26,5 %

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

Dans la mesure où l'ensemble des CP dédiés à la mission « Sécurité civile » s'élève à 448,4 millions d'euros, la dépense d'investissement (45,8 millions d'euros) correspond donc à un taux d'effort de 10,2 % .

Il convient par ailleurs de relever que la présente mission se caractérise également par une forte amplitude de variation s'agissant de son investissement : - 67,9 % pour les AE entre 2011 et 2012 et + 26,5 % pour les CP.

Cette amplitude n'est pas sans lien avec la surface financière réduite de la mission « Sécurité civile » . En loi de finances pour 2012, cette mission ne s'appuie en effet « que » sur 448,4 millions d'euros de CP. Dès lors, tout aléa budgétaire en cours de gestion risque d'impacter prioritairement l'investissement, les dépenses de fonctionnement (titre 3) et de personnel (titre 2) étant par nature plus rigides. La tentation du responsable des deux programmes 161 et 128 (le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises) peut alors être de faire d'abord jouer la fongibilité sur les crédits d'investissement (titre 5) afin de répondre à des difficultés de gestion sur les autres titres.

b) Une dépense en réalité supérieure pour l'Etat

Pour autant, la seule mission « Sécurité civile » ne saurait résumer la totalité de l'effort d'investissement de l'Etat en faveur de la sécurité civile. En effet, huit autres programmes budgétaires participent à la politique de sécurité civile. Ces programmes sont répartis sur quatre missions : « Ecologie, développement et aménagement durables » (pour 426,8 millions d'euros), « Santé » (pour 27,2 millions d'euros), « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (pour 52,1 millions d'euros) et « Administration générale et territoriale de l'Etat » (pour 48 millions d'euros) 2 ( * ) .

En l'état, il est toutefois impossible de détailler l'effort d'investissement total résultant de ces huit autres programmes . Les documents budgétaires présentés à la représentation nationale ne permettent en effet pas de rentrer à ce niveau de précision.

L'exemple du programme 307 « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » illustre l'impasse rencontrée.

Le programme 307 « Administration territoriale »

de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » :

une participation non chiffrée à la dépense d'investissement

en matière de sécurité civile

Parmi les huit programmes budgétaires contribuant à la mise en oeuvre de la politique de sécurité civile figure le programme 307 « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Ce programme apparaît d'ailleurs dans le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances et consacré à la sécurité civile.

Toutefois, le document transversal ne présente pas l'effort contributif à cette politique en matière d'investissement . Il se contente de faire apparaître la totalité des montants en AE et en CP (respectivement 48 millions d'euros) correspondant à l'action (action n° 1 « Coordination de la sécurité des biens et des personnes ») du programme « Administration territoriale » prenant une part à la politique de sécurité civile.

Aucune ventilation par titre n'est proposée.

Au total, si l'on peut conclure que l'effort de l'Etat en matière d'investissement dans la sécurité civile est assurément supérieur au seul montant annoncé pour ce poste de dépense au sein de la mission « Sécurité civile », il est toutefois impossible d'annoncer un chiffre précis, par manque d'exhaustivité des schémas de déversement utilisés dans le document de politique transversale « Sécurité civile » .

Il est particulièrement étonnant qu'en dehors d'un exercice long et fastidieux d'« archéologie budgétaire » , il ne soit pas possible de connaître avec précision les montants engagés par l'Etat en matière d'investissement dans la sécurité civile.

Votre rapporteur spécial propose donc d'améliorer la lisibilité des documents budgétaires afin de faire ressortir clairement l'effort total d'investissement de l'Etat en faveur de la sécurité civile .


* 1 Le président du conseil général, ou son représentant, préside le conseil d'administration du SDIS.

* 2 Cf. document de politique transversale « Sécurité civile » annexé au projet de loi de finances pour 2012.

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