C. DIALOGUE POST-SUIVI AVEC LA BULGARIE

La Bulgarie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1992. L'Assemblée parlementaire a clos la procédure de suivi la concernant en 2000 et décidé, dans le même temps, d'ouvrir un dialogue avec Sofia en vue de régler un certain nombre de problèmes restant en suspens. La résolution 1730 adoptée en 2010 a d'ailleurs constitué un premier état des lieux des efforts mis en oeuvre. Des progrès devaient néanmoins être accomplis en matière judiciaire, de lutte contre la corruption ou de liberté de la presse.

Chargée d'évaluer les mesures adoptées depuis 2010, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, dite commission de suivi, a présenté un rapport nuancé devant l'Assemblée parlementaire. Reconnaissant les avancées obtenues en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé, via la mise en place d'un cadre législatif adapté, la commission relève néanmoins des lacunes persistantes dans les procédures d'enquête. L'adoption prochaine d'un nouveau Code pénal devrait permettre d'améliorer la pratique.

Si la commission est préoccupée par la montée du nationalisme et un climat hostile aux minorités, elle souligne cependant que des progrès indéniables ont été enregistrés afin de garantir à celles-ci l'égalité des droits. Les atteintes aux droits de l'Homme par les forces de police sont, par ailleurs, en régression.

La commission préconise néanmoins un certain nombre de dispositions en vue de pérenniser et rendre irréversible les réformes démocratiques déjà adoptées. Elles concernent le rôle du Conseil judiciaire suprême, la révision de la loi sur les conflits d'intérêts, l'indépendance des médias et la protection des minorités. En attendant, elle a appelé au maintien du dialogue post-suivi avec la Bulgarie, ce que l'Assemblée a approuvé.

D. GEORGIE ET RUSSIE : LA SITUATION HUMANITAIRE DANS LES RÉGIONS TOUCHÉES PAR LA GUERRE ET LES CONFLITS

Quatre ans et demi après le déclenchement de la guerre entre la Géorgie et la Russie et trois ans après l'adoption par l'Assemblée parlementaire d'un texte abordant les conséquences humanitaires de la guerre, la commission des migrations, des personnes déplacés et des réfugiés a souhaité faire le point sur la situation sur les territoires concernés.

Si les besoins humanitaires urgents qui se sont manifestés au lendemain de la guerre de 2008 entre la Géorgie et la Russie ont été pris en charge, il demeure cependant des problèmes majeurs qui ne pourront être résolus tant que l'intérêt politique primera sur la vie des personnes. La commission relève ainsi qu' à l'exception d'individus qui ont pu retourner dans les régions de Gali et d'Akhalgori, les perspectives de retour de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI) restent minces. Le droit au retour volontaire, en toute sécurité et dans la dignité reste illusoire. La présence de forces militaires russes sur la ligne de démarcation administrative en Abkhazie et en Ossétie du Sud peut, en effet, dissuader ces retours. Par conséquent, la fourniture de solutions de logement durable et de moyens de subsistance pour les personnes déplacées reste un défi majeur pour les autorités géorgiennes.

Intervenant au nom du groupe socialiste, M. Christian Bataille (Nord - SRC) a insisté sur la nécessité de régler rapidement la question du statut des territoires au centre du conflit entre la Géorgie et la Russie :

« Madame la rapporteure, je voudrais tout d'abord vous féliciter pour votre rapport et vos propositions qui me semblent particulièrement pertinentes. Comme vous le rappelez fort justement, la guerre russo-géorgienne de 2008 a apporté son lot de drames humains dans une région déjà touchée par une guerre très meurtrière en 1993.

Aujourd'hui, la question du statut et du passage des lignes de démarcation doit être résolue pour ces personnes déplacées, qui vivent dans des conditions intolérables. Bien sûr, des progrès ont été faits. La semaine dernière, les autorités de fait établies en Abkhazie ont annoncé l'ouverture de trois nouveaux points de passage ; c'est une bonne nouvelle.

Mais d'autres aspects m'inquiètent : le mécanisme de prévention et de résolution des incidents pour l'Abkhazie est suspendu depuis 2012 et le cadre de négociation des discussions de Genève est bloqué, voire remis en question.

Or les discussions de Genève restent aujourd'hui la seule instance de dialogue entre les parties. Parmi les points qui doivent être abordés dans ce cadre figure le statut de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud au sein de la Géorgie. C'est justement le coeur du problème politique.

Lundi, lors de la séance de questions à M. Saakachvili, il a été rappelé que le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États membres du Conseil de l'Europe doit rester une valeur cardinale de notre Organisation. De fait, la grande majorité des Etats membres de notre Assemblée est attachée à ce principe.

Pour éviter un nouveau désastre humanitaire, il faut réfléchir à un nouveau statut qui pourrait convenir à toutes les parties. Mais on ne peut pas transiger sur le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de la Géorgie. Par ailleurs, une paix viable ne peut se concevoir sans que soit résolue la difficile question du droit au retour des populations qui ont fui les régions séparatistes lors des conflits successifs.

Enfin, nouvel élément de complexité dans un dossier qui n'est déjà pas simple, aucune solution durable ne peut être imaginée sans que la Russie n'apporte une contribution positive à la résolution du conflit.

Chers collègues géorgiens, après les élections législatives d'octobre 2012, une nouvelle approche des relations avec la Russie semble privilégiée. Dès le 14 novembre, le Premier ministre, M. Ivanichvili, a appelé à la normalisation des relations historiques entre la Géorgie et la Russie. En décembre se sont rencontrés M. Abachidze, représentant spécial pour les relations avec la Russie, et M. Karassine, vice-ministre russe des affaires étrangères. Cela doit être salué comme un pas dans la bonne direction.

Chers collègues russes, je reste persuadé que votre pays, qui accueillera en 2014 les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la Géorgie, ne peut que trouver son intérêt dans une stabilisation de la région, selon des modalités qui respectent les intérêts de chacun.

Pour que la situation humanitaire s'améliore, le minimum est que les propositions de la rapporteure soient mises en oeuvre. Mais au-delà, il faut que cessent les déclarations et les comportements souvent jusqu'au-boutistes des autorités de fait établies dans les entités séparatistes. Il faut aussi que les coprésidents des discussions de Genève puissent jouer pleinement leur rôle. »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a, quant à lui, insisté sur le rôle de médiateur que pourrait jouer le Conseil de l'Europe en vue de rapprocher les positions géorgiennes et russes :

« J'étais en octobre dernier en Géorgie pour observer, au nom de notre Assemblée, les élections législatives qui s'y déroulaient et j'ai pu constater que cette question était très sensible dans les esprits.

L'annonce à la mi-décembre d'une rencontre entre diplomates géorgiens et russes a constitué une première indication concernant les intentions du nouveau gouvernement. Quand bien même cette première rencontre n'a pas à première vue débouché sur des résultats concrets, il convient de la saluer, tant une partie du dossier qui nous occupe ce matin dépend du développement de rencontres à haut niveau, jusque-là inexistantes.

Trois ans après nos derniers travaux sur le sujet, force est de constater que l'urgence demeure. Au-delà même de la question politique, l'excellent travail de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées rappelle la situation dramatique rencontrée au quotidien par des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays ou bloquées le long de la ligne de démarcation administrative. Si l'on assiste, comme le souligne judicieusement la rapporteure, à un gel lent mais indubitable du conflit, la misère et la détresse n'en demeurent pas moins le lot quotidien de plusieurs catégories des populations concernées.

Je salue bien évidemment les constats et les demandes de la commission des migrations. Je ne peux néanmoins m'empêcher de penser que nous n'obtiendrons de résultats en la matière qu'en agissant à un plus haut niveau. Je souhaite que le Conseil de l'Europe puisse agir en médiateur et organise un dialogue régulier entre les parties en présence, comme l'Union européenne a su le faire avec la Serbie et le Kosovo. Les échanges entre ces deux pays ont permis la résolution de difficultés pratiques et techniques affectant les populations des deux pays, notamment la minorité serbe, sans que jamais ne soient vraiment abordées la question du statut du Kosovo et une quelconque reconnaissance de l'indépendance. C'est le parallélisme que je voulais faire pour montrer qu'une diplomatie parlementaire a pu faire bouger les lignes.

Un tel dispositif pourrait rendre d'immenses services aux populations géorgienne, abkhaze et ossète. Il ne serait en aucun cas la légitimation d'une situation qui, rappelons-le, est en contradiction avec les règles les plus élémentaires du droit international.

J'invite également les délégations géorgienne et russe de cette Assemblée à participer à ce dialogue, en tant que représentants de peuples. Les enceintes parlementaires sont souvent un endroit où nous pouvons analyser les situations avec plus de recul. Le cadre de l'Assemblée parlementaire me paraît plus qu'adapté pour mener à bien ces échanges dépassionnés et visant avant tout à permettre à des milliers de personnes de vivre décemment.

C'est en conjuguant tous ces efforts, ceux des États, les nôtres, ceux de nos collègues concernés que nous pourrons contribuer à un début de solution. En tout cas, bravo à M me la rapporteure ! »

La résolution et la recommandation adoptées par l'Assemblée insistent sur les aménagements à apporter qui permettraient d'améliorer le quotidien des personnes affectées par le conflit. Le franchissement de la ligne de démarcation administrative devrait ainsi être facilité afin notamment d'améliorer la reprise économique et d'améliorer les conditions de vie de la population locale. La question du logement est, elle aussi, jugée cruciale par l'Assemblée qui encourage les autorités géorgiennes à offrir des solutions durables aux personnes déplacées, en réhabilitant notamment certains centres collectifs. L'Assemblée insiste également sur la nécessité pour les parties en présence de garantir la sécurité de l'ensemble des personnes dans la région et notamment celles qui ont pu retourner dans leurs foyers, en adoptant des mesures destinées à lutter contre la criminalité, le racket, le travail forcé ou les violences faites aux femmes. Les recherches sur les personnes disparues doivent dans le même temps être appuyées. Le droit à l'enseignement dans la langue maternelle, en particulier pour les Géorgiens des régions de Gali et Akhalgori, doit, en outre, être respecté.

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