Rapport d'information n° 532 (2012-2013) de M. François MARC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 avril 2013

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N° 532

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 avril 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne conformément à l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Par M. François MARC,

Sénateur,

Rapporteur général

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Mesdames, Messieurs,

Les projets de programme de stabilité et de programme national de réforme de la France sont l'objet, tout particulièrement, cette année, d'un débat politique majeur.

D'abord, parce qu'il s'agit du premier exercice de cette nature de la présente législature, et que celui-ci intervient dans une période très contrainte, où, malgré la stabilisation liée aux annonces de la Banque centrale européenne, qui ont dissipé les craintes relatives à une éventuelle « explosion » de la zone euro, les économies européennes restent marquées par la récession.

Ensuite, parce que les progrès de la gouvernance budgétaire européenne ont élevé le programme de stabilité et le programme national de réforme, du rang d'exercices formels ou de « catalogues de bonnes intentions » à celui de déclarations de politique générale économique et financière, à l'attention de nos partenaires européens, mais aussi de nos concitoyens.

Il s'agit d'un moment de responsabilité, car la situation de notre pays appelle à la poursuite des efforts de redressement de nos finances publiques. Dans son principe, la nécessité de maîtriser notre endettement fait désormais l'objet, sinon d'un consensus, du moins d'un large consentement. Elle constitue un impératif moral, parce qu'il convient de limiter, et demain, réduire le poids qui pèse sur les jeunes générations et pèsera sur les générations à venir ; elle est aussi une condition indispensable pour que l'action publique retrouve, demain, davantage de marges de manoeuvre pour relever les défis, comme celui du vieillissement.

Le programme de stabilité qui retrace notre trajectoire de consolidation des finances publiques nous engage vis-à-vis de nos partenaires européens, avec lesquels nous avons décidé, collectivement, de règles contraignantes. Celles introduites récemment, notamment par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) portent désormais principalement sur le solde structurel. Elles sont exigeantes, s'agissant tant des objectifs qu'elles fixent que des procédures qu'elles prévoient, mais elles tiennent davantage compte de la croissance et ont, dès lors, des effets « pro-cycliques » moins prononcés que les règles plus « anciennes ».

Chacun se réfère toutefois spontanément à la règle des « 3 % » de déficit public, que la France est, depuis de nombreuses années, tenue de respecter. C'est une règle simple, directement lisible, à laquelle nous avons été habitués, sans pour autant, loin s'en faut, la respecter toujours. Il est bien sûr souhaitable de revenir en deçà de ce seuil, dans des délais raisonnables.

La France demande que l'année de retour sous le seuil de 3 % soit reportée à 2014. Cela ne consiste pas à écarter cette règle, à faire preuve de laxisme ou à demander un traitement particulier - du reste, notre pays n'est pas dans une situation isolée, la récession enregistrée à l'échelle de l'ensemble de la zone euro ayant impacté négativement la trajectoire de solde de la plupart des Etats européens ; en effet, si le Gouvernement entend éviter l'effet fortement récessif qui résulterait d'un ajustement brutal (et qui, notamment, devrait rattraper le dérapage des années antérieures et certaines dépenses imprévues, comme celles qui résulteront probablement de certains contentieux européens), son projet de programme de stabilité propose une trajectoire de solde structurel plus rigoureuse que la loi de programmation des finances publiques sur la période 2013-2017.

La date du retour aux « 3 % » et l'effort qu'il exige dépendent bien entendu de la croissance. Les débats autour des prévisions en la matière animent légitimement un certain nombre de discussions, et peuvent susciter des réserves, compte tenu des aléas inhérents à l'évolution rapide et difficilement prévisible de la conjoncture économique ; ils sont toutefois d'une importance relative au regard de notre trajectoire économique et budgétaire sur la durée de la législature : ramener la dette publique à des niveaux prudents représente un travail de long terme.

Les idées trop simples ne constituent pas des réponses adaptées : ne rien changer, parce que l'on considérerait que ce serait aux autres de s'adapter à nos choix nous conduirait à une logique de rupture avec nos partenaires européens et à une charge de la dette qui deviendrait rapidement insoutenable ; vouloir « copier sur les bons élèves » pour les rattraper au plus vite, sans tenir compte des situations économiques, politiques et sociales spécifiques, nous conduirait à une récession et ferait peser des risques sociaux majeurs.

Le contexte actuel invite surtout à étudier le meilleur « dosage » concernant le rythme d'ajustement de nos finances publiques et la répartition des efforts que celui-ci exige. C'est d'autant plus délicat que la période interroge l'impact des politiques budgétaires 1 ( * ) , comme d'ailleurs des politiques monétaires 2 ( * ) , remettant en cause un certain nombre d'idées établies sans pour autant fonder de nouvelles certitudes. Ce contexte mouvant appelle à des approches pragmatiques et adaptatives plutôt que dogmatiques, et à un arbitrage délicat entre le court et le plus long terme : un ajustement trop brutal pourrait entraîner la France sur la voie d'une récession, qui nuirait à notre cohésion sociale ; réduire la dépense publique sans avoir mené les travaux préalables nécessaires réduirait également à notre capacité à mener à bien les réformes visant à rétablir notre compétitivité, qui constitue, pour notre avenir, l'enjeu déterminant 3 ( * ) . A contrario , un ajustement qui ne respecterait pas nos engagements européens et qui serait sans cesse reporté nuirait à notre crédibilité et pourrait, au-delà des tensions qu'il susciterait avec nos partenaires européens, avoir un impact rapide et important sur les taux d'intérêts demandés à la France, et donc, sur la charge de la dette.

Dans ce contexte incertain et fortement contraint, le Gouvernement présente une trajectoire d'ajustement déterminée, crédible, sérieuse, dont les efforts portent désormais majoritairement sur les dépenses, et dont la mise en oeuvre entend préserver la croissance et la cohésion sociale.

Dans les récentes « Perspectives de l'économie mondiale » 4 ( * ) , le FMI indique d'ailleurs que : « dans les pays avancés, les dirigeants devraient utiliser toutes les mesures prudentes pour soutenir une demande languissante. Cependant, le risque lié à la dette élevée de certains pays limite la marge de manoeuvre budgétaire. Il n'y a pas de solution facile pour résoudre tous les problèmes relatifs à la demande et à la dette. L'ajustement budgétaire doit se poursuivre progressivement, en s'appuyant sur des mesures qui limitent les dégâts occasionnés à la demande à court terme ».

La crédibilité de la politique de la France est un capital essentiel, que ce soit vis-à-vis de nos concitoyens, de nos partenaires européens et des investisseurs. Elle repose sur la cohérence et la constance dans le temps, dans l'ajustement de nos finances publiques comme dans la conduite des réformes structurelles. C'est cette cohérence et cette constance qui permettront le retour de la confiance, essentiel à celui de la croissance.

La France n'a pas, contrairement à ce que d'aucuns annonçaient, suscité la défiance des investisseurs, et sa position ne s'est pas, du point de vue des taux d'intérêts, dégradée vis-à-vis des autres pays européens 5 ( * ) .

Nous devons convaincre nos partenaires européens de la crédibilité et de la fermeté de notre trajectoire d'ajustement et redonner confiance à nos concitoyens. Cela passe par la poursuite des réformes structurelles déjà engagées, qui doivent permettre d'inverser la tendance au déclin observée depuis une dizaine d'années.

I. UN NOUVEAU CADRE EUROPÉEN POUR LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE

Les hypothèses de croissance associées au présent projet de programme de stabilité sont souvent critiquées. Celles-ci étant raisonnablement crédibles, comme votre rapporteur général s'attachera à le montrer, les critiques formulées doivent être relativisées. Tel est d'autant plus le cas que les règles budgétaires européennes sont, désormais, essentiellement exprimées en termes de solde structurel, soit de solde corrigé des fluctuations de la conjoncture. Ces nouvelles règles sont rappelées ci-après.

A. LE SOLDE EFFECTIF, FONDEMENT TRADITIONNEL DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE

1. La lettre du pacte de stabilité repose essentiellement sur la notion de solde effectif
a) Le pacte de stabilité comprend un volet préventif et un volet correctif

Les Etats membres de l'Union européenne et donc, la France, doivent se conformer aux règles du pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce dernier, dont les modalités sont précisées dans le protocole n° 12 au traité sur l'Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, interdit aux Etats membres d'avoir un déficit public nominal supérieur à 3 % du PIB et une dette publique dépassant 60 % du PIB. Le PSC comporte deux volets :

- un volet dit « préventif » ;

- un volet dit « correctif ».

Le volet « préventif » est prévu par l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques, et par le règlement du Conseil de l'Union européenne du 7 juillet 1997 6 ( * ) .

Ce dernier règlement, concernant l'ensemble des Etats membres - que leur déficit soit supérieur à 3 % du PIB ou non - prévoyait, dans sa rédaction initiale, que ces derniers devaient poursuivre un « objectif budgétaire à moyen terme » conforme aux « grandes orientations économiques » définies par le Conseil ; aussi transmettaient-ils, chaque année, un programme de stabilité (ou de convergence, pour les Etats n'appartenant pas à la zone euro) à la Commission européenne. Toutefois, ce règlement ne prévoyait aucune sanction en cas de non respect de l'objectif budgétaire à moyen terme arrêté.

Le volet « correctif » , quant à lui, relevait de l'article 126 du TFUE, relatif aux déficits excessifs, ainsi que d'un autre règlement du Conseil du 7 juillet 1997 7 ( * ) . Ce dernier prévoyait, pour les Etats membres présentant un déficit public supérieur à 3 % du PIB, diverses procédures susceptibles, le cas échéant, de déboucher sur des sanctions. Néanmoins, le dépassement du seuil de dette publique de 60 % n'était pas pris en compte dans la décision d'imposer éventuelles sanctions.

Ces deux volets, « préventif » et « correctif », ont été profondément renforcés et complétés en novembre 2011 par trois règlements 8 ( * ) et deux directives 9 ( * ) adoptés dans le cadre du « six pack » 10 ( * ) .

b) Si le volet « préventif » exprime une règle en termes de solde structurel...

Le volet « préventif », tel qu'il est désormais défini dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance renforcé, impose à la France de poursuivre un objectif de moyen terme (OMT) défini en termes de solde structurel ; cet objectif doit être compris entre - 1 point de PIB et l'excédent.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire (TSCG) prévoit, quant à lui, que cet objectif doit être compris entre - 0,5 point de PIB et l'excédent.

L'encadré ci-dessous rappelle la définition du solde structurel et revient sur les principales notions relatives à la politique budgétaire.

Les notions de base sur la politique budgétaire : quelques rappels

Le solde public effectif

Le solde public, également appelé solde public effectif , se définit comme le besoin net, ou la capacité nette de financement de l'ensemble des administrations publiques. Celui-ci reflète en partie les fluctuations conjoncturelles de l'économie. Il est exprimé selon les concepts de la comptabilité nationale, harmonisés au niveau européen.

Le solde public structurel

Le solde public structurel correspond au solde public corrigé des effets du cycle économique , soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel.

De manière simplifiée, le solde structurel (exprimé en points de PIB) peut se calculer en retranchant du solde public effectif la moitié de l'écart de production (ou « output gap »), qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel 11 ( * ) . Ce coefficient de 0,5 s'explique par le fait que les dépenses publiques s'élèvent à environ la moitié du PIB et que les recettes, hors mesures nouvelles, tendent à demeurer stables en points de PIB.

A titre d'exemple, selon la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017, le PIB était de 0,8 point sous son potentiel en 2011. Le solde effectif était de -5,2 % du PIB ; dès lors, le solde structurel se calculait de la manière suivante :

Solde structurel = - 5,2 - (- 0,8 × 0,5) = - 4,8 % du PIB

Il apparaît que la notion de solde structurel est fortement dépendante de celle de PIB potentiel ; ce dernier est évalué selon des méthodes en partie conventionnelles. En France, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 12 ( * ) prévoit que le PIB potentiel utilisé pour apprécier le respect de la trajectoire de solde structurel arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) relative à la période concernée est celui figurant dans le rapport annexé à cette dernière.

L'effort structurel

L'effort structurel des administrations publiques représente ce qui, dans la variation du solde structurel, est imputable à l'action discrétionnaire des pouvoirs publics . Il est défini comme la somme d'un effort en dépense et d'un effort en recettes.

L'effort en dépense correspond à la baisse des dépenses publiques (en points de PIB) corrigée des effets de la conjoncture ; ainsi, ne sont pas prises en compte les variations de la dépense liées au cycle économique.

L'effort en recettes, quant à lui, est égal à l'impact estimé des mesures fiscales et sociales nouvelles .

Par exemple, les dépenses publiques augmentent de 1,0 % en volume alors que la croissance potentielle est de 1,5 % en volume. Dès lors, le ratio dépenses / PIB potentiel augmente d'environ 0,25 point de PIB :

(1,5-1,0) × 0,5 = 0,25 point de PIB

Comme cela a déjà été indiqué, le coefficient de 0,5 s'explique par le fait que les dépenses publiques s'élèvent à environ la moitié du PIB.

Si, par ailleurs, les mesures nouvelles sur les recettes sont d'un point de PIB, alors l'effort structurel s'élève à 1,25 point de PIB :

1 + 0,25 = 1,25 point de PIB

La notion d'effort structurel se distingue de l'évolution du solde structurel du fait que cette dernière dépend aussi des fluctuations spontanées du ratio recettes / PIB.

Les objectifs à moyen terme (OMT) sont fixés par les Etats membres dans leurs programmes de stabilité ou de convergence. S'agissant de la France, le présent projet de programme de stabilité indique, à l'instar du programme de stabilité d'avril 2012 et de la LPFP pour la période 2012-2017, que l'OMT est l'équilibre structurel des comptes publics .

Les Etats membres doivent faire converger leur solde structurel vers l'OMT retenu d'au moins 0,5 point de PIB par an.

Il faut souligner que cette règle porte sur l' évolution d'une année à l'autre (soit une amélioration du solde structurel d'au moins 0,5 point de PIB). La règle retenue par le TSCG et inscrite dans la loi organique du 17 décembre 2012 est différente dans la mesure où elle oblige, chaque année, à respecter une trajectoire fixée ex ante - définie en niveau ( cf . infra ).

Depuis l'entrée en vigueur du « six pack », lorsqu'un Etat membre n'atteint pas son objectif, une déviation majeure dans l'exécution budgétaire peut entraîner des sanctions sous la forme d'un dépôt portant intérêt équivalant à 0,2 % du PIB (soit, dans le cas de la France, environ 4 milliards d'euros). Cette sanction est adoptée à la majorité qualifiée inversée 13 ( * ) .

En application de cette nouvelle règle de majorité, le texte de la Commission proposant qu'une sanction soit appliquée à un Etat est réputé adopté, sauf si le Conseil s'y oppose à la majorité qualifiée . Cette règle est, néanmoins, moins stricte qu'il n'y paraît :

- le Conseil doit préalablement avoir décidé à la majorité qualifiée ordinaire que l'Etat concerné n'a pas respecté ses obligations ;

- le Conseil peut, à la majorité qualifiée ordinaire, modifier le texte présenté par la Commission et, en particulier, réduire le montant de la sanction.

Indéniablement, le volet « préventif » du PSC renforcé fournit aux pays qui ne font pas l'objet d'une procédure de déficit excessif la principale orientation en matière de planification et d'exécution budgétaire .

c) ...le volet « correctif » se réfère toujours au solde effectif
(1) Les trois étapes de la mise en oeuvre du volet « correctif »

Pour ce qui est des Etats en situation de déficit excessif, le volet « correctif » trouve à s'appliquer. Celui-ci comporte trois étapes :

- tout d'abord, le Conseil constate, par une décision, que l'Etat est en déficit excessif . Cette décision comporte une recommandation de prendre une « action suivie d'effets » ;

- ensuite, le Conseil adopte, le cas échéant, une décision prenant acte de ce que l'Etat n'a pas pris d'« action suivie d'effets » et le mettant en demeure de mettre en oeuvre une telle action ;

- enfin, lorsque tel est le cas, le Conseil constate, dans une décision, que l'Etat ne s'est pas conformé à une mise en demeure .

Avant l'entrée en application du « six pack », seule la dernière étape pouvait s'accompagner de sanctions, votées à la majorité qualifiée ordinaire ; leur montant était, en principe, fixé à 0,2 % du PIB, auquel venait s'ajouter une composante variable.

Depuis la réforme du PSC, les sanctions sont également possibles aux deux étapes précédentes . Elles sont alors décidées à la majorité qualifiée inversée et consistent, respectivement, en un dépôt ne portant pas intérêt (dont le montant est, en principe, de 0,2 % du PIB) et une amende (également de 0,2 % du PIB).

Cependant, ni la Commission, ni le Conseil n'ont compétence liée pour appliquer ces sanctions.

(2) Le déficit excessif : la « règle des 3 % » et la règle de la dette

Malgré la réforme, la « règle des 3 % » continue de s'appliquer ; un Etat dont le déficit public effectif dépasse 3 % du PIB est donc considéré comme étant en déficit excessif.

Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur du « six pack », un Etat dont le supplément de dette, exprimé en pourcentage du PIB, par rapport au seuil de 60 % du PIB ne s'est pas réduit en moyenne d'un vingtième au cours des trois dernières années est également considéré comme étant en déficit excessif. Cette règle de dette est présentée plus en détail dans les développements ultérieurs du présent rapport relatifs au respect, par la France, de ses obligations européennes.

d) Des mécanismes de sanction renforcés

L'une des principales innovations apportées par le « six pack » a consisté en la mise en place de nouvelles sanctions, applicables aux seuls Etats de la zone euro ; celles-ci seraient adoptées selon la procédure dite de « majorité qualifiée inversée » (cf. tableau ci-dessous).

Les sanctions prévues par le « six pack », applicables aux seuls Etats de la zone euro 14 ( * )

Déclenchement de la sanction

Sanction

Adoption

Volet préventif

Décision du Conseil établissant l'absence d'action en réponse à une recommandation du Conseil

Dépôt portant intérêt

(en principe 0,2 % du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Volet correctif

Décision du Conseil constatant l'existence d'un déficit excessif

Dépôt ne portant pas intérêt

(en principe 0,2 % du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Décision du Conseil constatant l'absence d'action suivie d'effet

Amende

(en principe 0,2 % du PIB)

Seule sanction existant avant l'entrée en vigueur du « six pack » :

Décision du Conseil constatant l'absence de conformité à la mise en demeure de corriger le déficit excessif

Amende

(0,2 % du PIB+composante variable)

Vote à la majorité qualifiée « ordinaire »

Source : d'après les textes indiqués

2. La politique du précédent gouvernement : l'effort structurel pour principe et le solde effectif comme pratique
a) Bien que la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 ait été définie en termes d'effort structurel...

Durant la période ayant précédé le vote de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, deux lois de programmation des finances publiques (LPFP) avaient été adoptées :

- la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 15 ( * ) (« LPFP 2009-2012 »), qui comportait des engagements relativement peu contraignants, comme la règle de « gage des niches » 16 ( * ) , qui n'a pas empêché le vote de la « TVA restauration » en juillet 2009 ;

- la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 17 ( * ) (« LPFP 2011-2014 »).

Cette deuxième LPFP représentait un certain progrès, l'engagement du Gouvernement étant, de fait, défini en termes d'effort structurel . Le texte initial fixait en effet un plancher de mesures nouvelles sur les recettes (article 9) et, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, son article 4, relatif aux dépenses des administrations publiques, était exprimé non par un taux de croissance moyen sur la période de programmation, mais par des montants définis année par année, formulés en milliards d'euros.

b) ...le précédent gouvernement a mené une politique axée essentiellement sur le solde effectif

Toutefois, l'effort structurel correspondant à la LPFP 2011-2014 avait été délibérément sous-calibré par le précédent gouvernement , avec une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % par an. Autrement dit, même si l'effort structurel prévu par la LPFP avait été réalisé, le déficit effectif se serait nettement écarté de la trajectoire.

Faute de programmation de solde structurel ou d'effort structurel correctement calibrée, le précédent gouvernement a dû multiplier les déclarations selon lesquelles il suivait une trajectoire « intangible », définie en termes de solde effectif.

Cette stratégie l'a contraint à sous-estimer systématiquement les mesures à prendre sur les dépenses et sur les recettes et à multiplier les mesures correctrices en cours d'année, favorisant un sentiment de « pilotage à vue », d'imprévisibilité et d'instabilité fiscale.

Tant que la croissance demeurait proche de son potentiel (1,7 % en 2010 et en 2011), cette stratégie pouvait être appliquée. Toutefois, avec une croissance proche de 0 % en 2012 et en 2013, ce n'était plus possible.

B. LE SOLDE STRUCTUREL, SOCLE DES NOUVELLES RÈGLES EUROPÉENNES

1. Le caractère procyclique des politiques budgétaires basées sur le solde effectif
a) L'effet récessif de la réduction des déficits

Les choix de politique budgétaire ne peuvent faire abstraction du fait que la réduction des déficits pèse sur l'activité . Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas réduire les déficits, mais que vouloir les réduire trop rapidement - en particulier en suivant, quoiqu'il arrive, une trajectoire de solde effectif - peut, dans une situation économique dégradée, s'avérer contreproductif.

Les économistes recourent à la notion de « multiplicateur budgétaire », défini comme l'impact à court terme sur le PIB d'une hausse des recettes publiques ou d'une baisse des dépenses publiques d'un point de PIB et donc, le cas échéant, d'une diminution du déficit public d'un même montant. En 2009, synthétisant leur « revue » des principales études disponibles, les services du Fonds monétaire international (FMI) écrivaient : « Une règle simple est un multiplicateur [...] de 1,5 à 1 pour les multiplicateurs de dépenses dans les grands pays [...]. Des multiplicateurs plus petits (environ la moitié des valeurs ci-dessus) sont vraisemblables pour les recettes et les transferts alors que des multiplicateurs légèrement plus grands pourraient être attendus des dépenses d'investissement » 18 ( * ) .

Si l'on retient l'hypothèse d'un multiplicateur budgétaire de 1, cela signifie qu'une réduction ex ante du déficit de 1 point de PIB réduit le PIB d'un point , ce qui à son tour dégrade le solde de 0,5 point de PIB 19 ( * ) , de sorte que l'amélioration du solde après prise en compte de ce phénomène ne serait plus que de 0,5 point de PIB.

b) Un effet récessif des consolidations budgétaires accru par la crise

La stagnation de l'activité économique provient en particulier de la réduction rapide et simultanée des déficits publics, dont l'impact aurait été sous-estimé .

Aussi, dans ses Perspectives pour l'économie mondiale d'octobre 2012, le FMI écrit-il : « Le principal constat, basé sur des données concernant 28 pays, est que les multiplicateurs utilisés pour établir les prévisions de croissance sont systématiquement trop faibles depuis le début de la Grande Récession, dans une marge allant de 0,4 à 1,2 selon la source des prévisions et les spécificités de la technique d'estimation. Des indications informelles laissent penser que les multiplicateurs employés implicitement pour générer ces prévisions sont de l'ordre de 0,5. Les multiplicateurs réels pourraient donc être supérieurs et s'échelonner de 0,9 à 1,7 ». Le FMI explique ce phénomène par « le contexte actuel de sous-utilisation des capacités, de politiques monétaires contraintes par le plancher de taux d'intérêt nul et d'ajustement budgétaire synchronisé dans de nombreux pays ».

Quelques semaines plus tard, l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, reconnaissait dans un document de travail que les multiplicateurs avaient vraisemblablement été sous-évalués 20 ( * ) :

« Il est naturel de se demander si les prévisionnistes n'auraient pas sous-estimé les multiplicateurs budgétaires, c'est-à-dire si les effets que la réduction des dépenses publiques ou les hausses d'impôts peuvent avoir à court terme sur l'activité économique. (...) Dans l'encadré publié en octobre [2012], nous nous sommes concentrés principalement sur les prévisions relatives aux économies européennes pour le début de l'année 2010. La raison est simple : les conditions étaient réunies pour que les multiplicateurs soient plus larges qu'en temps normal (...).

« Nos résultats suggèrent que les multiplicateurs budgétaires ont été effectivement plus importants que ce que supposèrent les prévisionnistes. Mais quelles étaient leurs hypothèses ?

« Certaines études basées sur des données d'avant-crise pour les économies avancées [voir le World Economic Outlook du mois d'octobre 2010 (FMI, 2010)] font état de multiplicateurs d'environ 0,5 et il est plausible que les prévisionnistes, en moyenne, firent des hypothèses cohérentes avec ce chiffre.

« La note du FMI du mois de mars 2009 contient une évaluation qui supposait des multiplicateurs compris entre 0,3 et 0,5 pour les recettes publiques et entre 0,3 et 1,8 pour les dépenses publiques (FMI, 2009, p. 32).

« Les multiplicateurs étaient effectivement largement supérieurs à 1 au début de la crise.

« Il n'y a pas un seul multiplicateur en tout temps et pour tous les pays. Les multiplicateurs peuvent être plus ou moins élevés au cours du temps et d'une économie à l'autre. Puisque les économies connaissent une reprise et quittent la trappe à liquidité, les multiplicateurs sont susceptibles de revenir à leurs niveaux d'avant-crise. Néanmoins, il semble prudent pour le moment, lorsque l'on pense à la consolidation budgétaire, de supposer que les multiplicateurs sont plus élevés qu'avant-crise. [...]

« Les résultats ne signifient pas que la consolidation budgétaire n'est pas souhaitable. Pratiquement toutes les économies avancées doivent relever le défi de l'ajustement budgétaire en réponse aux niveaux élevés d'endettement public et aux pressions que l'évolution démographique exercera à l'avenir sur les finances publiques » .

2. Une politique budgétaire désormais définie en termes de solde structurel, en application du TSCG
a) Le TSCG : un assouplissement de facto du pacte de stabilité

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), entré en vigueur le 1 er janvier 2013, ne modifie pas le pacte de stabilité et de croissance (PSC). Toutefois, il prévoit une règle définie en termes de solde structurel, économiquement plus rationnelle .

Ainsi, l'article 3 prévoit :

- comme le volet préventif du pacte de stabilité, que les Etats se dotent, dans leur programme de stabilité, d' un objectif à moyen terme (OMT) de déficit structurel , qui ne peut être supérieur à 0,5 % du PIB (contre 1 % du PIB dans le cas du pacte de stabilité). On a vu que la France avait choisi de retenir comme OMT l'équilibre structurel ;

- que les Etats doivent s'engager à une trajectoire de solde structurel permettant d'atteindre cet OMT ;

- qu'« un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation » ;

- que ces règles « prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité [soit le 1 er janvier 2014], au moyen de dispositions contraignantes et permanentes , de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ».

Autrement dit, si en 2013 ou 2014 la France, tout en réduisant son déficit structurel comme prévu, ne ramenait pas son déficit effectif sous le seuil des 3 % du PIB à cause d'une croissance inférieure aux prévisions, la règle du TSCG serait tout de même respectée.

La notion d'« écart important » est définie par le volet préventif du pacte de stabilité comme correspondant à un écart d'au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée, ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.

La notion de « dispositions contraignantes et permanentes » a été interprétée de manière souple par la Commission européenne dans une communication du 20 juin 2012. Selon elle, le caractère « contraignant » des dispositions nationales peut se limiter à un principe « se conformer ou s'expliquer » : un Etat membre ne devra donc pas nécessairement se conformer à l'avis de l'organisme de supervision (dans le cas de la France, le Haut Conseil des finances publiques).

b) La mise en oeuvre du TSCG par la France
(1) La loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

La loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques précise le contenu des lois de programmation des finances publiques (LPFP), prévues par l'article 34 de la Constitution. Elles doivent, en particulier, comprendre la trajectoire de solde structurel prévue par le TSCG, ainsi que les détails du mécanisme de correction.

La loi organique instaure un Haut Conseil des finances publiques (HCFP), constitué de onze membres, dont quatre nommés par le Parlement. A l'initiative de nos collègues André Gattolin et Jean-Vincent Placé, la composition du Conseil doit respecter le principe de parité entre hommes et femmes.

Les membres du HCFP

Outre son président, le premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) compte quatre magistrats de la Cour des comptes nommés par ce dernier, quatre membres nommés par les présidents des deux chambres du Parlement et de leurs commissions des finances, un membre nommé par le président du conseil économique, social et environnemental (CESE) et le directeur général de l'INSEE. La durée du mandat des membres autres que les membres de droit a fait l'objet d'un tirage au sort en date du 21 mars 2013. La liste des membres et la durée de leur mandat figure ci-après :

1° Magistrats de la Cour des comptes en activité à la cour, désignés par son premier président :

- M. Raoul Briet, président de chambre (mandat de 30 mois) ;

- Mme Martine Latare, conseillère-maître (mandat de 30 mois) ;

- M. François Ecalle, conseiller-maître (mandat de 5 ans) ;

- Mme Catherine Demier, conseillère-maître (mandat de 5 ans).

2° Membres nommés, respectivement, par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, les présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat :

- M. Jean Pisani-Ferry, professeur d'économie, nommé par le président de l'Assemblée nationale (mandat de 5 ans) ;

- M. Michel Aglietta, ancien administrateur de l'INSEE, professeur d'économie, nommé par le président du Sénat (mandat de 30 mois) ;

- Mme Marguerite Bérard-Andrieu, inspectrice des finances, directrice générale adjointe d'un groupe bancaire, nommée par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale (mandat de 30 mois) ;

- Mme Mathilde Lemoine, directrice de département d'une banque, nommée par le président de la commission des finances du Sénat (mandat de 5 ans).

3° Membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental :

- M. Philippe Dessertine, professeur d'économie (mandat de 5 ans).

Siège également au Haut Conseil, en qualité de membre de droit, le directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (actuellement, M. Jean-Luc Tavernier).

Le HCFP doit donner des avis consultatifs , portant essentiellement sur les prévisions macroéconomiques ou la trajectoire de solde structurel des projets de textes financiers (LPFP, PLF, PLFSS, etc.).

Le principal avis du HCFP sera celui qu'il rendra, « en vue du dépôt du projet de loi de règlement », sur l'exécution du solde structurel de l'année précédente. A l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, la loi organique précise que la trajectoire de PIB potentiel utilisée pour ce calcul est celle figurant dans le rapport annexé à la LPFP .

Si le HCFP estime alors qu'il existe un « écart important », au sens du TSCG, entre le solde structurel prévu et celui réalisé ( n-1 ), le Gouvernement devra annoncer, à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques (DOFP), les mesures correctrices qu'il entend prendre, sans toutefois être contraint de corriger entièrement l'écart. Ces mesures devront figurer, au moins pour partie, dans les PLF et PLFSS pour l'année n+1 .

(2) La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017

La loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 21 ( * ) (« LPFP 2012-2017 ») se conformait par anticipation à l'entrée en vigueur de la loi organique, le 1 er mars 2013.

Elle fixe l'engagement budgétaire de la France au sens du TSCG, soit le déficit structurel indiqué par le tableau ci-après.

L'engagement du Gouvernement au titre du TSCG et de la loi organique du 17 décembre 2012

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde structurel prévu par la LPFP 2012-2017

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Source : LPFP 2012-2017

3. Une interprétation plus souple du volet correctif du pacte de stabilité
a) Un volet correctif de fait appliqué comme une règle de solde structurel depuis 2009

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) prévoit que les Etats ne peuvent avoir un déficit effectif supérieur à 3 points de PIB .

Toutefois, il ne s'agit pas d'une interdiction absolue. Si un Etat a un déficit supérieur à 3 points de PIB, le Conseil fixe un délai maximal pour revenir sous ce seuil, assorti d'une diminution annuelle minimale du déficit structurel, qui ne peut être inférieure à 0,5 point de PIB.

Le principal critère utilisé pour le volet correctif est le déficit effectif, qui ne doit pas être supérieur à 3 points de PIB. Toutefois le pacte de stabilité permet au Conseil de repousser le délai pour revenir sous le seuil de 3 points de PIB en cas d'« événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences défavorables majeures pour les finances publiques » postérieurs à l'adoption de sa recommandation 22 ( * ) .

Ainsi, dans le cas de la France, le Conseil a, le 27 avril 2009, indiqué que « les autorités françaises devraient notamment [...] déployer les efforts nécessaires pour que le déficit soit ramené sous la valeur de référence d'ici à 2012 ; à cette fin, elles devraient renforcer l'effort budgétaire moyen prévu chaque année à au moins 1 % du PIB à compter de 2010 ».

Dans sa recommandation du 30 novembre 2009, en raison notamment du plan de relance, le Conseil a décalé à 2013 l'année où la France devait revenir sous le seuil des 3 points de PIB. Toutefois elle devait toujours « assurer un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % du PIB sur la période 2010-2013 ».

La « règle des 3 % » est donc de fait appliquée comme une règle de solde structurel . Ainsi, le 22 février 2013, Olli Rehn, commissaire en charge des affaires économiques et financières, a déclaré que, dans le cas de la France, si les « prévisions de printemps [de la Commission européenne] (prévues en mai) montr[aient] que l'ajustement budgétaire structurel est au-delà de 1 % par an sur la période de 2010 à 2013 et si des évènements économiques inattendus avaient des conséquences défavorables importantes sur les finances publiques, alors le pacte de stabilité autoriserait le report à 2014 du délai pour rapporter le déficit nettement sous les 3 % » 23 ( * ) .

b) Une approche confirmée par le Conseil européen en mars 2013

Prenant acte de la dégradation des perspectives de croissance dans la zone euro, le Conseil européen a indiqué, lors de sa réunion du 14 mars 2013, que la politique de réduction des déficits publics devait davantage prendre en compte la croissance .

Ainsi, dans ses conclusions, il écrit : « Des progrès substantiels sont réalisés sur la voie de l'équilibre budgétaire en termes structurels et ces progrès doivent se poursuivre. Le Conseil européen souligne en particulier la nécessité d'assurer un assainissement budgétaire différencié, axé sur la croissance , tout en rappelant les possibilités offertes par les règles budgétaires actuelles du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ».

c) La coexistence de deux types de règles

Les considérations ci-avant montrent que le pacte de stabilité comprend deux types de règles :

- des règles « permanentes » (amélioration annuelle du solde structurel et effort structurel d'au moins 0,5 point de PIB, règle de dette) ;

- des règles fixées par le Conseil dans le cas d'un Etat particulier (comme la détermination de l'année de retour sous le seuil de 3 points de PIB, ou la détermination de l'amélioration annuelle minimale du solde structurel à un niveau supérieur à 0,5 point de PIB).

Ainsi, le pacte de stabilité en tant que tel ne dit pas si la France doit réaliser en 2014 un effort supplémentaire par rapport à celui prévu par le présent projet de programme de stabilité. Ce sera au Conseil de se prononcer sur ce point quand il adressera, à l'occasion de sa réunion des 27 et 28 juin, sa recommandation à la France.

C. UN PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ EXAMINÉ DANS UN CONTEXTE INSTITUTIONNEL PARTICULIER

1. La troisième année du « Semestre européen »
a) Le Semestre européen

Depuis 2011, le programme de stabilité est adressé aux institutions communautaires au plus tard à la fin du mois d'avril (et non plus en décembre). Il s'agit de faire en sorte que ce document se situe en « amont » (et non plus en aval) de la discussion budgétaire .

La transmission des programmes de stabilité en avril

Le régime des programmes de stabilité est défini par le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Avant l'instauration du « Semestre européen », l'article 4 du règlement précité prévoyait que « des programmes actualisés sont présentés annuellement ». Le code de conduite sur le format et le contenu des programmes de stabilité prévoyait que les Etats membres devaient présenter leurs programmes de stabilité avant le 1 er décembre de chaque année.

Dans un premier temps, sur la recommandation du groupe de travail sur la gouvernance économique, présidé par le Président de l'Union européenne, M. Herman Van Rompuy, le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le code de conduite de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Cette modification de calendrier est entrée en vigueur dès 2011.

Par la suite, le règlement n° 1175/2011 précité a modifié l'article 4 du règlement n° 1466/97, qui prévoit désormais que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans au mois d'avril, de préférence pour la mi-avril et au plus tard le 30 de ce mois ».

b) La consultation du Parlement sur les projets de programme de stabilité

L'article 14 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2011-2014 24 ( * ) , inséré à l'initiative de la commission des finances du Sénat, prévoit que « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».

Cette disposition va de pair avec le renforcement du rôle du pacte de stabilité, qui constitue désormais un engagement important de la France vis-à-vis de l'Union européenne.

En 2011, ce principe a été appliqué au Sénat de la façon suivante :

- adoption, par la commission des finances, d'un rapport d'information (n° 456, 2010-2011) sur le projet de programme de stabilité d'avril 2011 25 ( * ) ;

- le 27 avril, déclaration du Gouvernement, suivie d'un vote, sur la base de l'article 50-1 de la Constitution 26 ( * ) ;

- en juin, adoption d'une résolution européenne (n° 148, 2010-2011) réagissant à la « recommandation de recommandation » de la Commission européenne sur le programme national de réforme et le projet de programme de stabilité 27 ( * ) .

En 2012 les élections présidentielle et législatives n'ont pas permis l'organisation d'un débat en séance publique, mais :

- les ministres concernés sont venus présenter le projet de programme de stabilité devant la commission des finances ;

- la commission des finances du Sénat a adopté un rapport d'information (n° 501, 2011-2012) sur le projet de programme de stabilité d'avril 2012 28 ( * ) .

Il convient de noter que les travaux du Parlement français sur les projets de programmes de stabilité semblent, du moins jusqu'à l'année dernière, constituer une exception dans l'Union européenne ; ils figurent -notamment les rapports d'information du Sénat - aux côtés des documents transmis aux institutions européennes par le Gouvernement, sur le site de l'Union européenne 29 ( * ) .

Pour mémoire, on rappelle que l'article 10 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit notamment que lorsque « le droit de l'Union européenne institue des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires qui comprennent l'échange et l'examen, à échéances périodiques, de documents produits par le Gouvernement et par les institutions européennes, des débats peuvent être organisés à l'Assemblée nationale et au Sénat aux dates qui permettent la meilleure information du Parlement ». Cette disposition ne modifie pas le droit, d'autant plus qu'elle n'a pas de valeur organique 30 ( * ) . Elle souligne toutefois la volonté du Parlement de pouvoir se saisir des différentes étapes des processus mis en oeuvre dans le cadre de la gouvernance budgétaire européenne pour se prononcer sur la trajectoire macroéconomique et budgétaire de notre pays.

2. Une novation : l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur les hypothèses de croissance

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), mis en place en mars 2013, a pour la première fois, le 16 avril, publié un avis sur les prévisions de croissance associées au projet de programme de stabilité.

L'article 17 de la loi organique du 17 décembre 2012 dispose en effet : « Le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des Etats membres de l'Union européenne. Il rend public son avis au moins deux semaines avant la date limite de transmission du programme de stabilité au Conseil de l'Union européenne et à la Commission européenne. Il est joint au programme de stabilité lors de cette transmission. »

Cet avis porte donc uniquement sur les prévisions de croissance . Il ne porte pas d'appréciation sur la pertinence économique de la politique budgétaire envisagée, ni sur sa conformité aux engagements européens de la France. L'avis publié le 16 avril 2013 par le Haut Conseil est présenté plus précisément dans la suite du présent rapport.

II. UNE STRATÉGIE DE CONSOLIDATION REPOSANT SUR LA NOTION DE SOLDE STRUCTUREL

A. DANS UN CONTEXTE DE DÉGRADATION DES PERSPECTIVES DE CROISSANCE, LE CHOIX DU RESPECT D'UNE TRAJECTOIRE DE SOLDE EFFECTIF SERAIT INADAPTÉ

1. Une croissance presque nulle en 2013 et faible en 2014

Les perspectives de croissance de la France et de la zone euro se sont dégradées. A titre d'illustration, le graphique ci-après indique l'évolution constatée depuis 2009, en la prolongeant par les prévisions du consensus des conjoncturistes.

Le PIB réel de la France et de la zone euro

(en variation annuelle)

Source : INSEE, Commission européenne (prévisions de l'hiver 2013), Consensus Forecasts (avril 2013)

En termes réels, la France a à peine retrouvé son PIB de 2008, et la zone euro demeure en dessous.

Le PIB réel de la France et de la zone euro

(2008=100)

Sources : INSEE, Commission européenne (prévisions de l'hiver 2013), Consensus Forecasts (avril 2013), calculs de la commission des finances

2. Une stratégie de consolidation basée sur le solde effectif aurait un effet fortement récessif

Dans un contexte de croissance atone, et compte tenu de l'importance des multiplicateurs budgétaires dans une période d'ajustement massif dans l'Union européenne ( cf . supra ), une politique de consolidation bâtie sur la base du solde effectif aurait un effet fortement récessif . Ainsi, si la France respectait strictement la trajectoire de solde effectif arrêtée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, la croissance pourrait être de - 2,4 % en 2014 et d'environ 1 % par an ensuite ; le taux de chômage, quant à lui, pourrait atteindre 12,4 % en 2017 .

A titre d'illustration, le tableau ci-après évalue, en s'appuyant sur le scénario de croissance « conventionnel » que la commission des finances retient habituellement pour ses programmations et sur quelques calculs simples, comment pourraient évoluer la dette publique, le solde structurel et le taux de chômage, selon que le Gouvernement respecte une trajectoire de solde structurel ou de solde effectif . Il s'agit bien entendu d'ordres de grandeurs et non de prévisions macroéconomiques alternatives.

Que se passerait-il si le Gouvernement se conformait à la trajectoire de solde effectif de la loi de programmation des finances publiques ?

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Présent projet de programme de stabilité

Croissance (%)

0,0

0,1

1,2

2,0

2,0

2,0

Solde effectif (points de PIB)

-4,9

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

Solde structurel (points de PIB)

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Dette (points de PIB)

90,2

93,6

94,3

92,9

90,7

88,2

Taux de chômage (%)*

-

-

-

-

-

-

A. Scénario de croissance « conventionnel » de la commission des finances**

A1. Absence de mesures supplémentaires par rapport au présent projet de programme de stabilité

Croissance (%)

0,0

0,3

1,3

1,5

1,5

1,5

Solde effectif (points de PIB)

-4,9

-3,6

-2,8

-2,1

-1,6

-1,3

Solde structurel (points de PIB)

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Dette (points de PIB)

90,2

93,3

93,8

93,0

91,6

90,1

Taux de chômage (%)***

9,9

10,4

10,5

10,5

10,5

10,5

A2. Mesures supplémentaires permettant de respecter la trajectoire de solde effectif de la LPFP

Croissance (%)

0,0

0,3

0,0

1,0

1,1

1,4

Solde effectif (points de PIB)

-4,9

-3,6

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Solde structurel (points de PIB)

-3,7

-2,0

0,4

1,7

2,6

3,0

Dette (points de PIB)

90,2

93,3

94,4

93,3

91,3

89,0

Taux de chômage (%)

9,9

10,4

11,0

11,2

11,4

11,4

B. Croissance de 0 % en 2013 et 0,5 % en 2014 (au lieu de 0,3 % et 1,3 %) avant les mesures supplémentaires éventuelles par rapport au programme de stabilité

B1. Absence de mesures supplémentaires par rapport au présent projet de programme de stabilité

Croissance (%)

0,0

0,0

0,5

1,5

1,5

1,5

Solde effectif (points de PIB)

-4,9

-3,7

-3,4

-2,7

-2,2

-1,9

Solde structurel (points de PIB)

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Dette (points de PIB)

90,2

93,7

95,5

95,2

94,4

93,4

Taux de chômage (%)***

9,9

10,5

10,9

10,9

10,9

10,9

B2. Mesures supplémentaires permettant de respecter la trajectoire de solde effectif de la LPFP

Croissance (%)

0,0

0,0

-2,4

0,9

1,1

1,5

Solde effectif (points de PIB)

-4,9

-3,7

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Solde structurel (points de PIB)

-3,7

-2,0

2,0

3,4

4,2

4,5

Dette (points de PIB)

90,2

93,7

97,0

95,8

93,6

91,1

Taux de chômage (%)

9,9

10,5

12,1

12,3

12,4

12,4

Hypothèses : multiplicateur budgétaire de 1 l'année de la mesure, l'effet sur le PIB se maintenant pendant cinq ans. Evolution du taux de chômage égale à 0,4 fois l'écart entre la croissance et la croissance potentielle (« loi d'Okun »).

* Le programme de stabilité ne comporte pas de prévisions en termes de taux de chômage.

** Croissance de trimestre à trimestre de 0 % au premier trimestre 2013, augmentant progressivement jusqu'à 1,5 % au premier trimestre 2014 en rythme annualisé, et se stabilisant ensuite à ce niveau ( cf . infra ). Ce scénario conventionnel ne constitue pas une prévision.

*** Dans ces scénarios « conventionnels », le taux de chômage est stable « par définition », le taux de croissance étant égal au taux de croissance potentiel.

Source : commission des finances

Ce tableau permet de comprendre en quoi une politique consistant à suivre la trajectoire de solde effectif de la loi de programmation des finances publiques (ce qui ne correspond pas à un engagement du Gouvernement vis-à-vis de ses partenaires européens) ne serait pertinente ni économiquement, ni du point de vue des finances publiques.

Le scénario A1 se distingue de celui du Gouvernement sur le seul point de l'hypothèse de croissance. Le scénario retenu ici est le scénario de croissance « conventionnel » de la commission des finances (présenté ci-après, dans les développements sur les hypothèses de croissance). Ce scénario, qui ne constitue pas une prévision, est proche de celui du Gouvernement, puisqu'il suppose une croissance de 1,3 % en 2014 et 1,5 % à partir de 2015 (contre respectivement 1,2 % et 2 %). Aussi, la trajectoire de solde public est analogue, même si le déficit est un peu plus élevé en 2017 (1,3 point de PIB au lieu de 0,7 point), et la dette légèrement supérieure (90,1 points de PIB au lieu de 88,2 points). La croissance étant égale à son potentiel à partir de 2015, le taux de chômage demeure, par hypothèse, stable à 10,5 %. Le solde structurel serait quant à lui légèrement positif en 2017, à 0,5 point de PIB (comme selon le présent projet de programme de stabilité).

Le scénario A2 , calculé comme une variante par rapport au scénario A1, indique comment, selon les hypothèses couramment admises, évolueraient les principales variables si le Gouvernement respectait la trajectoire de solde effectif de la loi de programmation des finances publiques de décembre 2012 (au lieu de suivre la seule trajectoire de solde structurel, comme le prévoit la loi organique). Pour que le déficit soit de 2,2 points de PIB en 2014 (et non 2,8 points de PIB 31 ( * ) , comme dans le cas du scénario A1), il faudrait prendre, selon l'hypothèse d'un multiplicateur budgétaire de 1, des mesures supplémentaires sur les recettes et les dépenses égales à environ deux fois l'écart, soit près de 1,4 point de PIB 32 ( * ) . Le PIB s'en trouverait réduit de 1,4 point, de sorte que la croissance en 2014 ne serait plus de 1,3 %, mais nulle. La dette ne serait pas significativement différente de celle du scénario 1 (89 points de PIB au lieu de 90,1 points de PIB). En revanche, le taux de chômage serait nettement supérieur : 11,4 % de la population active, contre 10,5 % dans le scénario 1. Par rapport au respect de la trajectoire de solde structurel, ce scénario pourrait « coûter » de l'ordre de 30 000 chômeurs supplémentaires.

Le scénario B1 est le même que le scénario A1, sauf qu'on suppose que sans les mesures supplémentaires par rapport au programme de stabilité, la croissance serait de seulement 0 % en 2013 et 0,5 % en 2014 (ce qui est plus proche du consensus des conjoncturistes que le scénario de croissance conventionnel de la commission des finances).

L'absurdité d'une politique consistant à suivre la trajectoire de solde effectif serait alors particulièrement marquée ( cf . scénario B2 ) : la croissance serait de - 2,4 % en 2014, et le taux de chômage atteindrait 12,4 % en 2017 (contre 10,9 % dans le scénario B1), ce qui correspond à environ 45 000 chômeurs supplémentaires. La dette publique ne serait, quant à elle, pas significativement réduite (91,1 points de PIB au lieu de 93,4 points de PIB). Surtout, le solde structurel serait excédentaire de 4,5 points de PIB, ce qui ne correspondrait à aucune nécessité du point de vue des finances publiques, et impliquerait soit des prélèvements obligatoires insupportables pour l'économie, soit des réductions de dépenses telles que les dépenses d'éducation, d'enseignement supérieur et de recherche ne pourraient être épargnées ; aussi le potentiel de croissance à long terme s'en trouverait-il diminué. La soutenabilité de la dette publique serait également réduite, et les problèmes de compétitivité aggravés, le déficit extérieur risquant alors de devenir insoutenable.

B. UNE TRAJECTOIRE RIGOUREUSE MAIS PRAGMATIQUE

Le présent projet de programme de stabilité retient une trajectoire de consolidation des finances publiques rigoureuse . Certes, celui-ci repousse d'une année, soit en 2014, le retour du déficit effectif en-dessous du seuil de 3 % du PIB ; toutefois, comme votre rapporteur général vient de le montrer, la poursuite d'une trajectoire de solde effectif aurait des effets fortement récessifs. En cela, le Gouvernement fait preuve de réalisme et fait le choix de ne pas ajouter l'austérité à l'atonie de la croissance .

Pourtant, loin de révéler un « laxisme » budgétaire, le projet de programme précité retient, en réalité, une trajectoire de consolidation plus rigoureuse que celle retenue dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. En effet, ses prévisions de réduction du déficit structurel sont légèrement plus rapides que celles de la LPFP .

Ainsi le tableau ci-après synthétise les principaux chiffres du présent projet de programme de stabilité et les compare avec ceux retenus dans le cadre de la LPFP. Il fait apparaître que, dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques qui nous est soumise, le solde structurel évolue d'un déficit structurel de 1 % du PIB potentiel en 2014 vers un excédent structurel de 0,5 % en 2017. Cette évolution est moins rapide s'agissant de la LPFP puisque cette dernière prévoit un déficit structurel de 1,1 % du PIB potentiel en 2014 et l'équilibre structurel en 2017.

Les principaux chiffres du présent projet de programme de stabilité : comparaison avec la LPFP 2012-2017 (en grisé : les données du programme de stabilité)

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance (%)

0,0

0,1

1,2

2,0

2,0

2,0

Commission européenne*

0,0

0,1

1,2

Consensus**

0,0

-0,1

0,7

LPFP

0,3

0,8

2,0

2,0

2,0

2,0

Solde effectif

-4,8

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

Commission européenne*

-4,6

-3,7

-3,9

Consensus**

-4,6

-3,8

-3,2

LPFP

-4,5

-3,0

-2,2

-1,3

-0,6

-0,3

Seul engagement au titre du TSCG et la LPFP

Solde structurel

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

LPFP

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Variation du solde structurel

1,2

1,8

1,0

0,7

0,5

0,2

LPFP

1,2

2,0

0,6

0,6

0,5

0,1

Effort structurel

1,3

1,9

1,0

0,6

0,5

0,2

dont:

PO

1,1

1,5

0,3

0,0

0,0

-0,2

Dépenses

0,2

0,4

0,6

0,7

0,5

0,5

LPFP

1,4

1,9

0,5

0,5

0,4

0,1

dont :

PO

1,1

1,6

-0,1

-0,2

0,0

-0,3

Dépenses

0,3

0,3

0,6

0,7

0,4

0,4

Taux de PO

44,9

46,3

46,5

46,5

46,5

46,3

LPFP

44,9

46,3

46,3

46,2

46,2

45,9

Dépenses publiques

56,6

56,8

56,4

55,4

54,6

53,9

LPFP

56,3

56,3

55,4

54,4

53,7

53,1

Dette publique

90,2

93,6

94,3

92,9

90,7

88,2

LPFP

88,9

91,3

90,5

88,5

85,8

82,9

LPFP : loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. TSCG : traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

* Prévisions économiques de l'hiver 2013.

** Consensus Forecasts, avril 2013.

Source : d'après les documents indiqués

1. En apparence, une politique moins rigoureuse que la LPFP
a) Un retour du déficit effectif en-deçà de 3 % de PIB reporté à 2014

En apparence, le présent projet de programme de stabilité pourrait donner l'impression de poursuivre une trajectoire de consolidation des finances publiques moins rigoureuse que celle arrêtée par la loi de programmation des finances publiques. En effet, alors que la LPFP prévoyait un retour du déficit effectif en-dessous de 3 % du PIB dès 2013, le projet de programme de stabilité repousse l'atteinte de cet objectif à 2014 . Toutefois, la trajectoire suivie, légèrement décalée par rapport à celle arrêtée par la LPFP, suit une tendance analogue.

Le graphique ci-après, que la commission des finances actualise régulièrement, indique la trajectoire de solde public programmée et effective depuis que les programmes de stabilité existent.

Le solde public : programmation et exécution

(en points de PIB)

Source : commission des finances, d'après les documents indiqués

b) Les hypothèses sous-tendant le retour du déficit public en-dessous de 3 % du PIB : une croissance de 0,1 % en 2013 et 1,2 % en 2014

Le Gouvernement retient un objectif de déficit effectif de 2,9 % du PIB en 2014 ; le respect de celui-ci repose, en l'absence de mesures supplémentaires, sur plusieurs hypothèses :

- l'atteinte, en 2013, d'une croissance de 0,1 % et d'un solde effectif de 3,7 % du PIB ;

- l'atteinte, en 2014, d'une croissance du PIB de 1,2 % .

Les hypothèses de croissance sont incertaines et peuvent, certes, être contestées ; toutefois, votre rapporteur général les estime raisonnablement crédibles.

2. En réalité, une légère accentuation de la réduction du déficit structurel
a) En 2017, un excédent structurel de 0,5 point en 2017, et non plus un simple équilibre structurel

Comme cela a été indiqué, une politique consistant à suivre une trajectoire de solde public effectif ne serait pas soutenable, à moins d'accepter des taux de chômage très élevés et un excédent structurel très important empêchant vraisemblablement l'Etat d'assurer certaines de ses fonctions essentielles, en particulier en ce qui concerne le renforcement de la compétitivité et l'augmentation de la croissance potentielle.

Par ailleurs, les engagements de la France au titre du TSCG et de la LPFP 2012-2017 portent non sur le solde effectif, mais sur le solde structurel . Or, après un dérapage en 2012 et en 2013, le projet de programme de stabilité prévoit, dès 2014 un déficit structurel légèrement plus faible que le prévoit la LPFP (cf. tableau ci-après).

Dans le cas de l'année 2014, le Gouvernement écrit, dans le dossier de presse du présent projet de programme de stabilité : « La dégradation du déficit public par rapport à la loi de programmation des finances publiques s'explique par un effet base 2012 ( 0,2 point), l'impact mécanique de la moindre croissance 2013 ( 0,35 point) et des hypothèses prudentes sur les élasticités des prélèvements obligatoires (0,9) ».

Il est important de noter que la programmation prévoit désormais un léger excédent structurel dès 2016, qui atteindrait 0,5 point de PIB en 2017. Cela est quelque peu paradoxal, le présent projet de programme de stabilité précisant, par ailleurs, que l'objectif à moyen terme (OMT) est toujours l'équilibre structurel 33 ( * ) . Quoi qu'il en soit, le présent projet de programme de stabilité prévoit une trajectoire plus rigoureuse que la LPFP .

Le solde structurel : comparaison de la trajectoire prévue par la LPFP et de celle prévue par le présent projet de programme de stabilité

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Trajectoire de solde structurel de la LPFP

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Trajectoire de solde structurel du projet de programme de stabilité

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Ecart*

-0,1

-0,4

0,1

0,3

0,2

0,5

* Calcul de la commission des finances.

Source : d'après les documents indiqués

b) Par rapport à la LPFP, un effort structurel accru d'une dizaine de milliards d'euros, par des mesures nouvelles supplémentaires sur les recettes

L'évolution du solde structurel dépend tout à la fois :

- des fluctuations de l'élasticité des recettes au PIB, c'est-à-dire de la tendance spontanée des recettes à augmenter plus ou moins vite que le PIB en valeur. L'hypothèse d'élasticité retenue par le présent projet de programme de stabilité étant toujours proche de l'unité, cet effet est marginal ;

- en quasi-totalité, de l'effort structurel, c'est-à-dire des mesures prises par les pouvoirs publics sur les dépenses et les recettes. Dans le cas des dépenses, il s'agit de l'écart par rapport au niveau de dépenses qui résulterait d'une croissance effective égale à la croissance potentielle ; dans celui des recettes, des mesures nouvelles.

La notion d'effort structurel est donc particulièrement importante , car c'est elle qui correspond aux mesures concrètes que les pouvoirs publics entendent prendre.

Le présent projet de programme de stabilité se contente d'indiquer des montants en points de PIB, dont la conversion en milliards d'euros est approximative, en raison d'arrondis. Il est toutefois possible, à titre indicatif, de présenter les tableaux ci-après.

L'effort structurel prévu par le présent projet de programme de stabilité : comparaison avec la LPFP 2012-2017

1. En points de PIB

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Effort structurel cumulé*

Présent projet de programme de stabilité

1,3

1,9

1,0

0,6

0,5

0,2

5,5

dont:

Prélèvements obligatoires

1,1

1,5

0,3

0,0

0,0

-0,2

2,5

Dépenses

0,2

0,4

0,6

0,7

0,5

0,5

3,0

LPFP

1,4

1,9

0,5

0,5

0,4

0,1

5,0

dont :

Prélèvements obligatoires

1,1

1,6

-0,1

-0,2

0,0

-0,3

2,0

Dépenses

0,3

0,3

0,6

0,7

0,4

0,4

3,0

Ecart**

-0,1

0,0

0,4

0,2

0,1

0,1

0,5

dont :

Prélèvements obligatoires

0,0

0,0

0,3

0,2

0,1

0,1

0,5

Dépenses

-0,1

0,0

0,1

0,0

0,0

0,0

0,0

2. Conversion indicative en milliards d'euros***

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Effort structurel cumulé

Présent projet de programme de stabilité

24

38

21

15

10

4

110

dont:

Prélèvements obligatoires

20

30

7

0

0

-6

50

Dépenses

4

8

14

15

10

10

60

LPFP

26

38

14

12

9

3

100

dont :

Prélèvements obligatoires****

20

30

1

-3

-1

-7

40

Dépenses

6

8

13

15

10

10

60

Ecart

-2

0

7

3

1

1

10

dont :

Prélèvements obligatoires

0

0

6

3

1

1

10

Dépenses

-2

0

1

0

0

0

0

* Calcul de la commission des finances.

** L'écart a été calculé à partir de celui du tableau en milliards d'euros.

*** Si l'on excepte les mesures nouvelles en PO de la LPFP, les montants figurant dans le tableau en milliards d'euros ne figurent en tant que tels dans aucun document du Gouvernement, mais ont été calculés à partir de montants en points de PIB. Ils doivent donc être considérés comme de simples ordres de grandeur, en raison des arrondis.

Dans le cas de l'année 2014, les montants ont été fixés de manière à satisfaire l'indication, par le présent projet de programme de stabilité, que « l'effort en 2014, de l'ordre de 1 point de PIB, portera à hauteur de 70 % sur des économies en dépenses ».

**** Montants figurant dans la LPFP.

Source : d'après les documents indiqués

Sur l'ensemble de la période 2012-2017, l'effort structurel ne serait plus de 5 points de PIB (environ 100 milliards d'euros), mais de 5,5 points de PIB (environ 110 milliards d'euros). L'écart, de 0,5 point de PIB (environ 10 milliards d'euros), traduit le fait que, comme on l'a indiqué, le solde structurel en 2017 ne serait plus équilibré, comme le prévoyait la LPFP, mais excédentaire de 0,5 point de PIB .

c) En 2014, environ 6 milliards d'euros de mesures nouvelles sur les recettes supplémentaires par rapport à celles prévues par la LPFP

La décomposition de ces 10 milliards d'euros de mesures supplémentaires en 2012-2017 ne peut être effectuée avec précision.

La seule différence « incontestable » (compte tenu des arrondis) concerne l'année 2014. En effet, l'effort structurel, de 0,5 point de PIB selon la LPFP, serait porté à 1 point de PIB . La totalité de l'écart semble provenir de l'effort sur les recettes, l'effort sur les dépenses demeurant stable.

S'agissant des dépenses publiques, la croissance moyenne en 2012-2017 et la croissance prévue en 2014 sont les mêmes que celles prévues par la LPFP, comme le montre le tableau ci-après ; le dérapage constaté en 2012, par rapport aux prévisions de la LPFP, est compensé par une moindre progression sur l'année 2016.

La croissance des dépenses publiques en volume prévue par le présent projet de programme de stabilité : comparaison avec la LPFP 2012-2017

(en %)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

MOYENNE

Croissance des dépenses en volume

1,0

0,9

0,4

0,2

0,4

0,6

0,6

Hors éléments exceptionnels*

0,7

0,9

0,5

0,1

0,4

0,6

0,5

LPFP

0,4

0,9

0,4

0,2

0,7

0,8

0,6

Hors éléments exceptionnels**

0,5

0,5

0,4

0,2

0,7

0,8

0,5

* Recettes de fréquences hertziennes, dépenses militaires, recapitalisation de Dexia et changement du traitement comptable des prélèvements sur recettes pour l'Union européenne.

** dépenses militaires et recettes de fréquence hertzienne.

Les recettes de fréquences hertziennes sont comptabilisées par la comptabilité nationale non en recettes, mais en moindres dépenses.

Source : d'après les documents indiqués

Le présent projet de programme de stabilité indique que « l'effort en 2014, de l'ordre de 1 point de PIB, portera à hauteur de 70 % sur des économies en dépenses ». Compte tenu de la valeur du point de PIB en 2014 (environ 21 milliards d'euros), cela implique un effort structurel total réparti entre environ 14 milliards d'euros sur les dépenses et 7 milliards d'euros sur les recettes .

Les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires prévues par la LPFP en 2014 étant de l'ordre d'un milliard d'euros selon l'article 14 de la LPFP, cela paraît impliquer en 2014 des mesures nouvelles supplémentaires, par rapport à celles actuellement prévues, de l'ordre de 6 milliards d'euros.

Cet ordre de grandeur a été confirmé par Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, lors de son audition par la commission des finances le 17 avril 2013.

Les mesures nouvelles prévues par la LPFP et par le présent projet de programme de stabilité

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

LPFP

21

20

30

1

-3

-1

-6

Dont mesures nouvelles au sens du compteur LPFP (article 14 de la LPFP)*

0

7

24

-4

-7

-3

-7

Dont hors compétitivité

0

7

24

0

-1

-3

-7

Dont compétitivité**

0

0

0

-4

-6

0

0

Dont contentieux

1

-3

-3

3

2

0

0

Dont autres***

20

16

9

1

2

2

1

Présent projet de programme de stabilité****

20

30

7

0

0

-6

Mesures nouvelles supplémentaires****

0

0

6

3

1

0

* Le « compteur LPFP » prend seulement en compte les mesures législatives et réglementaires découlant de textes adoptés postérieurement au 1 er juillet 2012. Il ne comprend donc pas les mesures décidées sous la précédente législature, ou par les collectivités territoriales.

** Ecart entre le CICE et les mesures fiscales (TVA, fiscalité écologique) devant le financer.

*** Mesures votées antérieurement au 1 er juillet 2012 et augmentations de fiscalité locale.

**** Le présent projet de programme de stabilité, exprimé en points de PIB, ne peut être converti en milliards d'euros sans susciter de problèmes d'arrondis. Les montants indiqués dans le tableau constituent de simples ordres de grandeur.

Source : d'après la LPFP 2012-2017 et le présent projet de programme de stabilité

La nature de ces 6 milliards d'euros de mesures nouvelles sur les recettes en 2014, venant en plus de celles déjà prévues par la LPFP, n'est pas, à ce stade, complètement précisée. Il s'agit bien d'une augmentation nette des mesures nouvelles, et non de la simple compensation de mesures venant à expiration .

Selon les indications données par Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, lors de son audition par la commission des finances le 17 avril 2013 34 ( * ) , les 6 milliards d'euros (environ) de mesures nouvelles supplémentaires par rapport à celles prévues en 2014 par la LPFP correspondent notamment à :

- l'accord Agirc-Arcco sur les retraites complémentaires (1 milliard d'euros) ;

- la lutte contre la fraude (2 milliards d'euros) ;

- la réduction des niches fiscales et sociales (2 milliards d'euros) ;

- les éventuelles mesures en recettes adoptées dans le cadre de la réforme des retraites.

Les « mesures de compétitivité »

Les mesures dites de compétitivité correspondent au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et aux mesures destinées à les financer. Conformément à la présentation habituelle, le tableau ci-après les exprime en écart par rapport à l'absence de mesure. La deuxième ligne indique toutefois leurs montants en « mesures nouvelles » (c'est-à-dire par rapport au droit applicable l'année précédente), par construction égaux à ceux de la ligne « compétitivité » du tableau ci-avant.

Les mesures nouvelles prévues par la LPFP et par le présent projet de programme de stabilité

(en milliards d'euros)

* Source : LPFP

** Source : données transmises à la commission des finances lors de l'examen du PLFR de décembre 2012 (la LPFP ne distingue pas l'impact du CICE ou des mesures devant le financer, se contentant de présenter les « mesures de compétitivité » de manière globale)

*** Calculé par différence.

Source : d'après les sources indiquées

Compte tenu de l'impact plus récessif à court terme des réductions de dépenses que des augmentations de recettes ( cf . encadré ci-après), et du caractère dégradé de la situation économique, le choix de faire porter cet effort supplémentaire en 2014 sur les recettes est pleinement justifié.

L'absence de validité de la théorie de la « consolidation budgétaire expansionniste »

L'approche « keynésienne » : une réduction du déficit de 1 point de PIB réduit le PIB de 1 à 1,5 point dans le cas des dépenses et de 0,5 à 1 point dans celui des recettes

Les approches « keynésiennes » s'appuient sur des modèles mettant l'accent sur l'impact des consolidations budgétaires sur la demande. La plupart des estimations de l'impact des consolidations budgétaires reposent sur une telle approche. Comme les dépenses publiques sont, par définition, totalement dépensées, alors que les augmentations d'impôts peuvent se traduire par une simple modification du taux d'épargne des ménages, le multiplicateur budgétaire serait plus élevé dans le cas des dépenses que dans celui des recettes.

Ainsi, en 2009, synthétisant leur « revue » des principales études disponibles, les services du FMI écrivaient : « Une règle simple est un multiplicateur ([...] supposant un taux d'intérêt constant) de 1,5 à 1 pour les multiplicateurs de dépenses dans les grands pays, de 1 à 0,5 pour les petits de taille moyenne, et 0,5 ou moins pour les petits pays ouverts. Des multiplicateurs plus petits (environ la moitié des valeurs ci-dessus) sont vraisemblables pour les recettes et les transferts alors que des multiplicateurs légèrement plus grands pourraient être attendus des dépenses d'investissement. Des multiplicateurs négatifs sont possibles, en particulier si le stimulus budgétaire affaiblit (ou est perçu comme affaiblissant) la soutenabilité budgétaire » 35 ( * ) .

Ce dernier point - la possibilité de multiplicateurs négatifs - est selon cette approche considéré comme un cas exceptionnel, correspondant à des situations atypiques.

La théorie de la « consolidation budgétaire expansionniste »

Selon une approche plus récente, ces idées, relativement consensuelles parmi les économistes, seraient doublement fausses. En effet, les consolidations budgétaires augmenteraient la croissance quand l'ajustement porte majoritairement sur les dépenses : c'est ce qu'on appelle la théorie de la « contraction (ou consolidation) budgétaire expansionniste ».

Cette idée a, en particulier, été exprimée en 1996 par Alberto Alesina et Roberto Perotti dans un document de travail 36 ( * ) du National Bureau of Economic Research .

Les auteurs examinent, sur un échantillon de 20 Etats de l'OCDE, les 62 consolidations budgétaires les plus importantes en 1960-1994, identifiées par l'évolution du solde public primaire structurel 37 ( * ) . Parmi ces 62 consolidations, 16 sont considérées comme des succès 38 ( * ) , et 46 comme des échecs. Les succès ont en moyenne porté pour les deux tiers sur les dépenses, alors que les échecs ont en moyenne légèrement plus porté sur les recettes que sur les dépenses. Ce succès peut notamment s'expliquer par le fait qu'un gouvernement faisant porter l'essentiel de l'effort sur la dépense est vraisemblablement plus décidé qu'un autre à réduire le déficit.

En ce qui concerne l'impact sur le PIB, les auteurs indiquent que, sur leur échantillon, les Etats dont la consolidation budgétaire a été un succès ont eu une croissance plus élevée (pendant et après la consolidation) que ceux pour lesquels elle a échoué. Cependant, comme ils le soulignent, ce simple constat statistique est « loin d'être concluant » (ce qui ne les empêche pas d'émettre des hypothèses pour l'expliquer 39 ( * ) ). On peut en particulier s'interroger sur la vraisemblance de mécanismes économiques censés entraîner des conséquences aussi importantes pour des différences relativement mineures de politique budgétaire 40 ( * ) .

Des études analogues ont été faites ultérieurement 41 ( * ) , parvenant à des résultats comparables.

Une théorie réfutée par le FMI et divers économistes

La théorie de la « contraction budgétaire expansionniste » a été explicitement réfutée en 2010 par le FMI 42 ( * ) puis, en 2011, par trois économistes 43 ( * ) .

Le principal reproche fait à cette théorie est de reposer sur une définition excessivement simplificatrice de la consolidation budgétaire. En effet, le solde structurel primaire peut s'améliorer spontanément si les recettes tendent à augmenter plus rapidement que le PIB, ou s'effondrer dans le cas inverse. Par ailleurs, certaines améliorations du solde sont purement optiques (par exemple quand un Etat réalise une dépense exceptionnelle une année donnée, qui disparaît l'année suivante 44 ( * ) ). Pour utiliser une notion souvent utilisée en France, la consolidation budgétaire correspond à l'effort structurel (corrigé de l'évolution de la charge d'intérêts et des dépenses et recettes exceptionnelles), pas à l'amélioration du solde structurel.

En prenant en compte ces phénomènes, le FMI et l'étude précitée de 2011 retrouvent les ordres de grandeur des modèles « keynésiens » habituels. En particulier, une réduction du déficit s'accompagne bien d'une réduction du PIB. Ainsi, selon le FMI, « un rééquilibrage budgétaire égal à 1 % du PIB entraîne normalement une baisse du PIB d'environ 0,5 % après deux ans » (après prise en compte de la baisse des taux d'intérêt par la banque centrale, alors de l'ordre de 0,2 point).

Ces deux études concluent certes, contrairement aux approches « keynésiennes » habituelles, qu'une réduction de dépenses a un impact sur le PIB moins négatif qu'une augmentation de recettes. Toutefois elles précisent que ce phénomène vient du fait que si l'effort porte sur les dépenses, la banque centrale tend à davantage réduire ses taux d'intérêt, parce qu'elle juge la volonté de réduire le déficit plus crédible, alors que l'augmentation de la fiscalité indirecte accroît l'inflation.

Dans le contexte actuel de crise de la zone euro, les « vieilles recettes » keynésiennes demeurent donc valides. En effet, la BCE ne baissera pas davantage ses taux si la France fait porter l'effort sur les dépenses plutôt que sur les recettes, d'abord parce que ses taux sont déjà très bas, ensuite parce que la France n'est, au sein de la zone euro, qu'un Etat parmi dix-sept. Il demeure donc préférable, en termes d'impact sur le PIB, de faire porter l'effort sur les recettes plutôt que sur les dépenses, toutes choses égales par ailleurs et sous réserve notamment des éventuels effets négatifs d'une fiscalité qui découragerait l'initiative et la croissance ou de l'impact, sur la crédibilité d'un Etat, de l'absence d'interrogation de l'efficacité des dépenses publiques.

3. Un effort reposant essentiellement sur les dépenses sur l'ensemble de la période 2012-2017
a) Un effort portant pour environ 55 % sur la dépense en 2012-2017

Malgré l'augmentation prévue de l'effort sur les recettes en 2014, par rapport à la LPFP, l'effort global continue en 2012-2017 de porter principalement sur les dépenses publiques .

Ainsi, sur environ 110 milliards d'euros d'effort structurel en 2012-2017, 60 milliards d'euros (soit 55 %) concerneraient les dépenses .

S'agissant de 2014, on rappelle que, selon le présent projet de programme de stabilité, « l'effort [...], de l'ordre de 1 point de PIB, portera à hauteur de 70 % sur des économies en dépenses ».

b) Des économies documentées

Les dépenses publiques hors éléments exceptionnels doivent augmenter seulement de 0,5 % en volume en 2014 (0,4 % avec les éléments exceptionnels).

Comme le montre le tableau ci-après, les « efforts habituels » de ces dernières années (« zéro volume » sur un périmètre incluant les charges de la dette et les pensions, pour les dépenses de l'Etat, croissance de l'ONDAM de 3 %) permettent de ramener la croissance des dépenses publiques, qui « spontanément » augmentent d'environ 1,5 % en volume, à environ 1 %.

La croissance spontanée des dépenses publiques en volume :
quelques ordres de grandeur

(en %)

Croissance spontanée des dépenses, selon l'IGF 1

Croissance effective des dépenses en résultant, avec les « efforts habituels » 2

Etat

1,3

0,0

Organismes divers d'administration centrale

2,3

2,3

Administrations publiques locales

1,0 3

1,0

Administrations de sécurité sociale

1,75 4

1,4

Toutes administrations publiques

1,5

1,0

1 Inspection générale des finances, rapport n° 2012-M-008-03 de mai 2012 sur la maîtrise des dépenses de l'Etat.

2 Croissance spontanée des dépenses + « zéro volume » pour l'Etat et croissance de l'ONDAM de 3 % en valeur (calculs de la commission des finances).

3 La lecture du rapport de l'IGF suggère que ce taux pourrait être sous-estimé.

4 Dont 1,9 % pour la branche vieillesse, 0,35 % pour la branche famille, 2,3 % pour la branche maladie et 0 % pour l'Unedic.

Sources : inspection générale des finances, calculs de la commission des finances

Les données de ce tableau correspondent, bien entendu, à de simples ordres de grandeur. En particulier, la notion de croissance spontanée des dépenses est nécessairement en partie conventionnelle. Cependant, elles suggèrent que pour ramener la croissance des dépenses à 0,5 % en volume en 2014 (hors éléments exceptionnels), il faut réaliser, par rapport aux « économies habituelles », des économies supplémentaires d'environ 0,5 point de dépenses (soit 6 milliards d'euros).

Compte tenu du montant de l'ONDAM (environ 180 milliards d'euros), le fait que la croissance de celui-ci soit fixée à 2,6 % en 2014 (au lieu de 3 % dans le tableau ci-avant) correspond à environ 700 millions d'euros d'économies supplémentaires.

Par ailleurs, le présent projet de programme de stabilité évoque, pour 2014, 1,5 milliard d'euros d'économies sur les dépenses de l'Etat 45 ( * ) et 1,5 milliard d'euros d'économies sur les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, soit 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2014 par rapport aux « économies habituelles ».

A cela s'ajoute :

- l'impact du récent protocole d'accord concernant les régimes de retraite complémentaires des salariés et des cadres du secteur privé (Arrco-Agirc), conclu par les partenaires sociaux le 13 mars 2013. La moindre indexation des prestations devrait permettre d'économiser un milliard d'euros dès 2014 46 ( * ) ;

- les économies relatives à la branche « famille » (mission Fragonard), évaluées à un milliard d'euros en 2014 47 ( * ) .

Les mesures d'économies en 2013-2017, selon le Gouvernement

« Une évolution maîtrisée de la dépense publique tout au long de la programmation permettra de financer les priorités du Gouvernement. L'effort sur les dépenses sera maintenu jusqu'en 2017, permettant un recul progressif de la part de la dépense publique dans le PIB : son évolution en volume (hors éléments particuliers de comptabilisation) sera limitée à 0,5 % en moyenne sur la période 2013-2017, nettement inférieure à sa tendance historique d'un peu plus de 2 %. Cet effort est partagé entre l'ensemble des administrations publiques. Le Gouvernement a lancé un exercice ambitieux de modernisation de l'action publique (MAP) dont l'objectif est d'évaluer d'ici 2017 l'intégralité des politiques publiques menées par les différentes administrations publiques, en associant étroitement les usagers, les agents et les acteurs de ces politiques, ce qui favorisera l'appropriation et le succès de la démarche et concourra à une évolution maîtrisée de la dépense publique. Ainsi, les dépenses de l'État hors dette et pensions baisseront de 1,5 Md€ en 2014, les priorités du Gouvernement en faveur de l'emploi et de la lutte contre la pauvreté étant financées par redéploiements. Les concours financiers aux collectivités locales seront réduits de 1,5 Md€ en 2014 et de 1,5 Md€ supplémentaires en 2015 (soit une baisse de 3 Md€ par rapport à 2013). Les administrations de sécurité sociale participeront à l'effort de redressement des comptes publics. Outre les efforts déjà programmés sur l'assurance maladie, les partenaires sociaux ont conclu un accord sur les régimes obligatoires de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, qui contribuera au redressement des comptes publics, et renégocieront la convention de l'assurance chômage fin 2013. Des réflexions sont par ailleurs engagées pour l'équilibrage à moyen terme des branches vieillesse et famille de la sécurité sociale (mission confiée à M. Fragonard et commission présidée par Mme Moreau). »

Source : présent projet de programme de stabilité

L'évolution des dépenses publiques en 2014 : quelques ordres de grandeur

(en milliards d'euros)

* Hors éléments exceptionnels.

** Stabilisation des dépenses de l'Etat en volume et croissance de l'ONDAM de 3 % en valeur.

*** Dont : croissance de l'ONDAM de 2,6 % au lieu de 3 % (environ 700 millions d'euros), accord Arrco-Agirc (environ un milliard d'euros), économies relatives à la branche « famille » (environ un milliard d'euros).

Source : commission des finances, d'après le présent projet de programme de stabilité

C. DES HYPOTHÈSES DE CROISSANCE RAISONNABLEMENT CRÉDIBLES, DES ALÉAS À RELATIVISER

1. Des hypothèses de croissance perçues comme optimistes...
a) Des hypothèses de croissance optimistes, selon le Haut Conseil des finances publiques

L'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) publié le 16 avril 2013 émet des réserves sur les hypothèses de croissance associées au présent projet de programme de stabilité.

Il remarque que, si l'article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 prévoit que « le programme de stabilité se fonde sur le scénario macrobudgétaire le plus plausible ou sur un scénario plus prudent », le présent projet de programme de stabilité ne retient pas cette seconde possibilité.

Il souligne que si la prévision de croissance pour 2014, de 1,2 %, est identique à celle de la Commission européenne, elle est en réalité plus optimiste, une fois pris en compte le fait que le Gouvernement prévoit également un déficit budgétaire moins élevé, l'effort supplémentaire réalisé devant avoir un effet récessif.

L'avis du Haut Conseil des finances publiques sur les prévisions de croissance pour 2014 : extraits

« Le Haut Conseil observe par ailleurs que si les prévisions macroéconomiques du Gouvernement sont, en apparence, très proches de celles établies en février 2013 par la Commission européenne, la similitude de prévision de taux de croissance (1,2 %) masque en fait des scénarios très différents. Aussi la Commission retient-elle une hypothèse de déficit public en hausse de 0,2 point en 2014 alors que le Gouvernement envisage une réduction de 0,8 point dans le projet de programme de stabilité. Dans le scénario du Gouvernement, l'ampleur de l'ajustement budgétaire envisagé qui pèserait sur la croissance serait compensée par l'introduction du CICE et par des importations moins dynamiques. Ces hypothèses paraissent optimistes.

« Au total, le Haut Conseil des finances publiques considère que le scénario pour les années 2013 et 2014 est entouré d'un certain nombre d'aléas qui, dans leur ensemble, font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Un léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus. »

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2013-01 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2013 à 2017, 15 avril 2013

S'agissant des années 2015 à 2017, le Haut Conseil estime que « la prévision d'une croissance effective de 2 % par an dès l'année 2015 est incertaine ».

b) Une hypothèse de croissance pour 2014 supérieure, comme d'habitude à cette période de l'année, au consensus des conjoncturistes

L'hypothèse de croissance retenue pour 2014 (1,2 %) est supérieure de 0,5 point au consensus des conjoncturistes, de 0,7 %.

Elle ne se distingue pas en cela des prévisions précédemment publiées par le Gouvernement à cette période de l'année. Ainsi, depuis 2006, la prévision du Gouvernement en mars-avril a en moyenne été supérieure de 0,5 point au consensus : alors que le consensus prévoyait en moyenne une croissance de 1,5 %, elle a été de 2 %, comme le montre le graphique ci-après.

Les prévisions de croissance du PIB en avril de l'année précédente

(en %)

NB : le site Internet de la Commission économique de la Nation n'indique pas de prévisions en mars-avril 2010.

Sources : consensus Forecasts, numéro d'avril ; Gouvernement : commission économique de la Nation (mars ou avril) ( https://www.tresor.economie.gouv.fr/cen )

2. ...qui n'en demeurent pas moins crédibles, en raison notamment des réformes engagées par le Gouvernement

Dans son avis publié le 16 avril 2013, le Haut Conseil des finances publiques a souligné les « aléas » concernant les prévisions de croissance retenues par le Gouvernement pour les années 2013 et 2014, ainsi que les « fragilités » du scénario de moyen terme, portant sur la période 2015-2017. Ce constat du Haut Conseil ne saurait être contesté ; les incertitudes qui ont toujours entouré les projections macroéconomiques sont probablement renforcées par le contexte économique mondial actuel.

Toutefois, votre rapporteur général estime que les prévisions de croissance du PIB établies par le Gouvernement dans le cadre du présent programme de stabilité sont raisonnablement crédibles . Si aucune garantie ne peut être apportée quant à la concrétisation du scénario arrêté, qui dépend pour une large part des comportements des entreprises et des ménages, et pour lequel la confiance joue un rôle essentiel, les données disponibles à ce jour laissent penser que celui-ci n'est pas hors de portée.

A court terme, la hausse progressive des exportations françaises compenserait la relative atonie de la demande intérieure, alors qu'à moyen terme l'augmentation de la consommation des ménages, reposant notamment sur un recul du taux d'épargne, deviendrait le principal relais de la croissance française.

a) Le rebond des exportations françaises...

Concernant 2013, le Gouvernement prévoit une croissance de 0,1 %, soit une évolution du PIB supérieure à celle de la zone euro dans son ensemble que la Commission, dans ses prévisions d'hiver, a évaluée à - 0,3 %. En dépit de la persistance de la récession dans la zone euro, limitant les exportations vers des pays comme l'Espagne et l'Italie, la France bénéficierait de la hausse des importations allemandes et américaines .

L'Allemagne constitue le principal partenaire commercial de la France, représentant près de 16 % des exportations françaises. Aussi, il faut rappeler que les prévisions d'hiver de la Commission européenne anticipent une augmentation de la demande intérieure allemande de 1 % et un relèvement de ses importations de 4,1 % . La demande privée est soutenue par le retour à l'équilibre des finances publiques, mais également par des revalorisations salariales substantielles. Les salaires ont augmenté, en moyenne, de 2,6 % au cours de l'année 2012 ; à titre d'exemple, les salariés des secteurs de l'automobile et de la construction ont bénéficié d'une revalorisation de leur salaire de 4,3 %. Cette tendance semble devoir se poursuivre en 2013, des hausses des rémunérations ayant déjà été accordées dans la fonction publique régionale.

De toute évidence, la reprise de la demande privée allemande constitue donc un relais crédible de la hausse des exportations françaises et de la croissance du PIB de la France en 2013.

En outre, l'économie des Etats-Unis devrait, en 2013, être portée par une demande privée dynamique , et ce en dépit d'une consolidation budgétaire importante. Le redémarrage du marché immobilier, qui semble se confirmer, de même que le désendettement avancé des ménages, soutiendraient la consommation de ces derniers. Par ailleurs, la situation financière des entreprises demeure favorable, ce qui pourrait amplifier la hausse de la croissance américaine par le biais de hausses des salaires et des investissements. Selon le Fonds monétaire international (FMI), les Etats-Unis connaîtraient une croissance de 1,9 % en 2013 ; celle-ci atteindrait même 3 % en 2014.

Il faut préciser que ces prévisions tiennent compte de l'assainissement très rigoureux actuellement engagé par le gouvernement américain , à hauteur de 1,8 % du PIB. Aussi M. Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, semble-t-il considérer que la vigueur de la demande intérieure permettra de compenser les effets de l'ajustement, celle-ci étant « portée en partie par l'anticipation de taux directeurs faibles selon les indicateurs de la Réserve fédérale quant à l'orientation future de la politique monétaire, ainsi que par la demande non satisfaite de logements et de biens de consommation durables ».

Enfin, la situation économique mondiale paraît, globalement, s'améliorer . Au Japon, outre le renforcement d'une politique accommodante et la dépréciation du yen, le plan de relance massif adopté à la mi-janvier devrait stimuler l'activité en 2013, en favorisant notamment une hausse de la demande publique. Ainsi, selon le FMI, la croissance de la production japonaise devrait être de 1,6 % en 2013. Par ailleurs, les pays émergents et en développement afficheraient des taux de croissance substantiels , atteignant 5,3 % en moyenne au cours de l'année 2013.

Dans ce contexte, dans sa note de conjoncture de mars 2013, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a prévu une hausse des exportations françaises de 0,6 % au premier trimestre 2012 et de 0,7 % au deuxième trimestre, ce qui semble cohérent avec l'hypothèse d'une hausse de 2,6 % de la demande mondiale adressée à la France retenue dans le cadre du présent projet de programme de stabilité .

Ainsi, en 2013, le rebond des exportations françaises pourrait permettre de compenser les effets d'une évolution d'une demande intérieure moins dynamique que prévu .

Cette tendance pourrait se prolonger, l'environnement international semblant tendre vers une amélioration à moyen terme. En 2014, les projections du FMI laissent ainsi entrevoir une nouvelle hausse de l'activité mondiale, y compris au sein de la zone euro du fait du ralentissement des consolidations budgétaires menées par les Etats membres. A plus long terme, les mesures améliorant la compétitivité de l'économie française , précisées dans le cadre du projet de programme national de réforme (PNR), devraient produire leurs effets. On citera, à cet égard, les dispositions avancées dans le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi et les résultats attendus du programme d'investissements d'avenir sur la recherche et le développement.

Evolution de la demande mondiale adressée à la France

(en %)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

6,2

0,8

2,6

6,5

6,5

6,5

6,5

Source : programme de stabilité (2013-2017)

A titre indicatif, il est possible de rappeler qu'une hausse de 1 % de la demande mondiale adressée à la France se traduit par une augmentation de 0,2 point du PIB (cf. tableau ci-contre). Ainsi, en 2014, l'accroissement de 6,5 % de la demande mondiale aurait une incidence positive de 1,3 point sur le PIB français.

Impact sur l'économie française d'une hausse de 1 % de la demande mondiale adressée à la France*

n

n+1

n+2

PIB

0,2

0,2

¼

Emploi salarié total (en milliers)

9

27

40

* Augmentation durable de 1 % de la demande mondiale intervenant au début de l'année n, à taux d'intérêt réels inchangés

Source : projet de programme de stabilité

Les perspectives de l'économie mondiale (FMI)

(évolution annuelle, en %)

2012

2013

2014

Production mondiale

3,2

3,3

4,0

Pays avancés

1,2

1,2

2,2

Etats-Unis

2,2

1,9

3,0

Zone euro

-0,6

-0,3

1,1

Royaume-Uni

0,2

0,7

1,5

Pays émergents et en développement

5,1

5,3

5,7

Russie

3,4

3,4

4,0

Chine

7,8

8,0

8,2

Inde

4,0

5,7

6,2

Afrique subsaharienne

4,8

5,6

6,1

Volume du commerce mondial

2,5

3,6

5,3

Source : FMI (avril 2013)

b) ...est encouragé par les mesures engagées en matière de compétitivité, reprises dans le programme national de réforme

Le Gouvernement a engagé des mesures de nature à améliorer la compétitivité de l'économie française, de manière à pleinement tirer profit de l'opportunité du redressement de l'environnement économique international actuellement à l'oeuvre . Ces différentes mesures sont explicitées dans le programme national de réforme.

Tout d'abord, la fiscalité a été modifiée afin de favoriser la compétitivité des entreprises. La principale mesure adoptée en ce sens a été la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Le principe de ce dispositif est simple ; il s'agit d'un allègement du coût du travail à hauteur de 20 milliards d'euros, soit un point de PIB, de manière à permettre la restauration des marges des entreprises. Celle-ci permet à la fois une baisse des prix, donc un relèvement de la compétitivité-coût des produits à l'exportation , et une amélioration des capacités d'autofinancement , levier majeur d'investissement, notamment en recherche et développement (R&D), et par conséquent de compétitivité hors-prix.

Ainsi, les projections réalisées lors de l'élaboration de la mesure prévoient une hausse des exportations de 0,5 point à l'horizon 2017 ( cf . tableau ci-dessous). Il faut toutefois souligner que le modèle utilisé pour établir ces prévisions ne permet de rendre pleinement compte que des effets inhérents à l'amélioration de la compétitivité-coût et non de ceux liés au renforcement de la compétitivité hors-prix ; aussi, à moyen ou long terme, les incidences du CICE sur la compétitivité des entreprises françaises pourraient être plus importantes.

Impact du CICE*

2013

2014

2015

2016

2017

2022

PIB

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

Prix à la consommation

-0,1

-0,2

-0,2

-0,6

-0,8

-1,5

Exportations

0,0

0,1

0,1

0,3

0,5

0,6

Importations

0,1

0,3

0,2

0,3

0,2

0,0

Emplois (milliers)

32

125

224

282

302

318

Note de lecture : en 2017, les exportations seront supérieures de 0,5 point à ce qu'elles auraient été si le CICE n'avait pas été institué.

* Il s'agit de l'impact du CICE, mais également de l'ensemble des mesures adoptées corrélativement à sa mise en place (augmentation de la TVA, de la fiscalité écologique et réduction des dépenses publiques)

Source : projet de programme national de réforme (PNR)

Les effets induits par le CICE, notamment sur la capacité à investir des entreprises, seront renforcés par les autres réformes favorisant l'accès au financement des agents économiques. Sans entrer ici dans les détails, il s'agit de la mise en place de la Banque publique d'investissement (BPI) 48 ( * ) , dotée d'une capacité d'intervention totale de près de 42 milliards d'euros, ou encore de la réforme à venir de la fiscalité de l'épargne de manière à renforcer le financement en fonds propres des entreprises sur la base du récent rapport de Karine Berger et Dominique Lefebvre 49 ( * ) .

Le Gouvernement a également engagé une politique d'accompagnement des entreprises exportatrices . Celle-ci consistera à rénover les outils existants, comme l'agence de soutien à l'internationalisation des entreprises, Ubifrance, afin d'offrir à ces dernières un accompagnement personnalisé. De même, le financement à l'export sera revu, toujours avec pour souci d'encourager plus particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME). Cette politique d'accompagnement sera concentrée sur des filières présentant les perspectives de développement les plus importantes à moyen et long terme, à destination de 47 pays jugés prioritaires.

Par ces réformes favorables à la compétitivité des entreprises, le Gouvernement tend à résoudre l'une des principales difficultés de l'économie française, à savoir les pertes de part de marché. Au cours des dix dernières années, celles-ci ont substantiellement reculé. C'est d'ailleurs la principale critique formulée à l'égard de la France dans le cadre de la procédure de déséquilibres macroéconomiques (PDM) instituée récemment dans le cadre du « six pack » (cf. encadré ci-dessous).

La procédure concernant les déséquilibres économiques (PDM)

Outre la réforme du pacte de stabilité et de croissance, le « six pack », adopté en 2011, a prévu la mise en place nouveau mécanisme de surveillance et d'exécution pour détecter et résoudre plus rapidement les déséquilibres macroéconomiques : il s'agit de la procédure concernant les déséquilibres excessifs, fondée sur l'article 121, paragraphe 6, du TFUE. Cette procédure vise à identifier, en amont, les déséquilibres susceptibles, à terme, de peser sur la soutenabilité des finances publiques ; à cet égard, il est possible de citer l'exemple de l'Espagne ou de l'Irlande, dont les économies reposaient très largement sur des « bulles » immobilières. Ce mécanisme comportera les principaux éléments suivants :

- des mesures préventives et correctives : la nouvelle procédure permet à la Commission européenne et au Conseil d'adopter à un stade précoce, avant que les déséquilibres ne s'aggravent, des recommandations préventives au titre de l'article 121, paragraphe 2 du TFUE. Dans les cas les plus graves, le volet correctif permettra l'ouverture d'une procédure de déséquilibre excessif à l'égard d'un Etat membre, qui devra alors soumettre un plan d'action corrective comportant une feuille de route précise et les délais de mise en oeuvre des mesures prévues. La Commission renforcera la surveillance sur la base des rapports d'avancement périodiques remis par les Etats membres concernés ;

- une application rigoureuse : un nouveau régime d'application est instauré pour les Etats membres de la zone euro. Il se fonde sur une approche en deux étapes en vertu de laquelle un dépôt portant intérêt pourra être imposé si un État membre ne met pas en oeuvre les mesures correctives recommandées . Si l'Etat membre persiste à ne pas se conformer à ces recommandations, le dépôt portant intérêt pourra être converti en amende (pouvant représenter jusqu'à 0,1 % du PIB ). Des sanctions pourront aussi être imposées à un Etat membre qui, après deux rappels, n'a toujours pas remis un plan d'action corrective satisfaisant. Le processus décisionnel prévu par les nouvelles règles est simplifié : ainsi, toutes les décisions pertinentes menant à l'adoption de sanctions seront prises à la majorité qualifiée inversée . Avec cette procédure de décision semi-automatique, il sera très difficile pour les États membres de constituer une majorité de blocage ;

- un système d'alerte précoce : un système d'alerte est établi sur la base de la lecture économique d'un tableau de bord comportant un ensemble de onze indicateurs relatifs aux principales sources de déséquilibres macroéconomiques ( cf . tableau de bord pour la procédure de déséquilibres macroéconomiques et résultats pour la France, ci-dessous). La composition de ces indicateurs peut évoluer dans le temps ; l'objectif du tableau de bord est de permettre la réalisation d'études approfondies en vue de déterminer si les déséquilibres potentiels détectés à un stade précoce sont problématiques ou non. La Commission peut organiser des missions, avec la BCE le cas échéant, afin de procéder à des examens approfondis, qui seront rendus publics.

En effet, les parts de marché à l'exportation de la France ont reculé de 11,2 % entre 2006 et 2011 , comme cela a pu être mis en évidence dans le cadre du bilan approfondi réalisé par la Commission au cours de la première PDM de 2012 ( cf . tableau ci-dessous).

Composition du tableau de bord pour la procédure de déséquilibres macroéconomiques et résultats pour la France

Indicateurs

Seuils

Situation française en 2011

Balance courante

moyenne mobile sur 3 ans

entre + 6 % et - 4 % du PIB

-1,6 %

Position extérieure nette

- 35 % du PIB

-15,9 %

Taux de change réels effectifs

sur la base de déflateurs IPCH/IPC, par rapport à 35 autres pays industriels

+/- 5 % pour les pays de la zone euro, +/- 11 % pour les pays hors zone euro

-3,2 %

Parts de marché à l'exportation

en valeur, sur cinq années

- 6 %

-11,2 %

Coûts unitaires nominaux de la main-d'oeuvre

évolution sur 3 ans

+ 9 % pour les pays de la zone euro, + 12 % pour les États hors zone euro

6 %

Prix de l'immobilier

par rapport à un déflateur de la consommation calculé par Eurostat

6 %

3,8 %

Flux de crédit dans le secteur privé

en % du PIB

15 %

4 %

Dette du secteur privé

en % du PIB

160 %

160 %

Dette du secteur public

en % du PIB

60 %

86 %

Taux de chômage

moyenne mobile sur 3 ans

10 %

9,6 %

Passif total du secteur financier

évolution annuelle

16,5 %

7,3 %

Source : programme national de réforme

Aussi faut-il rappeler que la balance commerciale française hors énergie est passée de + 25 milliards d'euros en 2002 à - 25 milliards d'euros en 2011 , en conséquence, notamment, de l'érosion des parts de marché des exportations françaises. Par ailleurs, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée française est passée de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011 , s'accompagnant de la destruction de 750 000 emplois industriels .

Des mesures en faveur du rétablissement de la compétitivité des exportations françaises apparaissent donc comme indispensables ; à cet égard, les réformes engagées par le Gouvernement permettront d'apporter un remède à l'un des principaux déséquilibres mis en évidence dans le cadre de la PDM.

c) Un regain de consommation des ménages reposant notamment sur une baisse du taux d'épargne

En 2014, mais plus encore à compter de 2015, le regain progressif de la consommation des ménages constituerait un levier de la croissance . Celle-ci devrait, en partie, reposer sur une baisse du taux d'épargne, qui est également anticipée par la Commission européenne qui, dans ses prévisions d'hiver, prévoit une réduction du taux d'épargne des ménages de 15,5 % en 2012 à 14,9 % en 2014. En outre, selon l'INSEE, le taux d'épargne aurait déjà reculé de 0,9 point entre le deuxième et le quatrième trimestre de l'année 2012.

Evolution du taux d'épargne des ménages (2005-2013)

(en %)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012*

2013*

14,7

14,9

15,4

15,5

16,4

15,9

16,1

16,1

15,8

* Prévisions

Sources : INSEE, OCDE (2012)

Les données disponibles permettent, effectivement, d'envisager une baisse du taux d'épargne des ménages . Celui-ci se relève généralement en période de contraction économique, les ménages constituant une épargne de précaution ; cela s'est encore vérifié dans le cas de la France, puisque celui-ci est passé de 14,9 % en 2006 à 16,4 % en 2009, soit une hausse de 1,5 point .

Il faut, en outre, rappeler que le taux d'épargne a été, en moyenne, de 14,7 % entre 1990 et 1999 . Aussi une diminution du taux d'épargne induit par un retour de la confiance des ménages favoriserait-il un rebond de la consommation intérieure.

A titre indicatif, un retour au taux d'épargne des ménages constaté en 2006 à l'horizon 2016-2017 représenterait une hausse des dépenses de consommation de 12 milliards d'euros par an 50 ( * ) , soit près de 0,6 point de PIB .

Une telle donnée tend à renforcer la crédibilité de l'hypothèse de croissance de 2 % sur la période 2015-2017. D'autant que les différentes actions entreprises notamment afin de réformer le marché du travail devraient être de nature, d'une part, à favoriser les créations d'emplois et, d'autre part, à rétablir la confiance et à réduire, dès lors, les comportements d'épargne de précaution.

Il faut, tout d'abord, rappeler que le CICE devrait permettre la création de plus de 300 000 emplois à l'horizon 2017 , dont 90 000 dès 2014.

A cela vient s'ajouter la montée en puissance des « contrats de génération », qui devraient créer près de 10 000 emplois en 2014, et du dispositif « emplois d'avenir » dont il est attendu 80 000 créations d'emplois la même année.

Ainsi, ces différents dispositifs participeraient à la création nette de près de 160 000 emplois en 2014 , marquant le début de la consolidation du marché du travail.

L'environnement économique serait donc, à compter de 2014, mais plus encore de 2015, favorable à une reprise de la consommation privée.

3. La nécessaire incertitude des prévisions économiques

Votre rapporteur général ne peut que souscrire à l'analyse consistant à identifier les « aléas », voire les « fragilités » des hypothèses de croissance retenues dans le présent projet de programme de stabilité. En effet, les prévisions économiques présentent un degré élevé d'incertitude, notamment dans un contexte macroéconomique fortement heurté comme cela est le cas aujourd'hui. Aussi est-il indispensable de reconnaître qu'il n'existe pas de consensus parmi les principales institutions formulant des prévisions conjoncturelles ; les analyses actuellement disponibles ne permettent donc pas d'écarter unanimement les hypothèses retenues par le Gouvernement.

a) La croissance de 2014 est, à ce stade, imprévisible

De manière générale, et plus encore sans doute dans le contexte actuel, la croissance du PIB en 2014 est, à ce stade de l'année, imprévisible.

Le graphique ci-après compare les prévisions du consensus et du Gouvernement avec la croissance effectivement constatée.

On observe que si, comme on l'a indiqué, la prévision du Gouvernement est en moyenne supérieure de 0,5 point à celle du consensus, cet écart est sans commune mesure avec celui constaté entre ces deux prévisions et la croissance réalisée. Ainsi, en moyenne, depuis 2006, si la prévision du Gouvernement a été de 2 % et celle du consensus de 1,5 %, la croissance réalisée a été de 0,7 %. L'importance du « biais haussier » de la prévision par rapport à la réalisation doit toutefois être relativisée compte tenu de la volatilité du contexte économique mondial au cours de la crise des dernières années. En particulier, sur le long terme, les prévisions du consensus des conjoncturistes tendent à être égales à la croissance potentielle. Sur longue période, les prévisions optimistes et pessimistes du consensus tendent donc à se compenser.

Les prévisions de croissance du PIB en avril de l'année précédente :
comparaison avec l'exécution

(en %)

NB : le site Internet de la Commission économique de la Nation n'indique pas de prévisions en mars-avril 2010.

Sources : consensus Forecasts, numéro d'avril ; Gouvernement : pour 2006-2011, commission économique de la Nation (mars ou avril) (https://www.tresor.economie.gouv.fr/cen) et, pour 2012-2014, programmes de stabilité ; Insee

b) La moyenne des prévisions ne doit pas cacher que les conjoncturistes retiennent des scénarios très différents

Il faut également prendre en compte le fait que le consensus n'a pas forcément beaucoup de signification, dès lors que les conjoncturistes retiennent des scénarios très différents.

Pour comparer les différentes prévisions, il faut prendre en compte non la croissance seule, mais les « couples » constitués par la prévision de croissance et la prévision de solde public. En effet, ces deux variables interagissent entre elles.

Le graphique ci-après montre que l'on peut, schématiquement, distinguer deux groupes de prévisions :

- un groupe A, constitué de prévisions de solde d'autant plus dégradées que la croissance est faible. Ces prévisions paraissent reposer sur des hypothèses analogues d'effort budgétaire discrétionnaire, et se distinguer par les prévisions de croissance, qui ont à leur tour un impact sur le solde effectif ;

- un groupe B, constitué de prévisions de croissance très différentes, mais avec un déficit toujours proche de 3 points de PIB. Ces prévisions mettent en évidence l'imprévisibilité pratique de la croissance, un déficit donné correspondant à des prévisions allant de 0,2 % à 1,2 %. La politique budgétaire menée est différente, pour parvenir au même solde malgré des prévisions de croissance différentes.

La prévision du présent projet de programme de stabilité se situe à l'intersection de ces deux groupes. Il ne présente pas d'incohérence par rapport aux autres scénarios du groupe A : si l'on retient l'hypothèse d'une croissance de 1,2 %, pour un effort budgétaire donné, on a bien un déficit de l'ordre de 3 points de PIB.

Deux prévisions se distinguent :

- celle d' HSBC , qui considère que la croissance sera encore plus forte que celle prévue par le Gouvernement, avec 1,3 %, mais que cela viendra d'un relâchement de la discipline budgétaire tel que le déficit sera de 4 points de PIB en 2014. Ce scénario n'est pas cohérent avec la politique du Gouvernement ;

- celle de Bank of America , qui suppose qu'avec une croissance de 0,9 %, le déficit sera de seulement 2,4 points de PIB. Ces deux chiffres semblent a priori difficilement compatibles.

Les prévisions de croissance et de solde public pour 2014

Croissance du PIB (%)

Solde public (points de PIB)

Citigroup

0,2

-3,0

Exane

0,3

-3,0

Goldman Sachs

0,4

-4,0

Société générale

0,5

-3,0

AXA Investment Managers

0,5

IHS Global Insight

0,5

-3,0

GAMA

0,6

-3,2

Morgan Stanley

0,6

-3,5

Natixis

0,6

-3,7

Oddo Securities

0,6

-3,2

BIPE

0,7

-3,1

COE-Rexecode

0,7

-3,4

UBS

0,7

-3,3

PAIR Conseil

0,8

-3,0

Euler Hermes

0,9

-3,2

Total

0,9

-3,0

Econ Intelligence Unit

0,9

BNP Paribas

0,9

-3,1

Bank of America -Merrill Lynch

0,9

-2,4

Crédit agricole

1,2

OFCE*

1,2

UniCredit

1,3

-3,2

HSBC

1,3

-3,8

Moyenne du « consensus »

0,7

-3,2

OCDE

1,3

-3

FMI

0,9

-3,5

Gouvernement

1,2

-2,9

* On notera que l'OFCE a, depuis lors, révisé à la baisse ses prévisions : ainsi, dans ses dernières prévisions, présentées le 17 avril, il a estimé que la France devrait connaître une croissance de 0,6 % en 2014, et un déficit public de 3,0 %.

Source : d'après Consensus Forecasts, avril 2013

c) Le scénario conventionnel de la commission des finances : 1,3 % en 2014 et 1,5 % ensuite
(1) Une croissance égale, par convention, à la croissance potentielle

Face à l'incertitude qui entoure, nécessairement, les prévisions économiques, la commission des finances retient habituellement, dans le cadre de ses programmations de finances publiques, une hypothèse conventionnelle de croissance égale à son potentiel . Cette méthode permet de disposer d'une référence robuste, la croissance potentielle, dans un environnement incertain ; la croissance étant, sur le long terme, égale à son potentiel, cela permet de limiter les erreurs sur longue période.

Dans son rapport d'information préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2013 (n° 659 (2011-2012), 11 juillet 2012), elle a ramené son hypothèse de croissance potentielle, jusqu'alors de 2 % par an, à 1,5 % par an (soit un peu moins de 0,4 % de trimestre à trimestre).

Cette « doctrine » la conduit à retenir une hypothèse de croissance de 1,5 % à compter de 2015 (contre 2 % selon le Gouvernement).

Bien évidemment, il ne s'agit en aucun cas d'une prévision, mais seulement d'un outil visant à éclairer, selon des hypothèses « prudentes », la programmation des finances publiques. Aussi le scénario du Gouvernement, correspondant à un rattrapage partiel de l'écart de production 51 ( * ) , n'est-il pas moins vraisemblable .

(2) Le cas de l'année 2013

S'agissant de l'année en cours, l'approche conventionnelle retenue par la commission des finances implique, par réalisme, de prendre en compte l'exécution des trimestres passés (si elle est connue) ou la prévision à court terme ; puis il est supposé que la croissance trimestrielle se rapproche progressivement d'un taux de 1,5 % en rythme annualisé.

Cette approche conduit à retenir une croissance de 0,3 % en 2013 et de 1,3 % en 2014 ( cf . tableau ci-après).

Les hypothèses de croissance du scénario conventionnel de la commission des finances

(en %)

Croissance par rapport au trimestre précédent

Croissance en moyenne annuelle 1

2012

2013

2014

2012

2013

2014

T4

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

Hypothèse de croissance 2

0,0 3

0,1

0,2

0,3

0,4

0,4

0,4

0,4

0,0

0,3

1,3

PIB résultant 4

450,9 5

450,9

451,3

452,1

453,4

455,1

456,8

458,5

460,2

1 802,4 5

1 807,7

1 830,7

1 Croissance du PIB de l'année par rapport à celui de l'année précédente.

2 En volume.

3 La Banque de France prévoit une croissance de 0,1 % au premier trimestre, l'Insee de 0 %.

4 Aux prix de l'année précédente chaînés.

5 Source : Insee, 17 mars 2013.

Source : commission des finances

Encore une fois, il faut souligner qu'il ne s'agit pas d'une prévision. Cependant, cette approche conventionnelle, qui aboutit à une hypothèse de croissance de 1,3 % en 2014, souligne que l'hypothèse de croissance de 1,2 % du Gouvernement n'est pas exagérément optimiste .

4. Une programmation fondée, même dans l'hypothèse d'une moindre croissance

Quand bien même les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement ne se réalisaient pas, le bien-fondé de la programmation envisagée par le présent projet de programme de stabilité ne serait pas remis en cause.

En effet, comme cela a été explicité précédemment, les règles européennes sont essentiellement définies en termes de solde structurel . Il appartiendra au Conseil de décider, lors de sa réunion des 27 et 28 juin, si le retour aux « 3 % » est reporté à 2014 et si la réduction du déficit structurel actuellement prévue est ou non suffisante.

III. UN PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ CONFORME AUX RÈGLES EUROPÉENNES

A. LA CONFORMITÉ À LA LOI ORGANIQUE ADOPTÉE EN APPLICATION DU TSCG

1. Un dérapage du solde structurel en 2012 et en 2013
a) Selon le Gouvernement, un dérapage du solde structurel de 0,1 point de PIB en 2012 et 0,4 point de PIB en 2013, mais une amélioration de 0,5 point en 2017

En application de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, adoptée en application du TSCG, le HCFP doit indiquer, dans un avis joint au projet de loi de règlement pour une année n-1 , examiné à l'année n , si au cours de cette année n-1 le solde public structurel a présenté un « écart important » par rapport à la trajectoire de la LPFP. Si tel était le cas, le Gouvernement devrait alors prendre des mesures correctrices dans le PLF et le PLFSS pour l'année n+1 , auparavant exposées dans le cadre de son rapport préalable au débat sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques (DOFP).

Un « écart important » par rapport à la trajectoire de solde structurel se définit comme un écart d'au moins 0,5 point de PIB (ou 0,25 point de PIB deux années consécutives). Par ailleurs, il convient de rappeler que le HCFP doit utiliser, pour ce calcul, la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la LPFP.

Le tableau ci-après compare la trajectoire de solde structurel prévue par le présent projet de programme de stabilité et celle prévue par la LPFP 2012-2017, qui constitue l'engagement du Gouvernement au titre du TSCG et en droit interne.

On observe que le projet de programme de stabilité prévoit un dérapage de 0,1 point de PIB en 2012, puis 0,4 point de PIB en 2013. Ensuite, le solde structurel devrait être chaque année meilleur que prévu, jusqu'à dégager un excédent de 0,5 point de PIB en 2017.

Le solde structurel : comparaison de la trajectoire prévue par la LPFP et de celle prévue par le présent projet de programme de stabilité

(en points de PIB)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Trajectoire de solde structurel de la LPFP

-3,6

-1,6

-1,1

-0,5

0,0

0,0

Trajectoire de solde structurel du projet de programme de stabilité

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Ecart*

-0,1

-0,4

0,1

0,3

0,2

0,5

* Calcul de la commission des finances.

Source : d'après les documents indiqués

b) Des calculs conformes à la méthodologie de la LPFP

A l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, la loi organique du 17 décembre 2012 prévoit que pour apprécier le respect de la trajectoire de solde structurel de la LPFP, le HCFP utilise l'hypothèse de trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la LPFP. Le présent projet de programme de stabilité indique explicitement que c'est également cette trajectoire qu'il retient.

Il est donc possible de « convertir » la trajectoire de solde effectif du présent projet de programme de stabilité en trajectoire de solde structurel au sens de la LPFP, afin de vérifier que les chiffres de solde structurel indiqués sont bien cohérents avec les autres données.

Le solde public structurel

Le solde public structurel correspond au solde public corrigé des effets du cycle économique , soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. En quelque sorte, il s'agit du solde public tel qu'il serait constaté si le PIB était égal à son potentiel.

De manière simplifiée, le solde structurel (exprimé en point de PIB) peut se calculer en retranchant du solde public effectif la moitié de l'écart de production (ou « output gap »), qui représente la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel 52 ( * ) . Ce coefficient de 0,5 s'explique par le fait que les dépenses publiques s'élèvent à environ la moitié du PIB et que les recettes, hors mesures nouvelles, tendent à demeurer stables en points de PIB.

A titre d'exemple, selon la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017, le PIB était de 0,8 point sous son potentiel en 2011. Le solde effectif était de -5,2 % du PIB ; dès lors, le solde structurel se calculait de la manière suivante :

Solde structurel = - 5,2 - (- 0,8 × 0,5) = - 4,8 % du PIB

Il apparaît que la notion de solde structurel est fortement dépendante de celle de PIB potentiel ; ce dernier est évalué selon des méthodes en partie conventionnelles. En France, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 53 ( * ) prévoit que le PIB potentiel utilisé pour apprécier le respect de la trajectoire de solde structurel arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) relative à la période concernée est celui figurant dans le rapport annexé à cette dernière.

Les calculs permettant de « convertir » le solde effectif du projet de programme de stabilité en solde structurel, très simples, sont retracés dans leur intégralité par le tableau ci-après. Ils permettent de retrouver exactement les résultats du Gouvernement.

Ce sont des calculs analogues que le HCFP devra réaliser en vue du dépôt du projet de loi de règlement de 2012, afin de déterminer dans quelle mesure la trajectoire de solde structurel a été respectée en 2012. De légers écarts sont possibles (concernant en particulier le coefficient utilisé pour passer de l'écart de production au solde conjoncturel, ou la détermination précise des mesures pouvant être considérées comme ponctuelles et temporaires), mais le Haut Conseil dispose d'une marge de manoeuvre limitée, dès lors qu'il doit retenir la trajectoire de PIB potentiel figurant dans le rapport annexé à la LPFP.

Conversion de la trajectoire de solde effectif en trajectoire de solde structurel : comparaison avec la conversion du projet de programme de stabilité

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

A

Solde public

-5,2

-4,8

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

Calcul du solde conjoncturel

B

Hypothèses

C

Croissance potentielle (LPFP) (%, volume)

1,1

1,3

1,4

1,5

1,5

1,6

1,6

D

Déflateur du PIB (programme de stabilité)

1,3

1,6

1,5

1,8

1,7

1,7

1,7

E

Croissance effective (programme de stabilité) (%, volume)

1,7

0,0

0,1

1,2

2,0

2,0

2,0

Calculs

F

PIB potentiel (2011=100) 54 ( * )

100,0

102,9

105,9

109,3

112,8

116,5

120,4

G

PIB effectif (2011=100) 55 ( * )

99,2 56 ( * )

100,8

102,4

105,4

109,3

113,4

117,6

H

Ecart de production 57 ( * )

-0,8 58 ( * )

-2,1

-3,3

-3,6

-3,1

-2,7

-2,4

I

Solde conjoncturel (H × 0,5)

-0,4

-1,0

-1,6

-1,8

-1,6

-1,4

-1,2

Solde conjoncturel selon le programme de stabilité

-

-1,0

-1,6

-1,8

-1,6

-1,4

-1,2

J

Mesures ponctuelles et temporaires (programme de stabilité)

0,0

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

0,0

0,0

K

Solde structurel (A-I-J)

-4,8

-3,7

-2,0

-1,0

-0,3

0,2

0,5

Solde structurel selon le programme de stabilité

-

-3,7

-2,0

-1,0

-0,2

0,2

0,5

Source : commission des finances

2. Un dérapage en 2012 et en 2013 qui ne pose pas de problème du point de vue de la loi organique
a) Le léger dérapage du solde structurel en 2012 est trop faible pour déclencher la procédure de correction automatique

Dans le cas de l'année 2012, le dérapage de 0,1 point de PIB est nettement inférieur au seuil de 0,5 point de PIB à partir duquel se déclenche le mécanisme dit de « correction automatique ».

b) En 2013, l'exploitation de la souplesse de la loi organique
(1) Le mécanisme de correction automatique pourrait se déclencher au printemps 2014...

Le dérapage de la trajectoire de solde structurel prévu en 2013 pourrait a priori sembler plus préoccupant.

Il faut rappeler qu'en application de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, le HCFP indique, dans un avis joint au projet de loi de règlement pour une année n-1 , si cette année n-1 le solde public structurel a présenté un « écart important » par rapport à la trajectoire de la LPFP. Si tel était le cas, le Gouvernement devrait alors prendre des mesures correctrices dans le PLF et le PLFSS pour l'année n+1 .

Selon l'article 23 précité, « un écart [du niveau de solde] est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

Or, le présent projet de programme de stabilité prévoit un dérapage de 0,1 point de PIB en 2012 et 0,4 point de PIB en 2013, soit une moyenne de 0,25 point sur deux années consécutives.

Ces chiffres, s'ils étaient vérifiés, susciteraient donc au printemps 2014 le déclenchement du mécanisme de correction par le Haut Conseil.

(2) ...mais la correction serait réalisée dès 2014, sans qu'il soit besoin de prendre de mesures supplémentaires par rapport à celles prévues

Toutefois, ce déclenchement du mécanisme de correction n'impliquerait pas de mesures supplémentaires par rapport à celles prévues par le présent projet de programme de stabilité.

En effet, comme on l'a indiqué, le déficit structurel prévu pour 2014 par le projet précité est inférieur de 0,1 point de PIB à celui initialement retenu dans le cadre de la LPFP. Ainsi, après un léger écart en début de période, le retour sur la trajectoire initiale serait largement assuré dès 2014.

B. LA CONFORMITÉ AVEC LE PACTE DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE

1. La conformité à la règle d'évolution du solde structurel jusqu'en 2015 au moins

En ce qui concerne la conformité de la France à la règle d'amélioration du solde structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an, il convient de distinguer deux méthodologies de calcul du solde structurel :

- celle du présent projet de programme de stabilité, qui repose sur la trajectoire de PIB potentiel de la LPFP ;

- celle de la Commission européenne, qui retient une hypothèse de PIB potentiel différente.

Il a été montré précédemment que la « conversion », par le présent projet de programme de stabilité, du solde effectif en solde structurel, était conforme à la méthodologie de la LPFP.

Le présent projet de programme de stabilité ne présente pas d'estimation du solde structurel en retenant la trajectoire de PIB potentiel de la Commission européenne. Le tableau ci-après réalise un tel calcul.

Il montre (ligne G) que, même selon l'hypothèse de croissance potentielle de la Commission européenne, la France respecterait jusqu'en 2015 la règle d'amélioration minimale du solde structurel de 0,5 point de PIB par an pour les Etats n'ayant pas atteint leur objectif de solde structurel à moyen terme.

En revanche, il existe un risque que cela ne soit plus le cas à partir de 2016. Selon la Commission européenne la croissance potentielle est de 1,1 % en 2015-2016 59 ( * ) . Or, le projet de programme de stabilité ne prévoit, pour les années concernées, aucun effort en recettes, la réduction du déficit structurel provenant exclusivement du fait que les dépenses augmenteraient moins vite que le PIB potentiel . En effet, il est prévu une croissance potentielle de 1,5 %, alors que l'évolution des dépenses publiques est estimée à + 0,4 % en 2016 et + 0,6 % en 2017.

Seulement, si l'on retient une hypothèse de croissance potentielle de 1,1 % par an, une croissance des dépenses de l'ordre de 0,5 % en volume correspond à une moindre amélioration du solde structurel .

L'échéance est toutefois éloignée, et la question encore théorique.

Le solde public prévu par le projet de programme de stabilité : conversion indicative en solde structurel au sens de la Commission européenne

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Données

A

Solde public effectif

-7,5

-7,1

-5,2

-4,8

-3,7

-2,9

-2,0

-1,2

-0,7

B

Ecart de production, selon la Commission européenne 60 ( * )

-2,7

-2,0

-1,4

-2,4

-3,3

-3,1

-2,3

-1,4

-0,5

C

Mesures ponctuelles et temporaires 61 ( * )

0,0

0,0

0,0

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

0,0

0,0

Calculs

D

Solde conjoncturel (A - B×0,5)

-1,4

-1,0

-0,7

-1,2

-1,7

-1,6

-1,1

-0,7

-0,3

E

Solde corrigé du cycle 62 ( * ) (A-D)

-6,2

-6,1

-4,5

-3,6

-2,1

-1,4

-0,9

-0,5

-0,4

F

Solde structurel au sens de la Commission européenne (E-C)*

-6,2

-6,1

-4,5

-3,5

-2,0

-1,3

-0,8

-0,5

-0,4

Solde structurel, selon la Commission européenne**

-6,1

-5,8

-4,5

-3,3

Solde structurel, selon le programme de stabilité

-3,7

-2

-1,0

-0,2

0,2

0,5

G

Evolution (F n -F n-1 )

-

0,1

1,6

1,0

1,6

0,7

0,5

0,3

0,1

H

Moyenne 2010-2013

1,1

* Il s'agit d'ordres de grandeur, l'ensemble des hypothèses de la Commission européenne n'étant pas explicitées.

** Dernières données disponibles.

Source : commission des finances

La ligne H indique l'évolution du solde structurel (recalculé selon la méthodologie de la Commission européenne) en moyenne sur la période 2010-2013. En effet, le Conseil a demandé à la France d'améliorer son solde structurel de plus de 1 point de PIB par an en moyenne sur cette période (cf. infra ) 63 ( * ) . Avec une amélioration moyenne de 1,1 point de PIB, cette exigence serait également respectée.

2. La conformité à la règle d'effort structurel
a) L'obligation d'un effort structurel d'au moins 0,5 % du PIB par an

Le pacte de stabilité comprend des dispositions relatives à l'effort structurel, sans toutefois faire, en tant que telle, référence à cette notion. Il mentionne en effet une « analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes », dans l'article 5 du règlement n° 1466/97 tel qu'il résulte du « six pack ». Cette définition correspond à la notion, retenue par la France en matière de politique budgétaire, d'effort structurel 64 ( * ) .

L'effort structurel

L'effort structurel des administrations publiques représente ce qui, dans la variation du solde structurel, est imputable à l'action discrétionnaire des pouvoirs publics . Il est défini comme la somme d'un effort en dépense et d'un effort en recettes.

L'effort en dépense correspond à la baisse des dépenses publiques (en points de PIB) corrigée des effets de la conjoncture ; ainsi, ne sont pas prises en compte les variations de la dépense liées au cycle économique.

L'effort en recettes, quant à lui, est égal à l'impact estimé des mesures fiscales et sociales nouvelles .

Par exemple, les dépenses publiques augmentent de 1,0 % en volume alors que la croissance potentielle est de 1,5 % en volume. Dès lors, le ratio dépenses / PIB potentiel augmente d'environ 0,25 point de PIB :

(1,5 - 1,0) × 0,5 = 0,25 point de PIB

Comme cela a déjà été indiqué, le coefficient de 0,5 s'explique par le fait que les dépenses publiques s'élèvent à environ la moitié du PIB.

Si, par ailleurs, les mesures nouvelles sur les recettes sont d'un point de PIB, alors l'effort structurel s'élève à 1,25 point de PIB :

1 + 0,25 = 1,25 point de PIB

La notion d'effort structurel se distingue de l'évolution du solde structurel du fait que cette dernière dépend aussi des fluctuations spontanées du ratio recettes / PIB.

Le solde structurel au sens du pacte de stabilité est légèrement différent de celui prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 et de la LPFP 2012-2017. En particulier, il n'inclut pas les dépenses d'intérêt 65 ( * ) . Toutefois cela peut être, en pratique, négligé.

b) Une exigence respectée

L'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB retenue par le présent projet de programme de stabilité étant chaque année de 1 ou 0,9, l'effort structurel est nécessairement égal ou supérieur à l'amélioration du solde structurel.

Dès lors que la règle d'amélioration du solde structurel d'au moins 0,5 point par an est respectée (au moins jusqu'en 2015), tel est nécessairement le cas de la règle d'effort structurel.

3. La conformité à la règle de dette

Le pacte de stabilité prévoit désormais qu'est en déficit excessif un Etat dont le supplément de dette en % du PIB, par rapport au seuil de 60 % du PIB ne s'est pas réduit en moyenne d'un vingtième les trois dernières années.

Il s'agit bien d'une règle en points de PIB, et non en milliards d'euros. En pratique, elle permet un déficit effectif d'environ 1 point de PIB ( cf . encadré ci-après).

La règle de dette, une règle souvent mal comprise

La règle est exprimée en % du PIB (et non en milliards d'euros).

Or, la croissance du PIB tend à réduire le ratio dette / PIB.

La règle de dette autorise donc un déficit permanent d'environ 1 % du PIB (et n'exige pas un excédent, contrairement à ce qui est parfois affirmé).

Par exemple (pour simplifier, on raisonne sur une année), si la croissance est de 3 % en valeur, un Etat dont la dette est de 90 % du PIB une année n a, l'année n+1 (avant prise en compte du déficit de n+1), une dette de 90/103=87,4 %, ce qui représente une diminution de 2,6 points, le déficit autorisé en n+1 est de 1,1 % du PIB :

2,6-1,5 = 1,1 % du PIB

Plus précisément, la Commission européenne vérifiera rétrospectivement, pour une année n, si la formule ci-après est respectée 66 ( * ) :

Dette de l'année n = 60 % + 0,95/3 (dette de l'année n-1 - 60 %) + 0,95 2 /3 (dette de l'année n-2 - 60 %) + 0,95 3 /3 (dette de l'année n-3 - 60 %).

Cette règle ne jouera pas tant que la France n'aura pas mis fin à son déficit excessif (soit, selon le projet de programme de stabilité, en 2014). Au cours des trois années suivantes (soit jusqu'en 2017), le Conseil pourra fixer des objectifs moins contraignants 67 ( * ) .

Le présent projet de programme de stabilité précise que « pour la France, d'après les derniers calculs de la Commission, un ajustement structurel minimal de 0,2 point par an à partir de 2014 assurerait de respecter le critère à partir de 2017, soit un ajustement minimal moins important que celui devant être assuré pour revenir à l'objectif à moyen terme d'équilibre structurel. La trajectoire du programme de stabilité assure largement des progrès suffisants pour respecter le critère de dette en 2017 : il sera en effet respecté dès la période 2015-2017 » 68 ( * ) .

C. LE CONSEIL DOIT ENCORE CONFIRMER LE REPORT À 2014 DU RETOUR SOUS LE SEUIL DES 3 POINTS DE PIB ET LES OBJECTIFS DE RÉDUCTION DU DÉFICIT STRUCTUREL AU-DELÀ DE 2013

1. Le report à 2014 de l'objectif de retour sous les 3 points de PIB

Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, a confirmé le 22 février 2013, en réaction aux prévisions de la Commission européenne, que la France ne prendrait pas de mesures supplémentaires en 2013 .

Cette position est justifiée par la volonté de ne pas provoquer de récession en 2013, et par le fait que la France privilégie le respect d'une trajectoire de solde structurel, comme le prévoit le TSCG, et souhaite donc que le volet « correctif » du pacte de stabilité soit interprété en ce sens.

a) Les deux éléments de la recommandation à la France : ramener le déficit sous les 3 points de PIB en 2013 et réduire son déficit structurel de 1 point de PIB par an en moyenne en 2010-2013

Comme cela a été rappelé, le pacte de stabilité prévoit que les Etats ne peuvent avoir un déficit supérieur à 3 points de PIB. Si tel est le cas, le Conseil lui fixe un délai maximal pour revenir sous ce seuil, assorti d'une diminution annuelle minimale du déficit structurel, qui ne peut être inférieure à 0,5 point de PIB.

Le 27 avril 2009, le Conseil a reconnu que la France avait été en déficit excessif en 2008, et, dans sa recommandation du même jour, a indiqué que « les autorités françaises devraient notamment [...] déployer les efforts nécessaires pour que le déficit soit ramené sous la valeur de référence d'ici à 2012 ; à cette fin, elles devraient renforcer l'effort budgétaire moyen prévu chaque année à au moins 1 % du PIB à compter de 2010 ».

Dans sa recommandation du 30 novembre 2009, en raison notamment du plan de relance, le Conseil a décalé à 2013 l'année où la France devait revenir sous le seuil des 3 points de PIB . Toutefois, elle devait toujours « assurer un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % du PIB sur la période 2010-2013 ».

Ainsi, le 22 février 2013, Olli Rehn, commissaire en charge des affaires économiques et financières, a déclaré que dans le cas de la France il fallait que les « prévisions de printemps [de la Commission européenne] (prévues en mai) montr[ent] que l'ajustement budgétaire structurel est au-delà de 1 % par an sur la période de 2010 à 2013 » 69 ( * ) .

b) La condition de réduction du déficit structurel de 1 point de PIB par an en moyenne en 2010-2013 devrait être satisfaite

Selon la méthodologie de la Commission européenne, même en prenant en compte le dérapage de 2012 et 2013, la condition d'amélioration annuelle du solde structurel d'au moins 1 point de PIB par an de 2010 à 2013 devrait être satisfaite ( cf . ci-avant).

c) Le Conseil devrait accepter le report à 2014 de l'objectif de retour sous les 3 points de PIB

Le pacte de stabilité permet au Conseil de repousser le délai pour revenir sous le seuil de 3 points de PIB en cas d'« événements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences défavorables majeures pour les finances publiques » postérieurs à l'adoption de la recommandation du Conseil 70 ( * ) .

Dans le cas de la France, la recommandation du Conseil lui demandant de ramener son déficit sous les 3 points de PIB en 2013 date du 2 décembre 2009. A l'époque, la Commission européenne prévoyait 71 ( * ) une croissance globalement légèrement plus élevée en 2009-2011 que celle effectivement constatée, comme le montre le tableau ci-après. Surtout, la « rechute » de 2012 et 2013 n'était pas anticipée.

Les prévisions de croissance du PIB de la Commission européenne pour la France (automne 2009)

(en %)

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision

-2,2

1,2

1,5

ND

ND

Exécution

-3,1

1,7

1,7

0,0

-

Source : Commission européenne, Recommandation en vue d'une recommandation du Conseil à la France pour qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif ; INSEE

En outre, comme on l'a indiqué, la France a respecté son engagement de réduire son déficit structurel de plus de 1 point de PIB par an en moyenne de 2010 à 2013 .

Les conditions permettent donc au Conseil, dans le respect du pacte de stabilité, de repousser à 2014 le retour du déficit effectif sous le seuil des 3 points de PIB.

2. L'examen, par la Commission européenne et le Conseil européen, du programme de stabilité de la France

Olli Rehn, commissaire en charge des affaires économiques et financières, a déclaré, le vendredi 22 février 2013, qu'en 2014 la France devrait avoir ramené son déficit public « nettement sous 3 % » 72 ( * ) . Or, le Gouvernement prévoit « seulement » de ramener le déficit à 2,9 points de PIB en 2014, tout en retenant l'hypothèse d'une croissance de 1,2 %, jugée optimiste.

Si la croissance était réévaluée, par la Commission européenne, à un niveau sensiblement inférieur à 1,2 % en 2014, qui par exemple, pourrait être proche des évaluations du consensus des économistes, le déficit ne pourrait, à moins d'un effort d'ajustement supplémentaire significatif, passer sous le seuil des 3 points de PIB. Après avoir révisé ses prévisions macroéconomiques (ce qui devrait être fait le 3 mai), il est donc possible que la Commission européenne anticipe un déficit toujours supérieur à 3 points de PIB en 2014.

Elle devra alors, vers la fin du mois de mai, recommander au Conseil, soit de se satisfaire, pour 2014, de la réduction du déficit structurel prévue par le présent projet de programme de stabilité, soit d'exiger l'atteinte des 3 % de déficit en 2014.

C'est alors le Conseil qui décidera, à l'occasion de sa réunion des 27 et 28 juin 73 ( * ) , à la majorité qualifiée ordinaire, de la recommandation à adresser à la France.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MM. JULIEN DUBERTRET, DIRECTEUR DU BUDGET ET RAMON FERNANDEZ, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU TRÉSOR (10 AVRIL 2013)

Réunie le mercredi 10 avril 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Julien Dubertret, directeur du budget, et Ramon Fernandez, directeur général du Trésor, sur les conséquences des nouvelles règles de gouvernance budgétaire européennes sur la procédure nationale.

M. Philippe Marini, président . - Nous recevons MM. Dubertret et Fernandez pour les entendre sur les conséquences des nouvelles règles de gouvernance budgétaire européennes sur la procédure nationale. Cette séance est exceptionnelle car je ne crois pas que nous ayons eu l'occasion dans le passé de recevoir, ensemble, le directeur du budget et le directeur général du Trésor.

Nous souhaitons faire le point sur les implications concrètes des nouvelles règles de gouvernance budgétaire, conséquences de nos engagements européens. Le Six pack , le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le Two pack appellent un effort de transposition. A nous de faire, désormais, le lien avec nos procédures nationales. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est aujourd'hui - puisqu'il s'est réuni ce matin en vue de son avis sur le projet de programme de stabilité - pleinement opérationnel. Nous aurons prochainement le débat sur le programme de stabilité, suivi d'un vote je l'espère. Cette procédure, que la France a mise en place de sa propre initiative, fonctionne depuis 2011 ; nous l'avions instaurée en raison de l'importance que revêtait à nos yeux le programme de stabilité : il contient nos engagements européens, qui doivent ensuite être déclinés dans les textes financiers. Notre commission des finances entend veiller à la cohérence de la démarche budgétaire avec ces engagements.

Quant à l'annonce du non-respect de l'objectif de 3 % de déficit nominal pour 2013, dans quelle procédure européenne s'inscrit-elle ? A quelles sanctions peut-elle nous exposer ? Un collectif budgétaire sera-t-il nécessaire pour en tirer les conséquences ? Si le ministre de l'économie et des finances et le ministre chargé du budget sont les seuls habilités à se prononcer sur ces questions, la multiplication des interventions ministérielles traduit le trouble qui s'est emparé des esprits.

Le Conseil européen du 14 mars a décidé que tous les travaux préparatoires devraient être accomplis afin que les règles de gouvernance budgétaires et macroéconomiques issues du Six pack , du TSCG et du Two pack soient effectivement appliquées dès le début des cycles budgétaires nationaux en 2013. Chez nous, les lettres de cadrage ont été adressées aux ministres : c'est donc dès maintenant qu'il nous faut tirer les conséquences du nouveau cadre juridique.

M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor . - Pourquoi a-t-on réformé, pour l'Europe entière et particulièrement pour la zone euro, les règles d'élaboration de nos politiques économiques et de gestion des finances publiques ? En mars 2010, le Conseil européen a constaté que les règles étaient inexistantes ou mal respectées ; il a confié mandat à son président, Herman Van Rompuy, pour trouver des remèdes. Deux années de travaux ont débouché sur l'adoption du « Semestre européen », puis du Six pack en décembre 2011, du Two pack en février 2013 et du TSCG entré en vigueur le 1 er janvier de cette année. Ces textes renforcent la coordination entre les politiques économiques et budgétaires ; les nouvelles règles sont plus strictes mais s'appliquent aux agrégats structurels pour prendre en compte les aléas de la conjoncture. Les décisions, notamment les sanctions, seront désormais prises à la majorité qualifiée inversée : cela change tout !

La procédure pour déficit excessif comporte un volet préventif et un volet correctif, avec des cibles d'effort structurel budgétaire d'au moins 0,5 point de PIB par an et des critères d'accompagnement pour réduire la dette si celle-ci excède 60 % du PIB.

Le cadre budgétaire national est renforcé par l'introduction dans le droit national de règles d'équilibre structurel et de mécanismes de correction en cas de déviation significative par rapport à la trajectoire ; le Two pack reconnaît à la Commission européenne la faculté de demander aux autorités nationales un nouveau projet le budget si celui qui lui a été soumis n'est pas conforme aux engagements pris. Les pays doivent établir une programmation pluriannuelle des finances publiques et s'appuyer sur des prévisions macroéconomiques approuvées par un organisme indépendant - pour la France, ce sera le HCFP. Ainsi, est institué un cadre rigoureux pour les budgets nationaux.

Au-delà du champ des finances publiques, sont aussi mises en place de nouvelles procédures de réduction des déséquilibres macroéconomiques. Le solde des paiements courants, le déficit commercial, l'inflation, les taux d'intérêt et des éléments relatifs à l'existence de bulles d'actifs seront analysés afin d'évaluer la nécessité de mesures correctrices. En Espagne ou en Irlande, les déficits budgétaires et la dette publique étaient sous contrôle, mais d'autres déséquilibres se creusaient...

S'agissant du Semestre européen, il s'agit donc d'améliorer la surveillance budgétaire et de mieux coordonner les politiques de croissance, en prenant les décisions collectivement et en les appliquant. Avant le début de l'année civile, dans son examen annuel de croissance (EAC), la Commission définit de grandes priorités sur la base desquelles, en mars, le Conseil des ministres de l'économie et des finances puis le Conseil européen arrêtent des orientations générales. En avril, sont transmis à la Commission les programmes de stabilité ou de convergence et les programmes nationaux de réforme. Le Conseil formule ses recommandations et des décisions sont prises collectivement. Lorsque la Commission constate des écarts ou des manquements graves dans les projets de budget, par rapport aux programmes de stabilité, elle demande aux gouvernements concernés de revoir leur copie et son avis est rendu public.

L'examen annuel de croissance pour 2013 comporte cinq priorités : un assainissement budgétaire différencié et axé sur la croissance, le rétablissement des conditions normales d'octroi de crédit à l'économie, le soutien à la croissance et à la compétitivité, la lutte contre le chômage et les conséquences sociales de la crise, et, enfin, la modernisation des administrations publiques.

M. Philippe Marini, président . - On enfonce beaucoup de portes ouvertes.

M. Ramon Fernandez . - Il n'a pas toujours été dit que l'assainissement budgétaire devait être différencié et axé sur la croissance.

M. François Marc, rapporteur général . - Cela va mieux en le disant.

M. Philippe Marini, président . - Et surtout en le faisant !

M. Ramon Fernandez . - Les exégètes du Conseil européen auront de même retenu l'inflexion du message en mars dernier, puisqu'il fut question de porter attention à « l'impact des politiques de consolidation des finances publiques sur la croissance ». En présentant ses prévisions dites « d'hiver », la Commission européenne a indiqué que certains pays pourraient bénéficier de plus de temps pour atteindre leur cible de déficit public. Cette souplesse avait été accordée l'an dernier à l'Espagne, à la Grèce et au Portugal. La question se pose cette année pour la France, ainsi que pour la Slovénie, les Pays-Bas et la République tchèque. Notre pays s'étant engagé à ramener son déficit à 3 % au plus tard en 2013 et à accomplir un effort structurel de plus d'1 point de PIB entre 2010 et 2013, la procédure pour déficit excessif avait été mise en sommeil depuis 2010 ; la Commission avait estimé que la France avait pris des engagements suffisants pour réduire son déficit. Il reviendra à la Commission, au vu des chiffres 2012 et des prévisions pour 2013, de se prononcer au printemps ou à l'été sur les efforts structurels accomplis et sur l'octroi ou non d'un délai supplémentaire pour atteindre l'objectif de déficit nominal.

Si elle considérait qu'un Etat membre n'a pas accompli l'effort structurel auquel il s'était engagé, la Commission pourrait lui infliger une sanction pouvant atteindre 0,2 % du PIB soit, pour la France, 4 milliards d'euros. Cette décision est soumise au Conseil statuant à la majorité qualifiée inversée.

La nouvelle procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques s'appuie à la fois sur des indicateurs externes, déficit commercial, taux de change, coût unitaire du travail, et internes, inflation, chômage et niveau de la dette publique. Si la Commission identifie une situation de déséquilibre et que l'Etat membre ne réagit pas aux recommandations qu'elle lui a adressées, des sanctions pécuniaires pourront être imposées. Il est dommage qu'une telle procédure n'ait pas existé lorsque nous avons dû traiter les cas de la Grèce, de l'Irlande de l'Espagne ou du Portugal. Nous voilà aujourd'hui engagés dans des programmes de soutien de 100 à 200 milliards d'euros. Cette procédure peut sembler bureaucratique mais elle a son utilité en obligeant les gouvernements à discuter des déséquilibres apparus, le cas échéant, dans leurs États respectifs et de leurs conséquences.

En 2012, au titre du volet préventif, la France avait fait l'objet, comme plus de dix autres Etats membres, de recommandations par le Conseil, concernant en l'occurrence l'organisation du marché de l'emploi, le coût du travail, la concurrence dans les industries de services et de réseaux. En 2013, la situation notre pays a de nouveau suscité un examen approfondi - nous en aurons les résultats dans quelques jours - motivé par une perte de parts de marché et de compétitivité. Rien de très original en somme, mais le programme national de réforme (PNR) et le programme de stabilité, de même que les mesures telles que le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et l'accord national interprofessionnel (ANI), répondent aux recommandations de la Commission.

M. Julien Dubertret, directeur du budget . - La loi organique du 17 décembre 2012 transpose le TSCG dans le droit national en s'appuyant notamment sur quatre éléments fondamentaux.

Tout d'abord, elle formalise le contenu de la loi de programmation des finances publiques, cette dernière devant désormais préciser les objectifs budgétaires à moyen terme, la trajectoire pour les atteindre, les modalités des mécanismes de correction.

Ensuite, elle crée le HCFP qui s'est réuni ce matin ; j'ai participé à cette réunion avant de venir vous rejoindre.

M. Philippe Marini, président . - Comment s'est déroulée cette réunion en vue du premier avis du Haut Conseil ?

M. Julien Dubertret . - Sans trahir de secrets, je puis vous dire que les échanges y ont été substantiels ; ils ont porté sur toutes les questions relevant de la compétence du Haut Conseil.

La loi organique met aussi en place des mécanismes de correction. Si le Haut Conseil identifie des écarts par rapport aux objectifs structurels, le Gouvernement doit s'expliquer et présenter des mesures dans le prochain projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Enfin, toute loi de finances, initiale, rectificative ou de règlement, comprendra un article liminaire présentant le solde de l'ensemble des administrations publiques. Ces dispositions s'appliqueront dès le prochain programme de stabilité en avril et la prochaine loi de règlement en mai. Le mécanisme de correction ne sera pas mis en oeuvre cette année, compte tenu de la déviation mineure constatée - la correction est exigée si l'écart excède 0,5 % au cours d'une année ou 0,25 % durant deux années consécutives.

M. Philippe Marini, président . - Tout dépend des prévisions macroéconomiques qui seront retenues et de l'avis du Haut Conseil, sachant que la définition de solde structurel n'est pas simple.

M. Julien Dubertret . - Ce solde se mesure par rapport à des hypothèses de croissance potentielles définies ex ante ...

M. Philippe Marini, président . - ... sur lesquelles les avis peuvent diverger.

M. Julien Dubertret . - Le Haut Conseil se prononcera prochainement sur le programme de stabilité et sur la crédibilité des prévisions de croissance. Il a indiqué ce matin qu'il considérait que politique budgétaire et prévisions macroéconomiques interagissaient.

Sur la loi de règlement, il constatera sans doute une absence de déviation par rapport à la trajectoire, puisque l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique un écart de 0,3 % seulement sur le déficit nominal, 4,8 % du PIB contre les 4,5 % prévus. L'écart devrait être de 0,1 % s'agissant du déficit structurel : 3,7 % du PIB au lieu de 3,6 % prévus. Avant l'examen parlementaire de la loi de finances, le Haut Conseil se prononcera sur les prévisions de croissance pour l'année à venir et sur la cohérence entre l'article liminaire et la programmation pluriannuelle. Dans le cas des projets de loi de programmation des finances publiques, il donnera un avis sur les prévisions de croissance potentielle et sur la cohérence entre nos orientations et nos engagements européens.

Si les avis du Haut Conseil ne lient pas le Gouvernement - il aurait fallu pour cela modifier la Constitution - ils seront rendus publics et auront donc un impact considérable. Dans la décision du 13 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a indiqué, en outre, qu'il analyserait la sincérité des textes financiers à la lumière des avis du Haut Conseil.

Un mot du calendrier de préparation du projet de loi de finances. Le Haut Conseil sera saisi du texte une semaine avant le Conseil d'Etat et notre intention est de lui apporter toutes les informations le plus en amont possible afin de pouvoir réellement échanger avec lui.

M. Philippe Marini, président . - Cette instance travaillera donc au mois d'août ?

M. Julien Dubertret . - Je m'attends plutôt à ce que nous menions des travaux en commun fin juillet.

M. François Marc, rapporteur général . - Je souhaite rappeler la vocation pédagogique de l'exercice mené ce matin. Aussi, je vous remercie tous deux d'avoir clarifié les choses. Je me réjouis, moi aussi, que le Haut Conseil soit déjà au travail, administrant au passage la preuve que la parité ne constituait en rien une difficulté. Je serais curieux de savoir comment cette instance va fonctionner.

Les lettres de cadrage adressées aux ministres invitent à « anticiper significativement les délais de finalisation des textes financiers ». Quelles seront les conséquences sur votre calendrier ? Le Two pack prévoit que « le projet de budget pour l'année suivante de l'administration centrale et les principaux paramètres des projets de budgets de tous les autres sous-secteurs des administrations publiques sont rendus publics chaque année, au plus tard le 15 octobre ». Ceci donnera-t-il lieu à la rédaction d'un nouveau document, un budget consolidé de la France, ou bien s'agira-t-il des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale, assortis de quelques compléments relatifs aux autres catégories d'administrations publiques ?

Les écarts éventuels étant constatés à l'occasion de la loi de règlement, les mesures correctrices devraient être présentées dans les documents remis en vue du débat d'orientation des finances publiques. En cas de dérapage, ne serait-il pas préférable d'aborder ensemble les causes et les conséquences ? Pourquoi ne pas faire coïncider les deux débats ?

Le « plan budgétaire national à moyen terme » que chaque Etat membre doit adresser à Bruxelles reprendra-t-il le contenu du programme de stabilité ? Si les documents sont distincts, seront-ils tous deux transmis au Parlement ?

L'article 10 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques prévoit que les documents produits par le Gouvernement et par les institutions européennes peuvent faire l'objet de débats au Parlement. En dehors du programme de stabilité, quelles procédures ou moments du calendrier européen pourraient faire l'objet de débats au Parlement ? À quel moment, dans le nouveau calendrier ?

Le non-respect par la France des recommandations d'ordre macroéconomique pourrait donner lieu à des sanctions ; mais sur quel fondement ?

Dans la réflexion sur l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, on évoque des contrats de compétitivité et de croissance entre la Commission et les Etats. Peut-on en savoir plus sur cette démarche ?

M. Philippe Marini, président . - Que se passerait-il si notre assemblée adoptait un projet de loi de finances tout en rejetant l'article liminaire ? Cette question n'est pas seulement théorique et peut-être conviendrait-il de la poser préalablement au Conseil constitutionnel. Si l'avis de Commission européenne, qui doit être rendu avant le 30 novembre, remettait un projet de budget en cause, comment le texte serait-il modifié alors qu'il serait en cours d'examen au Parlement ? Quelles seraient les conséquences, du point de vue du juge constitutionnel, d'un désaccord du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement retenues pour construire une loi de finances ?

M. Ramon Fernandez . - Le projet de budget transmis dans le cadre du Two pack ne sera autre que le rapport économique, social et financier tel qu'enrichi par la loi organique de décembre 2012, c'est-à-dire incluant la trajectoire. Nous avions anticipé les nouvelles règles. Le plan budgétaire national à moyen terme et le programme de stabilité ne sont qu'un même document, comme le prévoit la dernière version du règlement européen dit « Ferreira ».

Quels documents peuvent faire l'objet d'un débat au Parlement ? Tous, bien entendu.

M. Philippe Marini, président . - Quel diplomate !

M. Ramon Fernandez . - Le programme de stabilité sera transmis à la Commission en avril. Vous en débattrez prochainement. Le rapport économique social et financier augmenté peut faire l'objet d'un débat, puisque, transmis avant le 15 octobre, il est annexé au projet de loi de finances. A cela peut s'ajouter le programme de partenariat économique (PPE), exigé des Etats soumis à une procédure pour déficit excessif. Enfin, des plans de mesures correctrices doivent être établis en cas de déséquilibre macroéconomique excessif. L'article 10 de la loi organique de décembre 2012 précise que tous ces documents peuvent faire l'objet de débat au Parlement.

La procédure de déséquilibre macroéconomique excessif est amorcée par l'identification d'un déséquilibre. Ce fut le cas pour la France en 2012 puis en 2013. C'est aujourd'hui le cas de treize Etats membres de l'Union européenne. Ensuite, si les déséquilibres n'ont pas disparu, la Commission européenne formule des recommandations pour les corriger, voire exige la présentation d'un plan de réformes structurelles. L'Etat qui ne respecterait pas ce plan serait assujetti à des sanctions financières plafonnées à 0,1 % du PIB, contre 0,2 % à 0,5 % dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Le Conseil européen de décembre 2012 avait demandé à son président de formuler des propositions, je l'ai dit, pour une Union économique et monétaire qui fonctionnerait mieux... Elles incluent les contrats de compétitivité et de croissance, la coordination ex ante des politiques économiques, ainsi que la dimension sociale de la zone euro. La Commission européenne a publié, le 20 mars 2013, une communication sur la coordination des politiques économiques et sur le contenu possible des contrats. Beaucoup d'interrogations demeurent, il n'y a pas aujourd'hui de consensus. Pour la France, ces contrats, instruments de gouvernance, doivent concerner tous les Etats membres de la zone euro et non pas seulement ceux qui sont en déficit ; leur contenu doit embrasser le soutien à la croissance et la dimension sociale ; ils doivent promouvoir, enfin, plus de solidarité et un accompagnement financier à la réforme. La mise en oeuvre est complexe, mais nous défendons ainsi « l'intégration solidaire » appelée de ses voeux par le président de la République. Je pourrai revenir sur les travaux du HCFP. La directrice générale adjointe du Trésor, chef économiste du ministère de l'économie, lui a soumis ce matin-même nos prévisions macroéconomiques et a explicité les hypothèses qui les sous-tendent.

M. Julien Dubertret . - Les conséquences du nouveau cadre européen sur la procédure d'adoption de la loi de finances par le Parlement sont assez limitées. Ce sont les délais de la phase administrative qui seront affectés.

M. Philippe Marini, président . - Faudra-t-il rendre les arbitrages plus tôt ?

M. Julien Dubertret . - Les arbitrages sur les dépenses auront lieu vers le mois de juin. L'article 13 de la loi organique prévoit la transmission du projet de loi de programmation des finances publiques au HCFP une semaine avant la saisine du Conseil d'Etat. Son article 14 dispose que le Gouvernement transmet au HCFP « les éléments » des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, afin que celui-ci apprécie la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Le Gouvernement n'est pas obligé de communiquer au Haut Conseil des textes définitifs à la virgule près, seulement de lui en transmettre la teneur.

M. Philippe Marini, président . - La contrainte est donc modérée.

M. Julien Dubertret . - Oui. Mais nous partageons avec le Haut Conseil le souhait qu'une partie de l'été soit consacrée à l'examen des textes en amont, ce qui induirait davantage de contraintes sur les arbitrages de recettes, notamment fiscales.

M. Philippe Marini, président . - Ce qui veut dire que les arbitrages interviendraient plus tôt ? Pouvez-vous être plus précis ?

M. Julien Dubertret . - En effet. Si l'on veut discuter avec le HCFP dans la deuxième quinzaine de juillet, les arbitrages devront être rendus avant cela. Pour le volet dépenses, les arbitrages sont traditionnellement rendus au mois de juin : nous sommes donc parfaitement dans les temps.

Avec le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat, nous avons dû réfléchir à la question des lois de finances rectificatives. Celles-ci sont parfois adoptées en quelques jours ! La loi organique nous impose de recueillir l'avis du HCFP selon la même procédure. Le Conseil constitutionnel a estimé que, si cette exigence ne pouvait être respectée, il apprécierait la procédure globale au regard des exigences de continuité de la vie nationale. Ainsi, le collectif budgétaire de 2008 créant la Société de financement de l'économie française (SFEF) n'aurait sans doute pas pu recueillir l'avis préalable du HCFP, mais la procédure n'en aurait pas été viciée pour autant.

M. Philippe Marini, président . - Cela a demandé trois jours.

M. Julien Dubertret . - J'y étais : la décision a été prise un samedi vers 13 heures 30, examinée par le Conseil d'Etat le dimanche matin, par son assemblée générale le dimanche soir, et un conseil des ministres exceptionnel s'est tenu le lendemain en début d'après-midi. Soit deux jours en tout et pour tout. Nous nous sommes étonnés nous-mêmes !

M. Philippe Marini, président . - Les limites de l'impossible sont chaque jour repoussées...

M. Julien Dubertret . - S'agissant des calendriers du débat d'orientation des finances publiques et de la loi de règlement, la loi organique distingue clairement deux phases. Cette distinction claire est issue d'amendements parlementaires. Elle est sage. D'abord parce que la loi de règlement est l'occasion d'examiner la gestion passée des politiques publiques de manière assez fine. Cela mériterait d'être développé, dans l'esprit de la loi organique, non d'être mêlé avec le débat d'orientation, qui permet d'anticiper un dérapage macro-budgétaire et d'envisager des corrections. Non qu'il n'y ait pas de lien entre l'un et l'autre, mais la fusion des deux débats risque de faire prévaloir la seconde optique sur la première. Ensuite, il y a une certaine logique à distinguer le temps du constat de celui des propositions.

M. Philippe Marini, président . - L'examen de la gestion publique, cela n'intéresse jamais personne...

M. Julien Dubertret . - Beaucoup de fonctionnaires appréhenderaient, à juste titre, d'être interrogés par les assemblées sur la façon dont a été géré leur portefeuille l'année précédente... En tant que directeur du budget, moi qui ne suis pas responsable de crédits, je regrette que cette phase ne soit pas plus vivante.

M. Philippe Marini, président . - Le passé est mort pour un homme politique !

M. Julien Dubertret . - Pas s'il éclaire l'avenir !

M. Philippe Marini, président . - Si le même débat permet d'aborder les deux sujets, pourquoi pas ? Notez que, dans nos collectivités territoriales, c'est généralement dans la même séance que l'on adopte le compte administratif, dégage les soldes et vote le budget.

M. Jean Germain . - Mais non !

Mme Marie-France Beaufils . - Pas toujours !

M. Philippe Marini, président . - Il existe certes des pratiques différentes, mais c'est de plus en plus souvent le cas.

M. Julien Dubertret . - L'article 23 de la loi organique impose de présenter les mesures de correction en deux temps : dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques d'une part, dans le cadre des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale d'autre part. Au premier stade, il s'agit de présenter les mesures de correction envisagées et leurs effets escomptés, sans entrer dans le détail. Mais le rapport annexé au projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale « analyse » les mesures de correction envisagées : il en fait donc une présentation détaillée, dont on pourra retrouver la trace sous forme de textes juridiques dans les projets de loi.

M. Roland du Luart . - Merci pour ces exposés, fort intéressants.

Nous sommes en procédure de déficit excessif depuis 2010. Or, de quelles mesures de baisse des dépenses publiques la France pourra-t-elle se prévaloir pour justifier sa demande de sursis d'une année ? Dans un scenario catastrophe, nous pourrions être condamnés à nous acquitter de pénalités financières. Vous avez indiqué qu'elles pourraient atteindre 4 milliards d'euros. J'ai lu dans un quotidien du soir que M. Montebourg avait quelques idées sur la question. L'Europe pourra-t-elle résister si nous ne tenons pas nos engagements, et si par ses sanctions elle aggrave notre déficit d'un tel montant ?

Notre situation me préoccupe au plus haut point. Le dérapage est grave et généralisé. Dexia est une bombe à retardement. Comment tout cela va-t-il se terminer ? Je suis en général sceptique à l'égard des hauts conseils et autres « bidules » administratifs et indépendants que l'on crée sans arrêt et qui ne servent à rien. J'espère que le HCFP sera toutefois utile, et qu'il aura le poids moral pour imposer un changement de cap.

M. Jean Germain . - J'ai écouté avec le plus grand intérêt l'exposé que nous ont présenté deux hauts fonctionnaires parmi les plus brillants de notre pays.

Je suis néanmoins atterré par la complexité de la mécanique budgétaire française et européenne. Et dire qu'on dénonce la complexité de notre « millefeuille territorial » ! J'ai quelque intérêt pour les civilisations asiatiques : cette situation me fait penser à une période de l'histoire chinoise où l'administration avait atteint un niveau d'excellence inégalé, mais perdu toute boussole. Nous conduisons des réflexions, passionnantes, sur la façon dont fonctionne le sous-marin, mais celui-ci reste bloqué au fond : comment le remonter ? Comment retrouver de l'oxygène ? C'est la vraie question ! Nous sommes la seule région du monde en récession, on nous annonce un recul de 0,3 % du PIB l'année prochaine et presque 12 % de chômage.

M. Philippe Marini, président . - Plus on parle de croissance, moins on en fait...

M. Jean Germain . - Depuis 2008, on est certes moins bavards sur l'efficience des marchés globaux. La seule lueur d'espoir, c'est « l'intégration solidaire » dont a parlé Ramon Fernandez. L'Union européenne a en effet raté son architecture politique et n'a pas d'institutions économiques. Quant à sa banque centrale, elle ne peut pas même intervenir sur sa monnaie. Le secrétaire d'Etat américain au Trésor a fait valoir aux Allemands que les Etats-Unis avaient dans les années cinquante les plus gros excédents et qu'ils avaient alors largement contribué aux efforts de reconstruction. Aujourd'hui ce sont les Allemands qui enregistrent les excédents les plus importants, mais ils thésaurisent.

Nos concitoyens voient tout cela et ne cessent de nous demander comment croire encore à l'Europe. Et on ne peut accepter de donner plus de place à la technocratie et refuser de tenir compte des résultats électoraux observés en Autriche ou en Italie...

Or nous sommes dans le même cas ! Car dans cette affaire, le Parlement ne servira plus à rien. Cela serait acceptable s'il existait au niveau européen des institutions démocratiques issues du suffrage universel. Ce n'est pas le cas ! Les membres des divers instances et comités européens seraient d'ailleurs bien inspirés de dévoiler leur patrimoine car ils ont plus de pouvoir que nous sur le quotidien des gens ! Je le dis comme je le pense. Les réunions de commission non plus ne serviraient à rien si l'on ne disait pas les choses franchement.

Cette situation ne pourra pas durer. Il faudra donner du sens à l'« intégration solidaire ». On a dit pendant des années que c'était les marchés qui assuraient la meilleure régulation économique possible. On a mis Keynes et ses émules à la poubelle. M. Montebourg, malgré ses outrances, ne dit pas que des bêtises... Il dit parfois tout haut ce que d'autres n'ont pas le cran d'exprimer.

Je refuse d'être sur la photo des parlementaires qui auront voté en cadence et se seront tus en commission. Car 3,2 millions de chômeurs, il n'y a rien de plus grave.

M. Philippe Dallier . - Ah oui !

M. Jean Germain . - Comment procéder à une « intégration solidaire » avec le règlement actuel de la Banque centrale européenne (BCE) ? Je vous croirais si la BCE avait la possibilité de conduire une politique monétaire. La solidarité passe aujourd'hui par les budgets nationaux, sur lesquels nous auront de moins en moins de prise. Comment faire de l'intégration solidaire sans budget européen ?

M. Roland du Luart . - On a mis la charrue avant les boeufs.

M. Philippe Marini, président . - Messieurs les directeurs, je vous invite à prêter attention aux propos de Jean Germain : je crois pouvoir dire qu'au-delà de nos différences, nous y sommes tous sensibles.

M. Richard Yung . - Quelle forme prendra la coordination des budgets des Etats-membres ? La Commission européenne aura-t-elle le pouvoir de dire qui en fait trop, qui pas assez, sur la consommation, l'investissement, etc. ? Examinera-t-elle les budgets poste par poste ? L'« intégration solidaire » consiste-t-elle à les faire converger ? Parmi tous les éléments que vous avez présentés, qu'est-ce qui promeut la croissance ? Cette question rejoint celle de Jean Germain.

M. Jean Germain . - Oui, qu'y a-t-il en dehors des hausses d'impôts ?

M. Richard Yung . - Enfin, pouvez-vous nous indiquer quelles grandes orientations figureront dans le PNR, qui sortira dans quelques jours ?

Mme Marie-France Beaufils . - La question centrale est la suivante : quel est le rôle du Parlement aujourd'hui ? On dit beaucoup que le politique doit retrouver sa place, mais il n'en a plus aucune ! La loi de finances sera moulinée cent fois, en particulier par la Commission européenne, avant d'être soumise au Parlement et celui-ci sera mal avisé de vouloir y changer une ligne. Nous devrions avoir notre mot à dire sur les orientations budgétaires avant que la loi de finances ne soit finalisée.

Quand compte-t-on analyser l'impact des décisions prises à ce jour ? Je me souviens des déclarations des économistes du Fonds monétaire international (FMI), reconnaissant que la baisse des dépenses publiques imposées à certains pays avait eu des incidences lourdes sur leur croissance, bien supérieure aux prévisions. Je suis sur ce point en désaccord avec Roland du Luart, car je crois que la dépense publique peut être porteuse de croissance, mais ce discours ne rencontre aucun écho. Lorsqu'on voit les prévisions à la baisse sur les recettes de TVA, on devrait s'interroger sur le recul des investissements des collectivités territoriales et leur impact futur, en retour, sur les recettes de TVA. Pour préparer les budgets à venir, il faudra évaluer les politiques menées au cours de l'année qui précède. Ayons une réflexion de fond sur ce sujet.

A quel moment la représentation nationale pourra-t-elle s'exprimer sur l'avis que rendra le HCFP ? Nous devrions pouvoir émettre notre opinion. C'est à nous que la population demande des comptes, or nous n'avons aucun moyen d'action ! Les gouvernements techniques qui ont été mis en place en Grèce et en Italie, certains rêvent manifestement de les implanter en France. Il faut redonner aux politiques le temps d'intervenir. Notre tour arrive quand tout est déjà ficelé !

M. Philippe Marini, président . - Je rappelle que le président du HCFP peut être convoqué à tout moment par notre commission, et que ses avis seront annexés aux lois de finances et à tous les textes financiers.

M. Aymeri de Montesquiou . - Les dépenses publiques françaises dépassent de 9 ou 10 points la moyenne européenne. Le président de la République a déclaré qu'un effort fiscal supplémentaire était exclu. Cela implique de baisser les dépenses. Si la France ne respecte par ses engagements budgétaires, elle sera sanctionnée. Peut-on imaginer une mise sous programme de la France ?

M. Dominique de Legge . - La multiplication des procédures et des documents ne risque-t-elle pas, paradoxalement, de nous faire perdre en information et de ne rien apporter en termes de transparence ? Si on voulait masquer la réalité, on ne s'y prendrait pas autrement. C'est une manière de se donner bonne conscience.

Les sanctions font gentiment sourire. La France pourrait-elle réellement faire face aux sanctions si son déficit était alourdi de leur montant ? Punir un locataire de ses impayés par une sanction financière, c'est absurde. C'est une fuite en avant.

M. Philippe Marini, président . - Ce raisonnement est frappé au coin du bon sens. Nous faisons semblant. Les procédures de sanction ne sont que des tigres de papier.

M. Julien Dubertret . - Il ne faut pas exagérer les contraintes supplémentaires. Le nouveau cadre européen ne fait que rappeler les règles du pacte de stabilité et de croissance, mal appliquées depuis qu'en novembre 2005 la France et l'Allemagne ont fait cause commune pour échapper aux sanctions auxquelles elles s'étaient exposées. Les contraintes de déficit sont quasiment identiques, et l'objectif est toujours celui d'atteindre l'équilibre structurel, c'est-à-dire corrigé de l'impact de la conjoncture.

Mais il ne faut pas non plus sous-estimer la transformation procédurale profonde qui résulte de ces textes, qui profite plutôt au Parlement ! Le HCFP ne le dépossède en rien. C'est plutôt une terrible machine à nettoyer la copie budgétaire du Gouvernement, pour la rendre plus réaliste, plus crédible, plus sincère.

Les dépenses publiques porteuses de croissance : en tant que directeur du budget, cela me fait réagir...

M. Philippe Marini, président . - Il faut reconnaître qu'un directeur du budget qui donne des enveloppes supplémentaires, cela ne s'est jamais vu, même en période de prospérité !

M. Julien Dubertret . - Ce n'est pas spontané, en effet. Il y a toutefois plusieurs sortes de dépenses publiques. Certaines peuvent avoir un effet multiplicateur. J'appelle à ce propos votre attention sur le développement en cours du rôle du commissariat général à l'investissement, destiné à évaluer les projets d'investissement public. De ce point de vue, la France a d'énormes progrès à faire. Certains projets d'infrastructures ont un impact négatif sur la croissance, d'autres, ceux qui facilitent les échanges économiques, lui procurent un gain.

La confiance est un autre élément d'explication de l'impact de la dépense publique. Je vous concède qu'il n'a rien de scientifique. Mais montrer que l'on reste maître de son destin budgétaire et que l'on est capable de tenir la dépense comme on l'a décidé, c'est capital pour donner confiance à l'ensemble des agents économiques.

M. Jean Germain . - Connaissez-vous le ratio dette publique sur PIB aux Etats-Unis ?

M. Julien Dubertret . - Il est plus élevé que le nôtre. Avec une perspective de stabilisation qui n'est pas très bonne. Au Japon, il a dépassé 200 %.

Que se passerait-il si l'article liminaire de la loi de finances n'était pas voté dans la loi de finances, me demandez-vous. La question a été clairement posée au Conseil constitutionnel. Son existence dans le projet de loi est une exigence absolue de procédure. Si le Gouvernement s'avisait de ne pas l'y faire figurer, le Conseil constitutionnel annulerait vraisemblablement le texte entier. Pour autant, - le Conseil constitutionnel l'a clairement indiqué - la vocation de cet article est informative, et si le Parlement, par extraordinaire, décidait de le supprimer et si la loi de finances était publiée sans cet article liminaire, le Conseil constitutionnel estime qu'il n'en résulterait pas une inconstitutionnalité d'ensemble. Il va sans dire qu'en tant que directeur du budget, je veillerai avec le plus grand scrupule, dans toute la mesure du possible, à ce que la loi définitivement publiée au Journal officiel comporte cet article, qui parait être un élément très important en termes d'information de la représentation nationale et, au-delà, en termes de crédibilité réputationnelle de la Nation. Je serai gêné qu'une loi de finances soit pour finir publiée au Journal officiel sans cet article liminaire car cela ne serait pas forcément vu comme un excellent signal à l'extérieur.

M. Philippe Marini, président . - Cet avis du Conseil constitutionnel est-il disponible ? Peut-il être communiqué à notre commission ?

M. Julien Dubertret . - Il me semble que ce point est écrit dans la décision du Conseil constitutionnel, mais je le vérifierai.

Concernant le calendrier budgétaire, sujet assez problématique, le compromis retenu - serré mais qui à mon avis fonctionne - est le suivant : si la Commission européenne émet un avis exigeant une modification du projet budgétaire national, elle doit le faire dans les quinze jours à compter du dépôt du projet de loi de finances au Parlement. Celui-ci intervient en moyenne le 28 septembre. Dès lors, c'est en moyenne vers le 13 octobre que la Commission européenne devrait se prononcer au plus tard. Le débat à l'Assemblée nationale - discussion générale et première partie - commence généralement entre le 16 et le 20 octobre. Par conséquent, l'avis de la Commission européenne resterait antérieur à l'examen du texte par la représentation nationale, même si le délai serait court. La procédure parlementaire serait donc respectée, même si l'équilibre devait être amendé avant ou pendant l'examen de la première partie.

Si la Commission européenne émettait un avis tardif n'exigeant pas de modification mais dont on considérerait qu'il appelle des prises en compte, nous devrions alors amender tardivement au cours du mois de novembre. En 2011, le Gouvernement avait été amené à introduire de substantielles mesures nouvelles dans le projet de loi de finances au stade de son examen au Sénat : le Conseil constitutionnel avait alors estimé que l'objectif de maintien du solde budgétaire justifiait cette dérogation à la règle de l'entonnoir.

Dans tous les cas, nous aurions des solutions juridiques.

Enfin, quels seraient les effets d'un désaccord du HCFP sur les prévisions retenues ? J'espère que nous n'aurons jamais à nous poser la question. C'est pourquoi nous entendons travailler en bonne intelligence avec le Haut Conseil, et en amont du dépôt du texte au Parlement. Je n'imagine pas qu'un gouvernement prenne le risque de se heurter à un avis négatif du Haut Conseil.

M. Jean Germain . - Le taux de croissance a été rectifié il y a dix jours !

M. Julien Dubertret . - Je le conçois. La réalité est évolutive. Le HCFP remettra son avis quelques jours seulement avant le dépôt du projet de budget au Parlement.

M. Philippe Marini, président . - Vous pensez donc qu'il sera docile...

M. Julien Dubertret . - Absolument pas. Le feu nourri de questions auquel nous avons été soumis ce matin me donne à penser que ses membres exerceront leurs fonctions dans la plénitude de leurs attributions. Après transmission officielle d'un premier projet, nous avons en effet répondu aux questions que celui-ci a suscitées, ainsi qu'à d'autres qui n'avaient pas été posées par écrit. Et croyez-moi, ce n'était pas une discussion de salon.

M. Ramon Fernandez . - Je vous accorde que les règles sont très nombreuses et très complexes. Mais c'est l'absence de règles qui nous a conduits à la crise. Nous faisons partie d'un groupe, d'une équipe : nous ne pouvons faire l'économie de règles intelligentes, donc complexes.

Imposer des sanctions à ceux qui ne respectent pas un déficit public nominal de 3 % du PIB, c'est une règle idiote, car trop simple. Il faut tenir compte de la conjoncture. De ce point de vue, le débat économique a progressé, qui a conduit à ne prendre en compte que le déficit structurel. C'est en vertu de cette règle intelligente que la France n'est pas sanctionnée, en dépit d'un déficit de 3,7 % en 2013.

Nous souffrons parfois nous-mêmes de la complexité de ces règles. Mais il y va de l'intérêt de tous. Nous savions depuis un an que la situation de Chypre n'était pas tenable, mais son gouvernement ne voulait rien faire ; dès lors, nous assistions impuissants à la dégringolade. Pensons à nous-mêmes, mais également à la situation de nos voisins. Le débat n'est pas fermé pour autant, ni sur la politique économique, ni sur le rythme des ajustements à effectuer. Je vous renvoie à l'entretien très nuancé qu'Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, a donné à un hebdomadaire la semaine dernière : « le constat est simple et connu de tous : tous les pays sont trop endettés. Il faut donc revenir à l'équilibre budgétaire, mais le faire ni trop lentement ni trop rapidement ».

M. Jean Germain . - Cela veut dire : sans tuer la croissance !

M. Ramon Fernandez . - Les propos de l'économiste du FMI ont été caricaturés : on lui fait dire que l'Europe faisait trop d'ajustement structurel. Ce n'est pas ce qu'il a dit. La BCE, pour sa part, a été extraordinairement hétérodoxe et non conventionnelle. Sans elle, nous serions dans une situation infiniment plus grave. Chaque banque centrale est hétérodoxe à sa manière. Pour sa part, la BCE a fait preuve d'une capacité d'innovation qui en a surpris beaucoup.

M. Jean Germain . - C'est très récent ! Ce n'était pas le cas avant !

M. Ramon Fernandez . - La réactivité de la BCE n'a rien eu à envier à celle des autres banques centrales.

S'agissant de la coordination des politiques économiques et du programme national de réforme, vous aurez la semaine prochaine tous les éléments...

M. Jean Germain . - Quid de l'« intégration solidaire » ?

M. Ramon Fernandez . - C'est un débat plus fondamental. Quelle vision la France a-t-elle de l'Europe et notamment de la zone euro ? Voilà la question cruciale à laquelle il faudra répondre. M. Moscovici a déjà fait un certain nombre de propositions sur les perspectives de l'intégration européenne, notamment au Parlement européen.

M. Philippe Marini, président . - Merci messieurs les directeurs.

II. AUDITION DE MM. PIERRE MOSCOVICI ET BERNARD CAZENEUVE (17 AVRIL 2013)

Réunie le mercredi 17 avril 2013, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, et Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, sur le projet de programme national de réforme et sur le projet de programme de stabilité avant sa transmission à la Commission européenne, en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Pierre Moscovici, retenu à la commission des finances de l'Assemblée nationale, nous rejoindra dès qu'il le pourra. Bernard Cazeneuve va nous présenter le projet de programme national de réforme, et le projet de programme de stabilité. Depuis trois ans, le Gouvernement soumet ces documents au Parlement avant de les transmettre aux autorités européennes : dans le cadre du Semestre européen. Cette année, les prévisions macroéconomiques qui les sous-tendent ont fait l'objet, pour la première fois, d'un avis du Haut Conseil des finances publiques, rendu le 16 avril dernier. La Commission européenne formulera des recommandations au Conseil, qui adoptera lui-même des recommandations aux Etats au début de l'été.

Nous entrons avec cette audition dans notre cycle budgétaire de printemps : mardi prochain, nous entendrons le rapport du rapporteur général sur le programme de stabilité, dont nous débattrons le lendemain en séance avec le Gouvernement. Nous prendrons connaissance fin mai du projet de loi de règlement et de l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le respect de la trajectoire de solde structurel en 2012. Nous aurons fin juin le rapport de la Cour des comptes sur les perspectives des finances publiques, puis celui du Gouvernement sur les orientations des finances publiques, et nous aurons de nouveau un débat.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget . - Je vous remercie de votre accueil. C'est la première fois que je me trouve devant cette commission depuis que j'ai été nommé ministre délégué en charge du budget, et je tiens à vous dire ma disponibilité pour venir devant vous, aussi souvent que vous le jugerez nécessaire, évoquer tous les sujets qui relèvent de mon ministère, depuis les questions fiscales jusqu'à la préparation du budget, en passant par l'épargne.

Inscrit en effet dans le cadre du Semestre européen, le programme de stabilité met en oeuvre les procédures nouvelles de relations entre institutions européennes et institutions nationales, destinées à faire converger les politiques économiques et budgétaires. Programme national de réforme et programme de stabilité décrivent la stratégie économique du Gouvernement, ainsi que le scénario macroéconomique et la trajectoire de finances publiques qui la sous-tendent. Ces textes ont la même importance et la même portée symbolique, politique et juridique qu'un projet de loi de finances : c'est avec solennité que je les présente.

Le président de la République l'a rappelé récemment, le Gouvernement avait pour mission de redresser l'économie du pays, dans une approche équilibrée réconciliant redressement des finances publiques, réformes ambitieuses et recherche active de la croissance. C'est le sillon que nous nous traçons depuis notre arrivée aux responsabilités, avec pour boussole la justice, et pour ligne d'horizon l'inversion de la courbe du chômage.

Le contexte est particulièrement difficile. L'héritage est lourd : 600 milliards d'euros de dettes en plus au cours du précédent quinquennat (20 % de notre PIB), 1,8 point de PIB de déficit structurel en cinq ans. Le déficit nominal aurait été de 5,5 % du PIB si nous n'avions pas pris des dispositions correctrices. Nous souffrons également de lourdes faiblesses structurelles : une croissance nulle en moyenne au cours du précédent quinquennat, mais un million de chômeurs de plus ; 750 000 emplois perdus dans l'industrie en dix ans, la part du secteur secondaire dans la valeur ajoutée étant revenue de 18 % à 12,5 % entre 2000 et 2011. La perte de notre substance industrielle et l'affaiblissement considérable de notre compétitivité se traduisent par un déficit commercial supérieur à 65 milliards d'euros en 2012. Nous ne pouvons réparer en quelques mois un tel héritage.

La zone euro, désormais stabilisée, n'a pas pour autant retrouvé sa croissance d'avant la crise ; la dégradation de la situation économique s'est intensifiée fin 2012, et selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la zone euro restera en récession, alors que le chômage touche 19 millions de personnes en Europe.

Des réformes sont indispensables. Pourquoi opposer croissance et redressement des comptes ? On ne peut réussir l'un sans l'autre. Bien sûr, en économie, tout est affaire de choix ; cependant le discours selon lequel nous pouvons laisser nos comptes dériver sans coûts et sans frais, s'il sonne doux à l'oreille, reste une absolue contre-vérité. Oui, nous pouvons laisser monter la dette, comme l'ont fait l'Italie ou la Grèce, si nous n'avons que faire de l'indépendance financière de notre pays, si nous ne craignons pas de nous voir imposer demain un redressement brutal. Oui, nous pouvons laisser se creuser les déficits, si nous estimons qu'il est juste de demander aux générations futures d'en assumer le fardeau. Oui, nous pouvons ignorer le poids de la dette, dès lors que nous trouvons naturel que les intérêts soient le premier poste budgétaire, devant l'éducation, devant les services publics, devant le soutien à l'emploi. Non, cette vérité ne fait pas plaisir à entendre, qui contraint les gouvernements à sortir de l'illusion confortable qu'un pays endetté est un pays fort, un pays en marche vers son futur. Voilà la réalité : un pays qui s'endette s'appauvrit, il s'affaiblit.

Ce débat a été tranché : la vraie question est celle du rythme du redressement, et de l'équilibre entre croissance et consolidation budgétaire. Ce Gouvernement porte avec force la volonté de réussir à la fois la consolidation budgétaire et le rétablissement de notre économie : nous défendons depuis mai 2012 un rééquilibrage des politiques européennes en faveur de la croissance. Je le fais dans le cadre de nos relations bilatérales, Pierre Moscovici s'y emploie en particulier auprès de nos partenaires allemands, car la relation franco-allemande reste un moteur puissant, et l'Allemagne, dont les finances sont solides, est en mesure de donner plus de dynamisme à son économie. Pierre Moscovici la porte aussi dans les enceintes plus larges, au G 7 au G 20, au Fonds monétaire international (FMI) ou à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : autant de lieux où nous défendons l'idée que pour la croissance européenne, il est aussi grave de ne pas faire de relance quand on pourrait le faire, que de ne pas faire l'ajustement des finances publiques quand on le doit.

L'objet du programme de stabilité et du programme national de réforme est précisément de tracer cette voie entre croissance et remise en ordre des comptes. Je suis convaincu que la voie que nos programmes dessinent est la bonne pour la France, mais aussi pour l'Europe. Agenda domestique et agenda européen sont étroitement liés : c'est parce que nous faisons les efforts nécessaires que nous serons entendus par nos partenaires européens. Si nous ne sommes pas crédibles, nous ne pèserons pas en Europe. Menons à notre façon les réformes qui sont attendues de nous. Nous le faisons déjà avec le pacte de compétitivité, ou l'accord sur la sécurisation de l'emploi. Poursuivons dans la voie du redressement des finances publiques, à un rythme économiquement efficace et socialement juste. Nous serons plus forts sur la scène internationale et, grâce aux évolutions attendues en Europe, nous pourrons faire évoluer notre stratégie.

Nous avons bâti ces programmes sur des prévisions de croissance réalistes, identiques, pour 2013 et 2014, à celles de la Commission européenne : 0,1 % en 2013, 1,2 % en 2014, puis 2,0 % par an entre 2015 et 2017. Le Haut Conseil des finances publiques a rendu son avis ; il estime que des aléas font peser un risque à la baisse sur les prévisions. Si nous reconnaissons l'existence de tels facteurs, nous confirmons nos prévisions. Compte tenu de l'ampleur des réformes engagées, un objectif de croissance plus prudent en 2014 ne serait pas justifié, et exigerait un ajustement excessif en 2014.

Nous en avons la conviction, l'Europe va progressivement redémarrer. Pour de nombreux pays, le plus gros des efforts est désormais passé. Avec le pacte de croissance adopté en juin, et les 10 milliards d'augmentation de capital de la BEI, soixante milliards d'euros de prêts seront engagés ; la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) restera durablement accommodante ; les pays sous tension bénéficieront de meilleures conditions de financement, grâce à la mise en oeuvre résolue de l'union bancaire.

Les réformes que nous menons en France vont porter leurs fruits : les 20 milliards d'euros du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la réforme du financement de l'économie, les 150 000 emplois d'avenir à horizon 2014, les contrats de génération, le renforcement des moyens de Pôle emploi, l'accord des partenaires sociaux sur la sécurisation de l'emploi, et le plan d'urgence en faveur du logement vont soutenir notre activité. Oui, nos hypothèses de croissance sont réalistes et prudentes.

Le programme national de réforme est structuré autour de quatre axes : redresser les comptes publics, rétablir la compétitivité de notre tissu productif, préparer l'avenir et lutter contre le chômage et la précarité.

Nous avons fait plus en onze mois en matière de compétitivité que nos prédécesseurs en dix ans. Nous avons d'abord réorienté notre système fiscal pour encourager la compétitivité et l'innovation. Les 20 milliards d'euros du CICE relèveront l'activité de 0,5 point de PIB et créeront 300 000 emplois d'ici 2017. Pierre Moscovici travaille à ce que les entreprises se saisissent de ce dispositif, déjà opérationnel et qui va monter en puissance grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les petites et moyennes entreprises (PME). Au-delà de cette mesure puissante - un point de PIB ! - la nouvelle fiscalité des dividendes incite les entreprises à réinvestir leurs bénéfices, et le crédit d'impôt recherche (CIR) a été étendu. Nous avons également remis le secteur financier au service de l'économie réelle avec la création de la BPI, la loi bancaire, le plan « trésorerie », ou encore le soutien au financement de l'investissement des collectivités territoriales. Nous engagerons dans les mois à venir une réforme de la fiscalité de l'épargne, sur la base des conclusions des travaux remis Karine Berger et Dominique Lefebvre, pour utiliser plus efficacement l'épargne abondante des Français. La BPI parachèvera sa mue et proposera aux entreprises des solutions de financement globales et intégrées. Le plan pour la trésorerie des entreprises continuera à être déployé.

Nous mènerons en 2013 des réformes de structure majeures dans le secteur des services, de l'énergie et du logement, afin de faire baisser les prix, de réduire les coûts des entreprises et de soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Pierre Moscovici et Benoît Hamon présenteront, début mai, un projet de loi sur la consommation renforçant les droits des consommateurs et luttant contre les rentes de situation. Une réforme du secteur ferroviaire, au premier semestre 2013, améliorera la qualité de son service et son efficacité industrielle tout en préparant les prochaines étapes de l'ouverture à la concurrence. Des réformes sont aussi envisagées dans le secteur de l'énergie : leurs contours seront précisés à l'issue du débat sur la transition énergétique de juillet 2013.

Toutes ces initiatives, auxquelles s'ajoute le « choc de simplification », font masse et font sens. Elles soulignent la cohérence des actions d'un gouvernement qui fait confiance aux entreprises, et dessine progressivement une politique de l'offre ambitieuse et innovante.

Nous préparons l'avenir en encourageant la structuration de l'économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d'investissements ciblés. Nous organiserons au premier semestre une consultation pour retenir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Celles-ci seront soutenues par un fonds « multisectoriel » doté de 590 millions d'euros et mis en place au sein de la BPI.

Nous déploierons parallèlement notre stratégie d'investissements de long terme dans les secteurs clefs du logement, de la rénovation thermique et du numérique. Nous renforcerons le potentiel de croissance du pays et dessinerons l'économie de demain sans peser sur nos finances publiques. Par exemple, le projet de loi sur le logement, qui sera présenté d'ici juin, dynamisera l'offre et freinera la hausse des prix de l'immobilier en soutenant le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité-coût des entreprises. Le lien entre réformes, croissance et redressement des comptes apparaît pleinement ici.

Nous travaillerons en 2013 au plein déploiement des mesures adoptées pour lutter contre le chômage et la précarité, et nous amplifierons les effets de nos politiques grâce à une grande réforme de la formation professionnelle. La réforme du marché du travail, d'abord : l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier a été identifié à l'étranger comme un signe absolument majeur de la volonté et de la capacité de la France à se réformer. Il facilitera l'adaptation des entreprises aux chocs structurels tout en accordant de nouveaux droits aux salariés : c'est la clef de voûte de la lutte contre le chômage. Ce volet sera complété, au second semestre, par la renégociation de la convention d'assurance chômage, et par la réforme la formation professionnelle, dès cette année, afin de l'orienter vers ceux qui en ont le plus besoin.

En économie, il n'y a pas d' « Immaculée conception » : la croissance reviendra parce que nous aurons fait les efforts nécessaires. Redressement des comptes publics et redressement productif sont les deux faces d'une même médaille : le désendettement est un facteur de compétitivité. Notre stratégie est dictée par un impératif : trouver le juste équilibre, le bon rythme, pour la remise en ordre de nos comptes. En 2013, nous ajusterons le rythme d'assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance ; en 2014 nous approfondirons notre effort structurel : ce sera une année de tournant, de basculement, dans la répartition de nos efforts entre recettes et dépenses ; à partir de 2015 nous commencerons à réduire la part de l'endettement dans le PIB et nous progresserons vers l'équilibre structurel grâce à la montée en puissance de nos économies.

Comme l'a dit le président de la République, notre politique économique n'est pas une politique d'austérité, c'est une politique sérieuse et juste. En 2013, nous laisserons davantage jouer les stabilisateurs automatiques face à la récession qui menace, et le déficit public nominal s'établira à 3,7 %. Ce choix de ne pas trop serrer la vis en cours d'année est crucial. Si l'effort structurel de 1,9 point de PIB programmé en loi de finances est maintenu, nous ne sommes pas dans l'austérité, dans le fétichisme du chiffre. L'austérité, ce serait ne pas tenir compte de la dégradation de la conjoncture, faire des coupes aveugles dans nos dépenses, baisser les salaires des fonctionnaires ou diminuer uniformément les prestations sociales. Nous plongerions dans ce travers si nous nous obstinions à vouloir tenir l'objectif nominal des 3 % de déficit alors que l'économie européenne s'enfonce, et que nous avons déjà sollicité un effort majeur des Français. La préservation de la croissance commande de ne pas ajouter l'austérité à la récession. Nous avons donc demandé à la Commission européenne de reporter nos engagements européens. M. Moscovici mène ce débat avec force et avec conviction auprès de nos partenaires. Les conclusions de ce débat nécessaire ne sont pas acquises.

C'est en 2014 que nous nous donnerons les moyens d'atteindre un déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel d'un point de PIB. Aller au-delà ne serait pas raisonnable. L'effort structurel reposera pour 70 % sur des économies et pour 30 % sur des recettes. Ce sera une année charnière : reprise économique grâce aux réformes que nous aurons adoptées, retour sous 3 %, inflexion de l'endettement, grâce à la montée en puissance de la Modernisation de l'action publique (MAP).

Nous maintenons le cap de l'équilibre structurel en fin de mandat, et nous nous rapprochons de l'équilibre nominal en 2017. C'est l'engagement du président de la République, c'est l'objectif du Gouvernement.

Cette trajectoire est sous-tendue par une évolution vertueuse de nos prélèvements obligatoires. En 2014, le Gouvernement ne prévoit aucune hausse d'impôt générale sur les ménages, au-delà de la réforme des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer le CICE. Le président de la République l'a annoncé lors de son intervention télévisée, et c'est conforme aux orientations de la loi de programmation des finances publiques. Les prélèvements obligatoires passeront de 46,3 % à 46,5 %. Extrêmement limitée, cette hausse résultera avant tout de l'approfondissement de notre action contre les niches inefficaces et de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. A partir de 2015, le taux de prélèvements obligatoires se stabilisera, puis il baissera en fin de période.

Cette trajectoire d'ajustement budgétaire est enfin conçue pour soutenir la croissance potentielle de long terme, à travers une maîtrise de la dépense qui impliquera tous les acteurs, grâce à l'exercice ambitieux de la MAP. Le rythme d'évolution de la dépense publique sera divisé par quatre par rapport aux dix dernières années (0,5 % contre 2 %). Le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de 3 points sur la durée du quinquennat, (60 milliards d'euros), contre une augmentation de 4,6 points de PIB au cours de la dernière décennie. La montée en puissance du processus de MAP jouera un rôle crucial pour dégager dans cette optique, des économies pérennes. L'intégralité des politiques publiques seront évaluées d'ici 2017, en association étroite avec les usagers, les agents et les acteurs de ces politiques. A ce stade, 20 % de la dépense publique est couverte par ces évaluations.

Tous les acteurs de la dépense publique contribueront à l'effort de redressement des comptes. Les dépenses de l'Etat hors dette et pensions baisseront de 1,5 milliard d'euros en 2014. Elles se stabiliseront en valeur à partir de 2016, les priorités du Gouvernement étant alors financées par redéploiement. Les concours financiers aux collectivités locales seront réduits de 1,5 milliard d'euros en 2014 puis de 3 milliards d'euros en 2015, dans le cadre plus global d'une rénovation des relations entre l'Etat et les collectivités. Outre les efforts déjà programmés sur l'assurance maladie, les partenaires sociaux ont conclu un accord sur les régimes complémentaires de retraite. Ils renégocieront aussi la convention de l'assurance chômage fin 2013. Enfin, des travaux seront engagés pour assurer l'équilibre à moyen terme des branches vieillesse et famille de la sécurité sociale.

La MAP n'est pas un exercice punitif : réduire le poids des dépenses est une condition de notre croissance et de notre compétitivité futures. C'est réduire notre dette et, partant assurer des conditions de financements favorables aux entreprises, limiter les transferts intergénérationnels, garantir que nous pourrons financer dans de bonnes conditions une dette détenue pour près de 63 % par des non-résidents, garantir la souveraineté de notre pays, bref, c'est retrouver des marges de manoeuvre pour nos politiques publiques.

Ces programmes sont l'occasion de valider nos orientations de politique économique, que nous souhaitons responsables et équilibrées. Le Gouvernement entend associer crédibilité et ambition, ne pas pénaliser pas la croissance mais préparer l'avenir, pour que la France pèse davantage dans la réorientation nécessaire de la construction européenne. Ces choix réalistes et sérieux, ambitieux et responsables, refusent l'austérité dont les Français ne veulent pas. Je souhaite qu'ils reçoivent l'approbation de votre assemblée.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Merci pour cette présentation très complète.

M. François Marc, rapporteur général . - Je souhaite la bienvenue à Bernard Cazeneuve. Il a accepté une charge difficile en cette période de tourmente économique et financière. Je lui présente mes voeux de pleine réussite. Merci, monsieur le Ministre, pour les bonnes intentions que vous manifestez à l'égard de notre commission.

M. Jean Arthuis . - C'est vrai que c'est toujours agréable.

M. Francis Delattre . - Trois milliards en moins pour les collectivités locales, voilà de bonnes intentions !

M. François Marc, rapporteur général . - Notre commission a besoin de travailler dans la sérénité, nécessaire dans cette période particulièrement difficile, et d'une façon efficace, dans l'intérêt de notre pays et de nos concitoyens. Par rapport à ce besoin de sérénité, j'ai noté que deux questions restaient aujourd'hui sans réponse, et je regrette que le président de notre commission ne soit pas là aujourd'hui, puisqu'il s'agit d'une actualité brûlante et difficile.

La première question porte sur l'administration de notre pays. En effet, le président de la commission des finances s'est exprimé devant l'opinion publique française, devant des millions de gens, à travers les vingt-six caméras qui l'accompagnaient à Bercy. Il a mis en cause l'administration de ce ministère, qui a été soupçonnée de rétention d'informations, puisqu'il a été dit qu'elle servait de bouclier à l'autorité politique et qu'on reviendrait pour faire parler les ordinateurs. Ceci indique clairement qu'il y a une suspicion de rétention d'informations.

Je souhaite vivement que le président Marini puisse nous indiquer lors de notre prochaine séance...

M. Roland du Luart . - Vous pouvez dire cela en sa présence, mais là ce n'est pas très courageux !

M. Richard Yung . - Il n'a qu'à être là !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Ce n'est pas l'ordre du jour.

M. François Marc, rapporteur général . - Dans cette commission, on souhaite de la sérénité et une confiance réciproque avec l'administration avec laquelle nous sommes amenés à travailler régulièrement, et non une mise en cause implicite de tous ses membres. Je pense que Philippe Marini nous donnera les éléments qui nous permettront de comprendre ce qu'a été son raisonnement.

Par ailleurs, le ministre de l'économie et des finances appartient à un Gouvernement légitime et fait un excellent travail. Réclamer sa démission, c'est quelque part mettre en cause certains ressorts de son action ou certaines décisions prises. J'aimerais avoir aussi des explications sur ce point et savoir si mes collègues de l'opposition ont une position identique, car il nous faudra travailler en toute sérénité. Notre commission doit être vigilante quant à son mode de fonctionnement. Il y a eu aujourd'hui, en séance publique, un rappel au règlement de la part d'un de nos collègues sur la nécessité d'un partage d'informations au sein de notre commission. Pour ma part, en tant que rapporteur général, j'ai toujours veillé à partager l'information dont je disposais, et je souhaite que l'on puisse avoir une méthode de travail appropriée en la matière.

J'en viens maintenant aux questions qu'appellent le programme de stabilité et le programme national de réforme.

Le Haut Conseil des finances publiques a validé les prévisions du Gouvernement, tout en émettant des réserves. Quels sont les déterminants du scénario de reprise ? Les Etats membres se sont engagés à mettre en oeuvre un rééquilibrage de leur balance courante : ajustement de compétitivité dans les pays en déficit, soutien à la demande intérieure dans les pays en excédent. Y a-t-il une prise en compte, par l'Allemagne, de cette exigence européenne qui la conduirait à soutenir sa demande intérieure ?

S'agissant de l'épargne, il y a un équilibre à trouver entre court terme et long terme. Une baisse de ce taux relancera la consommation, mais dans le même temps, l'investissement à long terme suppose de stabiliser l'épargne.

A propos de la MAP, les chiffres de 1 milliard d'euros en 2014, de 1,5 milliard en 2015 d'économies sont-ils des objectifs ou des estimations ? L'OCDE avait évalué le coût de conformité aux normes pour les entreprises entre 4 % et 12 % du PIB. Une baisse de ces coûts accroîtrait le potentiel d'investissement et d'innovation. Avez-vous une idée des effets du choc de simplification ; s'appliquera-t-il aussi au stock de normes ?

Comment la politique industrielle de filières sera-t-elle mise en oeuvre ? Le Conseil national de l'industrie (CNI) installé en février sélectionnera des projets industriels pour le quinquennat, qui bénéficieront d'un fonds « multisectoriel » de 590 millions d'euros. Quelle sera l'articulation avec la politique du commerce extérieur ? Les fonds structurels européens doivent être reprogrammés pour leur part non consommée. Le Gouvernement a demandé aux préfets de région d'identifier les projets porteurs de croissance susceptibles de bénéficier de ces fonds ; dans quelle mesure ont-ils pu être redéployés, selon quelles modalités et quels critères ? C'est un levier de croissance potentielle.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Je salue l'arrivée de Pierre Moscovici. Avec son accord, je donne la parole à Bernard Cazeneuve pour qu'il réponde à notre rapporteur général.

M. Bernard Cazeneuve . - Au cours des douze derniers mois, nous nous sommes efforcés, en liaison avec les institutions européennes, de créer les conditions du retour de la croissance. Il s'agit d'abord de rendre aux entreprises l'accès au financement bancaire, en réparant les dommages causés par les désordres de la crise. La mise en oeuvre de l'union bancaire au sein de l'Union européenne et les modalités nouvelles d'intervention de la BCE sur les marchés secondaires de la dette souveraine, notamment à travers le programme Outright Monetary Transactions , ont stabilisé la zone euro et créé les conditions d'une remise en ordre de la finance. La mise en place d'un dispositif de supervision des banques doit être accompagné de deux nouvelles étapes : la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts, afin que le système financier soit remis au service de l'économie réelle. Les actifs toxiques des banques doivent être nettoyés. La supervision bancaire devait être le préalable à la recapitalisation des banques par le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Nous avons tout fait pour que des initiatives de croissance soient prises en Europe. Le pacte de croissance de 120 milliards d'euros comporte 10 milliards d'euros de recapitalisation de la BEI, grâce auxquels 60 milliards d'euros de prêts pourront être engagés dans des secteurs stratégiques (énergies renouvelables, transports de demain). Notre pays devrait recevoir 2,5 milliards d'euros sur les 55 milliards de fonds structurels. Si l'on y ajoute les 70 milliards d'euros de prêts de la BEI et les 650 millions d'euros de projects bonds , ce sont près de 10 milliards d'euros qui devraient pouvoir être engagés en 2013 et 2014 au service de la stratégie de croissance à laquelle nous croyons. Cette politique est complétée par des initiatives bilatérales comme l'illustre la création de l'Office franco-allemand pour les énergies renouvelables ou du groupe de travail franco-allemand sur l'électromobilité.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances . - Veuillez excuser mon retard, je reviens de la commission des finances de l'Assemblée nationale où j'apportais des réponses précises à des questions imprécises sur des sujets moins importants pour l'avenir.

Le programme national de réforme et le programme de stabilité s'inscrivent dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques tout en tenant compte la conjoncture économique dans la zone euro et en France. Nos objectifs sont inchangés : la croissance, l'inversion de la courbe du chômage et la justice. Nous voulons coupler le redressement productif et celui des comptes publics. La lutte contre les déficits est un impératif catégorique, car un pays qui s'endette est un pays qui s'appauvrit. Nous avons fait le choix du sérieux, non celui de l'austérité. Oui, la France doit faire un effort mais pas au prix de la croissance. Les Français ne veulent pas de l'austérité et ils ont raison. Notre politique sera menée en trois temps : pas d'ajustement budgétaire supplémentaire en 2013, avec un déficit de 3,7 %, puis la poursuite des réformes structurelles en 2014, année où le déficit s'établira à 2,9 %, avant de tendre à partir de 2015 vers un équilibre structurel attendu pour la fin de la période.

Monsieur Marc, il est vrai que le taux d'épargne des Français baisse de 16,1 % en 2011 à 15,5 % en 2014. Il demeure toutefois supérieur à ce qu'il était sur la période 1990-2011, ce qui contribue à l'attractivité de notre pays. Il devrait demeurer élevé même si la baisse est appelée à se poursuivre. La consommation résiste et nous avons fait le choix d'une hausse de la fiscalité ciblée, concentrée sur ceux dont la propension à consommer est la plus faible. En 2013, la consommation devrait se maintenir, aidée notamment par le déblocage de l'épargne salariale à hauteur de 20 000 euros annoncée par le président de la République. En 2014, nous prévoyons un rebond du pouvoir d'achat, facilité par la baisse de l'épargne de précaution elle-même liée à celle du chômage.

Tout l'enjeu pour le Gouvernement est que cette épargne abondante serve davantage l'économie réelle. C'est l'objectif poursuivi par la création de la BPI, la loi bancaire, l'allocation de 20 milliards d'euros aux collectivités locales pour des projets à long terme, par notre action en faveur du logement et de l'économie numérique. Lorsque nous aurons tiré les conclusions définitives du rapport Berger-Lefebvre, nous aurons sans doute devant votre commission un débat sur l'épargne et son utilisation. La volonté du président de la République est de faire en sorte que l'investissement tire la croissance française.

M. Yvon Collin . - Nous prenons acte de votre volonté de redresser le pays dans un contexte difficile. Pour avoir appartenu à la défunte délégation sénatoriale à la prospective, qui s'attachait auparavant à établir des prévisions économiques de moyen terme, expertise qui nous fait désormais défaut, je ne suis pas étonné par les prévisions du Haut Conseil des finances publiques. Nous savons bien en effet qu'un effort budgétaire d'1 point de PIB se traduit par une perte de croissance équivalente. Dans ces conditions, comment la courbe du chômage pourrait-elle s'inverser ?

Compte tenu d'un marché immobilier atone, le produit des droits de mutation évolue de façon inquiétante pour les collectivités territoriales. Enfin, avez-vous pris la mesure de l'enjeu de l'évasion fiscale internationale évaluée à au moins 30 milliards d'euros par la commission d'enquête sénatoriale présidée par Philippe Dominati et dont le rapporteur était Eric Bocquet ? Sur une question de cette importance, il me semble qu'il faut tenir compte des travaux de notre Haute assemblée.

M. Jean Arthuis . - J'adresse à mon tour à Bernard Cazeneuve tous mes voeux de réussite dans sa délicate mission. Je vous mets à l'aise ; tous les programmes de stabilité, toujours incantatoires, n'ont été que d'aimables histoires démenties par la réalité. Chômage, déficit commercial, déficit de compétitivité : il faut prendre la mesure de la gravité de la situation. On me dit que, fait sans précédent, le produit de la taxe d'apprentissage a baissé de 2 % en 2012. La situation est extrêmement grave, à la limite du décrochage.

Il n'est plus temps de s'invectiver comme des enfants dans une cour de récréation. Qu'on en finisse avec ces promesses de faire ce que l'autre n'a pas fait en dix ans : en prenant en compte les quinze dernières années, on mesurerait l'effet des 35 heures... Il nous faut transcender nos clivages pour sortir le pays de la difficulté. Nous ne le ferons pas avec des éléments de langage ou par une théâtralisation de la vie politique qui désespère nos concitoyens. Vous pouvez toujours annoncer que la BPI va faire ceci ou cela, la vraie question est de financer des entreprises de moins en moins rentables. Leurs marges baissent, elles n'en peuvent plus.

Je vous félicite d'avoir levé deux tabous : d'une part, depuis le CICE, il est possible de dire qu'il y a un problème de charges sociales ; d'autre part, vous avez déclaré que la hausse de la TVA n'était pas forcément une impasse. Malheureusement, vous n'êtes pas allés jusqu'au bout du chemin, vous avez même rétrogradé à propos de la TVA sur le logement. Attention, en Mayenne, des gîtes ruraux ne reçoivent plus seulement des touristes mais aussi des salariés d'entreprises polonaises mis à disposition du bâtiment et des travaux publics ou du secteur agro-alimentaire, dont les charges sont payées en Pologne. Une baisse de la TVA n'y changera rien, puisqu'il s'agit de prestations de service transnationales : le vrai sujet, c'est la baisse des cotisations sociales.

Le Haut Conseil des finances publiques est une grande innovation. Certains craignaient sa complaisance, il a jugé le Gouvernement trop optimiste, envisageant même une récession. Pourquoi ne reprenez-vous pas ses hypothèses ? Il ne suffit pas d'annoncer que vous allez baisser la dépense publique, il faut documenter les voies et moyens. Tant que vous ne vous attaquerez pas aux 35 heures dans la fonction publique, vous n'y arriverez pas. Enfin, êtes-vous prêts à soumettre le programme de stabilité au vote du Sénat ?

M. Aymeri de Montesquiou . - Monsieur Cazeneuve, nous nous retrouvons au moins sur deux points : on ne peut pas redresser l'économie sans redresser les finances et ce redressement ne procède pas de l'« Immaculée conception » - vous n'avez d'ailleurs pas découvert un saint Joseph.... Vous frôlez toutefois la caricature en prétendant avoir fait plus en onze mois qu'au cours des dix années précédentes ; vous oubliez la crise. Vous annoncez une baisse des dépenses publiques alors qu'une de vos premières actions a consisté à augmenter le nombre de fonctionnaires. Les impôts avaient augmenté au cours la période précédente, vous vous livrez à un matraquage fiscal récessif qui fait fuir les entrepreneurs et même les jeunes cadres. Invoquer la convergence européenne relève de l'incantation quand nous faisons exactement de contraire de la Suède ou de la Belgique, qui baissent leurs dépenses et leurs impôts. Le CICE nous est présenté comme la panacée mais le président de la chambre de commerce de mon département n'en a vu aucun quand le préfet de région évoque le chiffre de vingt, c'est dérisoire !

M. Roland du Luart . - J'adresse tous mes voeux de réussite à Bernard Cazeneuve car, pour accéder à ces fonctions en pareilles circonstances, il faut être courageux et aimer la politique.

Un climat de sérénité est essentiel. J'ai été choqué par les propos du rapporteur général en l'absence de notre président. Si je suis de ceux qui pensent que ce dernier aurait dû être là pour auditionner les ministres en cette période difficile, notre groupe demandera à procéder à une audition du ministre, dans les mêmes conditions qu'à l'Assemblée nationale, sur des questions qui ne doivent pas être mélangées avec les sujets du jour.

Pour le plus ancien membre de la commission que je suis, il faut rétablir la confiance. Arrêtons de rejeter sans cesse la faute sur l'autre. Je trouve regrettable que toutes les interventions ministérielles renvoient la faute sur l'ancien gouvernement. Vous avez nié la crise qui frappe le peuple de France, bien plus que la classe politique. Faute de trouver des solutions, nous assisterons à une levée de bouclier à l'italienne. Chaque année, les chiffres de croissance annoncés en loi de finances sont démentis par la réalité et encore plus avec la crise. Cessons de raconter des carambouilles aux Français, tout redressement passe par une forte baisse des dépenses. Or avec mes trente-six ans de maison, je ne sens pas une volonté de réduction des dépenses dans votre document.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Je salue la dialectique remarquable de Bernard Cazeneuve que j'avais déjà appréciée aux affaires européennes. Son propos a été plus politique que technique. Ma question sera, quant à elle, strictement technique : quel était le montant de la dette le 6 mai 2012 et quel est-il maintenant ? Je pense qu'il a augmenté. Dîtes-moi que je me trompe...

M. Jean-Pierre Caffet, président . - La dette est un paquebot qui court sur son erre.

M. Vincent Delahaye . - Je ne serais pas surpris que la Commission européenne ne soit pas convaincue par votre document. En quoi la situation est-elle, comme vous le dites, en voie d'amélioration ? Où est le réalisme de vos hypothèses quand le Haut Conseil les remet en cause ? Comme je l'avais proposé au précédent gouvernement, pourquoi ne pas faire preuve de prudence en retenant la moyenne des hypothèses de croissance moins 0,5 point ? De la sorte nous ne pourrions qu'avoir des bonnes surprises.

La stricte maîtrise de la dépense publique que vous annoncez se traduit par un freinage de son augmentation. Ce n'est pas suffisant ; il y a beaucoup à faire notamment en s'attaquant aux dépenses non productives. Vous évaluez les dépenses publiques jusqu'en 2017. Or, le rapporteur général, nous avait annoncé que, dès septembre 2012, les ministères viendraient nous présenter leurs propositions d'économies et de modernisation, je n'ai rien vu... Nous pourrions inscrire le redressement dans une période plus longue et donner à Bruxelles des hypothèses crédibles et non démenties après trois mois. Il ne faudra pas s'étonner si l'Union reprend les choses en main.

Croyez-vous vraiment à l'inversion de la courbe du chômage ? Je l'espère sans y croire... On parle d'austérité, le ministre refuse le fétichisme du chiffre. Nous non plus, nous ne sommes pas favorables aux coupes aveugles, mais nous vous proposerons des économies.

La baisse de la dépense de 1,5 milliard d'euros a-t-elle un lien avec l'effort du même montant demandé aux collectivités ? Ces dernières doivent faire le même effort que l'Etat, pas plus. Les 14 milliards d'euros d'effort sur les dépenses annoncés incluent-ils les dépenses fiscales, qui constituent des hausses d'impôts ? Enfin l'opération Dexia coûtera-t-elle bien 10 milliards d'euros et quand sera-t-elle prise en charge ?

M. Richard Yung . - J'entends bien vos appels à la sérénité, mais ils ne s'accompagnent que de critiques. Le CICE ne compte pas, l'ANI non plus. Nous avons déjà réalisé 10 milliards d'euros de baisse des dépenses pour financer le CICE et l'on prévoit 6 milliards d'euros l'an prochain, auxquels s'ajoutent 2 milliards supplémentaires. Ce n'est pas assez ? C'est fait et c'est équilibré ! Faut-il aller plus loin pour développer cet outil puissant qu'est le CICE, monsieur le ministre ?

Peut-on retrouver des marges de croissance par une politique coordonnée en matière de consommation des ménages et d'investissement avec l'Allemagne et d'autres de nos partenaires ? L'Allemagne mène une politique salariale active quand les Pays-Bas, pays calviniste et rigoureux s'il en est, décalent les 3 %.

M. Jean Arthuis . - Les Pays-Bas sont fiscalement laxistes.

M. Richard Yung . - Alors que l'union bancaire était engagée, Wolfgang Schäuble semble faire marche arrière en renvoyant notamment à une révision des traités. Qu'en est-il ?

M. Serge Dassault . - Bravo, monsieur le Ministre, pour avoir pris aussi rapidement en main de si lourds dossiers. Pourquoi n'avons-nous pas de croissance, pourquoi n'exportons-nous pas assez, pourquoi n'investissons-nous pas assez ? Parce que nous ne travaillons pas assez, parce que nos coûts sont trop élevés, que nous n'avons pas assez de robots et que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) fait fuir les investisseurs. Je vous propose un plan en plusieurs points : premièrement, le retour aux 39 heures sera bon pour notre compétitivité et rapportera 21 milliards d'euros à votre budget ; deuxièmement, supprimez l'ISF qui ne nous rapporte pas grand-chose et pousse des gens accablés d'impôts à porter ailleurs leurs capitaux ou leurs compétences ; troisièmement, une hausse 3 points de la TVA dégagerait 25 milliards d'euros de recettes supplémentaires. 50 milliards d'euros, cela vaut la peine d'y songer, surtout quand notre note risque d'être abaissée. Suivez les bons conseils de M. Migaud, baissez les impôts et les dépenses. Ce n'est pas une affaire de droite ou de gauche, c'est la France qui doit gagner.

M. Joël Bourdin . - Il est vrai que notre taux d'épargne est supérieur à 15 % quand celui des Etats-Unis est de l'ordre de 2 %. La question majeure est celle de son utilisation, car elle va plus vers le livret A que vers les entreprises. L'épargne est faite pour être en face de l'investissement. La hausse de la fiscalité sur les dividendes maintient de l'épargne dans l'entreprise... un an. Et après ? Avez-vous des projets pour orienter l'épargne vers l'investissement ? L'argent du livret A met des années pour parvenir au financement du logement. Ne pourrait-on défiscaliser une épargne qui s'investirait dans l'entreprise ?

Mme Marie-France Beaufils . - Qu'est-ce qui vous permet d'annoncer une évolution positive de la croissance en Europe ? J'en doute en observant la situation en Europe du Sud et l'absence d'harmonisation fiscale et sociale. De quelle façon les recettes fiscales du premier semestre sont-elles affectées par la diminution de la consommation des ménages liée au chômage ? Comment comptez-vous réduire les niches fiscales qui constituent de véritables dépenses publiques ? De même, quelles sont vos pistes en matière de lutte contre l'évasion fiscale, sujet sur lequel le Sénat a récemment travaillé ? Vous indiquez que tout le monde doit faire un effort, y compris les collectivités territoriales. N'oubliez pas qu'elles représentent 70 % de l'investissement public et que les entreprises de bâtiment et de travaux publics, ressentent déjà les conséquences de la baisse de la dépense publique locale.

M. Edmond Hervé . - Je suis très attaché aux grands équilibres tout en considérant qu'il ne faut pas se limiter à une approche strictement comptable. Aussi le plus important à mes yeux est-il le programme national de réforme.

Il y a quelques mois, le rapporteur général nous avait présenté une courbe dite « de l'iroquois », où les objectifs et les réalisations des gouvernements apparaissaient avec des couleurs différentes - de quoi inciter chacun d'entre nous à la modestie. Les décisions annoncées sont-elles conformes aux objectifs affichés ? Par exemple, puisque vous évoquez la segmentation du marché du travail, on ne peut que regretter l'organisation de la formation professionnelle. Nous en sommes coresponsables. Quand je vois la concurrence à laquelle se livrent les chambres de commerce, les chambres des métiers et autres organismes, je me dis que nous avons là un travail à mener.

Les réflexions sur les 35 heures me suffisent, j'espère que nous aurons un jour un débat contradictoire à leur sujet. M. Gallois nous l'a dit, là n'est pas le problème. Regardez les moyennes horaires, les heures supplémentaires et l'évolution de la productivité...

M. Jean Arthuis . - Je parlais de la sphère publique...

M. Edmond Hervé . - J'y reviendrai ! Notre principal problème tient à ce que les gens commencent à travailler trop tard et s'arrêtent trop tôt.

Merci, monsieur Arthuis d'avoir évoqué la fonction publique. J'attends avec impatience que l'on évoque la place des services publics dans la croissance. Quels sont nos principaux atouts ? La formation, les communications, l'énergie et certains coûts immobiliers. Sans cela, serions-nous l'un des pays les plus attractifs au monde ? J'attends aussi que l'on me dise en quoi le CICE n'est pas une bonne mesure. Cela ne dispense pas d'en faire sereinement le bilan ni, éventuellement, d'en revoir certains critères - on m'a dit qu'il serait particulièrement favorable aux entreprises d'intérim.

Nous sommes aussi divisés à propos de l'effet multiplicateur du budget. Les collectivités territoriales sont un élément essentiels de la reprise, mais il nous manque de la transversalité, c'est-à-dire la capacité à mobiliser les différents exécutifs, à faire, comme les préfets autrefois, que l'esprit entrepreneurial l'emporte sur la méfiance et l'abdication.

Monsieur Arthuis, dans votre exemple de travailleurs étrangers, les commissions d'appels d'offre ont-elles utilisé tous les outils dont elles disposent pour analyser la rémunération des salariés des entreprises candidates ? Cela fait partie de notre travail. Les experts restent des experts, ils ne diffuseront jamais l'enthousiasme et, au-delà de l'expertise, il y a la réalité, il y a l'autorité politique.

J'ai bien entendu les interrogations après l'intervention du rapporteur général. Cette commission dispose d'une présidence ici présente et qui communique. Je suis donc certain que les propos du rapporteur général lui seront transmis et qu'il en sera fait le meilleur usage.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Je n'y manquerai pas, de même que je retiens votre suggestion d'un débat sur les 35 heures, la durée horaire du travail et la comparaison entre la France et l'Allemagne.

M. Jean Germain . - Travaillons avec sérénité, la question principale n'est pas celle de la recherche des responsabilités, il y a des moments pour cela. Il importe plutôt de savoir comment nous allons nous en sortir. L'objet de cette réunion de commission n'est pas de donner des recettes mais d'échanger nos ressentis.

Qu'il s'agisse du rapport Gallois, du CICE, de la réforme des retraites ou de la ré-industrialisation, le programme national de réforme se comprend bien. La lassitude de l'opinion tient à ce qu'elle s'interroge en comparant la zone euro au reste du monde. La croissance mondiale sera de 3,3% en 2013. Elle s'établira à 1,9 % aux Etats-Unis en 2013 et à 3 % en 2014 ; à 0,7 % en 2013 et 1,5 % pour le Royaume-Uni quand elle est quasiment nulle en France, au Luxembourg ou en Belgique. Contrairement à ce que l'on entend parfois, beaucoup de pays européens font même moins : la Grèce (- 4,2 %), le Portugal (- 2,3 %), la Slovénie (- 2 %), l'Espagne (- 1,6 %), l'Italie (- 1,5 %) et même les Pays-Bas parfois cités en exemple (- 0,5 %). Certains font mieux, dont l'Allemagne : 0,6 %.

Vous avez été tous deux ministre des affaires européennes : c'est quand on passe à l'échelle européenne que tout se complique. Le système politique européen est ressenti comme trop lointain mais omniprésent. D'élections européennes en élections européennes, la participation baisse, l'extrémisme et le populisme augmentent. Lorsque l'on entend que l'union bancaire décidée en 2012 entrera en vigueur en 2014 sans s'appliquer aux banques de détail allemandes, que l'Allemagne veut séparer les fonctions monétaires et de surveillance de la BCE ou que le Royaume-Uni, quoique hors zone euro, veut plus de poids dans le système de régulation, on a du mal à comprendre.

Quand Pierre Moscsovi parle de solidarité européenne, les gens tendent l'oreille. De quoi s'agit-il concrètement ? L'Europe fonctionne, la solidarité européenne ne fonctionne pas, et certains commencent à dire que la France devrait adopter une position plus ferme sur ces questions, ce qui est plus facile à rapporter qu'à faire.

Vous demandez un effort de 1,5 milliard aux collectivités ; pourtant, aujourd'hui, qui veut construire un équipement public emprunte à 5 %.

M. Jean Arthuis . - C'est plutôt 3 %.

M. Jean Germain . - En moyenne nationale et tout compris. C'est tout de même paradoxal lorsque l'on connait le rôle des collectivités dans le soutien de l'activité.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Les prévisions de croissance du Gouvernement ne me semblent pas trop optimistes. Elles sont conformes à celles de la Commission européenne et dans l'épaisseur du trait de celles du FMI. De surcroît, en laissant jouer les stabilisateurs automatiques, nous suivons les recommandations de cette institution. Si Mme Lagarde nous donne un satisfecit , qui s'en plaindra dans cette commission ?

Le niveau élevé de l'épargne en France est l'un de ses atouts et doit constituer un instrument de politique économique. Comme les effets du CICE ou de l'ANI ne seront sensibles qu'à moyen terme, ne pourrions-nous gagner quelques dixièmes de point de croissance en affectant mieux l'épargne ?

M. Pierre Moscovici . - Tout ajustement budgétaire a, bien entendu, un effet dépressif ; en revanche, le multiplicateur dépend de la nature de la consolidation, de la répartition entre dépenses et recettes et du ciblage, auquel nous sommes particulièrement attentifs. Les modèles ne disent pas ce qui se serait passé si nous n'avions pas réduit les déficits : poser la question d'un relâchement de l'endettement, c'est y répondre.

L'euro n'explique pas notre faible croissance. En revanche, nous avons, comme nos voisins, connu des problèmes de financement alors que les disciplines mises en place étaient asymétriques. Aussi interrogeons-nous nos amis allemands sur le rythme de la consolidation budgétaire dans un cadre plus coopératif.

Oui, nous pourrons inverser la courbe du chômage fin 2013 malgré la faiblesse de la croissance, grâce au redémarrage progressif de l'activité, aux effets du CICE, à la reprise de la création totale d'emplois qui sera favorisée par les emplois d'avenir et l'augmentation de la durée des contrats aidés. La démographie devrait jouer en notre faveur, et nous mobilisons les outils de la politique économique. Comment canaliser davantage l'épargne vers l'investissement ? Là est l'esprit de la politique que je conduis. L'Etat, qui n'est plus en mesure d'investir comme auparavant, soutient les investissements des collectivités locales.

Le Haut Conseil des finances publiques n'évoque pas de mesures alternatives, il fait des réserves, évoque des aléas : c'est son rôle. L'instauration de cette dialectique qui évite la démagogie, ne prive pas l'exécutif de ses prérogatives. La position du Haut Conseil est nuancée, je connais les thèses des sénateurs Arthuis et Delahaye, qui font partie du débat économique auquel ont contribué Edmond Hervé et Jean Germain.

Nous serons bientôt en mesure de faire un bilan du CICE dont le financement est en place depuis fin février, et début avril seulement pour les très petites entreprises (TPE). Il faut à présent que le secteur bancaire vienne en appui. A nous de populariser cette mesure sûre et simple. Notre politique en matière de compétitivité et d'investissement repose sur des actes, pas sur des slogans.

Mme Des Esgaulx a reproché à M. Cazeneuve de tenir un discours politique : je prends volontiers ce reproche à mon compte. La dette a augmenté dans le précédent quinquennat. Il faut réduire le déficit : tant qu'il augmente, la dette augmente. En 2011, elle représentait 86 % du PIB, en 2012 ; 90 % et en 2013, 93,6 % ; en 2014 - décélération - ce sera 94,3 %, et en 2017, elle sera revenue à 88 %, grâce à nos efforts d'économie et au redémarrage de la croissance.

M. Yung m'a interrogé sur l'ampleur des efforts d'économie. L'inflexion aura lieu en 2014. Le CICE n'est pas encore pleinement appliqué. Un accord a été trouvé à Dublin sur la première phase de l'union bancaire, nous devrons être vigilants vis-à-vis de nos amis allemands sur la seconde.

M. Collin et Mme Beaufils m'ont interrogé sur la commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion fiscale : nous tenons bien sûr compte de ses travaux. L'esprit qu'elle a développé doit nous animer.

Notre cohérence politique ? Nous sommes un pays qui se désendette, un pays sérieux, qui réduit ses déficits, mais sans accepter l'austérité. La croissance est un vrai sujet, d'abord à l'échelle européenne, puis à l'échelle nationale dans l'environnement européen.

M. Jean Arthuis . - Je voudrais obtenir une réponse à ma seconde question. C'est un débat très important, qui engage les prochains budgets : il serait séant que le Sénat puisse manifester l'approbation à laquelle M. Cazeneuve nous appelle par un vote. Est-ce bien l'intention du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve . - Vous avez souhaité disposer d'éléments incontestables afin d'avoir un débat apaisé. Je partage cette volonté, et m'engage à vous en apporter au long des prochains mois.

M. Jean Arthuis . - Excellent !

M. Bernard Cazeneuve . - Quand on nous demande de régler en dix mois des problèmes qui se posent depuis dix ans, nous sommes contraints à expliquer que c'est difficile. Sortons de ces échanges stériles. On nous reproche souvent l'insuffisance des mesures d'économie, et on nous prête l'intention de lever de nouveaux impôts. Or les dépenses de l'Etat diminuent incontestablement : elles ont augmenté de 2,3 % en moyenne entre 2002 et 2007, puis de 1,7 % en moyenne entre 2007 et 2011. En 2012, grâce aux dispositions que nous avons prises à la suite du rapport de la Cour des comptes, la décrue a commencé. A 0,7 %, 0,2 point au-dessus de nos prévisions en raison de la dynamique de dépenses des collectivités territoriales, le rythme d'augmentation est quatre fois plus faible qu'il y a dix ans. En 2012, grâce aux corrections apportées en juillet, la dépense de l'Etat stricto sensu diminue de 300 millions d'euros. C'est la première fois depuis fort longtemps ! Nous visons une diminution de 1,5 milliard d'euros en 2014. L'effort demandé aux collectivités territoriales est de 3 milliards d'euros. Certains considèrent que c'est trop, je l'ai entendu. En 2014, la réduction des dépenses sera partagée à égalité entre les collectivités territoriales et les ministères.

Je souhaite que nous puissions vérifier régulièrement l'adéquation entre les objectifs et les résultats, et notamment nous assurer de la réduction des déficits. Sinon, à quoi bon réduire les dépenses ? Pour la première fois depuis longtemps, le déficit structurel s'est réduit en 2012, de 1,2 point de PIB. Nous prévoyons une baisse supplémentaire de 1,8 point en 2013, et de 1 point de PIB en 2014. On nous reproche de procéder à un ajustement structurel trop sévère au regard de la conjoncture, mais aussi de ne pas faire un effort suffisant. Etre soumis à des critiques aussi contraires et symétriques démontre assez que nous sommes positionnés au barycentre de ce qu'il convient de faire. Ce concept ne doit pas déplaire à M. Arthuis...

Pouvons-nous maintenir cette trajectoire sans obérer la croissance ? Nous y parviendrons en continuant la MAP, qui dégagera les économies les moins récessives. Quarante chantiers sont en cours : certains portent sur la politique de protection sociale, d'autres sur l'organisation de l'administration. Il ne s'agit pas simplement d'une question budgétaire car grâce à cette dynamique, dans le budget 2014, l'effort portera pour deux tiers sur les économies. Les 6 milliards d'euros d'effort fiscal restant correspondent à des mesures en grande partie déjà négociées : un milliard d'euros d'augmentation des cotisations résultant de la négociation sur les retraites complémentaires ; la consolidation de recettes prévues en 2013 et qui n'ont pas été perçues en raison de décisions du Conseil constitutionnel, ou parce qu'il s'agit de produits fiscaux qui n'ont pas donné le rendement attendu, comme la taxe sur les transactions financières (TTF) ; l'augmentation de 2 milliards d'euros du produit de la lutte contre la fraude fiscale et la remise en ordre des niches fiscales, qui devrait produire une recette d'un montant comparable. Dédramatisons cet effort fiscal : les efforts porteront essentiellement sur les dépenses, afin que les ajustements auxquels nous procéderons soient le moins récessif possible.

M. Jean-Pierre Caffet, président . - Merci, messieurs les Ministres.

M. Jean Arthuis . - Et le vote ?

III. EXAMEN DU RAPPORT (23 AVRIL 2013)

Au cours d'une réunion tenue le mardi 23 avril 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne conformément à l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

A l'issue d'un large débat, la commission a donné acte de sa communication au rapporteur général et a autorisé sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html

IV. LEXIQUE

Croissance potentielle

Croissance de long terme de l'économie, résultant de l'évolution de la population active, de l'investissement et de la productivité globale des facteurs.

Déficit excessif

Dans le cadre du pacte de stabilité, cette procédure désigne un déficit ne respectant pas son volet « correctif », c'est-à-dire supérieur à 3 points de PIB ou ne permettant pas de respecter la règle de dette.

Déficit public structurel

Déficit public partiellement corrigé des effets de la conjoncture (mais pas des fluctuations de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB).

Ecart de production

Ecart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (en anglais, output gap ).

Effort structurel

Evolution du déficit dépendant de l'action du Gouvernement (mesures nouvelles sur les recettes + diminution du ratio dépenses/PIB potentiel).

Elasticité des prélèvements obligatoires au PIB

Rapport entre la croissance spontanée des prélèvements obligatoires et la croissance du PIB en valeur.

Loi de programmation des finances publiques

Loi, de même niveau dans la hiérarchie des normes que les lois ordinaires, ayant pour fondement l'avant-dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution, et déterminant une programmation indicative des finances publiques. Il y en a eu trois : la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ; la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ; et la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

LPFP

Voir Loi de programmation des finances publiques .

Mesure nouvelle

Mesure législative ou réglementaire tendant à augmenter ou à réduire les recettes publiques. L'expression « mesure nouvelle » implique que l'impact de la disposition concernée est toujours exprimé pour une année donnée, et par rapport au droit de l'année précédente.

OMT (au sens du pacte de stabilité)

Objectif à moyen terme. Il s'agit de l'objectif de solde structurel que les Etats doivent inscrire dans leurs programmes de stabilité.

ONDAM

Objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Pacte de stabilité

Règles de politique budgétaire fixées par le droit communautaire (TFUE, protocole n°12 et droit dérivé). Le pacte de stabilité comprend deux volets :

- un volet « préventif », selon lequel les Etats doivent s'engager dans leurs programmes de stabilité à respecter une certaine trajectoire, et qui depuis novembre 2011 permet des sanctions en cas d'écart par rapport à la trajectoire de solde structurel ;

- un volet « correctif », interdisant aux Etats d'avoir un déficit public ou une dette publique de plus de respectivement 3 et 60 points de PIB.

PIB potentiel

PIB maximal sans tensions inflationnistes.

Programmation pluriannuelle des finances publiques

Programmation (succincte) des finances publiques prévue par l'article 50 de la LOLF, et annexée aux projets de lois de finances.

Programme de stabilité

Document (reposant sur l'article 121 du TFUE et le règlement CE n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997) que les Etats membres de la zone euro ont obligation de transmettre annuellement à la Commission européenne et qui constitue la programmation à moyen terme de leurs finances publiques. Depuis 2011 la transmission de ce document a lieu en avril (et non en décembre), dans le cadre du « semestre européen ».

Six-pack

Six textes de droit communautaire dérivé, adoptés en novembre 2011, dont quatre - trois règlements 74 ( * ) et une directive 75 ( * ) - concernent le pacte de stabilité, les deux autres (deux règlements 76 ( * ) ) concernant les « déséquilibres macroéconomiques excessifs ». Ces textes renforcent le pacte de stabilité, notamment par un mécanisme de sanctions à la « majorité qualifiée inversée ».

TSCG

Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 par 25 Etats de l'Union européenne. Il s'agit d'un traité intergouvernemental. Il ne fait pas partie du pacte de stabilité.

Two-pack

Deux propositions de règlement 77 ( * ) , actuellement en cours de discussion, présentées par la Commission européenne le 30 novembre 2011.


* 1 Cf . les débats sur le niveau du multiplicateur budgétaire.

* 2 Cf. les débats sur l'impact positif des politiques monétaires accommodantes et les craintes récentes sur les conséquences d'une nouvelle « guerre des monnaies » : « Les politiques monétaires accommodantes [dans les pays développés] pourraient alimenter des flux de capitaux volatils vers les économies émergentes », a déclaré Mme Lagarde en clôture de la récente assemblée annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale .

D'après elle, cette tendance est « clairement accentuée » par les taux d'intérêt élevés en vigueur dans les principaux pays émergents, synonymes de rendement élevés pour les investisseurs.

La conjugaison de ces facteurs « pourrait restreindre la capacité de ces économies à absorber ces potentiels vastes flux de capitaux et conduire à une surchauffe, à la formation de bulles financières et à la naissance de déséquilibres financiers ».

* 3 Le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît que des coupes budgétaires ou des augmentations d'impôts trop importantes pourraient instaurer un cercle vicieux de chute de l'économie et de hausse de l'endettement, qui pourrait priver les politiques d'un soutien pour continuer les réformes. Il préconise une poursuite des réformes structurelles, mais s'inquiète, comme d'ailleurs de nombreux partenaires économiques et commerciaux hors d'Europe, de la faiblesse de la croissance dans la zone euro.

* 4 http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/weo/2013/01/pdf/textf.pdf.

* 5 En un an, le taux des obligations d'Etat à 10 ans a été réduit de près de 130 points de base, tandis que le « spread » avec l'Allemagne a été rapporté de près de 140 points de base à moins de 60 points de base. Certes, l'évolution des taux français n'est pas singulière, l'ensemble des économies de l'Union européenne ayant bénéficié de l'effet favorable des annonces de la Banque centrale européenne ; par ailleurs, il convient de préciser que les obligations françaises ont bénéficié, dans les dernières semaines, d'un afflux de demandes venant du Japon du fait de la diminution des rendements des obligations japonaises résultant de la politique monétaire très accommodante mise en oeuvre par la banque centrale japonaise.

* 6 Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

* 7 Règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 8 Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro ; règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 9 Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres.

* 10 Les deux autres règlements (n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro et n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques) concernent non le pacte de stabilité, mais la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques.

* 11 Le PIB potentiel désigne le niveau maximal de production soutenable à long terme, eu égard aux facteurs de production disponibles, sans entraîner une accélération de l'inflation, soit sans créer de tensions excessives sur les marchés des biens et du travail.

* 12 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 13 La règle de « majorité qualifiée inversée » vise à conférer un caractère plus automatique aux sanctions prévues par le TSCG. Concrètement, elle signifie que les sanctions proposées par la Commission ne peuvent être contestées par le Conseil que si une majorité qualifiée se dégage contre cette proposition.

* 14 Cf . règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro.

* 15 Loi n° 2009-135du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

* 16 Le Gouvernement avait décidé de comptabiliser l'impact des mesures en « régime de croisière » . Ainsi, il inscrivait dans son « compteur » un ensemble de mesures censées permettre un gage des créations ou extensions de niches au bout de plusieurs années (ce qui était invérifiable).

* 17 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 18 « Fiscal Multipliers », IMF staff position note, SPN/09/11, 20 mai 2009 (traduction de la commission des finances).

* 19 Les dépenses correspondant à environ la moitié du PIB et le ratio recettes/PIB hors mesures nouvelles étant supposé stables.

* 20 Source : Olivier Blanchard et Daniel Leigh , « Growth forecast errors and fiscal multipliers », FMI, Working paper n° 2013/1, janvier 2013.

* 21 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 22 Règlement (CE) N° 1467/97 du Conseil, article 3.

* 23 « If our Spring forecasts (due in May) show the structural fiscal adjustment is beyond 1% a year over the period of 2010 to 2013 and if there are unexpected economic events that have major unfavorable consequences for public finances, then the growth and stability pact would allow the deadline to get the deficit clearly below 3% to be pushed to 2014 » (Dow Jones Business News, 22 février 2013 ; traduction de la commission des finances).

* 24 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 25 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-456-notice.html.

* 26 http://www.senat.fr/seances/s201104/s20110427/s20110427008.html#Niv1_SOM7.

* 27 http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr10-615.html.

* 28 http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-501-notice.html.

* 29 http://ec.europa.eu/europe2020/making-it-happen/country-specific-recommendations/index_fr.htm

* 30 Cf . décision du Conseil constitutionnel n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012.

* 31 2,9 points de PIB selon le Gouvernement.

* 32 Compte tenu d'un arrondi. Un multiplicateur budgétaire de 1 signifie qu'une réduction ex ante du déficit de 1 point de PIB réduit le PIB d'également 1 point. Les dépenses étant égales à environ la moitié du PIB, et le ratio recettes / PIB étant supposé stable hors mesures nouvelles, cette moindre croissance augmente le déficit de 0,5 point, de sorte que la réduction nette du déficit n'est que de 0,5 point.

* 33 Ce paradoxe s'explique probablement par le fait que les Etats qui n'ont pas atteint leur OMT doivent améliorer leur solde structurel d'au moins 0,5 point de PIB par an. Faire passer l'OMT de l'équilibre structurel à un excédent structurel de 0,5 point de PIB aurait donc impliqué des contraintes supplémentaires.

* 34 « Les 6 milliards d'euros d'effort fiscal restant correspondent à des mesures en grande partie déjà négociées : un milliard d'euros d'augmentation des cotisations résultant de la négociation sur les retraites complémentaires ; la consolidation de recettes prévues en 2013 et qui n'ont pas été perçues en raison de décisions du Conseil constitutionnel, ou parce qu'il s'agit de produits fiscaux qui n'ont pas donné le rendement attendu, comme la taxe sur les transactions financières (TTF) ; l'augmentation de 2 milliards d'euros du produit de la lutte contre la fraude fiscale et la remise en ordre des niches fiscales, qui devrait produire une recette d'un montant comparable. Dédramatisons cet effort fiscal : les efforts porteront essentiellement sur les dépenses, afin que les ajustements auxquels nous procéderons soient le moins récessif possible » (bulletin des commissions, 17 avril 2013).

* 35 « Fiscal Multipliers », IMF staff position note, SPN/09/11, 20 mai 2009 (traduction par la commission des finances).

* 36 Alberto Alesina et Roberto Perotti, « Fiscal adjustments in OECD countries: composition and macroeconomic effects », Working Paper 5730, août 1996.

* 37 Plus précisément, du solde primaire corrigé des fluctuations du taux de chômage.

* 38 C'est-à-dire se sont traduites, au bout de trois ans, par une réduction d'au moins 2 points du déficit primaire structurel et d'au moins 5 points du ratio dette publique / PIB.

* 39 Ils supposent qu'il proviendrait du fait qu'en cas de réduction du déficit par les recettes les ménages anticiperaient de nouvelles hausses de fiscalité, et que la réduction du nombre de fonctionnaires susciterait une diminution des salaires du secteur privé, améliorant la compétitivité.

* 40 En effet, il ne s'agit pas d'opposer des Etats faisant porter la totalité de l'effort sur les dépenses à des Etats faisant porter la totalité de l'effort sur les recettes.

* 41 Cf. en particulier Alberto Alesina et Silvia Ardagna, « Large Changes in Fiscal Policy: Taxes versus Spending » , in « Tax Policy and the Economy » , Vol. 24, National Bureau of Economic Research, octobre 2009.

* 42 Fonds monétaire international, « Cela sera-t-il douloureux ? Les effets macroéconomiques du rééquilibrage budgétaire » , in « Perspectives de l'économie mondiale » , octobre 2010.

* 43 Jaime Guajardo, Daniel Leigh, Andrea Pescatori, « Expansionary Austerity : New International Evidence » , document de travail du FMI, WP/11/158, juillet 2011.

* 44 Le FMI cite notamment l'exemple de l'Allemagne, dont le déficit primaire structurel a augmenté de 6,4 points de PIB en 1996, en raison de la reprise par l'Etat fédéral de dettes de la Treuhand (institution fiduciaire) et de l'Allemagne de l'Est, et celui du Japon, dont le déficit primaire structurel a augmenté de 4,9 points de PIB en 1999, en raison d'un transfert de capitaux à la société nationale de chemins de fer.

* 45 Pour mémoire, la lettre de cadrage envoyée par le Premier ministre en date du 8 mars 2013 précisait : « Nous devons identifier au total 5 Md€ d'économies nouvelles l'an prochain, ce qui implique une baisse des plafonds de crédits 2014 par mission par rapport aux niveaux que j'ai définis l'été dernier » .

* 46 Source : dossier de presse du présent projet de programme de stabilité.

* 47 Source : dossier de presse du présent projet de programme de stabilité.

* 48 Cf . le rapport n° 183 (2012-2013) sur le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d'investissement fait par votre rapporteur général au nom de la commission des finances (http://www.senat.fr/rap/l12-187/l12-1871.pdf).

* 49 Cf . le rapport au Premier ministre de Karine Berger et Dominique Lefebvre intitulé Dynamiser l'épargne financière des ménages pour financer l'investissement et la compétitivité , remis le 2 avril 2013 (http://www.economie.gouv.fr/rapport-berger-lefebvre-sur-l-epargne-financiere).

* 50 Cette estimation est réalisée à partir du revenu disponible brut (RDB) des ménages, évalué à 1 323,5 milliards d'euros en 2011.

* 51 Ecart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (en anglais, « output gap » ).

* 52 Le PIB potentiel désigne le niveau maximal de production soutenable à long terme, eu égard aux facteurs de production disponibles, sans entraîner une accélération de l'inflation, soit sans créer de tensions excessives sur les marchés des biens et du travail.

* 53 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 54 Augmentation chaque année d'un taux égal à la somme du taux de croissance du PIB potentiel et de l'évolution du déflateur du PIB.

* 55 En 2011, 100 moins l'écart de production indiqué pour cette année ; les années suivantes, augmentation d'un taux égal à la somme du taux de croissance du PIB potentiel et de l'évolution du déflateur du PIB.

* 56 F+H.

* 57 (PIB effectif / PIB potentiel-1)*100.

* 58 Source : LPFP 2012-2017.

* 59 Cf . présent projet de programme de stabilité, p. 43.

* 60 Cf . prévisions économiques de l'hiver 2013 (2009-2014). On suppose ensuite que la croissance est de 2 % par an, et la croissance potentielle au sens de la Commission européenne de 1,1 % par an.

* 61 Source : présent projet de programme de stabilité.

* 62 La Commission européenne distingue un « solde corrigé du cycle » et un « solde structurel », seul ce dernier étant corrigé des mesures exceptionnelles et temporaires.

* 63 Dans sa recommandation du 30 novembre 2009, en raison notamment du plan de relance, le Conseil a décalé à 2013 l'année où la France devait revenir sous le seuil des 3 points de PIB. Toutefois, elle devait toujours « assurer un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % du PIB sur la période 2010-2013 ».

* 64 Le règlement précité exige, dans le cas des Etats n'ayant pas atteint leur objectif à moyen terme, que « l'augmentation annuelle des dépenses ne dépasse pas un taux inférieur à un taux de référence pour la croissance potentielle du PIB à moyen terme », ce dernier taux correspondant à l'évaluation de la croissance potentielle par la Commission européenne, « sauf si ce dépassement est compensé par des mesures discrétionnaires en matière de recettes » . L'effort structurel se définissant comme la somme de la diminution du ratio dépenses / PIB potentiel et des mesures nouvelles sur les recettes, il s'agit bien d'une règle d'effort structurel.

* 65 Comme l'indique le règlement 1466/97, pour l'application de la règle d'effort structurel du volet préventif du pacte de stabilité, « les dépenses globales n'incluent pas les dépenses d'intérêt, les dépenses liées aux programmes de l'Union qui sont intégralement couvertes par des recettes provenant de fonds de l'Union et les modifications non discrétionnaires intervenant dans les dépenses liées aux indemnités de chômage » .

* 66 Cf . code de conduite sur le pacte de stabilité du 3 septembre 2012.

* 67 « Pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif, l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence » (nouvelle rédaction de l'article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs).

* 68 Le projet de programme de stabilité précise que « pendant cette période de transition, les Etats membres doivent respecter un ajustement structurel linéaire minimum. Pour le définir, la Commission définit une trajectoire d'ajustement linéaire du solde structurel qui, si elle était suivie, permettrait de respecter la référence à la fin de la période de transition. La trajectoire « minimale » consisterait à (i) ne pas chaque année s'écarter de plus de 0,25 % du PIB de cet ajustement structurel, et (ii) au total, ne pas être à plus de 0,75 % de la cible d'ajustement. Si l'un de ces critères n'est pas rempli, la Commission considère que les progrès sont « insuffisants » » .

* 69 « If our Spring forecasts (due in May) show the structural fiscal adjustment is beyond 1 % a year over the period of 2010 to 2013 and if there are unexpected economic events that have major unfavorable consequences for public finances, then the growth and stability pact would allow the deadline to get the deficit clearly below 3 % to be pushed to 2014 » (Dow Jones Business News, 22 février 2013 ; traduction par la commission des finances).

* 70 Règlement (CE) N° 1467/97 du Conseil, article 3.

* 71 Prévisions économiques de l'automne 2009.

* 72 « If our Spring forecasts (due in May) show the structural fiscal adjustment is beyond 1 % a year over the period of 2010 to 2013 and if there are unexpected economic events that have major unfavorable consequences for public finances, then the growth and stability pact would allow the deadline to get the deficit clearly below 3 % to be pushed to 2014 » (Dow Jones Business News, 22 février 2013 ; traduction par la commission des finances).

* 73 La recommandation du Conseil à la France a été adoptée le 12 juillet en 2011, et le 10 juillet en 2012.

* 74 Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro ; règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques ; règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs

* 75 Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

* 76 Les deux autres règlements (n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro et n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques) concernent non le pacte de stabilité, mais la procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques.

* 77 Proposition de règlement établissant des dispositions communes pour le suivi et l'évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (COM(2011) 821 final) ; proposition de règlement relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière au sein de la zone euro (COM(2011) 819 final).

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