II. UN BILAN MITIGÉ DE SYMPA

A. UN SUCCÈS : UNE CONTRIBUTION À L'AUGMENTATION DU TAUX DE « PRODUISANTS » ?

1. SYMPA n'incite pas à la performance dans le cas de l'enseignement, ce qui est probablement inévitable

Dans le cas de l'enseignement, SYMPA n'est pas incitatif.

La performance ne correspond on l'a vu qu'à 9,2 % des crédits consacrés à l'enseignement.

Or, les indicateurs pris en compte (« valeur ajoutée » en licence, nombre de diplômés en master...) ne peuvent être infléchis que de manière relativement marginale, et au terme d'un délai assez long, par une université.

On peut cependant s'interroger sur la possibilité de mettre en place un dispositif incitatif vraiment opérationnel dans le cas de l'enseignement. En effet, la « valeur ajoutée » en licence et le nombre de diplômés en master sont susceptibles d'être manipulés par certaines universités 34 ( * ) . Par ailleurs, la « valeur ajoutée » en licence est un indicateur en partie conventionnel, et donc contestable ( cf . supra ).

En fait, si les indicateurs utilisés pour l'enseignement ne posent actuellement pas de problème pratique, c'est probablement avant tout parce que les enjeux financiers pour les universités sont négligeables.

2. SYMPA incite à privilégier la recherche par rapport à l'enseignement
a) Selon le MESR, SYMPA a contribué à faire passer le taux de produisants de 58 % à 72 %

Le MESR estime que SYMPA « a contribué à augmenter le taux de « produisants » de 58 % en 2009 à 72 % en 2012 au niveau national » 35 ( * ) .

Bien que SYMPA ne soit vraisemblablement pas le seul facteur explicatif, il est probable qu'il ait joué un rôle. En effet, alors que seule une faible partie des crédits d'enseignement sont répartis en fonction de la performance, tel est le cas de la totalité des crédits de recherche. L'indicateur utilisé est alors le nombre d'enseignants chercheurs publiants dans le domaine (SE, SDV ou SHS), pondéré selon la cotation de l'unité de recherche par l'AERES.

Or, selon l'IGAENR, « l'impact d'une amélioration de valeur ajoutée de 500 étudiants en licence induit un droit à 2,8 emplois et environ 80 000 euros de fonctionnement supplémentaires.

« Comparativement, une amélioration de 2,5 % du taux de produisants induit un droit à plus de 20 emplois supplémentaires et un apport de 474 000 euros de fonctionnement.

« L'impact d'un changement de notation d'une unité est plus réduit : tout glissement d'une classe vers la classe supérieure se traduit par 0,08 emploi supplémentaire (le glissement d'une équipe de 20 personnes induit une contribution marginale de 1,6 emploi).

« Ces effets ne sont absolument pas proportionnels à la difficulté de réalisation des différents objectifs testés par la mission. En effet, l'hypothèse qui consiste à augmenter de 500 le nombre d'étudiants en situation de réussite est sans doute beaucoup plus difficile à atteindre que celui qui consiste à augmenter de 2,5 % le nombre de produisants. Et pourtant il produit nettement moins d'effets sur les dotations dans le cadre du modèle SYMPA ».

L'impact de l'amélioration de la performance, selon l'IGAENR
(simulations réalisées à partir de l'université Aix-Marseille II)

Licence

Nb étudiants licence (pondérés)

19 388

Valeur ajoutée constatée réussite licence

1 752

Hypothèse Amélioration réussite + 500 étudiants

500

Impact emplois

2,76

Impact fonctionnement

83 641

Produisants

Nb enseignants chercheurs

1017

Nb de produisants

697

Taux de produisants

68,50%

Hypothèse Amélioration du taux de produisants

2,50%

Nb de produisants supplémentaires

25

Impact en emplois chercheurs

12,87

Nb de produisants pondérés par domaines

1610

Nb de produisants pondérés supplémentaires

59

Impact en emplois Biatoss

6,21

Impact global en emplois

19,08

Impact en fonctionnement

474 471

Notations équipes

Nombre de produisants B SE

31

Nombre de produisants B SDV

32

Nombre de produisants B SHS

87

Surcotation de 10% B en A SE

3,1

Surcotation de 10% B en A SV

3,2

Surcotation de 10% B en A SHS

8,7

Surcotation de 10% B en A tous secteurs

15

Impact emplois

1,13

Source : Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, « Étude des mécanismes internes d'allocation des moyens en crédits et en emplois dans les universités », Rapport - n° 2012-041, avril 2012

b) Un « succès » en partie obtenu au détriment de l'enseignement ?

Il faut toutefois garder à l'esprit que cette augmentation du nombre de produisants étant réalisée au sein d'une enveloppe d'emplois fermée, il peut s'agir d'autant d'emplois en moins pour l'enseignement.

Aux termes du décret statutaire modifié du 6 juin 1984 36 ( * ) , le temps de travail de référence d'un enseignant-chercheur est constitué pour moitié par les services d'enseignement pour une durée annuelle de 128 heures de cours ou de 192 heures de travaux dirigés ou pratiques, et pour l'autre moitié par une activité de recherche. Au-delà du temps de travail de référence défini statutairement, les enseignants-chercheurs effectuent des heures dites « complémentaires » rémunérées dans des conditions fixées par décret.

Depuis sa modification par le décret du 23 avril 2009, le décret statutaire prévoit que le service d'enseignement d'un enseignant-chercheur peut être modulé pour comporter un nombre d'heures d'enseignement inférieur ou supérieur au nombre d'heures de référence, en fonction aussi bien des nécessités de service de l'établissement que des résultats de son évaluation individuelle. Un certain nombre d'enseignants-chercheurs ont exprimé la crainte, dans ces conditions, qu'une évaluation négative débouche sur une modulation de service d'enseignement à la hausse, ce que les organisations syndicales perçoivent comme une obligation d'enseigner plus à titre gratuit.

Sous la pression des classements internationaux qui privilégient très largement les investissements massifs de la recherche, en particulier dans le domaine des « sciences exactes », nombre d'universités ont fait le choix de redéployer des emplois de l'enseignement vers la recherche afin de renforcer les capacités de leurs structures de recherche et, par suite, de leur nombre de produisants, critère particulièrement valorisé dans l'évaluation et l'allocation des moyens récurrents. On constate, par exemple, un recours croissant aux emplois contractuels de « post-doc » employés comme techniciens « haut de gamme » de laboratoire.

Ainsi, selon l'IGAENR, certaines universités, comme Paris 7, ont comme politique explicite de réallouer des emplois de l'enseignement vers la recherche 37 ( * ) .

c) Un risque de cercle vicieux entre sous-dotation et faible taux de publication ?

Par ailleurs, il est vraisemblable que pour certaines universités, l'effet incitatif de SYMPA en matière de recherche est nul.

En effet, il n'est pas évident que toutes les universités connaissent le fonctionnement concret de SYMPA. Les documents les plus importants pour elles ne sont pas les « fiches SYMPA », d'une grande complexité ( cf . en annexe au présent rapport d'information l'exemple de Lyon 1), mais les notifications de crédits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, répartis entre masse salariale, crédits de fonctionnement et réserve de précaution. À titre d'illustration, le tableau ci-après, immédiatement compréhensible, est celui figurant dans la notification de crédits adressée en 2012 à l'université Paris 13 (Paris-Nord).

La notification de crédits de l'université Paris 13 en 2012

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Masse salariale

121 721 420 €

121 721 420 €

Crédits de fonctionnement

12 990 901 €

12 990 901 €

Dont réserve de précaution

706 053 €

706 053 €

Subvention prévisionnelle 2012

134 712 321 €

134 712 321 €

Remarque : il s'agit de la notification du 7 février 2012, qui a été réactualisée en cours d'année.

Source : document transmis par le MESR

Les crédits notifiés correspondent en effet aux crédits effectivement disponibles pour l'université. Ils sont généralement un peu supérieurs à ceux résultant de SYMPA, qui ne comprennent pas, par exemple, ceux attribués au titre du contrat pluriannuel d'établissement.

Par ailleurs, une université sur-dotée n'a aucune incitation à être plus performante, puisqu'elle sait que, quoi qu'elle fasse, ses crédits stagneront.

En outre, il convient de distinguer SYMPA en tant que « thermomètre » et SYMPA en tant qu'outil de répartition des moyens. Les principales inégalités concernent les emplois, pour lesquels aucun redéploiement n'a jamais été réalisé (si l'on excepte le précédent, symbolique, de 2009). Par ailleurs, même si la stagnation des crédits de toutes les universités en 2012 et en 2013 résulte du fonctionnement « normal » de SYMPA en période de stagnation de l'enveloppe globale (en raison de la règle de non diminution des dotations), cette absence de redéploiements est souvent interprétée comme une absence d'application de SYMPA dans le cas des crédits.

Si SYMPA n'était pas incitatif, en période d'augmentation globale des crédits, son volet « performances » aurait pour seul effet, dans le cas de la recherche, d'augmenter les moyens des universités déjà performantes.

On pourrait même imaginer un cercle vicieux entre sous-dotation et faible taux de publication.


* 34 Une manipulation par l'ensemble des universités est en revanche par construction impossible, la valeur ajoutée étant fonction des résultats nationaux.

* 35 Présentation de SYMPA remise par le MESR aux rapporteurs.

* 36 Décret n° 84-431 du 6 juin 1984, modifié par le décret n° 2009-460 du 23 avril 2009, fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

* 37 « Les calculs et les observations effectués par la mission démontrent aisément les effets très importants de l'augmentation du taux de produisants dans les établissements et les effets de cette décision sur les politiques mises en oeuvre. Il en est par exemple ainsi de l'université Paris 7 qui favorise explicitement le domaine recherche dans la gestion de ses emplois ».

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