C. ... QUI N'EST PAS RÉELLEMENT UTILISÉ POUR RÉDUIRE LES INÉGALITÉS

1. SYMPA n'a pas réellement été utilisé pour réduire les inégalités de crédits
a) La garantie de non baisse pour les universités sur-dotées vide SYMPA d'une grande partie de sa portée
(1) Un « excédent d'initialisation » de 100 à 200 millions d'euros, correspondant à une garantie de non baisse par rapport à 2008

Comme on l'a indiqué, les universités bénéficient d'un « excédent d'initialisation », c'est-à-dire d'une garantie de non baisse de leur dotation par rapport au socle de référence, c'est-à-dire à leur dotation de 2008.

La garantie de non baisse ne s'applique pas à la seule dotation à l'activité et à la performance (c'est-à-dire aux « 1,5 milliard d'euros »), mais à la dotation totale de 2008 (autrement dit aux « 2 milliards d'euros »), à périmètre constant.

Bénéficiant par construction aux seules universités sur-dotées, cet excédent coûte une centaine de millions d'euros par an. La division par deux de cet excédent depuis 2009 vient notamment du fait que l'enveloppe globale a augmenté depuis lors (ce qui a majoré la dotation théorique des universités sur-dotées).

L'excédent d'initialisation de SYMPA

(en millions d'euros)

Excédent d'initialisation

2009

198,7

2010

242,7

2011

176,2

2012

123,3

2013

102,8

Source : rapporteurs, d'après les fichiers du modèle SYMPA pour les années 2009 à 2013

(2) Une garantie de non baisse par rapport à l'année précédente

À cela s'ajoute une garantie de non baisse par rapport à l'année précédente (également sur le « périmètre à 2 milliards d'euros »).

Celle-ci n'est pas en tant que telle intégrée au système. Toutefois, en pratique, chaque année les universités se sont vu garantir l'absence de baisse de leur dotation par rapport à celle de l'année précédente. En 2011, a même été fixée une augmentation minimale de 1,5 %.

(3) En conséquence, un faible montant des crédits pouvant être attribués aux seules universités sous-dotées

Bien que SYMPA ne soit pas présenté de cette façon par le MESR, en pratique on peut décrire schématiquement son volet « crédits » de la manière suivante :

- à enveloppe globale constante, les universités (même sur-dotées) ne peuvent voir leur dotation diminuer par rapport à l'année précédente. Il existe donc de fait une enveloppe « hors redistribution », obéissant à la règle du « zéro valeur » (identique à celle applicable aux crédits de paiement hors pensions des missions du budget général) ;

- les universités sous-dotées voient en principe leur dotation augmenter plus rapidement, mais, schématiquement, ce différentiel correspond seulement à l'augmentation globale des moyens dévolus au financement des universités.

Les crédits de fonctionnement des universités : augmentation maximale des crédits des universités sous-dotées en crédits
(en supposant que les crédits des universités sur-dotées restent stables)

(en millions d'euros)

Enveloppe totale

Dotation de l'année précédente

Augmentation maximale des crédits des universités sous-dotées en crédits*

A

B

C

A-B

2009

1 846,5

1 729,7

116,8

2010

1 964,1

1 862,0

102,1

2011

2 001,3

1 965,3

36,0

2012

2 005,9

2 005,9

0,0

2013

1 990,8

1 990,8

0,0

* Si la dotation des universités sur-dotées ne diminue pas.

Source : rapporteurs, d'après les fichiers du modèle SYMPA pour les années 2009 à 2013

(4) Le plafonnement des augmentations

Il existe également un plafonnement des augmentations de la dotation.

Ainsi, en 2009, l'augmentation de la dotation SYMPA (au sens large) par rapport à la dotation de 2008 a été plafonnée à 25 %. Ce taux a été ramené à 12 % en 2010, 3 % en 2011 et 0 % en 2012 et en 2013.

Ce plafonnement peut être nécessaire pour permettre, dans le cas des universités sur-dotées, le respect de la règle de non baisse de la dotation d'une année sur l'autre.

L'encadrement des évolutions

(en millions d'euros)

Dotation N-1*

Encadrement

Dotation N plafonnée

Mise en réserve

Activité et performance après mise en réserve

2009

1 729,7

0 %-25 %

1 846,5

15,0

1 453,4

2010

1 862,0

0 %-12 %

1 964,1

21,5

1 392,0

2011

1 965,3

1,5 %-3 %

2 001,3

8,6

1 454,0

2012

2 005,9

0 %-0 %

2 005,9

0,0

1 502,5

2013

1 990,8

0 %-0 %

1 990,8

0,0

1 514,1

* La dotation utilisée pour le plafonnement ne correspond pas au socle de référence utilisé pour le calcul de l'excédent d'initialisation, indiqué dans le tableau de la page 31 du présent rapport d'information.

Source : rapporteurs, d'après les fichiers du modèle SYMPA pour les années 2009 à 2013

En 2009 seulement cinq universités 28 ( * ) ont été soumises au plafonnement de 25 %. On aurait donc a priori pu supposer que cela impliquait que toutes les autres avaient atteint leur cible dès 2009. Or, tel n'a pas été le cas. En effet, le fait que l'augmentation des crédits d'une université soit inférieure au plafond ne signifie pas qu'elle a atteint sa « cible », l'augmentation des crédits d'une université étant également contrainte par le montant global de l'enveloppe.

b) En 2009 et en 2010, le choix de « saupoudrer » la forte augmentation des crédits entre toutes les universités par la création d'enveloppes supplémentaires

Comme on l'a vu ci-avant, aux 1,5 milliard d'euros répartis par SYMPA stricto sensu s'ajoutent environ 500 millions d'euros d'enveloppes diverses, dont plus de 200 millions d'euros servent à financer des politiques particulières : l'équivalence entre travaux pratiques et travaux dirigés (45 millions d'euros en 2010) et le plan licence (93 millions d'euros en 2009 et 159 millions d'euros en 2010).

Ces 200 millions d'euros (environ) n'ont pas été concentrés sur les universités sous-dotées, mais « saupoudrés » sur l'ensemble des universités. En effet :

- l'enveloppe TP-TD est répartie au prorata du nombre d'étudiants en sciences, formations d'ingénieurs et DUT ;

- celle du plan licence en fonction du nombre d'étudiants, avec en première année un coefficient 3 pour les étudiants ayant obtenu leur baccalauréat en retard, et en seconde année une surpondération de 50 % si le projet « réussir en L » de l'université est coté A.

Par exemple, dans le cas de l'année 2009, l'augmentation totale des crédits aux universités dans le périmètre de SYMPA a été de 117 millions d'euros. Mais cette somme a été pour moitié « absorbée » par celle du seul « plan licence » (passé de 30 millions d'euros à 93 millions d'euros).

c) À partir de 2011, une stagnation globale des crédits empêchant la réduction des inégalités

À partir de 2011, l'enveloppe nationale des crédits distribués par SYMPA s'est mise à stagner. Aussi, la garantie de non baisse des dotations pour les universités sur-dotées a eu pour effet d'empêcher une augmentation de la dotation des universités sous-dotées.

En 2011, l'augmentation de la dotation a été plafonnée à 3 % ; les inégalités ont d'autant moins été réduites qu'a été appliqué un taux de progression minimale de 1,5 %. En 2012 et en 2013, les dotations ont été gelées dans le modèle 29 ( * ) .

Ainsi, selon le MESR, SYMPA « permet de calculer une dotation théorique cible (...) mais cette dotation ne correspond pas, pour la majorité des établissements, à la dotation réellement notifiée, qui présente soit un excédent par rapport à la cible, soit une sous-dotation » 30 ( * ) .

L'absence de redéploiements des crédits est souvent interprétée comme une absence d'application de SYMPA. Cela n'est le cas que si l'on considère que la règle de non diminution des dotations ne fait pas partie du fonctionnement « normal » de SYMPA. Toutefois, dans la mesure où cette règle a toujours existé depuis 2009, il semble plus exact d'affirmer que la stagnation des crédits de toutes les universités en 2012 et en 2013 résulte du fonctionnement « normal » de SYMPA en période de stagnation de l'enveloppe globale. Cela n'empêche pas de contester, le cas échéant, la pertinence de cette règle.

À titre d'illustration, le tableau ci-après, réalisé par les rapporteurs à partir des fiches transmises annuellement par le MESR aux universités, indique le cas de Lyon I (dont, pour donner un exemple concret, les « fiches SYMPA » figurent en annexe au présent rapport d'information).

La dotation calculée par SYMPA et la dotation attribuée : l'exemple de Lyon 1

(en euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Emplois

Nombre calculé par SYMPA

3 785

3 602

3 694

3 686

3 714

Nombre attribué

3 518

3 525

3 535

3 485

3 496

3 508

Emplois manquants

260

67

209

190

206

Crédits de fonctionnement

Dotation selon l'activité et la performance*

47 111 008

43 481 604

48 881 860

48 295 792

47 981 503

Compensation pour sous-dotation d'emplois**

5 198 601

1 675 000***

5 225 000

4 750 000

5 150 000

Plan licence

384 972

1 582 118

2 713 417

3 327 955

3 327 955

3 327 955

Compensation équivalence TP/TD

1 867 130

1 882 962

1 890 626

1 808 026

Dotation calculée par le modèle

53 891 727

49 737 151

59 317 777

58 264 373

58 267 484

Excédent d'initialisation

0

6 670 322***

0

0

0

Dotation totale calculée par SYMPA

53 891 727

56 407 473

59 317 777

58 264 373

58 267 484

Dotation de référence (celle de l'année précédente, à périmètre de l'année en cours)

46 942 315

54 158 652

55 854 774

57 162 421

55 917 365

Variation retenue

6 949 411

2 248 822

1 675 643****

0

0

Dotation attribuée (sur le périmètre de SYMPA)

-

53 891 727

56 407 473

57 530 417

57 162 421

55 917 365

Ecart

-

0

0

-1 787 360

-1 101 952

-2 350 119

TD : travaux dirigés. TP : travaux pratiques.

* SYMPA stricto sensu (« périmètre à 1,5 milliard d'euros »).

** 20 000 euros par emploi manquant en 2009, 25 000 euros ensuite.

*** En 2010, la compensation pour sous-dotation d'emplois a fortement diminué, en raison d'une diminution (en partie temporaire) du nombre d'emplois calculé par SYMPA, le nombre d'emplois manquant étant passé de 260 à 67 (avant de remonter à 209). Cela a suscité un excédent d'initialisation temporaire, afin d'éviter une baisse de la dotation attribuée. Ce phénomène ne s'est pas constaté au niveau de l'ensemble des universités, le nombre d'emplois répartis étant demeuré à peu près stable (119 226 en 2009 et 119 174 en 2010).

**** Plafonnement à 3 % de la dotation de référence.

Source : rapporteurs, d'après les fiches adressées annuellement à l'université de Lyon 1 (reproduites en annexe au présent rapport d'information)

Dans leur rapport précité d'avril 2012, l'IGF et l'IGAENR critiquent l'absence de redéploiements de crédits.

La critique par l'IGF et l'IGAENR de l'absence de redéploiements de crédits

« Si le modèle continue de présenter certaines limites intrinsèques soulevées par les travaux de l'IGAENR, le principal frein au déploiement du modèle tient dans l'utilisation qui en a été faite par le MESR. Faute d'une utilisation satisfaisante du modèle par le MESR, les projections de celui-ci sont demeurées en grande partie théoriques, SYMPA n'ayant pas été véritablement utilisé pour mener une politique de redéploiement des moyens entre établissements sur et sous-encadrés et entre établissement sur et sous-dotés. Par ailleurs, le MESR s'est progressivement affranchi du modèle à compter de l'année 2011 :

- pour l'année 2011, le MESR a fait le choix de répartir l'augmentation des crédits de manière uniforme, avec des taux de progression des crédits de 1,5 % et de 3 % en fonction des universités, ce qui remet en cause les principes mêmes du modèle SYMPA, à savoir une répartition des moyens en fonction de l'activité des universités et de leur performance ;

- en 2012, deux critères complémentaires ont été retenus pour moduler une enveloppe supplémentaire de 8 millions d'euros de subventions pour charges de service public notifiées aux universités, à savoir une augmentation de la compensation de l'exonération des droits d'inscription accordée aux étudiants boursiers, ainsi que la prise en compte de la sous-dotation en emplois et crédits pour 20 universités 31 ( * ) . »

Source : Florence Lustman, Pascal Aimé, Philippe Bezagu, Bernard Dizambourg, Victoire Paulhac, Justine Coutard, « Cadrage macroéconomique des moyens humains et financiers alloués aux universités depuis 2007 », rapport de l'inspection générale des finances (2012-M-023-02) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (2012-044), avril 2012

d) Une partie des dotations de fonctionnement des universités est attribuée indépendamment de SYMPA

Enfin, non seulement SYMPA ne « couvre » pas la quasi-totalité des crédits de masse salariale des universités (de l'ordre de 8 milliards d'euros, dont seulement 1 milliard pour les crédits de SYMPA notifiés en tant que masse salariale), mais en plus la part de ses dotations attribuées en tant que crédits de fonctionnement ne correspond pas à la totalité des crédits de fonctionnement des universités.

À titre d'illustration, le tableau ci-après indique le cas de l'université Paris 13 (Paris-Nord) en 2012. Sur 13 millions d'euros de crédits de fonctionnement, 1 million ne relevaient pas du périmètre de SYMPA, mais étaient attribués dans le cadre de la négociation contractuelle.

La notification de crédits de l'université Paris 13 en 2012

(en euros)

SYMPA

Autres crédits attribués

Total des crédits attribués

Crédits calculés

Crédits attribués sur le périmètre de SYMPA

Masse salariale

16 827 532*

104 893 888

121 721 420

Fonctionnement

11 943 901

1 047 000

12 990 901

Total

33 407 091

28 771 433

105 940 888

134 712 321

* Dont 1 598 291 € de contrats doctoraux non fléchés.

Remarque : il s'agit de la notification du 7 février 2012, qui a été réactualisée en cours d'année.

Source : rapporteurs, d'après la fiche SYMPA de Paris 13 et sa notification de crédits


* 28 Lille 2, Bordeaux 2, Angers, Montpellier 1, Paris 7.

* 29 Le MESR indique qu'en 2012, des hausses modulées ont été attribuées en utilisant les résultats du modèle. En 2013, une mesure d'économie de 47,4 millions d'euros a été appliquée.

* 30 MESR, « Répartition des crédits aux universités », note d'information aux membres du Conseil national de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 17 décembre 2012.

* 31 Le MESR a indiqué aux rapporteurs qu'en 2012, l'enveloppe supplémentaire a plus précisément été de 15,47 millions d'euros, dont 8 millions de hausses modulées et 7,47 millions de compensation pour étudiants boursiers.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page