B. UN OUTIL FISCAL DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT, MOTEUR ESSENTIEL DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES OUTRE-MER

Si de nombreux rapports, de la Cour des comptes ou de l'Inspection générale des finances notamment, ont mis l'accent sur le coût budgétaire des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, tout en relevant certaines dérives, aucun rapport officiel ne s'est intéressé à l'impact réel de ces dispositifs sur l'économie des outre-mer.

Tout au long de ses travaux, le groupe de travail a donc souhaité entendre les acteurs économiques des outre-mer afin d'appréhender les effets de ces dispositifs : au terme de ses travaux marqués par de nombreuses auditions, un déplacement à La Réunion et une visioconférence avec le gouvernement et les socioprofessionnels de la Nouvelle-Calédonie, il apparaît que l'aide fiscale à l'investissement outre-mer est un instrument permettant de répondre aux besoins vitaux des outre-mer ainsi qu'un outil de dynamisation de leur développement économique.

1. Un instrument permettant de répondre aux besoins vitaux des outre-mer
a) Un poids décisif dans la réalisation des grands équipements structurants et le maintien d'une continuité territoriale effective

Comme l'indique l'Association des chambres de commerce et d'industrie des outre-mer (ACCIOM), l'aide fiscale à l'investissement outre-mer a permis de financer « des infrastructures publiques essentielles à l'aménagement du territoire (câble sous-marin de télécommunication, adduction d'eau, assainissement, flottes d'avions pour la desserte locale ou internationale, navires de transport de fret ou de passagers, bus de transport public...) » 23 ( * ) .

L'aide fiscale est ainsi indispensable à la réalisation de certains projets qui ont été portés à la connaissance du groupe de travail. Il en est ainsi de la modernisation du port de Mayotte , portée par la CCI du département. Ce projet vise, comme l'indique le président de la CCI, « a minima [à] lui permettre de faire face à sa croissance naturelle et à l'augmentation du trafic pour le développement de l'île et, d'après nos prévisions et nos souhaits, [à] devenir par ailleurs un « hub régional », place portuaire stratégique dans le canal du Mozambique » 24 ( * ) . Il pourrait permettre la création de plus de 1 500 emplois et serait déterminant pour la création d'activités et de richesses.

Au vu de la situation exsangue des collectivités territoriales mahoraise, l'aide fiscale à l'investissement outre-mer devrait permettre, si les agréments sont accordés, de financer ce projet. Sans l'apport de cette aide fiscale, la modernisation du port de Mayotte ne pourra être réalisée.

Au-delà de cet exemple, vos rapporteurs relèvent, au terme des travaux du groupe de travail, que l'aide fiscale à l'investissement outre-mer joue un rôle essentiel dans le secteur aérien, permettant ainsi d'assurer une continuité territoriale effective .

L'exemple le plus éloquent est celui de la compagnie Air Tahiti , dont le groupe de travail a entendu le président-directeur général, M. Christian Vernaudon.

Cette compagnie, qui compte une flotte de 10 avions ATR et environ un millier d'agents, constitue un outil essentiel de l'équilibre territorial de la Polynésie française .

Il s'agit en effet de la seule compagnie assurant des vols aériens domestiques en Polynésie. Elle dessert 45 îles en dehors de Tahiti, avec un réseau unique, caractérisé par la taille réduite des populations desservies : 14 de ces îles comptent ainsi moins de 300 habitants, 18 entre 300 et 1 000 habitants, 10 entre 1 000 et 3 000 habitants. Les distances parcourues sont hors norme puisqu'elles correspondent à la superficie du continent européen : la ligne la plus longue, qui relie Tahiti aux Tuamotu de l'Est, couvre une distance équivalente à celle séparant Paris de la Mer noire.

La desserte de certaines de ces îles , à l'exemple de dix-sept des Tuamotu, est structurellement déficitaire : ce déficit est assumé par la seule compagnie, sans participation du territoire.

Dans ce contexte, l'aide fiscale à l'investissement outre-mer joue un rôle majeur. Elle a permis à la compagnie de développer sa flotte, passée de 4 ATR en 1988 à 10 ATR aujourd'hui. L'ensemble de ces appareils ont en effet été financés grâce à l'apport de l'aide fiscale. Celle-ci « permet à la fois d'apporter une solution à la constitution de tours de table pour le financement d'équipements productifs lourds (en l'occurrence des avions français) mais aussi (...) une réduction des coûts de production et donc des prix de vente de 5 à 6 % dans le cas du transport aérien domestique » 25 ( * ) .

L'aide fiscale devrait également soutenir le développement de la compagnie au cours de la prochaine décennie . Air Tahiti s'est en effet fixé plusieurs objectifs, dont celui de « pérenniser la desserte régulière de toutes les îles de la Polynésie française accessibles aux ATR et (...) permettre ainsi de sauver une condition capitale de la survie économique et sociale des collectivités ainsi desservies » 26 ( * ) .

À cette fin, la compagnie doit procéder au renouvellement de sa flotte, pour des raisons économiques, les coûts de maintenance croissant avec l'âge de la flotte, mais aussi de sécurité, car la compagnie exerce dans un environnement très difficile (longueur et état des pistes notamment).

Sans l'aide fiscale, le renouvellement de la flotte serait particulièrement difficile puisque « des financements classiques conduiraient à augmenter le poste coût flotte de 60 à 70 % et le niveau de nos prix de revient globaux de + 5 à + 6 % par an. Ceci remettrait en cause le modèle économique actuel et les objectifs en matière de pérennisation des dessertes, de politique tarifaire et de politique de l'emploi » 27 ( * ) .

L'aide fiscale à l'investissement est tout aussi incontournable pour la compagnie réunionnaise Air Austral , dont le groupe de travail a rencontré les dirigeants lors de son déplacement à La Réunion.

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer a permis à la compagnie, dont le personnel est basé à La Réunion, de réaliser de nombreux investissements et d'agrandir sa flotte. Depuis 1990, 8 appareils ont ainsi été pris en location par la compagnie puis acquis, dont un ATR 72-500 en 2008, un autre appareil de ce type en 2009 et deux Boeing 737-800 en 2010.

Grâce à ces investissements, les effectifs de la compagnie ont fortement progressé , passant de 126 personnes en 1995 à 526 en 2005 puis 837 en 2009. Par ailleurs, l'activité d'Air Austral a également fortement cru pour atteindre plus de 500 000 passagers transportés sur le réseau régional et un peu moins de 500 000 sur le réseau long courrier de la compagnie.

LA PROGRESSION DE L'ACTIVITÉ D'AIR AUSTRAL

1991

1998

2003

2008

2013

Trafic régional

26 000

340 000

396 000

487 000

527 000

Part de marché du trafic régional

8 %

56 %

59 %

68 %

64 %

Trafic long courrier

-

-

133 000

324 000

474 000

Source : Air Austral

Comme l'indique la compagnie, « la croissance observée sur la desserte régionale (notamment celle de et vers Mayotte), tant en termes de volumes de trafic que de parts de marché a été rendue possible par l'agrandissement de la flotte avion financée par la défiscalisation » 28 ( * ) .

Au-delà des exemples d'Air Tahiti et Air Austral, vos rapporteurs relèvent que, d'après les informations transmises par le Président du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon , parmi les six sociétés de l'archipel ayant bénéficié des dispositifs d'aide à l'investissement outre-mer sur la période 2004-2012, on compte une société de transport maritime, pour un investissement de 6,6 millions d'euros réalisé en 2004, et une société de transport aérien, pour un investissement de 11,6 millions d'euros réalisé en 2008 29 ( * ) .

Si l'aide fiscale à l'investissement joue donc un rôle majeur en soutien à la continuité territoriale, elle contribue également à la réduction de la fracture numérique .

L'aide fiscale à l'investissement a contribué au financement du câble Honotua en Polynésie française en mars 2010, permettant ainsi à la collectivité de disposer d'une liaison internationale par fibre optique assurant la transmission d'une grande quantité d'information sur de très longues distances et à haut débit.

Ce câble comprend un réseau domestique reliant Bora Bora à Raiatea, Huahine, Moorea et enfin Tahiti et une liaison internationale connectant Tahiti à Hawaï. D'après les données communiquées par la Délégation générale à l'outre-mer (DéGéOM), ce projet a permis la création de plus de 900 emplois. Il a en effet ouvert la voie au développement de l'économie numérique dans la collectivité.

De la même façon, l'aide fiscale a permis le financement, à Mayotte, du projet de câble sous-marin « LION 2 » en fibre optique permettant de relier Madagascar au Kenya.

Vos rapporteurs soulignent que les câbles numériques sont indispensables au développement du secteur des technologies de l'information et de la communication dans les outre-mer . Lors de son déplacement à La Réunion, le groupe de travail a ainsi pu rencontrer l'Association réunionnaise des technologies de l'information et de la communication (ARTIC) qui a souligné qu'un tissu dynamique de TPE et de PME s'était structuré dans ce secteur, bénéficiant des câbles numériques, même si les câbles actuels sont jugés insuffisants. Sans l'aide fiscale à l'investissement, ce secteur n'aurait pu se développer et certains opérateurs, tel l'opérateur local Mobius - dont le groupe de travail a pu rencontrer les dirigeants lors de son déplacement - n'auraient pu s'installer. En l'espèce, l'aide fiscale a joué un rôle d'activateur de concurrence sur un marché qui reste néanmoins dominé par les opérateurs historiques.

b) Un effet booster sur le secteur du logement social pour répondre à un besoin crucial

Les outre-mer souffrent d'un déficit chronique et massif de logements sociaux .

Selon les estimations de l'Union sociale pour l'habitat (USH), ces territoires sont ainsi marqués par un déficit de 100 000 logements aidés , avec un besoin en rythme annuel pendant dix ans estimé à 12 000 logements sociaux dans les départements d'outre-mer (DOM) et de 2 500 pour les collectivités d'outre-mer (COM).

LES BESOINS DES OUTRE-MER EN LOGEMENTS SOCIAUX

Estimations des besoins 30 ( * )

Parc locatif social (2011/2012)

Guadeloupe

4 400 logements par an (jusque 2020)

30 500

Martinique

2 400 logements par an

29 000

Guyane

3 600 logements par an (jusque 2022)

12 000

La Réunion

5 000 logements par an

60 000

Mayotte

600 logements par an
(jusque 2020)

1 600

Nouvelle-Calédonie

1 700 logements par an (jusque 2022) dont 1 000 logements sociaux

12 000

Polynésie française

-

2 500

Source : Union sociale pour l'habitat

Les crédits dégagés par le dispositif de la défiscalisation en faveur du logement social , introduit par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), ont permis une très nette accélération du rythme de construction des logements sociaux .

Dans un rapport publié en octobre 2012, notre collègue Georges Patient et l'un de vos rapporteurs soulignaient ainsi que le nombre de logements sociaux financés en 2011 a augmenté de 70 % par rapport à la moyenne des années 2006-2009 , avec, parallèlement, une forte augmentation du nombre de logements très sociaux financés. Cette progression est clairement imputable à l'aide fiscale car, comme l'indique ce rapport, « on constate que 90 % des logements sociaux financés ont eu recours, au moins partiellement, à l'aide fiscale, et un tiers à la défiscalisation seule » 31 ( * ) .

Ce jugement est partagé aujourd'hui par l'USH qui souligne le « doublement de la programmation locative sociale et très sociaux entre 2009 et 2012 », relevant que « le secteur du logement locatif social aura connu ces quatre dernières années une nette amélioration de sa programmation grâce au cumul LBU [Ligne budgétaire unique] et défiscalisation » 32 ( * ) .

Les chiffres sont en effet impressionnants :

- sur l'ensemble des DOM , la mobilisation de la défiscalisation par les organismes de logement sociaux a permis de faire passer la programmation de logements locatifs neufs de 4 209 logements sociaux financés en 2007 à 7 643 logements en 2012 , comme l'illustre le graphique ci-après. La part des logements très sociaux (LLTS) a triplé sur la même période , passant de 858 logements financés en 2007 à 2 771 logements financés en 2012 ;

- à La Réunion , cas particulièrement révélateur, on est passé de 1 700 logements sociaux financés en 2008 à 4 500 logements en 2012, soit 2,7 fois le niveau de 2008 . La part de LLTS est passée du tiers à 54 % de la programmation. D'après les données transmises au groupe de travail par l'Association régionale des maîtres d'ouvrage sociaux (ARMOS), 100 % des programmes locatifs sociaux ont aujourd'hui recours à la défiscalisation ;

- en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française , l'apport du dispositif de défiscalisation est d'autant plus essentiel pour le financement des programmes de logements sociaux que ces collectivités ne bénéficient pas de la LBU . 1 500 logements sociaux bénéficient chaque année de ce dispositif, qui permet par ailleurs des loyers abordables pour les ménages modestes.

LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX : FINANCÉS - MIS EN CHANTIER - LIVRÉS
TOTAL DOM + MAYOTTE 2006-2012

Source : Ministère des Outre-mer

Le dispositif d'aide fiscale à l'investissement issu de la LODEOM permet donc de satisfaire davantage les besoins de la population en matière de logement social. Vos rapporteurs souhaitent cependant souligner qu'il a également un impact économique essentiel, puisque le secteur du bâtiment et des travaux publics constitue un des secteurs économiques incontournables dans les outre-mer .

Comme le souligne la Fédération des entreprises publiques locales (EPL), chaque logement construit ou réhabilité permet la création ou le maintien d'1,5 emploi 33 ( * ) . Le logement social représente aujourd'hui un montant de travaux considérable dans l'ensemble des outre-mer et, selon les estimations de l'USH, près de 18 000 emplois directs et indirects seraient liés à l'activité du logement social .

L'ensemble des acteurs du secteur du BTP ont souligné que le dispositif issu de la LODEOM avait permis de compenser en partie la suppression de l'aide fiscale à l'investissement dans les secteurs libre et intermédiaire. Cette suppression a en effet conduit à un déclin du secteur : à La Réunion par exemple, il ne représente plus que 18 000 emplois contre 27 000 en 2008.

c) Une condition de survie du tissu économique vivrier et, partant, d'équilibrage territorial

Comme l'a souligné M. Jean-Paul Philibert, président de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) lors de son audition par le groupe de travail, la plupart des investissements bénéficiant de l'aide fiscale portent sur des sommes limitées. Il a estimé qu'on comptait 16 000 dossiers d'aide fiscale à l'investissement de plein droit, concernant essentiellement des TPE et des PME.

L'ensemble des interlocuteurs rencontrés par le groupe de travail au cours de ses travaux ont confirmé ce jugement : l'aide fiscale à l'investissement outre-mer profite avant tout aux petites entreprises.

L'ACCIOM estime qu'en Guadeloupe, près de 1 600 TPE-PME bénéficieraient de l'aide fiscale.

Face à ce constat, vos rapporteurs soulignent que l'aide fiscale à l'investissement est indispensable à la survie du tissu économique ultramarin caractérisé par la prédominance des TPE et des PME .

À ce titre, deux secteurs semblent profiter tout particulièrement de l'aide fiscale : le BTP et l'agriculture .

Pour ce qui concerne le BTP , l'aide fiscale à l'outre-mer a, comme pour l'ensemble des entreprises artisanales, soutenu la modernisation des outils de production . Comme l'indique l'ACCIOM, elle a permis « à une pépinière de TPE de voir le jour et de créer de la valeur ajoutée et de l'emploi aux côtés des majors du BTP ».

L'apport de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer est tout aussi essentiel dans le secteur de l' agriculture . Les agriculteurs ultramarins bénéficient de ce dispositif pour leurs investissements productifs, notamment dans les secteurs de culture de bananes ou de canne, mais aussi dans les autres filières.

Le président de la Chambre d'agriculture de La Réunion - département dans lequel l'agriculture, avec l'industrie agroalimentaire, représente 20 000 emplois indirects et plus de 20 000 emplois directs - relève ainsi que cette aide « permet (...) de compenser les coûts élevés des biens agricoles à La Réunion, de permettre de meilleures conditions de travail pour les exploitants et leurs salariés et de bien-être pour les animaux, de spécialiser une main d'oeuvre agricole de mieux en mieux formée, de professionnaliser les exploitations agricoles, d'améliorer le revenu des agriculteurs (...) et donc de contribuer au développement économique durable de l'île » 34 ( * ) . Il souligne plus particulièrement l'apport essentiel de l'aide fiscale pour la production légumière, fortement pourvoyeuse de main d'oeuvre. Cette production nécessite en effet des investissements dans la construction des serres afin de limiter les risques liés aux aléas climatiques.

Lors du déplacement du groupe de travail à La Réunion, le président du Syndicat du sucre a confirmé l'impact positif de l'aide fiscale à l'investissement sur la filière : elle permet notamment de limiter à 1,5 le différentiel de coût de production entre les unités de production réunionnaises et leurs homologues de l'hexagone, alors qu'il atteindrait 2,5 sans l'aide fiscale.

Au-delà des secteurs économiques bénéficiaires, vos rapporteurs soulignent que l'aide fiscale à l'investissement outre-mer contribue au rééquilibrage des territoires .

L'impact de l'aide fiscale en la matière a été soulignée lors de la visioconférence avec les socioprofessionnels de la Nouvelle-Calédonie. Comme le soulignait l'un de vos rapporteurs en 2011, la province Sud de cette collectivité regroupe près de 75 % de la population, 80 % des emplois et plus de 80 % de son produit intérieur brut 35 ( * ) .

Dans ces conditions, les acteurs économiques néo-calédoniens estiment que l'aide fiscale à l'investissement permet un rééquilibrage territorial vers le Nord de la grande terre et les îles Loyauté.

2. Un instrument de dynamisation du développement économique des outre-mer
a) Un vecteur essentiel de structuration des filières naissantes au service du développement endogène

Les travaux du groupe de travail lui ont également permis de constater le rôle essentiel de l'aide fiscale à l'investissement dans la structuration des filières .

Il en est ainsi dans le domaine agroalimentaire . Ainsi, en Polynésie française, l'aide fiscale a contribué à financer une usine de traitement de fruits, les « jus de fruits de Moorea », qui a assuré le développement de nouvelles filières fruits locales (pamplemousse, papaye, corossol...) et créé de nombreux emplois indirects chez les planteurs.

L'exemple le plus abouti de structuration des filières agricoles est celui de la filière animale de La Réunion . Déjà en 2009, la mission d'information sur la situation des départements d'outre-mer relevait que « la filière animale à La Réunion fournit l'exemple d'une structuration réussie » 36 ( * ) . Dans ce domaine, La Réunion constitue un modèle pour les outre-mer avec une réelle progression vers l'autosuffisance alimentaire.

Comme l'ont montré les rencontres effectuées par le groupe de travail à La Réunion, l'aide fiscale à l'investissement a contribué au financement de cette filière. Elle a ainsi permis de compenser certains surcoûts, comme le coût du foncier ou les coûts liés à la différence d'échelle. Les interlocuteurs du groupe de travail ont en effet souligné que les outils de transformation sont dix fois plus petits à La Réunion que dans l'hexagone.

L'aide fiscale est aujourd'hui mobilisée pour financer des équipements indispensables à la poursuite de la structuration de la filière. Il en est ainsi d'un projet d'abattoir, destiné à remplacer deux abattoirs obsolètes. De même, l'aide fiscale contribue au financement de l'usine Petfood de production d'aliments pour animaux domestiques que le groupe de travail a pu visiter lors de son déplacement.

Aux yeux des professionnels, sans l'aide fiscale à l'investissement outre-mer, il n'y aurait aujourd'hui plus d'industrie agroalimentaire à La Réunion .

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer contribue par ailleurs au financement des plateformes logistiques dans les différentes collectivités ultramarines.

D'après les informations transmises par la Délégation générale à l'outre-mer (DéGéOM), elle a ainsi permis le financement du projet LOGIDOM en Guadeloupe, plateforme logistique contribuant à la réduction des coûts et à la lutte contre la vie chère, ou du projet FRIGODOM en Guyane qui a permis la création d'une dizaine d'emplois.

Lors de son déplacement à La Réunion, le groupe de travail a pu visiter la plateforme logistique LOGISTISUD à La Réunion, située à Saint-Pierre, dans le Sud de l'île. Ce projet est né de plusieurs constats :

- la saturation des zones d'activité de la ville du Port ;

- le développement de la région Sud de l'île depuis l'ouverture en 2009 de la route des Tamarins, route à quatre voies reliant l'Ouest au Sud de l'île qui a considérablement réduit les temps de transport ;

- la nécessité pour les entreprises d'améliorer leur gestion des stocks pour rester performantes.

Cette plateforme qui, au terme des travaux, couvrira une surface totale de 26 500 m 2, permettra d'offrir à l'horizon 2014 des prestations de logistique en stockage à température dirigée (négative et positive) mais aussi en stockage à température ambiante. Il s'agit d'un équipement essentiel pour le développement du Sud de l'île mais aussi pour les agriculteurs, les distributeurs et les industriels de cette région.

Le financement d'un tel équipement n'aurait pas été possible sans l'aide fiscale à l'investissement outre-mer qui y a contribué à hauteur de 30 millions d'euros, permettant notamment de compenser une partie des surcoûts de construction de la plateforme par rapport à l'hexagone, comme l'a souligné le directeur lors de sa rencontre avec le groupe de travail.

b) Le soutien à l'insertion régionale, notamment par la dynamisation du tourisme, secteur porteur pour les outre-mer

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer constitue un soutien essentiel pour le développement du secteur touristique, secteur prioritaire dans la plupart des collectivités ultramarines .

Cette aide a ainsi permis plusieurs projets d'hôtels de sortir de terre :

- en Nouvelle-Calédonie, l'aide fiscale a permis, selon l'ACCIOM, la réalisation d'une trentaine de projets de création ou de rénovation d'hôtels, ou de résidences de tourisme sur la Grande Terre et dans les îles ;

- en Polynésie, le tourisme constitue la première activité économique, employant près de 7 000 salariés : or tous les hôtels de classe internationale ont vu le jour grâce à l'aide fiscale à l'investissement. L'industrie du tourisme serait inexistante sans elle ;

- à La Réunion, comme l'indique M. Didier Robert, président du conseil régional, « aucun projet porté par des hôtels classés 3 et 4 étoiles n'aurait pu se concrétiser sans la défiscalisation, eu égard au montant significatif des investissements » 37 ( * ) .

Par ailleurs, l'aide fiscale à l'investissement permet de réduire le différentiel de compétitivité entre les outre-mer et les destinations concurrentes situées dans leur environnement régional, qui ne sont pas soumises aux mêmes normes sociales, comme l'a souligné M. Marraud des Grottes, représentant du groupement des investisseurs hôteliers dans les DOM (GIHDOM) lors de son audition par le groupe de travail.

Vos rapporteurs soulignent cependant que l'aide fiscale à l'investissement n'est qu'un outil au service du développement touristique des outre-mer . Comme l'indiquait ainsi l'Inspection générale des finances en 2006, « ce n'est pas le processus de défiscalisation qui est à améliorer mais la politique de développement touristique dont il constitue un outil. Or, cette politique se cherche encore dans les départements français des Amériques, notamment aux Antilles. La défiscalisation ne saurait compenser ce manque » 38 ( * ) .

Vos rapporteurs partagent pleinement ce point de vue : l'aide fiscale à l'investissement n'a de sens que si elle vient en soutien à une stratégie définie par les acteurs locaux .

Ils saluent donc la stratégie engagée à La Réunion : le tourisme constitue une ressource économique essentielle dans cette région qui dispose d'un potentiel gigantesque, notamment suite à son classement au patrimoine mondial de l'UNESCO. En 2011, la région a accueilli 471 000 touristes et l'objectif d'un million de visiteurs a été fixé pour 2020.

Afin d'atteindre cet objectif ambitieux, l'île a lancé, avec ses voisins de l'Océan Indien (Maurice, Seychelles, Comores et Madagascar), le concept des « îles Vanilles » , consistant à mettre en place des combinés touristiques favorisant les échanges inter-îles. Le tourisme permettrait ainsi de renforcer l'intégration régionale de La Réunion.

Pour autant, la stratégie touristique de La Réunion ne peut produire de résultats sans un saut quantitatif - la création de nouvelles capacités d'hébergement - et qualitatif - l'amélioration des structures d'accueil. L'aide fiscale à l'investissement est indispensable pour cela, comme l'ont souligné les professionnels du secteur lors de leur rencontre avec le groupe de travail.

Alors qu'une stratégie touristique se met en place localement, vos rapporteurs s'étonnent du retard pris dans l'instruction de la demande d'agrément de plusieurs projets d'hôtels à La Réunion, retard souligné tant par les services de l'État à La Réunion que par M. Didier Robert, président du conseil régional. Ce dernier a ainsi transmis au groupe de travail une liste de neuf projets hôteliers de trois ou quatre étoiles, concernant 570 chambres et pouvant permettre la création de 250 emplois, qui sont aujourd'hui en attente d'un agrément de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), certains depuis plus d'un an.

Au-delà du tourisme, vos rapporteurs soulignent que l'aide fiscale à l'investissement pourrait être ajustée pour être mise au service de l'insertion régionale .

Il en est ainsi dans le domaine des travaux publics. Lors du déplacement à La Réunion du groupe de travail, les professionnels du secteur ont regretté que certaines entreprises ait été contraintes, à l'achèvement de la route des Tamarins, de laisser à l'abandon du matériel financé par l'intermédiaire de l'aide fiscale à l'investissement plutôt que de l'utiliser sur des chantiers situés dans les pays voisins, ceci en raison des règles applicables à l'aide fiscale.

Le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) du département estime ainsi que « dans une région ultrapériphérique en pleine mutation et où les entreprises doivent s'internationaliser en priorité vers les marchés de l'Océan Indien, il serait nécessaire qu'à partir d'un taux d'amortissement réalisé, les entreprises puissent délocaliser provisoirement et utiliser le matériel pour travailler sur des marchés de l'Océan Indien (BTP, industrie) et ce, tout particulièrement en période de forte crise pendant laquelle certains équipements sont à l'arrêt du fait de l'absence de commandes » 39 ( * ) .

Vos rapporteurs invitent donc le Gouvernement à réfléchir à une solution qui permettrait la délocalisation provisoire, dans des conditions et des circonstances extrêmement strictes, du matériel défiscalisé. Une telle mesure contribuerait elle aussi à renforcer l'intégration régionale de nos outre-mer.

c) Une chance de voir le jour pour des secteurs économiques émergents et un outil de valorisation des potentiels des territoires

Au-delà des secteurs économiques traditionnels des outre-mer, l'aide fiscale à l'investissement soutient l'émergence de nouveaux secteurs économiques et la valorisation des potentiels des outre-mer .

En Nouvelle-Calédonie, l'aide fiscale a ainsi soutenu le développement de l' industrie du nickel . La collectivité dispose en effet d'un potentiel énorme dans ce domaine, avec près de 10 % des réserves mondiales. Qui plus est, outre la quantité de la ressource, le minerai néo-calédonien présente l'avantage d'être facilement exploitable, ce qui constitue un atout indéniable face à la concurrence internationale.

Le secteur du nickel joue un rôle moteur dans l'économie de la collectivité, avec près de 3 400 emplois directs.

L'aide fiscale a contribué au financement de deux projets miniers visant à la création des usines de Koniambo dans le Nord et de Vale dans le Sud. Si le coût pour l'État a atteint, via l'aide fiscale, plus de 300 millions d'euros, soit « des montants défiscalisés sans commune mesure avec les projets habituels » 40 ( * ) , ces projets ont permis la création de respectivement 685 et 600 emplois tout en participant au rééquilibrage territorial évoqué précédemment.

Par ailleurs, l'un de vos rapporteurs a relevé dans un précédent rapport le « rôle déterminant de la défiscalisation pour améliorer le rendement des usines de nickel en Nouvelle-Calédonie et ainsi garantir leur rentabilité et leur mise en oeuvre effective » 41 ( * ) , souligné tant par les représentants de l'État que par les acteurs économiques du nickel.

D'autres marchés de niche à forte valeur ajoutée peuvent voir le jour grâce à l'aide fiscale à l'investissement.

Lors de la visioconférence organisée avec les socioprofessionnels de la Nouvelle-Calédonie, un projet d'usine de production d'essence du bois de santal a été présenté.

À côté du nickel, les plantes constituent en effet un atout de la Nouvelle-Calédonie : sa biodiversité présente un intérêt pour les industries pharmaceutiques ou la parfumerie.

L'usine de production d'essence du bois de santal a été réalisée en partenariat avec les populations de Maré et l'un des leaders mondiaux de la parfumerie, la société de Robertet. Elle permet de produire localement, à partir d'un procédé d'hydro-distillation unique, de l'essence de bois de santal.

Ce projet, qui a créé plus de 20 emplois sur les îles Maré et Lifou, vise à structurer une filière santal sur les îles Loyauté, de la coupe en passant par la production, la commercialisation à l'export, puis par la mise en place d'une politique de renouvellement de la ressource.

Il n'aurait pu voir le jour sans l'apport de l'aide fiscale à l'investissement. Sur les 3,5 millions d'euros d'investissement, cette dernière en a apporté près d'un tiers.

Les travaux du groupe de travail ont enfin confirmé que les outre-mer disposaient d'un point commun : leur potentiel en matière de développement des énergies renouvelables . Aux yeux de vos rapporteurs, l'aide fiscale à l'investissement doit être mise au service de ce potentiel.

Comme l'a rappelé M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) lors de son audition par le groupe de travail, le Grenelle de l'environnement a fixé des objectifs très ambitieux pour les outre-mer : l'autonomie énergétique par le biais de la maîtrise des consommations et le recours aux énergies renouvelables à hauteur de 50 % au moins des consommations à l'horizon 2030. Le Conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) de novembre 2009 a d'ailleurs repris cet objectif à son compte.

Dans les outre-mer peut être développée toute la gamme d'énergies renouvelables : le photovoltaïque bien entendu, mais également l'éolien, la biomasse, la géothermie ou encore les énergies marines telle que l'énergie thermique des mers.

L'aide fiscale à l'investissement doit contribuer à la réalisation des projets locaux et il convient d'éviter l'instabilité et les stop and go , à l'exemple de ce qui s'est produit pour le photovoltaïque.

Aux yeux de vos rapporteurs, l'aide fiscale doit aujourd'hui se concentrer, pour ce qui concerne les énergies renouvelables, sur la recherche en matière de stockage de l'énergie , problématique centrale pour le développement de ces énergies dans les outre-mer, territoires pour la quasi-totalité insulaire et disposant donc de réseaux non interconnectés, comme l'a rappelé M. Guy Dupont lors du déplacement du groupe de travail à La Réunion.

Vos rapporteurs renouvellent ainsi la position exprimée par la mission d'information de 2009 qui appelait à « promouvoir les projets et la recherche en matière d'énergies renouvelables » en soulignant que « la recherche doit être notamment orientée sur le stockage des énergies intermittentes, sujet de première importance pour les petits départements insulaires » 42 ( * ) .


* 23 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 24 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 25 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 26 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 27 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 28 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 29 Cf. contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 30 Ces estimations, établies notamment à partir des rapports des Conseils départementaux de l'habitat (CDH), recouvrent le locatif, l'accession et l'amélioration.

* 31 « Soutenir le logement social outre-mer : retour sur trois ans de défiscalisation », Rapport d'information n° 48 (2012-2013) fait au nom de la commission des finances sur la défiscalisation du logement social en outre-mer, MM. Georges Patient et Éric Doligé, p. 26.

* 32 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 33 Cf. contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 34 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 35 Cf. « Nickel en Nouvelle-Calédonie : tirer les leçons d'une défiscalisation réussie », Rapport d'information n° 368 (2010-2011) fait au nom de la commission des finances sur les grands projets d'usines de traitement du nickel en Nouvelle-Calédonie, M. Éric Doligé, p. 36.

* 36 « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France. 100 propositions pour fonder l'avenir », Rapport d'information n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, M. Éric Doligé, p. 157.

* 37 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 38 « Rapport sur l'évaluation de l'impact socio-économique du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer » , Inspection générale des finances, Inspection générale de l'administration, juillet 2006, p. 34.

* 39 Contribution écrite transmise au groupe de travail.

* 40 « Nickel en Nouvelle-Calédonie : tirer les leçons d'une défiscalisation réussie », Ibid., p. 30.

* 41 Ibid., p. 31.

* 42 « Les DOM. Défi pour la République, chance pour la France », Ibid., p. 173.

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