B. ...DONT LA RÉPARTITION PERMET DE FINANCER LES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT

1. Les plafonds des missions : un redéploiement des moyens au profit des missions prioritaires par rapport à la LPFP

Le tableau ci-après détaille les plafonds des missions du budget général en 2014 (hors pensions et contribution de la France au Mécanisme européen de stabilité - MES) et permet de les comparer avec, d'une part, l'annuité prévue par le budget triennal 2013-2015 figurant dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, et, d'autre part, la loi de finances initiale pour 2013.

Les évolutions montrent les priorités fixées par le Gouvernement (en faveur des missions « Travail et emploi » et « Enseignement scolaire » notamment), ainsi que des ajustements destinés à prendre en compte des besoins sur d'autres missions 48 ( * ) , qui sont explicités dans le document « tiré à part » transmis par le Gouvernement. Ces priorités sont financées par des baisses de crédits, qui portent notamment sur les missions « Défense » et « Ecologie, développement et aménagement durable ».

Au total, sur le périmètre « zéro valeur » (hors « Engagements financiers de l'Etat », qui retrace principalement la charge de la dette), 6 missions bénéficieront de crédits excédant les prévisions du budget triennal (pour un montant global de + 1,6 milliard d'euros). Les 21 autres missions seront moins dotées, pour un écart équivalent, le financement des priorités gouvernementales (éducation, emploi, justice, sécurité, lutte contre la pauvreté et l'exclusion) s'opérant par redéploiement des crédits dans le respect du plafond global initialement fixé.

Il convient d'être prudent, à ce stade, dans l'analyse de ces arbitrages, une augmentation des crédits d'une mission ne signifiant pas nécessairement une diminution des moyens d'intervention, compte tenu de l'impact des réformes, mais aussi, des moyens extra-budgétaires pouvant concourir aux objectifs de la mission ; ainsi, la diminution des crédits de la mission « Défense » en 2014 sera compensée par des ressources exceptionnelles tirées de la vente de fréquences hertziennes, de manière à ce que, comme l'a annoncé le Président de la République le 24 mai, l'effort de défense en 2014 soit identique à celui de 2012 et 2013.

En tout état de cause, votre commission des finances sera attentive, en PLF 2014, d'une part, à ce que la budgétisation des différentes missions soit soutenable au regard de la dynamique des dépenses et des réformes mises en oeuvre, et, d'autre part, à ce que le respect de la norme de dépenses ne repose pas pour partie sur des artifices ou des reports de charges .

Les plafonds des missions du budget de l'Etat pour 2014

(crédits de paiement hors CAS « Pensions », en milliards d'euros)

Source : ministère du budget

2. Des risques identifiés mais maîtrisables sur plusieurs lignes budgétaires
a) Des risques identifiés...

L'exécution 2012 a permis d'identifier, sur certains postes, des sous-budgétisations en loi de finances initiale ayant nécessité des abondements de crédits en cours d'exécution .

(1) Les dépenses d'intervention : l'aléa des dépenses de guichet

Même si cette classification n'a pas de traduction dans la nomenclature budgétaire, il est d'usage de distinguer trois catégories de dépenses d'intervention :

- des dépenses dites de guichet , versées automatiquement à leurs bénéficiaires dès qu'ils bénéficient des conditions de leur octroi (allocation aux adultes handicapés, aides aux logements, bourses étudiantes, subventions d'équilibre des régimes spéciaux, etc.) : elles sont évaluées à 37,8 milliards d'euros en 2012 ;

- des dépenses dites discrétionnaires , correspondant à des subventions versées sur décision unilatérale (contrats aidés, hébergement d'urgence, soutien aux médias et aux industries culturelles, etc.) : 18,9 milliards d'euros en 2012 ;

- des dépenses dites réglementées , fixées dans un cadre contractuel (dotations aux collectivités territoriales, engagements internationaux de la France) : 9,5 milliards d'euros en 2012.

Les dépenses de guichet ont une dynamique propre, dont témoigne la hausse du crédit du dispositif le plus fortement doté, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) : entre 2006 et 2012, ses crédits ont progressé de 2,6 milliards d'euros (+ 49 %) pour atteindre 7,8 milliards d'euros.

Plusieurs dispositifs d'intervention dits « de guichet » font l'objet de dépenses excédant régulièrement les dotations des lois de finances initiales :

- l'allocation temporaire d'attente (ATA), bénéficiant aux demandeurs d'asile (89,7 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2012 ; 149,9 millions d'euros en exécution 2012, auxquels s'ajoutent des reports de charges sur 2013 à hauteur de 14,6 millions d'euros) ;

- les bourses étudiantes attribuées sur critères sociaux, dont la sous-dotation en loi de finances initiale pour 2012 a conduit à des ouvertures de crédits à hauteur de 128,3 millions d'euros par décret d'avance en novembre 2012 ; aucun des paramètres d'évolution des bourses n'avait pas été pris en compte, qu'il s'agisse du nombre de boursiers ou de la revalorisation du montant des bourses ;

- l'aide médicale d'Etat (AME), dont la consommation des crédits en 2012 a encore une fois excédé la dotation votée en loi de finances initiale ; s'il n'a pas été procédé à des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, ni à des virements de crédits au sein de la mission « Santé », l'augmentation de la dette accumulée par l'Etat vis-vis de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés - CNAMTS - (de 6,2 millions d'euros fin 2011 à 38,8 millions d'euros fin 2012) souligne l'écart entre la prévision budgétaire et la réalité des besoins.

La dégradation de la situation économique a également conduit à l' abondement, en cours d'exécution 2012, de plusieurs dispositifs d'intervention discrétionnaires :

- au titre de l'hébergement d'urgence et du financement des contrats aidés pour la mise en oeuvre anticipée des contrats d'avenir (respectivement, 42 millions d'euros et 57 millions d'euros ouverts par le décret d'avance du 30 novembre 2012) ;

- concernant l'agriculture, pour la gestion des crises agricoles ou les exonérations de charges pour les travailleurs occasionnels ; le fonds national de gestions des risques en agriculture, non doté en loi de finances initiale, a ainsi enregistré des dépenses d'un montant de 111,8 millions d'euros.

Les premiers éléments recueillis sur l'exécution 2013 permettent de confirmer que des risques de dépassement sur une partie de ces postes de dépense en 2013 ( cf . infra ).

(2) Des dépassements récurrents pour d'autres postes de dépenses

Les refus d'apurement communautaire dans le domaine agricole ne font pas l'objet de dotations en loi de finances initiale , alors qu'il s'agit d'une dépense récurrente. Leur montant a atteint 76 millions d'euros en 2012.

D'autres dotations en loi de finances initiale sont structurellement insuffisantes , notamment :

- sur la mission « Défense », le financement des opérations extérieures de la France (le surcoût, non prévu en loi de finances initiale qui avait prévu une dotation de 630 millions d'euros, a atteint 187 millions d'euros en 2012) et la dotation des armées en carburants (58 millions d'euros non budgétés au-delà de la dotation en loi de finances initiale de 525 millions d'euros, laquelle avait pourtant été réévaluée de 95 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011) ;

- les frais de justice (malgré un progrès dans la prévision, les dépenses en exécution - à hauteur de 510 millions d'euros - ont dépassé de 40 millions d'euros la dotation en loi de finances initiale) ;

- pour la mission « Outre Mer », les crédits du programme « Emploi outre-mer », qui permettent de compenser à la sécurité sociale les exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer ; pour 2012, l'écart entre les dotations inscrites en loi de finances initiale et les besoins de financement des caisses a entraîné un accroissement de 54,7 millions d'euros de la dette de l'Etat à l'égard des organismes de sécurité sociale.

Votre commission souligne que la nécessité de mieux faire correspondre les dotations budgétaires aux besoins, soit en rebasant les crédits à la hauteur de ces derniers, soit en mettant en oeuvre les réformes permettant de réviser les déterminants de la dépense, le cas échéant. Elle examinera donc avec attention la soutenabilité de la budgétisation de ces dispositifs dans le cadre du PLF 2014.

b) ...qui pèsent sur l'exécution des dépenses de 2013

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes a identifié , au regard de l'exécution 2012 et des éléments d'information fournis par le début de la gestion 2013, plusieurs risques de dépassement des crédits inscrits en loi de finances pour 2013 :

- pour la mission « Défense », au titre d'un nouveau dépassement des crédits de masse salariale (jusqu'à 0,5 milliard d'euros) et du surcoût des opérations extérieures, jusqu'à 0,7 milliard d'euros, par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale (0,63 milliard d'euros), à la suite notamment de l'intervention au Mali ;

- en ce qui concerne les refus d'apurement communautaire (0,1 à 0,3 milliard d'euros) ;

- s'agissant des aides au logement et des dépenses d'hébergement d'urgence inscrites aux crédits de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » (0,2 à 0,3 milliard d'euros) ;

- au titre de plusieurs dépenses de guichet de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », l'allocation aux adulte handicapés et le revenu de solidarité active (0,1 milliard d'euros) ;

- sur la mission « Travail et emploi », à propos des dépenses de solidarité (allocation spécifique de solidarité) et d'activité partielle et des contrats aidés, soit un risque de dépassement évalué entre 0,3 et 0,5 milliard d'euros ;

- concernant la mission « Enseignement scolaire » (0,2 milliard d'euros) ;

- sur les autres missions, au titre notamment des crédits de masse salariale de la police nationale et de l'accueil des demandeurs d'asile (0,1 à 0,2 milliard d'euros).

Sur les comptes spéciaux, le déséquilibre entre les recettes et les dépenses du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres » entraîne un probable versement, comme en 2012, à partir du budget général (de l'ordre de 0,1 milliard d'euros).

S'ajoutent les incertitudes sur le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ( cf . supra ).

Par ailleurs, plusieurs décisions gouvernementales intervenues depuis le vote de la loi de finances pourraient avoir un impact dès 2013, en particulier la mise en place des contrats de génération, un déblocage de 110 millions d'euros en faveur de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'instauration de l'allocation transitoire de solidarité pour certaines demandeurs d'emplois concernés par le report de l'âge de la retraite (pour cette dernière mesure, à hauteur de 50 millions d'euros).

Sur le champ de la norme « zéro valeur », après dégel de la réserve de précaution et en tenant compte d'une sous-consommation de certains crédits (évaluée à 0,8 milliard d'euros), la Cour des comptes évalue les risques de dépassement des crédits entre 1,9 et 4,7 milliards d'euros .

Hors PSR au profit de l'Union européenne, ces risques (1,1 à 2,1 milliards d'euros) sont comparables à ceux constatés en 2012 (1,1 à 1,9 milliard d'euros) , qui avaient été maîtrisés, puisque les dépenses avaient été, in fine , inférieures à celles de l'année précédente, sur les deux périmètres retenus pour le suivi des normes de dépense.

On rappellera que la réserve de précaution a été augmentée par un surgel de 2 milliards d'euros dès le début de l'exercice, portant son montant à 8,5 milliards d'euros (dont 0,6 milliard d'euros sur le « titre 2 » et 7,9 milliards sur le « hors titre 2 »). Elle n'a pas été « entamée » à ce stade et devrait permettre de couvrir l'ensemble des aléas que la Cour relève dans son rapport.

Les risques de dépassement des crédits en 2013
sur le périmètre de la norme « zéro valeur »

(en milliards d'euros)

Risque estimé pour 2013

Hypothèse basse

Hypothèse haute

Agriculture, pêche, alimentation, forêts et affaires rurales

0,1

0,3

Défense

0,8

1,2

Enseignement scolaire

0,2

0,2

Solidarité, insertion et égalité des chances

0,1

0,1

Travail et emploi

0,3

0,5

Egalité des territoires, logement, ville

0,2

0,3

Subvention CAS véhicules propres

0,1

0,1

Autres missions

0,1

0,2

Total missions hors dette et pensions (1)

1,9

2,9

Marge liée à la sous-consommation des crédits (2)

- 0,8

- 0,8

Total missions hors dette et pensions après prise en compte de la marge (1 + 2)

1,1

2,1

Amendement LFI sur PSR

0,8

0,8

Risque PSR Union européenne

0

1,8

Total sur norme « zéro valeur »

1,9

4,7

Source : Cour des comptes


* 48 A titre d'exemple, il est prévu de créer 4 000 places en centres d'accueil des demandeurs d'asile, dans le cadre de la lutte contre l'exclusion, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », dépassant ainsi légèrement (de 6 millions d'euros) le plafond arrêté dans le cadre du budget triennal.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page