II. UN EFFORT STRUCTUREL SANS PRÉCÉDENT EN 2013

En 2013, le programme de stabilité 2013-2017 - que reprend le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques - prévoit un effort structurel de 1,9 point de PIB . Celui-ci se répartit entre les recettes, à hauteur de 1,5 point de PIB, et les dépenses, pour 0,4 point de PIB.

Grâce à cet effort, le Gouvernement prévoit un retrait du déficit effectif à 3,7 % du PIB et du déficit structurel à 2,2 % du PIB - soit un écart de 0,6 point de PIB à la prévision de la LPFP qui s'explique, comme cela a été indiqué précédemment, par le « décalage » de la trajectoire de consolidation des finances publiques imputable à la dégradation des conditions économiques.

De toute évidence, ce « décalage » de la trajectoire était nécessaire ; en effet, corriger les écarts aux soldes prévus par la LPFP dès l'exercice 2013 aurait conduit à accroître un ajustement aux effets récessifs dans un contexte économique dégradé . Aussi le Gouvernement a-t-il, à juste titre, décidé de ne pas présenter de projet de loi de finances rectificative au cours du premier semestre. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat, Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, a déclaré le mercredi 12 juin dernier : « le Gouvernement a fait le choix de ne pas ajouter l'austérité à la récession et donc de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes. Autrement dit, les moins-values constatées au premier semestre ne seront pas compensées par un tour de vis fiscal. Il convient de ne pas accroître le risque récessif » 20 ( * ) .

Lors de la même audition, le ministre a également précisé que l'appréciation du déficit pour l'exercice 2013 était encore difficile, « le contexte étant instable ». En outre, il a reconnu l'existence d'un « aléa baissier » pour ce qui est des prévisions de solde effectif en 2013. S'il est nécessaire d'être pleinement conscient des risques que l'évolution de la conjoncture fait peser sur la trajectoire des finances publiques, ceux-ci doivent être considérés avec circonspection eu égard à l'incertitude qui entoure les perspectives économiques .

Le Gouvernement tirera en temps voulu, si cela est nécessaire, les conséquences d'une dégradation de la conjoncture plus forte qu'anticipé. Ainsi, le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques précise qu'en « vue des projets de lois financières pour 2014, le Gouvernement mettra à jour ses prévisions macroéconomiques. La trajectoire de finances publiques sera alors revue en conséquence, dans le respect des cadres national et européen de gouvernance des finances publiques, et avec en particulier la flexibilité permise par la proposition de la Commission de report à 2015 de la date limite de retour du déficit sous 3 % ».

A. UN EFFORT DE 1,5 POINT DE PIB EN RECETTES FRAGILISÉ PAR LES INCERTITUDES ÉCONOMIQUES ?

En 2013, l'ajustement structurel repose principalement sur les recettes ; l'effort en recettes atteint ainsi 1,5 point de PIB - soit un peu plus de 30 milliards d'euros ( cf . supra ). Il résulte en grande partie des lois financières pour 2013 et de la montée en charge des mesures prises lors de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

L'évolution des recettes publiques est fortement corrélée à la conjoncture. Par conséquent, une dégradation accrue de la situation économique pourrait réduire la progression des recettes et limiter les effets des efforts de consolidation des finances publiques .

Dans son avis du 15 avril 2013 précité portant sur le programme de stabilité, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a souligné qu'« un certain nombre d'aléas sont susceptibles de différer la reprise de l'économie et d'avoir un impact négatif sur les prévisions pour les années 2013 et 2014 », tout en reconnaissant l'existence d'aléas pouvant « avoir un impact positif sur la prévision ». Aussi, l'incertitude domine s'agissant des perspectives de croissance à court terme. C'est la raison pour laquelle il peut être intéressant de mesurer les risques sur les finances publiques inhérents à une évolution plus défavorable de la croissance économique que prévu .

1. Les aléas relatifs à la croissance économique

Si la croissance économique était de -0,1 % en 2013 - au lieu de +0,1 %, comme cela est prévu dans le programme de stabilité 2013-2017 - les recettes pourraient être inférieures de près de 2 milliards d'euros à la prévision . A supposer que les dépenses publiques soient conformes à l'objectif, le déficit effectif serait dégradé de près de 0,1 point de PIB et pourrait s'établir à 3,8 % du PIB.

En retenant une anticipation de croissance plus dégradée encore, de -0,3 % - qui correspond à une prévision du Consensus Forecasts 21 ( * ) -, les recettes pourraient être de 4 milliards d'euros en deçà de la prévision et le déficit effectif serait proche de 3,9 % du PIB.

Les modalités d'établissement de ces projections sont précisées infra dans le présent rapport, dans la partie relative à la sensibilité de la trajectoire des finances publiques à la conjoncture économique .

Il faut souligner qu'il ne s'agit là que d'une projection « mécanique » des recettes publiques en cas d'évolution moins favorable de la croissance du PIB et non d'une prévision . En outre, les hypothèses qui la sous-tendent demeurent incertaines, notamment en ce qui concerne l'élasticité des recettes dont l'exercice 2012 a révélé les difficultés de prévision.

Par ailleurs, il n'est pas exclu que la croissance soit supérieure, in fine , à ce que peuvent le laisser entrevoir les données actuellement disponible. En tout état de cause, comme l'a souligné le Gouvernement dans le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques, la « mise à jour de la trajectoire nominale de finances publiques est [...] à ce stade prématurée. En matière macroéconomique, la prévision repose sur un certain nombre d'hypothèses dont les prochains indicateurs conjoncturels permettront d'apprécier la robustesse » ; il ajoute, par ailleurs qu'« en matière de recettes, d'importantes échéances sont à attendre d'ici le dépôt des projets de lois de finances de l'automne 2013, avec l'analyse du second acompte d'impôt sur les sociétés (cet impôt étant l'impôt le plus volatil), l'exploitation des déclarations d'impôt sur le revenu et l'évolution des rentrées de TVA, qui fait l'objet en ce début d'année d'évolutions volatiles ».

2. Les risques inhérents à l'élasticité des recettes

Dans son rapport sur La situation et les perspectives des finances publiques , la Cour des comptes identifie des risques pesant sur les prévisions de certaines recettes. Le manque à gagner susceptible de résulter de ces risques est évalué à 6 milliards d'euros en 2013 ( cf . tableau ci-après).

Les risques, hors prévision de la croissance du PIB, pesant sur les recettes du programme de stabilité identifiés par la Cour des comptes

(en milliards d'euros)

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

0 à 1,5

Impôt sur les sociétés

0 à 2,5

Total Etat

0 à 4

Taxe foncière et d'habitation

0 à 0,25

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

0 à 0,5

Recettes non fiscales des collectivités territoriales

0 à 0,15

Total administrations publiques locales (APUL)

0 à 0,9

Total organismes divers d'administration centrale (ODAC)

0 à 0,1

Prélèvements au profit des administrations de sécurité sociale (ASSO)

0 à 1

Total administrations publiques (APU)

0 à 6

Source : Cour des comptes

Les risques identifiés par la Cour découlent, en partie, de l'élasticité des recettes au taux de croissance , et notamment de celle de la TVA ou encore de l'impôt sur les sociétés. En effet, au cours de l'exercice 2012, l'élasticité de ces prélèvements avait été sensiblement inférieure aux prévisions retenues et même, négative ( cf . tableau ci-après).

Elasticité des recettes fiscales au taux de croissance en 2012

Elasticité prévue en LFI 2012

Elasticité constatée

Ecart

IR net

1,9

4,0

2,1

IS net

2,6

-1,4

-3,9

TVA nette

1,1

-0,8

-1,9

TICPE

-0,5

-1,8

-1,2

Note de lecture : En 2012, si le taux de croissance avait été de 1 %, le rendement de l'impôt sur le revenu net aurait crû de 4 points.

Source : Gouvernement (réponses au questionnaire du rapporteur général)

Toutefois, il faut noter que le concept d'élasticité perd une grande partie de son intérêt lorsque les croissances sont négatives ou proches de zéro . Dans le cas de la TVA, la principale explication de ce ralentissement est la faible croissance de l'assiette taxable. En effet, l'écart constaté entre la dernière prévision de recettes de TVA et l'exécution constatée de 3,3 milliards d'euros s'explique, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, par la révision à la baisse des emplois taxables dans le cadre des derniers comptes nationaux publiés par l'Insee et par des effets de structure de consommation défavorables (report de la consommation vers des produits à taux réduits, notamment). Par ailleurs, s'agissant des entreprises, un changement de comportement a été identifié : les demandes de restitution de crédits ont été plus importantes en 2012, ce qui pourrait expliquer une dégradation supplémentaire de 0,4 milliard d'euros 22 ( * ) .

Rien ne permet d'affirmer qu'un tel phénomène pourrait se reproduire en 2013 ; il est encore trop tôt pour l'affirmer. A cet égard, il faut noter que la situation budgétaire au 31 mai 2013 fait apparaître un montant de TVA collecté de 56,4 milliards d'euros, en progression de 1,5 % par rapport à l'année précédente (55,5 milliards d'euros en mai 2012). Au même titre, le rendement de l'impôt sur les sociétés est, à la même date, en progression de 15,4 % (10,1 milliards d'euros contre 8,7 milliards d'euros en 2012). Or, l'impôt sur les sociétés et la TVA représentent les deux tiers des risques identifiés par la Cour des comptes .

Dans ces conditions, il paraît particulièrement difficile d'établir des prévisions solides en ce qui concerne l'élasticité des recettes à ce stade de l'exécution . Aussi la Cour des comptes ne procède-t-elle qu'à une analyse de risque.

3. Les contentieux fiscaux

Au-delà des incertitudes inhérentes aux évolutions de la conjoncture économique, existent également des risques liés aux contentieux fiscaux susceptibles de peser sur le montant des recettes publiques . Il s'agit notamment des remboursements pouvant survenir au titre du contentieux « OPCVM » ou de celui du précompte immobilier. Le montant ainsi provisionné en 2013 s'élève à 2,8 milliards d'euros.

Comme le souligne la Cour des comptes, la « prévision des dépenses au titre des contentieux est entourée d'une très grande incertitude, notamment en ce qui concerne le calendrier des décaissements ».

Hypothèses retenues au titre des contentieux fiscaux

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total

0,0

-2,8

-2,7

-2,8

0,0

0,0

Précompte

0,0

0,0

-1,0

-1,0

0,0

0,0

Contentieux OPCVM

0,0

-1,5

-1,8

-1,8

0,0

0,0

Contentieux taxe sur les communications électroniques*

0,0

-1,3

0,0

0,0

0,0

0,0

* Contentieux réglé dans un sens favorable ( cf . ci-dessous).

Source : rapport préalable au débat d'orientation budgétaire

Cependant, les montants inscrits ne préjugent en rien de l'issue des contentieux . A ce titre, il faut noter que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a validé, le 27 juin dernier, la taxe sur les communications électroniques qui avait été déclarée incompatible avec le droit de l'Union par la Commission européenne. Par conséquent, le risque de remboursement au titre de cette imposition, d'un montant de 1,3 milliard d'euros en 2013, disparaît.


* 20 Audition de Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, par la commission des finances du Sénat le 12 juin 2013, sur le règlement du budget et l'approbation des comptes de l'année 2012.

* 21 Le Consensus Forecasts est un organisme privé collectant mensuellement les prévisions d'un panel des principaux instituts de conjoncture privés.

* 22 Un écart résiduel de 0,9 milliard d'euros reste encore inexpliqué.

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