IV. LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES EMPÊCHE TOUTE ATTENUATION DES INÉGALITÉS HOMMES-FEMMMES

L'égalité réelle entre les femmes et les hommes ne peut être atteinte tant que les femmes resteront sous-représentées dans les instances de représentation et de discussion de la sphère économique, politique, culturelle ou sportive. En effet, cette sous-représentation a trois conséquences.

Tout d'abord, dans les lieux de pouvoir de toutes natures, qu'ils soient économiques, politiques ou culturels, cette sous-représentation nourrit le sentiment que la présence d'une femme à un poste important est exceptionnelle, ce qui contribue au maintien du plafond de verre.

Ensuite, il est d'autant plus difficile pour les femmes de faire connaître leurs revendications, leurs préoccupations, en matière de partage d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée ou dans la représentation que l'on peut avoir de la femme qu'elles doivent être relayées par des hommes.

Enfin, leur sous-représentation dans les organes de décision, d'administration, de contrôle ou de surveillance rend ces instances moins sensibles aux demandes qu'elles expriment et aux obstacles auxquels elles sont confrontées.

C'est pourquoi, le développement de la parité par la mise en place, dans un premier temps, de quotas ou d'une parité imposée est de nature à faire évoluer, à moyen terme, l'égalité entre les femmes et les hommes.

Le projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes s'inscrit dans les démarches politiques entreprises depuis maintenant une dizaine d'années afin de développer la parité par des mesures incitatives ou contraignantes. Il vise ainsi à renforcer ce principe dans le domaine des responsabilités sociales, politiques et professionnelles.

Toutefois, l'on peut regretter qu'il laisse de côté certaines instances malgré l'influence qu'elles exercent dans des secteurs importants.

A. UNE FORTE VOLONTÉ GOUVERNEMENTALE DE RENFORCER LA PARITÉ

Les cinq articles figurant au chapitre II du projet de loi témoignent de la volonté du gouvernement de renforcer, par des mesures contraignantes, la représentation des femmes dans les instances de pouvoir et de décision. En effet, au regard des résultats mitigés des dispositions normatives existantes et de la très faible présence des femmes dans les instances concernées, il est nécessaire d'utiliser la loi pour parvenir au résultat souhaité : une juste représentation des femmes.

1. Les chambres consulaires : des acteurs de la vie économique locale, une représentation des femmes insuffisante

Si la présence des femmes dans la vie économique est reconnue depuis longtemps - les commerçantes ont d'ailleurs le droit de vote aux élections consulaires depuis 1898 et sont éligibles aux chambres de commerce et d'industrie depuis 1924 -, leur présence dans ces institutions reste faible. Ainsi, il faut attendre 1945 pour voir les premières femmes élues dans ces instances, soit près de 20 ans après leur éligibilité, et 1982 pour qu'une femme soit présidente d'une chambre de commerce et d'industrie.

Or les chambres consulaires jouent un rôle essentiel dans l'animation du tissu économique : elles représentent les intérêts de l'industrie, du commerce, des services ou encore du secteur agricole et de l'artisanat ; elles contribuent au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires, ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations. Elles ont en outre une mission d'appui, d'accompagnement et de mise en relation, ainsi que de formation.

a) Un nombre marginal de femmes siégeant dans ces instances

Que ce soit dans les chambres de commerce et d'industrie, dans les chambres d'agriculture ou dans les chambres des métiers et de l'artisanat, le nombre de femmes augmente mais reste encore très faible. Or, comme le souligne le rapport de 2000 de la Commission européenne sur la mise en oeuvre de la recommandation du Conseil du 2 décembre 1996 relative à la participation équilibrée des femmes et des hommes aux processus de décision, s'il n'existe pas de définition de « participation équilibrée », « un consensus semble se dégager des rapports nationaux, selon lequel une proportion de femmes ou d'hommes de moins de 30 % ne permet ni aux unes ni aux autres d'exercer une véritable influence dans les processus de décision ».

Dans les CCI, le pourcentage de femmes est passé de 8,3 % en 2004 à 14,8 % en 2010, avec de forts écarts entre les CCI. Toutefois, comme le souligne l'Observatoire régional de la Parité du Languedoc-Roussillon, cette évolution est lente et, au rythme de progression actuel du nombre de femmes dans les CCI de cette région, « on peut considérer qu'il faudra quarante ans, donc plus de cinq mandats pour obtenir la parité... à l'horizon 2050 ».

Dans les chambres d'agriculture, depuis les élections de 2013, les femmes représentent 27,15 % des élus, avec là encore des écarts importants d'une région à une autre.

Élections aux chambres régionales d'agriculture : représentation des femmes dans le collège 1 : chefs d'exploitation et assimilés

Région

Elues

%

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

11

45,83 %

Bourgogne

7

35 %

Corse

6

33,33 %

Bretagne

6

30 %

Pays-de-la-Loire

6

30 %

Languedoc-Roussillon

6

30 %

Centre

7

29,17 %

Nord-Pas-de-Calais

9

28,12 %

Ile-de-France

5

27,78 %

Lorraine

5

25 %

Franche-Comté

5

25 %

Aquitaine

5

25 %

Picardie

4

22,2 %

Alsace

4

22,2 %

Limousin

4

22,2 %

Midi-Pyrénées

5

20,83 %

Champagne-Ardenne

4

20 %

Poitou-Charentes

4

20 %

Auvergne

4

20 %

Rhône-Alpes

4

16,67 %

Normandie

3

15 %

Ministère de l'agriculture, mars 2013

Enfin, pour ce qui concerne les chambres de métiers et de l'artisanat, les femmes représentent 25 % des élus. Il est d'ailleurs intéressant de constater que la proportion de femmes immatriculées au répertoire des métiers au 1 er janvier 2012 est de 23 % 42 ( * ) .

Par ailleurs, les femmes restent écartées des lieux de pouvoirs . Ainsi, dans les chambres de commerce et d'industrie, elles représentent en moyenne 11,8 % des membres des bureaux mais, dans 30 % des chambres de commerce et d'industrie territoriales, aucune femme n'est membre du bureau. Seules cinq chambres de commerce et d'industrie sont présidées par des femmes, soit le même nombre que lors de la précédente élection, et aucune femme ne préside une chambre régionale de commerce et d'industrie.

Dans les chambres d'agriculture, la part des femmes dans l'exécutif est inférieure à 15 %. En outre, le conseil d'administration de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, composé de 35 membres, ne compte qu'une seule femme.

Enfin, pour les chambres de métiers et d'artisanat, 18 % des membres du bureau sont des femmes, il n'y a que 4 présidentes de chambres des métiers et d'artisanat départementales, soit 4,2 %, et aucune femme n'est présidente d'une chambre régionale.

b) La loi : vecteur de parité à moyen terme

Depuis plusieurs années, une réflexion a été menée afin de renforcer la présence des femmes dans les instances consulaires. Pour les chambres de métiers et de l'artisanat, le décret n°2010-651 du 11 juin 2010 instaure l'obligation pour chaque liste d'être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. Toutefois, par dérogation, cette obligation de parité a été repoussée aux élections de 2015, le décret se limitant pour celles de 2010 à exiger un candidat de chaque sexe au sein de chaque tranche de quatre candidats.

Pour les chambres d'agriculture, Catherine Vautrin, alors rapporteure à l'Assemblée nationale pour la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services 43 ( * ) avait proposé un amendement « tendant à instaurer un système où le nom de chaque candidat qui se présentera devra être assorti de celui d'un suppléant de sexe opposé ». Cet amendement a finalement été retiré à la demande du Gouvernement qui estimait que cela ressortait du domaine réglementaire. Celui-ci a d'ailleurs adopté le décret n°2012-838 du 29 juin 2012 prévoyant que « chaque liste de candidats comporte au moins un candidat de chaque sexe par tranche de trois candidats ». Toutefois, ce décret a été annulé par le Conseil d'Etat 44 ( * ) qui a jugé que seul le législateur était compétent pour adopter les règles visant à favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et mandats à caractère social ou professionnel.

Enfin, pour les chambres de commerce et d'industrie, aucun texte normatif n'existe actuellement. Le projet du Gouvernement instaure un suppléant de sexe opposé au titulaire. L'on peut noter que ce projet conduira à une féminisation rapide des chambres de commerce et d'industrie départementales dans la mesure où les suppléants y siègent, mais non à celle des chambres régionales où ne siègent que les titulaires.

Aussi, la délégation accueille-t-elle favorablement la démarche du Gouvernement visant à renforcer la présence des femmes au sein de ces instances clés de l'économie locale. Toutefois, elle souhaite insister sur le fait que, bien souvent, le seuil fixé est vu comme un maximum à atteindre et ainsi peut constituer un nouvel obstacle à une représentation équilibrée de chaque sexe. C'est pourquoi, elle suggère de privilégier l'utilisation de fourchettes formulées sous la forme de « pas moins de X% et pas plus de Y% de personnes de même sexe », afin de limiter les effets de seuils.

2. Les fédérations sportives : modifier l'image des femmes renvoyée par le sport

Élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale, comme le rappelle l'article L. 100-1 du code du sport, le sport est un vecteur essentiel des valeurs d'une société et notamment des rapports entre hommes et femmes . Or, aujourd'hui, comme dans la sphère économique et culturelle, les femmes se heurtent à un plafond de verre dans l'accès aux fonctions dirigeantes sportives.

Ce constat a été mis en avant en 2003 avec l'enquête réalisée par Caroline Chimot sur la présence des femmes dans les instances dirigeantes et le rapport « femmes et sport » en 2004 de Brigitte Deydier 45 ( * ) : seulement 3 % des présidents de comités régionaux, départementaux et de fédérations, 13,7 % des membres de bureaux et 3 % des directeurs techniques nationaux étaient alors des femmes. En outre, seulement quatre fédérations sportives étaient présidées par des femmes. Il est d'ailleurs opportun de remarquer que, jusqu'à il y a 6 ans, la fédération française d'éducation physique et de gymnastique volontaire était présidée par un homme, alors que les femmes représentent plus de 78 % des licenciés.

Dans son rapport de 2011 sur le même thème 46 ( * ) , votre délégation a pu constater une légère amélioration : 21 % des élus aux bureaux, 15 % des cadres de fédérations, 15,5 % des conseillers techniques régionaux, 18,3 % des conseillers techniques nationaux, 11,1 % des entraîneurs nationaux et 5 % des directeurs techniques nationaux sont des femmes. Le nombre de femmes présidant des fédérations a également augmenté pour passer à 11.

Cette féminisation a été favorisée par la loi du 6 juillet 2000 qui a subordonné l'agrément des fédérations sportives à la présence dans leurs statuts de dispositions garantissant l'égal accès des femmes et des hommes à leurs instances dirigeantes (article L. 124-1 du code du sport). L'article R 121-3 du même code précise que la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles. Votre délégation avait relevé 47 ( * ) que l'application de ces dispositions dans des fédérations très féminines ou au contraire très masculines dans leur composition ne permet pas par elle-même de promouvoir une certaine mixité au sein des instances dirigeantes. Or c'est cette mixité qui permettra d'améliorer l'égalité homme-femme dans le sport et donc, par répercussion, dans la société en général. Aussi votre délégation avait-t-elle proposé que l'application de règles, relatives au reflet de la répartition des licenciés entre les deux sexes, ne conduise pas à attribuer moins de 20 % des sièges au sexe le moins représenté . Elle ne peut ainsi que saluer la proposition du Gouvernement visant à la fois à renforcer la parité dans les fédérations mixtes et à assurer une certaine mixité dans les instances de fédération les plus masculines ou féminines.

En effet, le projet de loi prévoit que, lorsque la proportion des licenciés de chacun des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, l'écart entre le nombre des membres de chaque sexe des instances dirigeantes ne peut être supérieur à un. En revanche, lorsque cette proportion est inférieure à 25 %, une proportion minimale de sièges, qui ne peut être inférieure à 25 %, doit être prévue pour les personnes de chaque sexe dans les instances de ces fédérations.

Toutefois, votre délégation souligne les obstacles rencontrés par les femmes en dehors des instances dirigeantes. Ainsi, en 2012, très peu de femmes, seulement 5 sur 58 postes, sont directrices techniques nationales. De même, seuls 12 % des entraîneurs nationaux sont des femmes (42 sur 340). Enfin, pour ce qui concerne les conseillers techniques régionaux, 229 sont des femmes sur 1270, soit 18 %. Certes, les conventions d'objectifs liant l'Etat à chaque fédération sportive prévoient désormais l'obligation pour celle-ci de se doter d'un plan de féminisation concernant la pratique sportive, l'encadrement, la formation et l'arbitrage. Cependant, pour l'instant, seules 10 fédérations ont défini un tel plan 48 ( * ) .

Votre délégation approuve le principe d'une amélioration de la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives mais demande que la recherche d'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans le monde sportif soit étendue aux postes d'encadrement (directeur technique national, entraîneur national, conseiller technique régional...).

3. Rendre l'État exemplaire en matière de parité : les ordonnances prévues par l'article 23 du projet de loi

Le projet de loi vise à favoriser la présence des femmes afin de renforcer l'égalité homme-femme dans un ensemble d'instances et d'organismes publics ou de droit public. C'est le cas notamment des autorités administratives indépendantes, de l'ensemble des commissions et instances délibératives ou consultatives placées auprès du Premier ministre, ainsi que des organismes relatifs à la sécurité sociale ou encore de la Banque de France. Cette démarche s'inscrit dans la volonté d'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes souhaitée par le Gouvernement.

La délégation approuve ce dispositif qui s'inscrit dans le prolongement des recommandations qu'elle a formulées, selon lesquelles l'État et, de manière plus générale, la sphère publique doivent être exemplaires en matière de parité.

4. Mettre fin à la dérogation dont bénéficiaient les EPIC de moins de 200 salariés en matière de parité

Depuis 2001, plusieurs mesures ont été mises en place afin de renforcer la présence des femmes dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance des unités de production. Ainsi, la loi n°2011-103 a prévu que la proportion des membres du conseil d'administration ou de surveillance de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 % pour :

• « Les établissements publics industriels et commerciaux de l'État, autres que ceux dont le personnel est soumis à un régime de droit public ; autres établissements publics de l'État qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial, lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles du droit privé.

• Les sociétés mentionnées à l'annexe I de la loi.

• Les entreprises nationales, sociétés nationales, sociétés d'économie mixte ou sociétés anonymes dans lesquelles l'État détient directement plus de la moitié du capital social ainsi que les sociétés à forme mutuelle nationalisées.

• Les sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, à lui seul par l'un des établissements ou sociétés mentionnés au présent article, et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à 200.

• Les autres sociétés anonymes dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue, directement ou indirectement, depuis plus de six mois, conjointement par l'État, ses établissements publics ou les sociétés mentionnés au présent article, et dont le nombre de salariés employés en moyenne au cours des vingt-quatre derniers mois est au moins égal à 200 ».

Mais cette obligation de mixité ne s'appliquait pas aux EPIC de moins de 200 salariés du fait de l'article 4 de la même loi. Il s'agissait ainsi des seuls établissements publics non soumis à cette obligation car la loi n°2012-347 est venue étendre ce principe à tous les autres établissements publics.

Votre délégation approuve l'extension de ces obligations aux EPIC de moins de 200 salariés.

5. Étendre la portée de la loi de 2011 sur la parité dans les instances de gouvernance aux entreprises de plus de 200 salariés

En l'état actuel du droit, la loi de 2011 impose un quota de 40 % du sexe le moins représenté au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des entreprises de plus de 500 salariés 49 ( * ) . Le rapport de votre délégation intitulé « vers la parité pour la gouvernance des entreprises » avait souligné que les propositions parlementaires de fixer un objectif de 40 % de femmes dans les conseils d'administration d'ici 2016, avait eu un effet d'entraînement sur les entreprises du CAC 40. D'après les informations fournies par Marie-Ange Debon (MEDEF), le nombre de femmes dans les conseils d'administration a augmenté de 50 % entre avril et septembre 2010 50 ( * ) . L'augmentation du nombre de femmes dans ces conseils d'administration, avant même l'application de la loi, montre l'existence d'un « vivier de femmes compétentes et disponibles » pour reprendre l'expression utilisée dans ce rapport. Dès lors, votre délégation est persuadée qu'un tel vivier existe également pour les entreprises ayant entre 250 et 500 salariés.

Elle propose ainsi d'étendre la portée des modifications introduite à la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle en abaissant à 250 salariés le seuil à partir duquel, les conseils de surveillance et d'administration des entreprises ne peuvent avoir moins de 40 % de membres de chaque sexe.

6. Les limites des mesures incitatives en politique

La loi du 6 juin 2000 s'est efforcée de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de députés à l'Assemblée nationale en infligeant aux partis politiques qui ne présentaient pas un nombre suffisant de candidates, une retenue sur la première fraction de l'aide publique qui leur est versée.

Les articles 8 et 9 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 précisent les modalités régissant l'aide publique aux partis politiques, laquelle est partagée en deux fractions.

La première fraction est calculée en fonction des résultats des partis et groupements politiques aux élections législatives. La répartition est proportionnelle au nombre de suffrages obtenus au premier tour de ces élections par les candidats ayant indiqué qu'ils se rattachaient à tel ou tel parti ou groupement politique dans leur déclaration de candidature.

La seconde fraction est spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement, sous réserve qu'ils soient déjà bénéficiaires de la première fraction. Son versement est attribué proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée y être inscrits ou s'y rattacher 51 ( * ) .

La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a introduit une diminution de la première fraction en cas d'écart entre le nombre de candidats hommes et femmes présentés par un groupe ou parti politiques supérieur à 2 %. Le montant de la première fraction qui leur est attribué est diminué alors d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart. Le Conseil constitutionnel a jugé ce système conforme à la Constitution dans la mesure où « le dispositif ainsi instauré ne revêt pas le caractère d'une sanction mais celui d'une modulation de l'aide publique » « destinée à inciter ces partis et groupements à mettre en oeuvre le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux » 52 ( * ) .

La modulation a été renforcée en 2007 : la première fraction de l'aide publique est désormais diminuée d'un pourcentage égal aux trois quarts de l'écart entre le nombre de candidats et de candidats, si ce dernier est supérieur à 2 %.

Or, bien que l'on constate une augmentation du nombre de femmes députées, notamment lors du dernier renouvellement, puisqu'elles sont passées de 18,7 % à 25 % de l'effectif de l'Assemblée, force est de constater l'efficacité toute relative de cette loi en 10 ans. Les femmes, qui représentent 52 % de la population française, restent sous-représentées et même en dessous des 30 % reconnus comme nécessaires pour exercer une véritable influence dans le processus de décision 53 ( * ) .

Évolution de la proportion de femmes élues à l'Assemblée nationale

Année

1997

2003

2007

2012

Proportion de femmes élues

10,9 %

12,3 %

18,5 %

25 %

Cette évolution globale de la proportion de femmes à l'Assemblée nationale reflète de fortes disparités entre les différents groupes politiques.

D'ailleurs, il est frappant de constater que la proportion de femmes candidates aux dernière élections législatives a baissé par rapport à celles de 2007 et que de grands partis nationaux ne respectent pas la loi. Comme le souligne Bruno Leroux, « les partis préfèrent ne pas respecter cet objectif et encourir des pénalités financières » 54 ( * ) .

Proportion de femmes candidates aux élections législatives
(partis représentés à l'Assemblée nationale)

Groupe politique

2002

2007

2012

Parti communiste/Front de Gauche

44,0 %

46,5 %

47,8 %

Parti socialiste

36,4 %

45,5 %

45,3 %

Radicaux de gauche

26,9 %

31,8 %

37,5 %

Europe écologique-Les Verts

49,8 %

50,4 %

49,6 %

UDF/Modem

19,6 %

36,9 %

37,1 %

UMP

19,9 %

26,6 %

25,7 %

Nouveau Centre

/

/

32,4 %

Front National

48,4 %

48,8 %

48,9 %

Total

38,9 %

41,6 %

40,0 %

Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes. Ministère de l'intérieur - mai 2012.

En outre, au regard de la proportion de femmes dans les groupes politiques à l'Assemblée nationale, l'on peut constater que les femmes sont principalement investies dans les circonscriptions non gagnables ou difficilement gagnables pour le parti.

Comparaison proportion de candidates/proportion de députées
par groupe politique aux élections législatives de 2012

Groupe/mandature

% de candidates

% de députées dans le groupe

Socialiste, républicain et citoyen

45,3 %

36 %

écologiste

49,6 %

47 %

Radical, républicain, démocrate et progressiste

37,5 %

18,7%

UMP

25,7 %

13,6 %

UDI

3,2 %

Gauche démocrate et républicaine

47,8 %

20 %

Non inscrits

42,8 %

total

40,0%

25,0 %

Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes. Ministère de l'intérieur - mai 2012. - Site de l'Assemblée nationale

Votre délégation est donc favorable à un renforcement de l'incitation des partis à respecter la parité.

Elle s'interroge également sur la possibilité d'étendre les retenues à la deuxième fraction de l'aide publique. En effet, les subventions allouées dans ce cadre, qui sont légèrement supérieures à celle de la première fraction, réduisent fortement l'impact global des pénalités financières qu'elles rendent ainsi plus « supportables ».

Effet de lissage de la deuxième fraction du financement
(subvention publique attribuée aux principaux partis en 2011)

Parti
ou groupe-ment politique

% de candidates (élections législatives 2007)

Retenue (en €)

Subventions au titre de
la première fraction après retenue
(en €)

% sanction par rapport
à la 1 ère fraction potentielle

Subvention au titre
de la deuxième fraction
(en €)

Dotation globale (en €)

%
sanction financière /dotation globale

UMP

26%

3 922 512

12 444 433

24%

17 693 680

30 138 113

13%

PS

45,2%

485 822

9 748 354

5%

13 133 018

22 881 372

2%

Modem

36,2%

420 538

2 634 665

14%

929 023

3 563 689

12%

PCF

46,7%

63 518

1 779 748

3%

1 562 449

3 3 42 197

2%

Les Verts

50,3%

0

1 368 704

0 %

591 197

1 959 901

0 %

PRG

32,4%

102 006

478 966

18%

844 567

1 323 689

8%

FN

49,3%

0

1 744 403

0%

0

1 744 403

0%

Total

44,6%

4 530 677

32 682 396

12%

35 767 416

68 449 812

7%

Source : haut conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes

C'est pourquoi, votre délégation souhaite qu'une réflexion soit menée sur les possibilités de la mise en place d'une retenue financière basée sur la deuxième fraction afin de renforcer l'égal accès entre les femmes et les hommes aux fonctions électives tout en évitant de porter atteinte au pluralisme des courants d'idées et d'opinions.

D'autres mesures pourraient en outre être envisagées : la mise en place d'un statut de l'élu serait de nature à favoriser l'exercice par les femmes de responsabilités politiques 55 ( * ) . En effet, la complexification du droit et la décentralisation pour les élus locaux ont pour conséquence que l'exercice d'un mandat est une charge de plus en plus lourde qui nécessite une grande disponibilité. Des dispositifs ont été mis en place par le législateur, comme les autorisations d'absence ou le congé de formation, visant à concilier l'exercice d'un mandat avec la vie professionnelle. Toutefois, tous les élus ne peuvent pas en bénéficier car des conditions tenant à la taille de la collectivité ou encore à la détention d'une délégation sont posées. Ainsi, le mécanisme de suspension du contrat de travail pour l'exercice d'un mandat est réservé aux maires/présidents et adjoint des collectivités ou EPCI de plus de 20 000 habitants seulement. Or cette absence de protection pour certains mandats a un effet peu incitatif, d'autant plus que la situation économique des femmes est plus précaire. Elles ont ainsi plus de réticences à s'engager dans un mandat politique au regard des conséquences lourdes que cela peut avoir sur leur vie professionnelle.


* 42 Chiffres de l'assemblée permanente des Chambres de Métiers et de l'Artisanat, avril 2012.

* 43 Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.

* 44 Décision de l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État du 7 mai 2013.

* 45 Femmes et sports, Brigitte Deydier, rapport demandé par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, avril 2004.

* 46 Rapport n°650, « Egalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles », Mme Michèle André, Sénat, session 2010-2011.

* 47 Rapport n°650, « Egalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles », Mme Michèle André, Sénat, session 2010-2011.

* 48 Fédérations de handball, basket-ball, cyclisme, football, aviron, hockey sur glace, montagne et d'escalade, boxe, triathlon et de tennis.

* 49 Loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle.

* 50 Rapport d'information n°45 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, « vers la parité de gouvernance des entreprises », Sénat, session 2010-2011.

* 51 Rapport d'information n°552 de Mme Michèle André sur l'impact pour l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives des dispositions du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, Sénat, session 2012-2013.

* 52 Décision n° 2000-429 DC du 30 mai 2000 du Conseil constitutionnel.

* 53 Au Sénat, le nombre de femmes a quadruplé en 10 ans ; toutefois, elles représentent seulement 22% des sénateurs, soit une stagnation par rapport à la précédente élection. Cette évolution sur 10 ans est due aux obligations paritaires introduites par la loi du 6 juin 2000 pour les élections se déroulant à la proportionnelle. Ainsi, en 2011, sur les 49 sénatrices élues, soit 29% des sièges renouvelés, 39 l'ont été au scrutin proportionnel et 10 au scrutin majoritaire.

* 54 Rapport n°2512 de M. Bruno Le Roux, sur la proposition de loi visant à renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives, Assemblée nationale, session 2009-2010.

* 55 Rapport d'information n°533 de Mme Laurence Cohen sur les dispositions du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs, 2012-2013.

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