B. ALLER PLUS LOIN DANS LA PARITÉ : ÉLARGIR LE NOMBRE DES INSTANCES CONCERNÉES

1. Renforcer la présence des femmes dans les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux

Le conseil économique, social et environnemental régional est l'assemblée consultative placée auprès du conseil régional et de son président afin de l'assister dans les politiques régionales. Il émet des avis sur les principales politiques de la région, il peut de sa propre initiative étudier toute question d'intérêt régional relevant de l'action économique, sociale ou culturelle, il réalise des études prospectives d'intérêt régional et participe à l'animation du débat démocratique local. L'article R. 4134-1 du code général des collectivités territoriales précise sa composition. Il est constitué de quatre collèges composés comme suit :

- le premier collège comprend des représentants des entreprises et activités professionnelles non salariées dans la région ;

- le deuxième collège comprend des représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives ;

- le troisième collège comprend des représentants des organismes et associations qui participent à la vie collective de la région ;

- le quatrième collège est composé de personnalités qualifiées nommées par le préfet.

Aucun membre du conseil économique, social et environnemental régional n'est élu : ils sont tous désignés. Une association, une fédération, un syndicat, une organisation patronale, une organisation représentative d'un secteur d'activité très présent sur le territoire local ou encore une chambre consulaire désignent ainsi une ou plusieurs personnes, en fonction de leur importance. Un arrêté du préfet établit le nombre de personnes que chacun de ces acteurs peut désigner.

Or aucune disposition n'a pour l'instant été envisagée pour favoriser la présence des femmes au sein de ses instances. Aujourd'hui, les conseils économiques et sociaux régionaux (CESER) ne comportent en moyenne que 19,5 % de femmes avec de très fortes différences d'une région à l'autre : 10,2 % au CESER Poitou-Charentes à 30,5 % au CESER Pays-de-la-Loire.

Il existe également de fortes disparités entre les différents collèges : le collège 1, regroupant les organisations patronales, est le moins féminisé avec seulement 7,4 % de femmes. Au contraire, le collège des personnes qualifiées est pratiquement paritaire avec 46,3 %, reflétant les instructions données aux préfets de respecter la parité dans la désignation de ces membres. Là encore, certains préfets font preuve de plus de volontarisme que d'autres. Ainsi, en Aquitaine, 4 des 5 personnes qualifiées sont des femmes, soit 80 % des désignations, alors qu'en Nord-Pas-de-Calais, le ratio est de 1 femme pour 4 hommes. Dans le Limousin ou la Haute-Normandie, aucune femme n'a en revanche été désignée.

Au niveau national, il est intéressant de constater que le conseil économique, social et environnemental a fait l'objet d'une réforme par la loi organique n°2010-704 du 28 juin 2010 56 ( * ) visant notamment par son article 7 à renforcer la présence des femmes au sein de cette institution. Ainsi, « dans tous les cas où une organisation est appelée à désigner plus d'un membre du Conseil économique, social et environnemental, elle procède à ces désignations de telle sorte que l'écart entre le nombre des hommes désignés, d'une part, et des femmes désignées, d'autre part, ne soit pas supérieur à un ». Il en est de même pour les personnes qualifiées. En raison du grand nombre d'organisations représentées, c'est donc au niveau de chacune d'entre elles et non de manière globale que la parité est appréciée.

La loi organique n'a prévu aucune période de transition. En effet, le législateur a estimé que, s'agissant d'une assemblée non élue, ce temps d'adaptation n'était pas nécessaire. Les effets de cette loi sur la présence des femmes ont été significatifs. Elles sont passées de 22 % des conseillers à plus de 40 %.

Votre délégation recommande de transposer ce système aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux dans l'ensemble des collèges.

Représentation des femmes au sein des CESER métropolitains (source : Assemblée des CESER)

2. Faire des femmes des acteurs du dialogue social

Les syndicats et les organisations représentatives du patronat jouent un rôle décisif dans les relations de travail. Le législateur a d'ailleurs reconnu leur importance en institutionnalisant à l'article 1 er du code du travail le dialogue social, lequel prévoit que « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation ». Par ailleurs, de plus en plus d'accords sont désormais négociés et signés par les partenaires sociaux avant d'être retranscrits dans la loi. C'est le cas notamment de l'accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation des emplois. Or, malgré une augmentation ces dernières années, les femmes sont encore relativement plus faiblement syndicalisées que les hommes.

Femmes dans les confédérations
(hors CFE-CGC, UNSA et Solidaires)

Syndicat

2000

2008

2012

CFDT

43 %

45 %

47 %

CFTC

40 %

39 %

50 %

CGT

28 %

28 %

35 %

CGT-FO

45 %

45 %

45 %

Cinquième enquête annuelle du 8 mars de la confédération européenne des syndicats en 2012

La forte augmentation de la proportion d'adhérentes à la CFTC s'explique en partie par la baisse relative du nombre d'adhésions, plutôt que par une progression significative du nombre de femmes. A contrario , l'on peut noter l'augmentation de 7 points du taux de la féminisation de la CGT, alors que dans le même temps le nombre d'adhérents augmentaient de 50 000 personnes.

Les chiffres ne sont pas disponibles pour la CFE-CGC, l'UNSA et Solidaires pour les mêmes périodes. En revanche, entre 2000 et 2007, le taux de féminisation a augmenté à la CFE-CGC passant de 18,5 % à 23 %.

Par ailleurs, les femmes sont également sous-représentées dans les instances de décision de nombreux syndicats ou organisations représentatives du patronat, bien que certains d'entre eux aient été ou sont dirigés par une femme. C'est le cas de la CFDT, dirigée par Nicole Notat entre 1992 et 2002, de l'UNSA qui, à sa création, a eu à sa tête pendant un an Martine Le Gal, de l'UNAPL entre 1995 et 1997, ainsi qu'entre 2001 et 2004, du MEDEF dirigé entre 2005 et 2013 par Laurence Parisot et de la CFFE-CGC conduite depuis avril 2013 par Carole Couvert.

Présence des femmes dans l'exécutif national des syndicats 57 ( * )

Syndicat/organe

2000

2007 (%)

2013 (%)

Observations
(entre 2007 et 2013)

CFE-CGC/ direction confédérale

1

2/9 (22,2 %)

2/3 (66 %)

Chute du nombre de déléguées nationales : de 58 % à 31,2 % (5/16)

CFDT/ commission exécutive

2

3/9 (33,3 %)

3/9 (33,3 %)

Une femme en plus dans le bureau national

CGT/ Bureau confédéral

8

6/12 (50 %)

6/12 (50 %)

Parité également dans la commission exécutive

CGT-FO/ Bureau confédéral

3

3/13 (23 %)

5/13 (38,5 %)

Même nombre de femmes dans la commission exécutive (8,5 %) entre 2007 et 2013

CFTC/ Bureau confédéral

2

2/16 (12,5 %)

2/15 (13,3 %)

Baisse de la proportion de femmes dans le conseil confédéral (de 22 % à 10 %)

UNSA/secrétariat national

0

4/11 (36,4 %)

3/11 (27,3 %)

Pour ce qui concerne les organisations représentatives du patronat, la féminisation des instances exécutives reste faible et semble stagner 58 ( * ) .

Si on constate une forte augmentation de la féminisation des instances du MEDEF entre 2000 et 2007 - le nombre de femmes passe de 4 à 7 dans le conseil exécutif et 3 deviennent présidentes d'une des 13 commissions permanentes - les chiffres sont les mêmes en 2013, soit 6 ans après la dernière étude menée par le Conseil économique, social et environnemental 59 ( * ) .

De même, le nombre et la proportion de femmes au sein de la FNSEA n'a pas évolué sur cette période. Sur les 19 des 23 membres du bureau présentés sur le site internet de la FNSEA, seules 2 sont des femmes, soit 10 %.

La proportion de femmes a même baissé au sein du bureau de l'UNAPL. Les femmes qui étaient 4 sur 21 élus membres (19 %) ne sont plus que 3 sur 24 élus (sans le président), soit 12,5 %.

Toutefois, l'on peut souligner la féminisation progressive des instances nationales décisionnelles de l'UPA. Ainsi, la proportion de femmes au conseil national est passée de 6,25 % à 19 % (4 femmes sur 21). Une femme fait également partie des représentants de la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Au contraire, l'on peut regretter la présence que d'une seule femme parmi les six représentants de la confédération nationale de l'artisanat, des métiers et des services, alors que les femmes constituent 41 % des chefs d'entreprises dans cette branche.

Ces organisations sont toutefois conscientes des enjeux de la féminisation, tant de leurs adhérents que des instances de direction locales ou nationale.

- La CFDT a été la première à mettre en place une action volontariste dès le début des années 1980. Ainsi, en 1982, la décision a été prise de rendre obligatoire la présence d'au moins une femme dans les délégations comportant trois délégués et plus au conseil national. En 2001, le congrès national fixe entre autres comme objectifs la « mixité proportionnelle » des adhérents dans les fédérations et la parité pour l'interprofessionnel et la confédération. Toutefois, la féminisation semble aujourd'hui marquer le pas.

- La CGT , pour sa part, a décidé lors de son congrès de 1999 d'introduire la parité dans ses instances nationales. En outre, dans sa charte égalité femmes/hommes de 2007, elle s'engage à « parvenir à une juste représentativité des femmes à tous les niveaux de prises de décisions (commission exécutive, bureau de chaque structure, mandatement aux congrès, participation aux délégations...) en favorisant, à profil égal, le sexe sous-représenté en fonction du nombre de syndiqué-e-s, voire du nombre de salarié-e-s pour tendre vers la parité ».

- La CGT-FO a mis en place des référents « égalité » dans les structures départementales et les fédérations, qui doivent promouvoir l'égalité, inciter au recrutement de femmes dans les instances, ainsi que dans les instances représentatives du personnel dans les entreprises.

- La commission confédérale « équité hommes-femmes » de la CFTC a retenu comme objectif en 2006 la facilitation de l'accès des femmes à des postes de responsabilité, notamment au sein de la CFTC.

- Quant à l'UNSA , dans sa réponse à la cinquième enquête annuelle du 8 mars de la confédération européenne de syndicats en 2012, elle a indiqué être à un stade « de prise de conscience » et réfléchit aux moyens de promouvoir davantage les femmes en son sein.

Les organisations représentatives du patronat mettent également en place des initiatives similaires. Ainsi, l'existence de la commission nationale des agricultrices, dont le président est membre de droit du bureau de la FNSEA, vise notamment à promouvoir une meilleure reconnaissance socio-économique des agricultrices à hauteur de leur proportion dans la population active agricole non salariée.

La confédération européenne des syndicats mène depuis 1993 des études sur la représentativité des femmes dans les syndicats. Depuis 2008, elle réalise également une enquête annuelle publiée le 8 mars et fondée sur un questionnaire envoyé à l'ensemble des syndicats nationaux adhérents. Le 9 mars 2011, elle a publié un document contenant plusieurs recommandations « pour améliorer l'équilibre hommes-femmes au sein des syndicats » 60 ( * ) . 19 concernent les organisations affiliées, visant principalement à améliorer la connaissance sexuée des membres des instances, à mettre en place des « mesures de formation et d'accompagnement des femmes afin de les préparer pour des rôles de dirigeantes et pour la prise de décision ».

Toutefois, comme le souligne le rapport « femmes et travail » de votre délégation 61 ( * ) , d'une façon générale, les organisations syndicales reconnaissent qu'elles ont encore des progrès à faire sur le chemin de la mixité et qu'elles sont encore loin de la parité. Anne Baltazar, secrétaire confédérale de la CGT-FO, avait indiqué, lors de son audition dans le cadre de ce rapport, que les contraintes lourdes de la vie syndicale, notamment le présentéisme et l'obligation de mobilité, s'avèrent souvent dissuasives pour les femmes. En effet, dans la mesure où les postes de direction sont situés à Paris, les femmes hésitent à s'y porter candidates pour des raisons de disponibilité et de mobilité et par crainte de bouleverser leur vie familiale.

Face à ce constat, la délégation invite, comme elle avait pu le faire à l'occasion de son rapport de 2013 « Femmes et travail », les organisations syndicales à poursuivre les efforts qu'elles ont engagés en interne pour améliorer la mixité dans leurs différentes instances et aboutir à une parité véritable dans leurs instances de direction.

3. Améliorer la parité dans les conseils de prud'hommes

Les femmes ont le droit de vote aux élections prud'homales depuis 1907 et sont éligibles depuis 1908. La présence de femmes, tant dans le collège salariés que dans celui employeurs, est importante car les conseillers prud'homaux sont appelés à trancher des litiges du droit du travail.

La loi n° 2001-397 sur l'égalité professionnelle a permis une forte augmentation de la féminisation de ces instances. On est ainsi passé de 18,5 % de femmes en 1997 à 24,3 % en 2002. En effet, l'article 12 de cette loi prévoit que « pour le prochain renouvellement des conseils de prud'hommes, les organisations présentant des listes de candidats devront faire en sorte de présenter une proportion de femmes et d'hommes réduisant d'un tiers, par rapport au précédent scrutin, l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral selon les modalités propres à favoriser la progression du pourcentage de femmes élues . » Ce système a été préféré à celui proposé par le Sénat qui prévoyait que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne pouvait être supérieur à un. En effet, l'Assemblée nationale avait jugé qu'une modification aussi brutale n'était pas possible dans la mesure où « l'exercice de la fonction de conseiller prud'homal impose une formation lourde » et « requiert également une disponibilité particulière » 62 ( * ) .

Lors des dernières élections de 2008, la part des femmes a encore progressé, passant à 28 %, mais l'on peut toutefois noter qu'elle marque le pas, puisqu'elle ne progresse plus que de 4 points. La féminisation des conseils de prud'hommes et sa progression dépendent également du secteur considéré. Ainsi, en 2009 les femmes représentent plus de 38 % des conseillers prud'homaux dans le secteur « activités diverses », alors qu'elles étaient le moins présentes dans le secteur « industrie ». Toutefois, cette section est celle connaissant la féminisation la plus rapide.

La part des femmes dans les conseils de prud'hommes, par section, en 1997, 2002 et 2008 (en %)

L'une des raisons de ce fléchissement dans la féminisation est l'absence de toute sanction en cas de non-respect de l'article 12 de la loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de 2001. En effet, le texte précise que les organisations présentant des listes doivent seulement « faire en sorte », sans plus de contraintes. En outre, le rapport du Gouvernement, prévu par le même article « sur la mise en oeuvre de cet objectif et sur les moyens permettant d'atteindre lors des scrutins ultérieurs une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes, compte tenu de leur place dans le corps électoral », n'a jamais été remis au Parlement.

C'est pourquoi, votre délégation propose l'instauration de mesures contraignantes visant à garantir la présentation de listes paritaires à ces élections , d'autant plus que, depuis 2001, les différents collèges ont eu le temps de prévoir les formations lourdes mises en avant comme obstacles à une parité immédiate il y a 12 ans. En outre, les prochaines élections auront lieu en 2015, laissant le temps de prendre en compte la nouvelle législation. Enfin, elle souhaiterait que le rapport prévu à l'article 12 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes soit remis par le Gouvernement au Parlement.


* 56 Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental.

* 57 Chiffres de 2000 : Femmes dans les lieux de décision, Michèle Cotta pour le conseil économique et social, 2000.

Chiffres de 2007 : La place des femmes dans les lieux de décision : promouvoir la mixité, Monique Bourven pour le conseil économique et social, 2007.

Chiffres de 2013 : sites internet des syndicats, juillet 2013.

* 58 Les chiffres de 2007 sont tirés de l'étude citée ci-dessus. Ceux de 2013 proviennent des sites internet de ces organisations en juillet 2013.

* 59 La place des femmes dans les lieux de décision : promouvoir la mixité, Monique Bourven pour le conseil économique et social, 2007.

* 60 De l'adhésion à la prise de décision : recommandations pour améliorer l'équilibre hommes-femmes au sein des syndicats, adopté par le comité exécutif de la confédération européenne des syndicats du 9 mars 2011.

* 61 Rapport d'information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin n°279, « Femmes et travail : agir pour un nouvel âge de l'émancipation », Sénat, session 2012-2013.

* 62 Rapport n°2744 de Mme Catherine Génisson sur la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Assemblée nationale, session 2000-2001.

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