II. UN SUIVI DU PATRIMOINE IMMOBILIER DES CHU ET UNE AMÉLIORATION DE L'EFFICIENCE INSUFFISANTS

Au terme de l'examen approfondi de sept CHU, la Cour des comptes dresse deux principaux constats :

- d'une part, le suivi du patrimoine affecté aux soins est insuffisant tant au niveau régional qu'au niveau national ;

- d'autre part, l'effort accru d'investissement , ces dix dernières années, ne s'est pas accompagné d'une réelle dynamique d'efficience .

A. L'ABSENCE DE VISION CONSOLIDÉE DU PATRIMOINE IMMOBILIER AFFECTÉ AUX SOINS

1. La fragmentation de l'information relative au patrimoine et aux coûts de l'immobilier
a) Une connaissance du parc immobilier affecté aux soins insuffisante au niveau national

L'un des principaux motifs de votre commission des finances pour demander la présente enquête à la Cour des comptes était de disposer d'un état des lieux du patrimoine immobilier hospitalier. Faute d'un cadre commun permettant d'agréger l'ensemble des données des CHU, il n'a toutefois pas été possible de dresser un tel état des lieux.

La Cour des comptes relève toutefois que le recensement physique du patrimoine immobilier par chaque CHU est globalement satisfaisant . Ceux-ci disposent d'outils informatiques spécifiques, y compris d'outils d'aide à la gestion technique permettant d'améliorer la connaissance de l'état du parc et de superviser l'ensemble des équipements.

Cependant, la Cour réitère le constat dressé lors de la précédente enquête sur le patrimoine non affecté aux soins : « le ministère de la santé ne dispose pas d'outils suffisants de connaissance et de suivi du patrimoine hospitalier pour lui permettre de définir et de mettre en oeuvre avec toute la rigueur souhaitable une politique active en ce domaine ».

b) Une approche en « coût global » trop souvent négligée

S'agissant des coûts de l'immobilier hospitalier affecté aux soins, leur connaissance demeure parcellaire. Les travaux de la Cour des comptes font état d'un suivi relativement complet des coûts d'exploitation et de maintenance. Néanmoins, comme dans le cas du recensement du patrimoine physique, les données recueillies ne sont pas toujours comparables en raison de comptabilisations différentes.

De surcroît, la Cour des comptes relève que « lors du lancement d'une opération d'investissement, les CHU raisonnent rarement en coût global », ce qui conduit à négliger les coûts d'exploitation et de maintenance des investissements réalisés . Selon une étude de la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques, le coût d'investissement d'une opération immobilière du secteur tertiaire ne représenterait que 25 % du goût global, le reste correspondant à la dépense s'effectuant tout au long du cycle de vie du bâtiment 10 ( * ) .

2. Les progrès attendus du nouvel outil OPHELIE
a) La préparation de la certification des comptes des CHU

Dans le cadre de la préparation de la certification des comptes des établissements publics de santé, prévue par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) 11 ( * ) , à compter de l'exercice 2014, la fiabilisation des données comptables relatives au patrimoine hospitalier est nécessaire.

C'est notamment pour cette raison que la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a entrepris de mettre en place un outil spécifique d'inventaire du patrimoine immobilier hospitalier, affecté aux soins ou non, baptisé OPHELIE.

Pour les comptes de l'exercice 2014, seuls trente-et-un établissements seront concernés par l'obligation de certification 12 ( * ) ; en 2015 et 2016 tous les établissements dont les recettes dépassent 100 millions d'euros s'engageront progressivement dans la démarche de certification 13 ( * ) .

b) Le développement d'un outil d'inventaire et de gestion immobilière (OPHELIE)

Créé par l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), sur le fondement d'un référentiel de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), l'outil informatique OPHELIE représente une source de progrès potentiels importante. Il devrait permettre de disposer d'une vision globale, aux niveaux régional et national, de la surface du patrimoine immobilier hospitalier et de son état .

En outre, la DGOS souhaite faire d'OPHELIE un instrument de pilotage du patrimoine immobilier au niveau de chaque établissement . Recensant soixante indicateurs de performance dans cinq domaines (maîtrise des coûts immobiliers et de la valeur du patrimoine, maîtrise des risques réglementaires, sanitaires et techniques, adéquation fonctionnelle des locaux, performance environnementale et management de la fonction immobilière), l'outil doit permettre de renforcer les compétences de gestion des acteurs et de réaliser des comparaisons entre établissements afin de mieux maîtriser les coûts.

Après une phase de test dans les hôpitaux de Franche-Comté et des Pays-de-la-Loire, OPHELIE devrait être déployé au niveau national selon trois phases successives en 2014.

c) Un outil trop ambitieux ?

La Cour des comptes apparaît sceptique vis-à-vis du projet OPHELIE, qu'elle juge trop ambitieux. Elle relève notamment que « les CHU de l'enquête ont indiqué ne pas être informés de l'existence de cet outil et de son déploiement à venir » et ajoute que « les prérequis nécessaires à la mise en place d'OPHELIE ont probablement été mal évalués ».

Dans le cadre du premier volet de l'enquête relatif au patrimoine immobilier non affecté aux soins, votre rapporteur spécial s'était déjà interrogé sur le risque d'avoir procédé à la seconde étape (la mise en place d'un instrument de gestion immobilière) avant la première étape , qui correspondait à la réalisation d'un simple inventaire préalable.

Compte tenu de l'enjeu important que représente cet outil pour une meilleure gestion du patrimoine immobilier hospitalier, votre rapporteur spécial ne peut que se joindre à la recommandation de la Cour des comptes d' « associer rapidement l'ensemble des CHU au projet OPHELIE afin de lever les éventuels obstacles à son déploiement ».

De plus, votre rapporteur spécial souligne à nouveau la nécessité de disposer au plus vite d'un état des lieux complet, au niveau national, du patrimoine immobilier affecté aux soins . L'outil OPHELIE ne doit pas perdre de vue ce prérequis indispensable à l'amélioration de la gestion du patrimoine immobilier hospitalier.


* 10 Mission interministérielle de qualité des constructions publics (MIQCP), « Ouvrages publics et coût global », janvier 2006 .

* 11 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 12 Cf. arrêté du 23 décembre 2013 fixant la liste des établissements publics de santé soumis à la certification des comptes pour les comptes de l'exercice 2014.

* 13 Cf. décret n° 2013-1239 du 23 décembre 2013 définissant les établissements publics de santé soumis à la certification des comptes.

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