EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 16 octobre 2013, sous la présidence de M. Yvon Collin, vice-président, la commission des finances a examiné le rapport de Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) .

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial . - En tant que rapporteur spécial des crédits dédiés à la sécurité routière, j'ai décidé de mener un contrôle budgétaire sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI). C'est d'ailleurs le seul opérateur de la mission budgétaire « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Elle est financée par une partie du produit des amendes de la circulation et du stationnement routiers. L'année dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, mon attention avait été attirée par l'évolution de son budget de fonctionnement. En particulier, j'avais pu constater une forte augmentation des loyers mais aussi une masse salariale équivalente à 95 000 euros par agent. J'ai donc voulu regarder de plus près la manière dont est géré cet établissement.

Depuis le début de mon contrôle - mais c'est purement fortuit - l'Agence est au coeur d'une petite tempête médiatique qui vient de causer la démission de son directeur. En effet, alors qu'elle a pour mission d'adresser des millions de contravention chaque année, son directeur - semble-t-il - ne payait pas les siennes lorsqu'il s'agissait de sa voiture de fonction.

Ce même directeur avait d'ailleurs appelé mon attention sur la question des flottes d'entreprise. En effet, le plus souvent les entreprises ne désignent pas les conducteurs et se substituent à eux pour le paiement de la contravention. En revanche, il n'y a pas de retrait de point alors que cela constitue une partie importante de la sanction.

Cette situation est d'autant plus regrettable que j'ai eu l'occasion de le rencontrer par deux fois et que je porte une appréciation globalement positive sur son action à la tête de l'Agence.

L'ANTAI est chargé d'envoyer les avis de contraventions relatifs aux infractions relevées par les radars et par les systèmes électroniques de procès-verbal - dit PVé. Elle s'appuie beaucoup sur des prestataires privés. Les effectifs de l'Agence, composée de 26 agents, sont principalement à Paris tandis que sur le site de Rennes, les personnels sont principalement employés par la société Atos Worldline.

Le Centre de Rennes, c'est une « usine à contraventions ». J'ai eu l'occasion de m'y rendre, c'est très impressionnant. Chaque jour, le Centre fait partir 117 000 courriers, la plupart sont des avis de contravention, et en reçoit environ 20 000, la plupart étant des contestations.

Compte tenu de cette organisation, l'Agence emploie surtout des cadres supérieurs de la fonction publique - cadres A ou A + - ou des contractuels spécialisés. Elle ne comprend qu'un cadre de catégorie B et trois cadres de catégorie C. Dès lors, cela explique la moyenne élevée de la masse salariale par agent.

Quant à la double implantation à Paris et à Rennes, l'ANTAI fait valoir qu'elle effectue un important travail interministériel sur Paris. Les loyers sont assez raisonnables puisqu'ils sont de 153 euros par mètre carré à Rennes et de 353 euros par mètre carré à Paris. Auparavant, le loyer était directement pris en charge par le sous-traitant et, en 2012, l'ANTAI a décidé de reprendre le bail à son nom, ce qui donne l'impression que ce poste a augmenté alors que, en réalité, l'Agence a réalisé une économie.

L'Agence est une structure principalement de pilotage. À Rennes, la société Atos emploie près de 70 ingénieurs. Pour suivre leur travail, l'ANTAI a recours à un autre prestataire extérieur. Son budget s'élève à environ 125 millions d'euros, qui se révèle plutôt rigide compte tenu du poids des marchés publics. En outre, compte tenu des volumes traités chaque jour, cela ne paraît pas anormal. L'Agence dispose de 40 à 45 jours de fonds de roulement, soit 14,5 millions d'euros. Le budget me paraît maîtrisé malgré une progression constante du nombre de courriers envoyés. En 2016, elle prévoit d'adresser 46 millions de courriers et d'en recevoir 12 millions.

La démarche de performance de l'ANTAI est tout à fait exemplaire. Elle dispose de plusieurs indicateurs suivis par « un pilote d'indicateur ». À titre d'illustration, 95 % des appels reçoivent une réponse dans un délai de 40 secondes.

En revanche, le taux d'envoi d'avis de contravention par rapport aux infractions relevées par les radars n'est que de 70 %. Autrement dit, 30 % des conducteurs « flashés » ne reçoivent jamais d'avis de contravention. Cela s'explique notamment par l'impossibilité de relever l'immatriculation : plaques sales, absence de plaques à l'avant des motos, etc.

Pour les plaques étrangères, l'entrée en vigueur d'une directive européenne, le 7 novembre prochain, permettra de mieux verbaliser les conducteurs des Etats-membres de l'Union européenne, hors Royaume-Uni, Irlande et Danemark. C'est un point d'effort qui n'est pas négligeable.

J'en termine avec les pistes d'amélioration pour l'ANTAI. D'abord, je pense que l'Agence peut gagner en productivité par une dématérialisation accrue, des procédures de contestations. Aujourd'hui, pour contester une contravention, il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, qui doit systématiquement être numérisée au Centre de Rennes. Au jour le jour, près de 150 personnes sont mobilisées sur différents postes pour assurer le traitement de ces contestations. Certes, comme le souligne le directeur de l'ANTAI, la dématérialisation va entraîner un afflux supplémentaire de contestations. Il semblerait que le fait d'effectuer la démarche de devoir poster une lettre recommandée décourage certains contrevenants. C'est pourquoi, je pense que, même en ligne, il serait possible de demander des frais de dossiers qui auraient le même « impact psychologique ». En tout état de cause, compte tenu des développements informatiques nécessaires, des frais de dossiers seraient tout à fait justifiés.

Une autre piste suivie par l'ANTAI consiste à élargir le champ d'intervention du PVé au-delà des infractions routières. Aujourd'hui, le PVé peut prendre en charge 687 natures d'infractions. À terme, on pourrait porter ce chiffre à 1 000.

En un mot, c'est une Agence dynamique qui effectue sa mission dans des conditions satisfaisantes. À terme, il me semble qu'elle peut encore diminuer ses coûts et augmenter ses ressources par la diversification de ses missions. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'évolutions de longue haleine qui doivent être préparées dès maintenant.

M. Yvon Collin, vice-président . - Je suis très étonné par le fait que 30 % des « flashs » ne fassent pas l'objet d'un avis de verbalisation.

M. Albéric de Montgolfier . - Compte tenu du nombre considérable de courriers reçus par l'Agence, avez-vous l'impression que les contestations sont traitées avec sérieux ? On m'a rapporté dans mon département le cas d'un tracteur agricole qui avait fait l'objet d'un relevé d'infraction par un radar sur le périphérique ! Et le conducteur a eu toutes les peines du monde pour faire débloquer le dossier. En un mot, est-ce que le recouvrement prime sur la qualité de la réponse ?

M. Gérard Miquel . - Pour ma part, je m'étonne de l'attitude du directeur qui vient de démissionner. Il a fait preuve d'un manque de discernement et la sanction me semble tout à fait justifiée.

J'aimerais connaître l'avis du rapporteur spécial sur la proposition d'abaisser à 80 kilomètres par heure la vitesse sur les routes départementales. Personnellement, je n'y suis pas du tout favorable. Je me méfie de toutes les formes d'intégrisme. Ce n'est pas ainsi que vous empêcherez les excès de vitesse. Nous devons continuer de travailler pour supprimer les points dangereux, installer des glissières de sécurité, etc. Les départements font ces aménagements mais nous n'allons tout de même pas interdire aux gens de circuler !

Mme Michèle André . - Vous aviez un questionnement sur les deux sites, à savoir une implantation à Paris et à Rennes. Je suppose qu'il y a une histoire derrière ces deux implantations. L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), par exemple, a bien un siège à Paris et une plateforme à Charleville-Mézières. Pensez-vous qu'il faudrait rapatrier tous les agents de l'ANTAI à Rennes ?

Ma seconde question rejoint celle d'Albéric de Montgolfier. Comment les contestations, en particulier celles ayant trait aux usurpations de plaques, sont-elles traitées ? Comment cela se passe-t-il en pratique ? Il est extrêmement facile de faire des fausses plaques. Aucun document n'est demandé. Ne faudrait-il pas apporter une preuve lorsque l'on fait faire des plaques d'immatriculation ?

Parfois aussi, les préfectures peuvent prendre un temps assez long pour enregistrer les ventes de véhicules.

M. François Fortassin . - Aujourd'hui, il est parfois difficile de traverser la France sans se faire « flasher » par un radar ! Il y a un certain nombre de limitations de vitesse qui n'ont aucune justification sur le plan de la sécurité routière. Le système est aveugle. Je circule régulièrement sur une autoroute sur laquelle la vitesse est limitée alternativement à 130 kilomètres par heure à 110 kilomètres par heure. Ces limitations s'appliquent de la même manière à tout heure de la journée et quel que soit la densité de la circulation.

Parfois, on a le sentiment que l'implantation de radars est justifiée par la levée de recettes plutôt que par la sécurité.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial . - S'agissant du traitement des contestations, deux tiers des lettres reçues concernent la désignation d'un autre conducteur. Quant aux autres, il s'agit certes d'un traitement de masse, qui peut parfois conduire à des incohérences mais, dans l'ensemble, les contestations font l'objet d'une réponse adaptée.

En cas de vol ou d'usurpation de plaques, il faut renvoyer le formulaire avec le récépissé de dépôt de plainte.

Sur la question de la double implantation, Rennes a été choisie car y était implanté le centre de recouvrement de la redevance télévisuelle. On a donc reconverti un service public existant. Je comprends l'argument avancé selon lequel il y a une grosse charge de travail interministériel. Néanmoins, il me semble que l'on pourrait regrouper une plus grande partie des effectifs à Rennes.

Je suis d'accord avec Gérard Miquel. Je me demande néanmoins si, dans d'autres administrations, on effectue des contrôles pour éviter de telles dérives. À mon avis, le directeur de l'ANTAI est loin d'être le seul.

Quant à la baisse de la vitesse sur les routes départementales, j'y suis également défavorable. Il faut se garder de solutions excessives. La politique de sécurité routière a porté ses fruits. Nous devons continuer mais c'est inutile d'aller trop loin. Je rejoins les réflexions de François Fortassin. Nous avons tous constaté que certains radars ne semblaient manifestement pas installés dans des zones accidentogènes. Pour autant, je ne pense pas que nous devons revenir en arrière. Il faut trouver le bon point d'équilibre.

À l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à Vincent Delahaye, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information .

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